Comité International de la Quatrième Internationale
Comment le Workers Revolutionary Party a trahi le trotskysme

L’évolution de la politique du WRP au Moyen-Orient

L’abandon de la théorie de la Révolution permanente par le WRP ne s’est pas faite du jour au lendemain. La direction du WRP s’engagea dans une série de manœuvres pragmatiques pour nouer des relations avec les régimes bourgeois arabes au cours desquelles Healy, Banda et Slaughter accordèrent de moins en moins d’attention aux questions politiques de principes. Ne partant à aucun moment de la construction du Comité international de la Quatrième Internationale, le travail du WRP au Moyen-Orient s’éloigna de plus en plus de son point de départ prétendu – la défense de l’OLP et du droit du peuple palestinien à l’autodétermination – pour développer des alliances avec tous les régimes du Moyen-Orient au fur et à mesure que les occasions se présentaient.

Le WRP exploita de façon toujours plus cynique ses rapports avec l’OLP pour renforcer ses positions dans ses négociations avec les dirigeants bourgeois arabes. De cet opportunisme au niveau de la pratique, il s’ensuivit inéluctablement que la direction du WRP introduise carrément des révisions dans le programme du trotskysme, révisions qui, en écho aux conceptions staliniennes, attribuaient à la bourgeoisie semi-coloniale et arabe le rôle dirigeant dans la lutte anti-impérialiste. Ces révisions ouvrirent à leur tour, à partir de 1979, la voie aux trahisons politiques les plus grotesques.

Le 29 avril 1976, le Workers Revolutionary Party signait un accord avec le gouvernement libyen. Ni les termes, ni même l’existence de cet accord ne furent rapportés au Comité international de la Quatrième Internationale, qui en prit connaissance pour la première fois en novembre 1985, quand il fut découvert par la commission de contrôle du CIQI qui enquêta sur la dégénérescence politique du WRP.

Cette violation sans précédent du centralisme démocratique signifiait que le travail de la section britannique au Moyen-Orient échappait à tout contrôle du Comité international. Pendant un certain temps, le développement dans les coulisses de ce type de contacts fut masqué par des déclarations formellement exactes concernant la situation politique au Moyen-Orient, comme par exemple la dénonciation par le CIQI de l’invasion du Liban par la Syrie en 1976 et du massacre de Tel-al-Zaatar. Une déclaration rédigée par le Comité politique du WRP en novembre 1976, fut une des dernières déclarations réellement trotskystes publiées par le CIQI sur le Moyen-Orient :

« C’est la responsabilité des ouvriers juifs et arabes de vaincre cette conspiration agressive. Seule la victoire inconditionnelle des peuples arabes contre le sionisme, le renversement de l’Etat raciste d’Israël et la création d’une Palestine démocratique et socialiste peuvent mettre fin à la menace d’une autre guerre. Dans cette lutte, la classe dominante arabe ne peut que jouer un rôle lâche et traître, oscillant entre l’impérialisme et les travailleurs et paysans arabes. C’est là la leçon incontestable de l’invasion du Liban par la Syrie...

« La tâche de libérer la nation arabe de l’impérialisme et de vaincre définitivement le sionisme, ne peut être confiée aux capitalistes et propriétaires terriens arabes réactionnaires. Cette tâche peut et doit être accomplie par les travailleurs juifs et arabes sous la direction du Comité international de la Quatrième Internationale. » (News Line, le 13 novembre 1976, p. 9)

Cette déclaration concluait par un appel pour la construction de sections du CIQI «  dans tous les pays arabes et en Israël  ».

En juillet 1977, le WRP signait un communiqué commun avec le gouvernement libyen dont le CIQI n’eût connaissance qu’après sa publication dans le News Line. C’était le début d’une politique petite-bourgeoise d’adulation du colonel Kadhafi sur laquelle nous reviendrons plus tard.

Dans l’année qui suivit, le WRP multiplia de façon spectaculaire ses activités dans d’autres pays du Moyen-Orient, cultivant des relations avec les Baassistes en Syrie et en Irak. Le moment choisi par le WRP pour entrer en relation avec ces derniers était particulièrement sinistre, les Baassistes étant en pleine guerre de fractions avec le Parti communiste irakien. Dans le but de tirer avantage de cette lutte, le WRP défendit de façon inqualifiable l’exécution de militants d’un parti de la classe ouvrière.

Le 2 février 1979, dans un article intitulé « Une conspiration démasquée », le News Line rapporta, en s’y montrant favorable, l’exécution de 21 militants du PC irakien pour « avoir illégalement formé des cellules dans les forces armées ». Le 8 mars 1979, en réponse à la lettre d’un lecteur qui protestait contre cette trahison de classe, le News Line prit la défense des exécutions dans une déclaration non signée s’étalant sur toute une page.

On y déclarait que le « Parti socialiste arabe Baath irakien a joué un rôle cent fois plus progressiste au Moyen-Orient que le stalinisme » – abandonnant ainsi les critères de classe dans l’évaluation des tendances politiques et oubliant que la critique trotskyste du stalinisme au Moyen-Orient a toujours été concentrée sur ses relations opportunistes et sans principe avec les nationalistes bourgeois. C’est sur cette base que le Comité international avait critiqué le Parti communiste soudanais en 1971 – tout en protestant contre l’exécution de ses dirigeants par le bourreau Nimeiri. Mais, en 1979 le WRP dénonçait le PC irakien justifiant le meurtre de ses membres pour des raisons exactement opposées – ne pas s’être entièrement conformés à un accord opportuniste passé entre les staliniens et les Baassistes !

« Le fait est que les membres du PC furent exécutés selon un code militaire, discuté, approuvé et mis en vigueur par le PC irakien. A ce jour, le PC irakien n’a pas demandé le rejet de ces lois militaires, qui interdisent la formation de cellules secrètes dans l’armée. Il n’a jamais contesté que les officiers arrêtés soient coupables [!] des accusations portées contre eux.

« Ceci est manifestement une situation dans laquelle Moscou tente de former des cellules dans les forces armées irakiennes pour miner le régime. Il doit en accepter les conséquences...

« C’est un principe pour nous, trotskystes, de défendre les travailleurs, qu’ils soient staliniens, révisionnistes ou sociaux-démocrates, face aux attaques de l’Etat capitaliste.

« Mais, comme les faits le démontrent, tout cela n’a rien à voir avec les incidents ayant eu lieu en Irak. » (p. 10)

Comme si cela ne suffisait pas, la déclaration allait jusqu’à mettre en garde l’auteur de la lettre de protestation contre les exécutions, qu’il « devait partir de ces considérations révolutionnaires, s’il ne voulait pas devenir un pion dans la conspiration cynique des staliniens et des impérialistes au Moyen-Orient. » (p. 10)