Les gouvernements européens complotent pour abroger les droits des immigrés

Des discussions ont débuté mercredi à Strasbourg entre les représentants des gouvernements européens sur l'abandon de dispositions clés de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH).

Des sociaux-démocrates aux partis fascistes, tous militent pour un accord d'ici le printemps 2026 qui sonnera le glas de tout adhésion aux principes universalistes proclamés dans la CEDH au lendemain des crimes commis contre l'humanité par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale.

Des migrants érythréens, libyens et soudanais entassés sur le pont d'une embarcation en bois et attendant l'aide des humanitaires de l'ONG espagnole Open Arms, en mer Méditerranée, à une cinquantaine de kilomètres au nord de la Libye, le samedi 17 juin 2023. [AP Photo/Joan Mateu Parra]

Témoignant de l'unanimité au sein de l’establishment politique, ces pourparlers ont été initiés par la Première ministre sociale-démocrate danoise Mette Frederiksen et la Première ministre fasciste italienne Giorgia Melloni. En mai, celles-ci avaient publié une lettre ouverte – signée par sept autres États membres de l'Union européenne (UE) – dénonçant l'ingérence de la Cour européenne des droits de l'homme dans les décisions politiques nationales et exigeant de s'affranchir des contraintes de la CEDH.

Dans un style similaire à la récente déclaration de l'administration Trump selon laquelle l'Europe était menacée d'«effacement civilisationnel» dû à l'immigration «illégale», la lettre ouverte s'en prenait aux «étrangers criminels» et à des «États hostiles» qui cherchaient à «instrumentaliser» les immigrants contre l'Europe.

Cette lettre est l’une des manifestations du tournant radical pris par la classe dirigeante européenne, qui rompt avec les contraintes du droit international pour imposer sans scrupules ses intérêts face à la classe ouvrière et à ses rivaux impérialistes. Son programme de réarmement massif visant à permettre à l'impérialisme européen d’affronter ses concurrents mondiaux, et son soutien au génocide des Palestiniens perpétré par Israël et à la guerre sanglante entre l'Ukraine et la Russie, soulignent le caractère criminel du cours qu’elle a pris. Celui-ci exige une attaque frontale du niveau de vie et des droits de la classe ouvrière, dont les immigrés sont une composante-clé.

Le 8 décembre, les ministres de l'Immigration de l'UE se sont entendus sur un ensemble de mesures visant à accélérer les expulsions massives et à faciliter la création de camps de concentration pour migrants dans des pays autoritaires non soumis au droit européen. Ces mesures prévoient notamment un élargissement significatif de la liste des «pays tiers sûrs» où les États membres de l'UE peuvent renvoyer des réfugiés, ainsi que l'autorisation de construire des «centres de retour» hors des frontières de l'UE pour traiter les demandes d'asile.

En Allemagne, le gouvernement de coalition du chancelier Friedrich Merz met en œuvre la politique migratoire du parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD), à l'instar de son prédécesseur social-démocrate. Plus tôt cette année, Merz a obtenu le soutien enthousiaste de la droite fasciste en déclarant, en termes ouvertement racistes, que le paysage urbain allemand était devenus méconnaissable en raison de l'immigration de masse.

Après l'accord de l'UE, le ministre de l'Intérieur Alexander Dobrindt s’est targué dans le style de l’AfD de ce que «ces dix dernières années, l'immigration clandestine [avait] semé le chaos en Europe. Avec nos partenaires européens, nous rétablissons aujourd'hui l'ordre dans la politique d'immigration européenne.» Dobrindt a résumé ses objectifs ainsi: «Des frontières fortes, des rapatriements rapides, des centres d’expulsion innovants.»

Au Royaume-Uni le gouvernement travailliste droitier de Keir Starmer a invoqué le mois dernier le Danemark comme modèle lors de la présentation d'un plan d'immigration d'extrême droite. Les objectifs du Parti travailliste sont d'abolir les droits garantis par la CEDH, notamment le droit au respect de la vie familiale et le droit à la protection contre la torture et les traitements dégradants, et d'accroître massivement les expulsions.

Les gouvernements européens mènent depuis longtemps une politique anti-immigration répressive afin d'instaurer une «Europe forteresse». Cette politique trouve son expression la plus meurtrière en Méditerranée, devenue un charnier pour des milliers de personnes en raison du blocage de toutes les voies d'accès légales au continent et de l'interdiction des sauvetages en mer. Selon le Projet sur les migrants disparus de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), quelque 33 220 migrants ont été portés disparus en Méditerranée depuis le lancement du projet en 2014. Le total pour 2025 approche les 2 000.

Le tournant actuel représente cependant quelque chose de nouveau: les gouvernements de tous bords politiques rompent ouvertement avec tout semblant de droit international. Ils déclarent sans détours que les droits démocratiques fondamentaux que la bourgeoisie a été obligée d'accorder par le passé à cause des horreurs de la Seconde Guerre mondiale, ne sont plus valables et doivent être éliminés des systèmes juridiques nationaux et internationaux. Parallèlement, dans tous les grands pays européens, les partis politiques s'emploient systématiquement à intégrer des forces fascistes au pouvoir, processus déjà réalisé en Italie et en République tchèque.

Alors que la politique sur le continent a brusquement basculé à droite, la Cour européenne des droits de l'homme – créée en 1959 pour faire respecter les droits contenus dans la CEDH – est restée l'un des rares lieux où les migrants, les dissidents politiques et les autres minorités persécutées ont au moins la possibilité de contester la répression étatique et la violation systématique de leurs droits.

Par exemple, en octobre 2024, la Cour a jugé que l'Allemagne et la Grèce avaient violé le droit de l'Union européenne en imposant des éloignements automatiques aux demandeurs d'asile sans leur donner la possibilité d'exercer les recours légaux dont ils disposaient. Le cas précis concernait une personne, HT, refoulée de force par les autorités allemandes vers la Grèce, où elle a été détenue dans des conditions inhumaines dans l'un des camps de réfugiés tristement célèbres du pays. La Cour a conclu à la violation, par les deux pays, de l'article 3 de la CEDH, qui garantit le droit à la protection contre les traitements inhumains ou dégradants.

En juillet 2025, la Cour a accepté la plainte du socialiste ukrainien Bogdan Syrotiuk, arrêté en avril 2024 par le régime Zelensky, soutenu par les gouvernements impérialistes, et inculpé de «haute trahison en vertu de la loi martiale». La plainte soutient que Bogdan, dirigeant de la Jeune Garde bolchevique-léniniste, représente un danger pour la société car il s'oppose à la guerre en cours, aux régimes Zelensky et Poutine, et lutte pour l'unité des travailleurs ukrainiens et russes dans la lutte contre la guerre impérialiste.

Les attaques menées contre la classe ouvrière, prévues par les gouvernements du continent dans les prochaines années pour préparer l'impérialisme européen à la guerre sont si radicales qu'aucune opposition ne peut être tolérée, même quand elle s'exprime dans le cadre hautement contrôlé de la légalité bourgeoise. En Allemagne, une coalition multipartite a approuvé un budget de guerre de 1 000 milliards d'euros. Celui-ci doit à présent être extrait de la classe ouvrière par la démolition des dépenses publiques et des services sociaux, comme l'a résumé Merz en déclarant que l’Allemagne ne pouvait plus se permettre son système de protection sociale actuel. Le président français Emmanuel Macron s'est engagé à réaliser des coupes budgétaires de dizaines de milliards d'euros pour financer une hausse massive du budget militaire.

Les États membres de l'UE ont approuvé un programme de dépenses militaires communes de 850 milliards d'euros, financé par des mesures d'austérité. Dans chaque pays, des milliers de travailleurs perdent leur emploi alors que l'industrie civile est convertie à la production de guerre. Les capitalistes entendent faire payer à la classe ouvrière le coût engendré par la crise du système capitalisme décadent. Les mêmes méthodes impitoyables que la classe dirigeante a perfectionnées contre les immigrés et les réfugiés, les couches les plus vulnérables de la classe ouvrière, vont maintenant être utilisées contre tous les travailleurs qui tentent de résister à cette politique violente de guerre de classe.

La défense des droits des immigrés, comme l'a toujours affirmé le World Socialist Web Site, est un élément central de la défense de tous les droits des travailleurs. La lutte pour l'indépendance politique de la classe ouvrière vis-à-vis des partis bourgeois bellicistes et nationalistes doit soutenir le droit inaliénable de chacun de vivre et de travailler dans le pays de son choix. Elle doit exiger l'abolition de tous les quotas d'immigration et de toutes les mesures discriminatoires fondées sur la nationalité et l'origine ethnique.

La lutte contre la guerre impérialiste et le militarisme exige un programme socialiste et internationaliste visant à abolir les frontières obsolètes des États-nations et de rejeter les discours nationalistes employés par les élites dirigeantes de tous les pays pour empêcher l'unité de la classe ouvrière. Les travailleurs doivent construire un mouvement politique et social de masse contre la guerre et l'austérité capitaliste et faire des mots du Manifeste communiste de Marx et Engels leur cri de ralliement: «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous!»

(Article paru en anglais le 15 décembre 2025)

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