Le déclenchement des licenciements collectifs de plus de 20 000 scientifiques et travailleurs de la santé publique au ministère de la Santé et des Services sociaux (HHS) marque un tournant historique dans l'effondrement de la démocratie américaine et les efforts de l'administration Trump pour instaurer une dictature fasciste aux États-Unis.
La guerre de Trump contre la science et la santé publique, supervisée par le complotiste anti-vaccin Robert F. Kennedy Jr, s'est maintenant transformée en une politique de terre brûlée et de vandalisme social, dans laquelle tous les acquis médicaux et scientifiques obtenus par d'innombrables scientifiques et travailleurs de la santé publique sont décimés du jour au lendemain.
Pour Trump et l'oligarchie financière qu'il représente, l'ennemi dans cette guerre est la classe ouvrière internationale, qu'ils sont déterminés à réduire à des conditions d'esclavage et de barbarie à une échelle jamais vue depuis le régime nazi d'Adolf Hitler. Sous la bannière orwellienne « Make America Healthy Again » (Rendre à l’Amérique sa santé), Trump et Kennedy créent délibérément les conditions propices à l'essor des maladies infectieuses, à la prolifération des pseudosciences et au déclin constant de l'espérance de vie des masses de travailleurs aux États-Unis et dans le monde entier.
Les licenciements collectifs de mardi ont coïncidé avec l’assermentation des nouveaux directeurs des Instituts nationaux de la santé (NIH), Jay Bhattacharya, et de la Food and Drug Administration (FDA), Martin Makary. Bhattacharya est surtout connu pour avoir coécrit la Déclaration de Great Barrington, le manifeste de « l'immunité collective » qui justifie une politique d'infection, de mort et de débilitation de masse par le COVID-19. Makary a adopté cette politique, et les deux personnalités ont promu la désinformation anti-vaccinale et dénigré pratiquement toutes les autres mesures de santé publique tout au long de la pandémie.
Kennedy a salué leur assermentation mardi en déclarant : « La révolution commence aujourd'hui ! » Il entendait par là une contre-révolution sociale contre tous les vestiges de santé publique et d'intégrité scientifique qui subsistent au CDC, à la FDA et dans toutes les autres agences du ministère de la Santé.
Il est impossible de présenter succinctement tout ce qui s'est passé le 1er avril, lorsque des milliers d'employés du HHS et de ses 13 filiales ont reçu à leur réveil des courriels les informant de leur licenciement. Parmi les événements les plus significatifs, on peut citer les suivants :
À l'Institut national pour la sécurité et la santé au travail (NIOSH), 880 employés sur 1100 ont été licenciés, ce qui met fin aux recherches sur la sécurité dans les mines, l'exposition aux produits chimiques, etc.
Quatre-vingts pour cent du personnel du Centre de santé mondiale des CDC a été licencié, ce qui paralyse la détection des épidémies dans plus de 40 pays.
La sous-agence du CDC chargée de la prévention des maladies chroniques a été dissoute, ce qui met fin au suivi du diabète et des maladies cardiaques dans 30 États.
Plus de 300 postes ont été supprimés à la division de la prévention du VIH, et l'on estime que plus de 20 millions de patients en Afrique seront désormais privés de l'aide vitale apportée par le PEPFAR.
La division des sciences de la santé environnementale du CDC a été supprimée, ce qui a entraîné l'arrêt des études sur la toxicité des PFAS, entre autres.
Le National Center for Injury Prevention and Control (NCIPC) a été dissous, ce qui met fin au suivi de la mortalité par arme à feu.
L'ensemble du personnel du Centre des produits du tabac (CTP) de la FDA a été licencié.
Aux NIH, l'Institut national sur la santé des minorités et les disparités en matière de santé (NIMHD) a été fermé, mettant fin à 500 millions de dollars de subventions pour lutter contre les disparités raciales en matière de santé, et l'Institut national de recherche sur les soins infirmiers (NINR) a été fermé.
450 des 900 employés de la Substance Abuse and Mental Health Services Administration (SAMHSA) ont été licenciés.
Au sein de l'administration chargée de la préparation et de la réaction stratégiques (ASPR), 80 employés ont été licenciés, ce qui affaiblit la gestion des réserves nationales et les prévisions en matière de pandémie.
Parmi les personnes ciblées figuraient les directeurs d'agences, dont au moins neuf ont été licenciés ou mis en congé administratif, tandis que plusieurs autres hauts responsables ont été réaffectés.
Cinq des dix bureaux régionaux du ministère de la Santé et des Services sociaux ont été fermés, notamment à Boston, New York, Chicago, San Francisco et Seattle.
Dans de nombreuses agences, les équipes de communication ont été démantelées, ce qui empêche désormais la publication d'avis sur un large éventail de questions sanitaires cruciales pour la population américaine et mondiale.
Toutes ces coupes sombres auront de profondes ramifications au niveau mondial, mais les plus inquiétantes sont sans doute celles qui visent les agences chargées de surveiller l'épidémie nationale de « grippe aviaire » H5N1 dans les élevages de volailles et les fermes laitières.
Outre les licenciements susmentionnés au Centre de santé mondiale du CDC et à l'ASPR, 140 personnes ont été licenciées au Centre de médecine vétérinaire de la FDA, y compris des dirigeants et des membres du personnel administratif essentiels. Ces trois centres collaborent avec le ministère américain de l'Agriculture pour surveiller la propagation de la grippe aviaire, qui, selon de nombreux scientifiques, menace de devenir la prochaine pandémie. Historiquement, la grippe aviaire avait un taux de mortalité de 50 % chez les humains.
Le mois dernier, Kennedy et la ministre de l'Agriculture, Brooke Rollins, ont tous deux proposé de laisser le virus se propager dans les élevages de volailles au lieu d'abattre les oiseaux infectés. Cette politique insensée, largement dénoncée par les scientifiques, donnerait au virus des dizaines de millions d'hôtes pour évoluer, les chercheurs avertissant qu'il suffit d'une seule mutation pour que le virus se transmette d'homme à homme. Si une telle politique était mise en place, il n'y aurait aucun mécanisme efficace pour suivre ou signaler la propagation de la grippe aviaire à l'échelle nationale, ce qui pourrait très bien déclencher la prochaine pandémie mondiale.
Les événements de mardi, que de multiples sources ont qualifiés de « massacre », font suite à une série d'attaques sans précédent de Trump et Kennedy contre la santé publique et la science, dont les suivantes sont les plus significatives :
Le 24 janvier, Trump a retiré les États-Unis de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et a imposé des ordonnances de non-publication sans précédent à l'ensemble des 13 agences du ministère de la Santé et des Services sociaux.
Des milliers de pages d'informations scientifiques ont été modifiées ou supprimées des sites web du CDC, des NIH, de la FDA et d'autres agences du HHS, une forme d’autodafé des temps modernes.
Le 7 février, les dépenses des NIH pour les installations et l'administration ont été réduites de 4 milliards de dollars, soit près de 50 % de l'enveloppe actuelle de 9 milliards de dollars, ce qui a eu des répercussions sur les subventions de recherche accordées aux universités dans tout le pays.
Kennedy minimise l'aggravation de l'épidémie de rougeole au Texas, préférant promouvoir des remèdes de charlatan comme l'huile de foie de morue et lancer une « étude » frauduleuse sur le lien entre les vaccins et l'autisme, qui sera dirigée par l'activiste anti-vaccin David Geier.
Déclarant que « la pandémie est terminée », le ministère de la Santé a interrompu les recherches financées par les NIH sur le COVID long et les vaccins de nouvelle génération.
La semaine dernière, le ministère de la Santé et des Services sociaux a annulé sa politique d'intégrité scientifique, qui permettait aux personnes nommées pour des raisons politiques de censurer ou de modifier les études contredisant le discours du gouvernement.
L'Administration nationale des océans et de l'atmosphère (NOAA) a supprimé 1000 postes, dont le personnel du Service météorologique national, essentiel pour le suivi des ouragans.
Les NIH ont annulé toutes les études sur les soins de santé pour les transgenres.
Le 20 mars, Trump a signé un décret visant à lancer le démantèlement du ministère de l'Éducation.
Le département d'État a révoqué des centaines de visas d'étudiants et même des cartes vertes par le biais d'une surveillance des médias sociaux pilotée par l'IA, ciblant des militants pro-palestiniens, dont Mahmoud Khalil de Columbia et Momodou Taal de Cornell.
Le 5 mars, Trump a menacé de couper le financement à toute institution qui autoriserait des « manifestations illégales », exigeant l'expulsion ou la déportation des participants, de nombreux campus se conformant immédiatement à ces ordres.
Ce qui ressort de ce déferlement de réaction, c'est une politique claire et précise de contre-révolution fasciste. Les sections dominantes de la classe dirigeante américaine sont déterminées à détruire tous les acquis sociaux obtenus par la classe ouvrière au cours du XXe siècle, et elles ont choisi Trump comme Führer pour mener à bien ce projet.
Le concept nazi de Gleichschaltung – « synchronisation » ou « mise au pas » – impliquait la subversion de la liberté académique, l'expulsion des scientifiques juifs et le remodelage de la société allemande en une dictature fasciste, sapant au passage tous les concepts fondamentaux des Lumières, du progrès humain et du matérialisme philosophique.
Aujourd'hui, Trump exige la même mise au pas, Kennedy l'appliquant à la sphère de la santé publique. Ils renouent avec la vision d'Hermann Göring qui, dans un discours prononcé en juin 1934 à Wassertrüdingen, déclarait : « Les vrais dirigeants naissent du sang et du sol et n'ont pas besoin de science ni de culture. »
Nous assistons aujourd'hui à un renversement spectaculaire et soudain de la domination du savoir-faire scientifique américain, vieux de près d'un siècle.
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis se sont imposés comme le centre mondial de la recherche scientifique et de l'innovation, et bon nombre des agences susmentionnées ont été créées ou reconstituées pendant cette période. Les plus grands scientifiques européens, dont Albert Einstein et Enrico Fermi, ont fui le fascisme et se sont réfugiés aux États-Unis. Cette première « fuite des cerveaux » alimentée par le fascisme s'est poursuivie dans l'après-guerre, les États-Unis devenant un pôle d'attraction pour les meilleurs talents scientifiques du monde entier.
L'intégration croissante de ces agences fédérales avec le monde universitaire a permis de réaliser de nombreuses percées scientifiques qui ont collectivement sauvé des milliards de personnes d'une mort prématurée, augmenté l'espérance de vie dans le monde entier et profondément façonné la société moderne.
Parmi les plus grands progrès scientifiques accomplis grâce à cette collaboration, on peut noter le développement de techniques de production de masse pour la pénicilline dans les années 1940 ; les vaccins pour prévenir la polio, le VPH, l’Ebola, le VIH/SIDA et d’autres agents pathogènes ; les thérapies et les traitements pour le VIH/SIDA, les troubles bipolaires, le cancer du sein, les maladies cardiaques et une foule d’autres maladies chroniques ; la révolution verte en agriculture ; le Projet Génome humain ; l’imagerie par résonance magnétique ; pratiquement toutes les avancées associées aux technologies informatiques modernes et l’Internet ; et les milliers d’autres découvertes médicales et technologiques.
Ces progrès scientifiques ont toujours été limités par la géopolitique de la guerre froide et les efforts de l'impérialisme américain pour saper l'Union soviétique, tandis que l'accès à l'enseignement supérieur restait limité pour de larges pans de la classe ouvrière. Mais les progrès réalisés avaient toujours une grande importance objective.
Avec l'arrivée au pouvoir de Reagan, la classe dirigeante américaine a entamé une contre-révolution sociale, réduisant progressivement ces acquis sociaux, imposant des licenciements collectifs, à commencer par le licenciement des contrôleurs aériens PATCO, et acheminant des richesses toujours plus importantes vers l'oligarchie financière. Au lendemain du 11 septembre 2001, ces processus se sont accélérés, car la guerre contre le terrorisme et des décennies de guerre incessante ont nécessité le détournement de ressources de plus en plus importantes vers l'armée.
Lorsque la pandémie de COVID-19 a éclaté, les agences de santé américaines, autrefois prééminentes, n'étaient absolument pas préparées et ont été facilement subordonnées aux politiques pro-capitalistes de l'administration Trump, puis de l'administration Biden. En dehors de l'opération Warp Speed et de la production rapide de vaccins, les dirigeants du CDC, des NIH et d'autres agences ont collaboré à la guerre bipartisane contre la santé publique, ce qui a contribué à préparer le terrain pour le retour de Trump.
Mais la guerre qui se déroule contre la science et la santé publique sous la nouvelle administration Trump marque un tournant qualitatif dans ce processus. Toutes les agences scientifiques et les institutions académiques sont en chute libre, ce dont elles ne se remettront pas sous le capitalisme. D'ores et déjà, une « fuite des cerveaux » inversée est en cours. Un récent sondage de Nature a révélé que 75 % des scientifiques américains envisagent désormais de quitter le pays, la plupart d'entre eux se tournant vers l'Europe et le Canada pour s'y installer.
L'opposition se développe parmi les scientifiques, dans le cadre d'une radicalisation grandissante de la classe ouvrière américaine et internationale en réponse à la menace du fascisme. Une lettre ouverte écrite « au peuple américain », qui condamne « l'attaque en règle de Trump contre la science américaine », a été signée par plus de 2000 membres élus des Académies nationales des sciences, de l'ingénierie et de la médecine.
La défense de la science et de la santé publique ne peut pas être confiée au Parti démocrate, qui a pleinement permis à Trump de consolider un gouvernement fasciste et a facilité le règne de terreur dirigé contre les étudiants sur les campus universitaires. C'est Biden et les démocrates qui ont pleinement mis en œuvre la politique d'« immunité collective » de Trump en matière d'infections et de morts de masse par le COVID-19, tout en orchestrant le génocide israélien des Palestiniens et la répression impitoyable des étudiants protestataires.
Tout comme la lutte pour défendre les droits démocratiques et s'opposer à la guerre et au génocide, la lutte pour la science et la santé publique ne se développera que par la construction d'un mouvement socialiste dans la classe ouvrière, la grande force sociale progressiste sous le capitalisme. Le Parti de l'égalité socialiste mène cette lutte, et nous exhortons tous ceux qui cherchent à s'opposer à la construction d'une dictature fasciste par Trump à rejoindre nos rangs dès maintenant.
(Article paru en anglais le 3 avril 2025)