Québec solidaire choisit le nationaliste québécois de droite Sol Zanetti comme co-porte-parole

Lors de son congrès des 8 et 9 novembre derniers, Québec solidaire (QS) a élu le député nationaliste Sol Zanetti comme porte-parole masculin et a procédé à une «actualisation» de son programme pour accentuer son caractère procapitaliste.

Ces deux actions s’inscrivent dans un tournant vers la droite de QS et un recentrage de toute son action politique sur la promotion du souverainisme québécois. QS signale ainsi aux sections nationalistes de la classe dirigeante que le parti est prêt à jouer un rôle encore plus grand dans leur campagne en faveur de l’indépendance du Québec, le projet réactionnaire pour que la province se sépare du Canada et devienne un troisième État capitaliste en Amérique du Nord.

Zanetti est l’ancien chef d’Option nationale, un petit parti nationaliste de droite fondé en 2011 à la suite d’une scission avec le Parti québécois (PQ) menée par l’ex-député péquiste et banquier d’affaires Jean-Martin Aussant. Ce dernier accusait son ancien parti d’avoir baissé les bras dans la lutte pour l’indépendance du Québec. Option nationale a été intégrée à QS en 2018 en tant que collectif officiellement autorisé à faire la promotion de son programme souverainiste au sein de QS.

Dans sa campagne pour devenir co-porte-parole de QS, Zanetti faisait face au candidat favorisé par l’establishement du parti, le député Étienne Grandmont. Ce dernier a cherché à camoufler le tournant de plus en plus évident de QS à droite en proposant un retour à une posture plus «progressiste», focalisée sur des sujets comme le coût de la vie, les inégalités sociales et l’appui aux luttes syndicales, c’est-à-dire aux bureaucraties syndicales.

Grandmont s’est inspiré de la campagne à la mairie de New York menée par Zohran Mamdani, un membre des Socialistes démocrates d’Amérique (DSA) qui fonctionnent en tant que faction au sein du Parti démocrate, l’un des deux partis de gouvernement de l’impérialisme américain. Mamdani avait généré un grand appui populaire pour sa plateforme électorale basée sur la baisse du coût de la vie (notamment des loyers) et l’opposition au génocide à Gaza. Mais à peine élu maire de New York, il s’est précipité à la Maison-Blanche pour conclure un partenariat avec le président fasciste américain Donald Trump.

Zanetti, de son côté, a mené une campagne entièrement dédiée au nationalisme québécois. Il a plaidé que le parti devait placer l’indépendance du Québec au cœur de son programme et déclaré que la «mission historique» de QS était de contribuer à une victoire du camp du «oui» lors d’un prochain référendum sur l’indépendance. Zanetti a vanté sa propre «crédibilité indépendantiste» comme la «clé de la prochaine campagne» à l’élection provinciale d’octobre 2026. Ce message souverainiste a résonné auprès des membres de QS qui l’ont élu porte-parole masculin.

La mise au rancart des prétentions «de gauche» de QS signalée par la victoire du nationaliste Zanetti aux dépens du «progressiste» Grandmont s’est aussi reflétée dans les changements à son programme. Bien que le nouveau document n’ait pas encore été publié, les comptes rendus de participants au congrès indiquent qu’il ne ne fait aucun lien entre le capitalisme, la crise climatique et les problèmes socio-économiques et dépeint les petites et moyennes entreprises – et non la lutte de classe des travailleurs – comme le moteur des grandes transformations sociales.

Depuis sa formation en 2006 par des féministes, des activistes environnementaux et anti-pauvreté et d’autres nationalistes «de gauche», QS évolue entièrement dans les cercles souverainistes québécois. Il a mené à plusieurs reprises, y compris au point le plus chaud de la grève étudiante de 2012, des négociations avec le PQ pour la formation d’un pacte électoral.

Parlant pour des couches privilégiées des classes moyennes, QS sert la faction de la classe dirigeante québécoise qui voit la création d’un troisième État impérialiste en Amérique du Nord comme un moyen d’intensifier l’exploitation des travailleurs et mieux faire valoir ses propres intérêts économiques et géostratégiques.

La porte-parole féminine de QS, Ruba Ghazal, prenant la parole à Sherbrooke le 21 janvier 2025, aux côtés d’une autre députée de Québec solidaire, pour glorifier le drapeau du Québec

Au sein de la «famille souverainiste», la fonction particulière de QS est d’utiliser son image frauduleuse d’un parti «de gauche» pour donner un vernis «progressiste» et «démocratique» au nationalisme québécois et au programme de l’indépendance du Québec.

Autrefois présentée comme un «projet de société» – l’idée frauduleuse qu’un Québec devenu indépendant du Canada serait un véhicule pour le progrès social – l’indépendance du Québec est aujourd’hui ouvertement promue comme un projet capitaliste ultradroitier et chauvin par le principal parti souverainiste, le PQ.

Le PQ, qui attaque constamment les immigrants et les musulmans en les accusant d’être responsables de tous les maux de la société, martèle que l’indépendance du Québec est la seule façon de réduire «drastiquement» l’immigration et de protéger ainsi la «Nation» québécoise supposément menacée d’extinction par «l’immigration incontrôlée».

Lors de la présentation du premier chapitre du «livre bleu» du PQ sur l’indépendance, le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon a réitéré que la république du Québec serait impérialiste et membre des organisations militaristes comme l’OTAN et le NORAD (Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord).

Le chef péquiste a déclaré qu’un Québec indépendant devra aligner ses politiques économiques et militaires sur celles des États-Unis dans le cadre d’une «stratégie commune», une déclaration de loyauté à l’administration Trump alors même que l’aspirant-dictateur américain poursuit sa chasse aux sorcières contre les immigrants et ses préparatifs de guerre impérialiste contre la Chine, l’Iran et le Venezuela.

Puis, au récent Conseil national du PQ, St-Pierre Plamondon a affirmé que l’indépendance était un «projet entrepreneurial» pour faire du Québec «un pays riche» et rendre «nos entreprises» prospères. Le chef péquiste, qui se déchaine constamment contre les «dépenses exagérées» de l’État fédéral, a mis l’accent sur les possibilités que l’indépendance ouvrirait pour imposer un programme propatronal de réduction de la «bureaucratie» et offrir des allégements fiscaux aux entreprises dans un cadre économique orienté vers le milieu des affaires.

La classe dirigeante n’est pas sans savoir qu’un projet indépendantiste basé sur un discours et des promesses aussi réactionnaires risque de provoquer l’opposition des travailleurs. Les sondages indiquent actuellement que l’option souverainiste a la faveur de moins de 35% de l’électorat.

Une faction importante du mouvement souverainiste représentée par l’ancien Premier ministre péquiste Lucien Bouchard et l’ex-maire de Québec Régis Labaume a lancé des appels à St-Pierre Plamondon pour qu’il atténue son discours empreint de chauvinisme québécois, craignant qu’il ne compromette les chances de succès d’un prochain référendum – particulièrement dans le contexte d’une flambée de nationalisme canadien suite aux tarifs douaniers et menaces d’annexion du président Trump à l’endroit du Canada.

Mais la classe dirigeante garde aussi QS en réserve, prête à utiliser sa réputation de «gauche» non méritée et ses timides critiques des positions les plus extrêmes du PQ pour promouvoir l’illusion d’un nationalisme «inclusif», «ouvert» et «démocratique», et ainsi empêcher les travailleurs de rompre définitivement avec le programme indépendantiste.

Le chroniqueur nationaliste Michel David a récemment expliqué dans Le Devoir que même si la députation de QS était réduite à deux ou trois députés lors de la prochaine élection, le parti jouerait un rôle crucial pour le camp souverainiste en ralliant une partie de la population allophone et des immigrants derrière l’indépendance. Dans cette optique, la classe dirigeante cultive la porte-parole féminine de QS, Ruba Ghazal, née au Liban dans une famille de réfugiés palestiniens avant d’immigrer au Québec encore enfant, en la faisant passer pour une figure emblématique d’un souverainisme «inclusif».

QS sert aussi à légitimer le tournant de toute la classe dirigeante québécoise vers le chauvinisme en qualifiant l’agitation contre les immigrants et contre les minorités religieuses de «débats légitimes». QS prend constamment la défense du Premier ministre François Legault et du PQ en prétendant frauduleusement qu’ils ne sont pas racistes ou que leurs positions sur l’immigration ne sont pas «intolérantes» alors même qu’ils se livrent à des attaques toujours plus venimeuses contre ces groupes vulnérables.

Dans cette veine, Ghazal, a récemment déclaré au Journal de Montréal (JdM), un tabloïd ultranationaliste appartenant au milliardaire et ancien chef du PQ Pierre-Karl Péladeau, qu’elle est prête à discuter des seuils d’immigration et qu’elle comprend la «peur de disparaitre» des Québécois, donnant ainsi de la crédibilité à la version québécoise de la théorie fasciste du «Grand remplacement» mise de l’avant par le PQ.

Reprenant leur rôle assigné, les deux porte-paroles de QS ont offert de timides critiques du souverainisme «renfermé sur lui-même» du PQ.

Simultanément, QS a retiré de son programme la proposition d’élection d’une assemblée constituante au suffrage universel – censée établir «démocratiquement» la Constitution d’un éventuel État indépendant du Québec – qui avait été critiquée par St-Pierre Plamondon. Le parti a également refusé d’inscrire dans son programme toute référence au «nationalisme ethnique ou identitaire» du PQ.

Cela n’a pas empêché le PQ de réagir avec colère aux propos de Zanetti et Ghazal. St-Pierre Plamondon les a accusés de «créer des divisions dans la population» et de faire «mal au climat social» par leurs «attaques désolantes et honteuses» contre le PQ.

Les forces de droite qui gravitent autour du PQ, dont les chroniqueurs ultranationalistes du JdM, ont simultanément déclenché un barrage d’attaques contre QS tout en lançant des appels à Zanetti le «vrai nationaliste» pour le convaincre de cesser ses attaques contre le PQ qui «servent les intérêts des fédéralistes».

Reflétant la véritable orientation de QS, le député Vincent Marissal a quitté le parti après avoir tenu des discussions avec St-Pierre Plamondon pour se joindre au PQ. En claquant la porte, Marissal a accusé QS d’avoir lancé des «attaques personnelles» et «vicieuses» contre le PQ et a condamné son ancien parti pour son refus d’appuyer publiquement le recours à la loi 14 pour illégaliser une grève partielle des travailleurs de la STM (Société de transport de Montréal).

Pendant ce temps, «l’aile gauche» de QS s’est déployée notamment sur le site Presse toi à gauche pour établir une fausse distinction entre l’indépendance «identitaire» et «non véritable» proposée par le PQ et l’indépendance «pleine et entière», «égalitaire, féministe, écologique et décoloniale» de QS.

Ces forces de la pseudo-gauche tentent de camoufler le tournant à droite de QS en couvrant ses politiques réactionnaires d’un vernis «socialiste», afin de faire revivre le mythe de l’indépendance du Québec en tant que projet de société «progressiste».

Alors que la lutte des classes gagne en intensité sur une échelle nord-américaine et internationale, QS tente de raviver le projet réactionnaire de l’indépendance du Québec qui est un piège pour la classe ouvrière. La classe dirigeante l’utilise pour diviser et isoler les travailleurs québécois de leurs frères et sœurs de classe au Canada et internationalement afin d’empêcher une lutte unifiée de la classe ouvrière contre le capitalisme.

La classe ouvrière doit rejeter l’agitation nationaliste autour de l’indépendance du Québec, qu’elle soit chauvine et d’extrême droite ou «inclusive» et de «gauche», tout comme elle doit rejeter le nationalisme canadien, l’arme idéologique de la section fédéraliste de l’élite financière canadienne au Québec et ailleurs au pays.

Pour se préparer aux intenses luttes de classe à venir, la classe ouvrière doit bâtir un mouvement politique indépendant pour unir les travailleurs au-delà des frontières nationales dans une lutte pour le socialisme international.

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