Nous encourageons tous les postiers à contacter le Comité de base des travailleurs des postes à l'adresse canadapostworkersrfc@gmail.com ou en remplissant le formulaire à la fin de cet article.
Moins de trois jours avant les vacances, alors que les postiers travaillaient sous la pression supplémentaire de l'affluence de Noël, la bureaucratie du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) a soudainement surpris ses 55 000 membres en leur annonçant de nouvelles ententes de principe dans un bref communiqué de presse. Les accords concernant les opérations postales urbaines (OPU) et les facteurs ruraux et suburbains (FFRS) visent à faciliter la destruction de dizaines de milliers d'emplois à temps plein dans les années à venir. C'est l'objectif poursuivi par le PDG de Postes Canada, Doug Ettinger, et le gouvernement libéral dirigé par Mark Carney, qui veut créer un précédent avec Postes Canada pour lancer une vaste attaque contre tous les services publics.
Tout au long de plus de deux ans de négociations, le STTP s'est efforcé de manière constante d'étouffer l'opposition des travailleurs de la poste en l’enchaînant à la volonté de la classe dirigeante de rétablir la rentabilité de la société d'État. Pour ce faire, la direction nationale du STTP a agi de manière arbitraire pour faire respecter l'interdiction de grève imposée par le gouvernement et a saboté une grève nationale au début de l'année en imposant unilatéralement des grèves « tournantes » bidon limitées à des actions locales isolées. Lorsque la bureaucratie syndicale a été contrainte à deux reprises de sanctionner des grèves en raison du militantisme des travailleurs des postes, la direction du syndicat a veillé à ce que les grévistes restent isolés de toutes les autres sections de travailleurs et a saboté toute lutte dirigée contre le gouvernement libéral, qui a utilisé ses pouvoirs pour soutenir l'attaque de la direction contre les travailleurs à chaque occasion.
Ces actions étaient d'autant plus criminelles que les enjeux de la lutte contractuelle – l'utilisation de nouvelles technologies comme l'IA pour accélérer l'exploitation, la sécurité de l'emploi, des augmentations salariales décentes et la défense du droit de grève des travailleurs – sont communs à tous les travailleurs et auraient pu servir de point de départ à une mobilisation plus large de la classe ouvrière dans son ensemble contre l'austérité capitaliste et la restructuration des services publics pour satisfaire les exigences de l'oligarchie financière.
Ettinger a clairement indiqué que les plans de restructuration de la poste prévoient la suppression de près de 30 000 emplois au cours de la prochaine décennie. De nouvelles classifications d'emplois telles qu’« employés permanents flexibles », «employés à temps partiel non structurés » et « employés à temps partiel chargés de la livraison de colis » font leur apparition dans le libellé des contrats. Les travailleurs peuvent se demander : comment Canada Post peut-elle supprimer des dizaines de milliers d'emplois tout en créant trois nouvelles classifications d'emplois ?
Tout d'abord, ces nouvelles classifications d'emplois élimineront pratiquement toutes les possibilités d'heures supplémentaires dont dépendent les postiers pour améliorer leurs revenus. Ensuite, ces postes seront loin d'être des emplois permanents à temps plein et s'apparenteront aux emplois précaires qui envahissent le secteur de la livraison de colis et de la logistique en général. Troisièmement, le syndicat ne se préoccupe pas tant de la qualité ou de la viabilité de ces emplois que de l'amélioration de ses revenus : un plus grand nombre de membres seraient contraints de payer des cotisations à une organisation qui les a abandonnés depuis longtemps.
Les FFRS mettront plus de temps à atteindre le taux maximal : la nouvelle progression salariale comptera 7 étapes, contre 5 auparavant. Un changement plus important pour les FFRS concerne le système de rémunération horaire. Une concession majeure qui en découle est la mise en place d'« horaires fixes avec des heures de début et de fin », avec des horaires quotidiens pouvant aller jusqu'à 9 heures. Actuellement, les FFRS ont une heure à laquelle « le courrier sera disponible » indiquée dans le document « Schedule A » de leur itinéraire. Ils ont souvent la possibilité de décider eux-mêmes du moment exact où ils commencent leur journée de travail, et leur service se termine après la livraison de leur itinéraire. La mise en place d'une heure de fin pénalise les travailleurs les plus rapides et les plus compétents. Que se passe-t-il si un postier termine sa journée de 9 heures prévue en 7 heures ? Un travail supplémentaire pourrait lui être attribué, sans aucune compensation supplémentaire, ce qui priverait un autre employé de son travail. Le plus gros problème avec le taux horaire est d'être efficace dans son travail.
Si un FFRS se trouve de l'autre côté de l'équation, le calcul quotidien des heures supplémentaires semble être une amélioration. Mais dans le contexte des classifications proposées pour les emplois « flexibles » et à temps partiel, les heures supplémentaires deviendront au mieux rares. Comme le sait bien l'unité OPU, le fait de réclamer des heures supplémentaires déclenche souvent une enquête, des mesures de harcèlement de la part de la direction et des mesures disciplinaires.
Le STTP vante les « gains » apparents obtenus pour l'unité de négociation de l'OPU, notamment les restrictions imposées au tri et à la distribution séparés et l'arrêt de l’acheminement dynamique et de l'équilibrage des charges. Ce qu'il ne dit pas, c'est que cela s'accompagne de la suppression de la distribution à domicile et de la distribution quotidienne du courrier. Ces prétendus gains sont totalement insignifiants au regard des énormes attaques dont fait l'objet la poste publique. De plus, étant donné que la version finale des contrats n'est pas encore connue, les postiers devraient attendre de voir les petits caractères. Il se peut que l’acheminement dynamique ait simplement été limité à quelques projets pilotes ou qu'il soit introduit en catimini par une autre faille contenue dans le jargon juridique de l'accord.
Les accords ont une durée respective de 60 et 61 mois, prolongeant jusqu'au 31 janvier 2029 la période pendant laquelle les postiers seront privés de toute résistance collective contre les attaques menées par la direction, avec le soutien du gouvernement, contre leurs emplois. En ce qui concerne les salaires, le STTP a accepté une « augmentation » liée à l'indice des prix à la consommation pour 2026 à 2028, un taux qui est toujours inférieur à la hausse des prix des produits de première nécessité comme les denrées alimentaires, le carburant et le loyer. En outre, le STTP a accepté de suspendre les augmentations de l'indemnité de vie chère pendant la durée de l'accord, au motif que les salaires entre 2026 et 2028 sont « protégés contre l'inflation » grâce à l'indexation des augmentations sur l'IPC. Les « augmentations » rétroactives pour 2024 et 2025, respectivement de 6,5 % et 3 %, seront insuffisantes pour compenser les fortes hausses de prix liées à l'inflation due à la pandémie.
Si elles sont approuvées, les conventions collectives provisoires ouvriront la voie à l’«amazonisation » de Postes Canada, soutenue par le gouvernement. Le gouvernement libéral de Carney a joué un rôle majeur dans ce processus. Avant le premier budget de son gouvernement, qui prévoit de supprimer 40 000 emplois dans la fonction publique et d'augmenter massivement les dépenses militaires afin que l'impérialisme canadien puisse mener des guerres de pillage agressives dans le monde entier, Carney a déclaré que Postes Canada n'était « pas viable » dans sa forme actuelle. Le gouvernement est intervenu à plusieurs reprises dans le processus de négociation pour dicter les négociations, notamment en nommant un médiateur favorable à la direction et en interdisant la première grève des postiers en décembre 2024.
Le STTP et le reste de la bureaucratie syndicale, y compris le Congrès du travail du Canada (CTC), ont travaillé sans relâche pour empêcher les travailleurs de reconnaître que le combat qu'ils mènent est une lutte politique qui implique non seulement la direction de Postes Canada, mais surtout le gouvernement libéral. Comme l'a déclaré Daniel Berkley, employé de Postes Canada, dans une déclaration au World Socialist Web Site :
Les empreintes du gouvernement sont partout dans cette entente pourrie. NOUS devons rejeter catégoriquement ces accords de trahison. Mais il serait naïf de penser que le gouvernement libéral de Carney ne contrecarrerait pas un vote négatif de notre part par un arbitrage exécutoire ou une législation similaire, appliquée bien sûr par le STTP. Le syndicat ne nous préparera pas à un véritable combat, car il partage le même cadre conceptuel que le gouvernement : les profits des entreprises doivent passer en premier, les services publics que nous offrons et les bons emplois viennent en second, voire en dernier.
Les travailleurs postaux doivent comprendre pourquoi la bureaucratie syndicale se range du côté du gouvernement libéral, car c'est seulement sur cette base qu'il sera possible d'avancer dans la lutte pour des emplois décents et sûrs et pour la défense de tous les services publics. Les racines du partenariat corporatiste qui s'est développé au cours des quatre dernières décennies entre les bureaucrates syndicaux, les ministres du gouvernement et les dirigeants d'entreprise comme ceux de Postes Canada se trouvent dans la politique nationaliste et pro-capitaliste des syndicats.
La mondialisation capitaliste des années 1980 a éliminé les conditions matérielles qui permettaient auparavant aux syndicats d'obtenir des gains limités pour les travailleurs dans un cadre national. Dès lors, ils sont devenus des instruments de la direction pour obtenir des concessions des travailleurs au nom de la direction dans le but de garantir la « compétitivité » et les profits de « nos » élites dirigeantes nationales. Cette règle s'applique à tous les syndicats, qu'il s'agisse du STTP, autrefois militant et apparemment « de gauche », ou de syndicats plus ouvertement pro-patronaux comme Unifor ou l'UAW aux États-Unis.
Telles sont les questions fondamentales qui sont au cœur de la lutte des postiers. Ces forces, comme la bureaucratie syndicale, enracinées dans le nationalisme et une vision pro-capitaliste, doivent accepter la recherche du profit, qui impose des conditions de plus en plus difficiles aux postiers afin de couvrir les dividendes versés aux actionnaires. De plus, elles divisent les travailleurs selon des lignes nationales alors que l'offensive menée par les capitalistes contre la classe ouvrière est d'envergure mondiale.
Cette dimension internationale est particulièrement évidente dans les secteurs de la poste et de la livraison. Les initiatives visant à privatiser le service postal américain et la Royal Mail britannique sont à un stade avancé, tandis que des entreprises géantes comme Amazon, UPS et DHL coordonnent leurs opérations et leurs attaques contre les travailleurs dans le monde entier.
Les travailleurs postaux devraient réagir en mettant en place un tout nouveau programme de lutte visant à unir tous les travailleurs du Canada et du monde entier pour défendre les services publics et de bons emplois pour tous. Cela exige de nouvelles formes d'organisation : des comités de base dans chaque dépôt et centre de tri afin de mener une contre-offensive sociale et politique de la classe ouvrière contre l'austérité capitaliste, la guerre et la précarisation du travail. À Postes Canada, cette voie est tracée par le Comité de base des travailleurs des postes (CBTP), affilié à l'Alliance ouvrière internationale des comités de base. Berkley, un membre éminent du CBTP, explique :
La détérioration généralisée des conditions de travail dans l'ensemble de notre secteur, et même dans l'économie en général, signifie que notre lutte est partagée par des couches plus larges de travailleurs. Ce sont nos alliés que nous devons rallier à notre cause ! Pas les ministres du gouvernement et les personnalités des médias bourgeois !
En termes simples, il est impossible de concilier les intérêts et les besoins des travailleurs postaux et de la poste en tant que service public avec les mandats de restructuration et de profit du gouvernement. Une présumée victoire, qui consiste à retirer dans l’immédiat les plans de répartition de la charge de travail et d’acheminement dynamique, n'est pas une victoire du tout dans le contexte de la pression exercée pour réduire la distribution du courrier à deux fois par semaine et passer massivement aux boîtes aux lettres communautaires. Chaque jour sera une journée difficile dans le cadre de ce nouveau contrat et les possibilités d'heures supplémentaires deviendront un lointain souvenir.
J'exhorte tous les travailleurs postaux qui lisent ces lignes à s'impliquer dans l'organisation de la résistance aux ententes de principe en nous contactant dès aujourd'hui au CBTP.
