David North
L’héritage que nous défendons

La scission de la Quatrième Internationale

Il n’est guère surprenant que le renégat Banda se concentre, dans son attaque du trotskysme, sur le document qui appelait les trotskystes du monde entier à lutter contre le cancer révisionniste menaçant de détruire le parti mondial de la révolution socialiste.

La Lettre ouverte, rédigée par Cannon en novembre 1953, occupe une place d’honneur dans l’histoire de la Quatrième Internationale. On peut en mesurer le calibre par le fait que trente-trois ans après sa publication, elle continue d’inspirer les révolutionnaires et de provoquer la colère des renégats. La Lettre aux trotskystes du monde entier demeure le grand jalon politique de l’histoire de la Quatrième Internationale et elle a constitué, pour plus d’une génération, la ligne de démarcation séparant le marxisme du révisionnisme.

Depuis 1953, la Lettre ouverte a été le juste châtiment de toutes les tendances révisionnistes qui ont rompu avec le trotskysme. Écrite pour s’opposer au révisionnisme de Pablo, elle réaffirmait les principes politiques fondamentaux, ainsi que les objectifs historiques de la Quatrième Internationale. Dans la mesure où pratiquement toutes les tendances révisionnistes depuis 1953 n’ont fait guère plus au fond que d’improviser de diverses manières sur les thèmes révisionnistes de Pablo, les principes formulés en 1953-1954 dans la Lettre ouverte et une série de documents apparentés, donnèrent aux trotskystes une orientation de base dans leur lutte contre les ennemis de la Quatrième Internationale.

Bien que pratiquement toute sa vie politique ait été associée à ce document exceptionnel, Banda écrit aujourd’hui :

« D. North et sa clique bureaucratique vantent la Lettre ouverte comme une conquête historique qu’il faut défendre sans conditions. Ceci ne fait que prouver l’indigence théorique, l’arrogance intellectuelle et le manque de maturité politique de cette pitoyable petite bande de menteurs. La Lettre ouverte était une réaction opportuniste de Healy et Cannon destinée à fournir de façon précipitée et arbitraire un alibi à leur incroyable magouillage politique.

« Dans cette manouvre équivoque et indigne, il n’y avait ni logique, ni honnêteté, ni vérité. Ils combattirent le pablisme en se servant du pablisme. Ils créèrent tout d’abord délibérément un Frankenstein en la personne de Pablo, puis ils tentèrent, par la Lettre ouverte, de se dégager de toute responsabilité et empêchèrent délibérément toute véritable discussion et tout examen des racines politiques historiques et sociales du pablisme. »

Plutôt que d’en examiner le contenu politique, Banda se débarrasse de la Lettre ouverte en la qualifiant « d’alibi » pour des crimes censés avoir été commis par Healy et Cannon avant sa parution. Quel moyen banqueroutier on substitue ici à une véritable analyse de processus historiques ! Si l’on appliquait cette méthode à l’histoire des États-Unis par exemple, on pourrait en tirer la conclusion que la Proclamation de l’émancipation des esclaves était, tout comme la Lettre ouverte, « une manouvre équivoque et indigne », dont le seul but était de camoufler l’incroyable « magouillage politique » de Lincoln. Après tout, celui-ci refusa d’agir contre l’esclavage dans la première année de la guerre civile, il rédigea la Proclamation d’émancipation en secret, ne la fit voter que poussé par les exigences de la situation militaire, se laissa convaincre d’en retarder la publication jusqu’à une victoire du Nord et pour couronner le tout, il limita le décret d’émancipation aux États qui se trouvaient encore en rébellion au premier janvier 1863. C’est-à-dire qu’il « libéra » les esclaves dans les parties des États-Unis seulement où l’Union n’exerçait aucune autorité et ne pouvait donc faire respecter la Proclamation.

On pourrait même aller plus loin et condamner la guerre civile toute entière en arguant que la confédération était un « Frankenstein » créé par les « pères fondateurs » qui, par leurs concessions constitutionnelles, avaient fourni une légitimité à l’esclavage dans le Sud. Le professeur Banda pourrait justifier ce jugement écrasant en disant que Lincoln, dans ses tentatives désespérées de décharger le Nord de toute responsabilité dans une crise causée par ses prédécesseurs politiques lança, après la capitulation de Fort Summer, « de façon tout à fait arbitraire et précipitée » un appel au recrutement de soixante-quinze mille volontaires dans le but de « prévenir toute discussion et tout véritable examen des racines politiques, sociales et historiques » de la confédération sudiste.

Pour ceux qui objecteraient que cette analogie a un caractère un peu forcé, qu’on nous permette d’en choisir une qui est tirée de l’histoire du mouvement marxiste. Si Banda s’était trouvé à Saint-Pétersbourg en avril 1917, il aurait sans aucun doute dénoncé les Thèses d’avril de Lénine dans un long exposé qui aurait rappelé à tout le monde que Lénine était l’auteur de la théorie notoire de la dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie, qu’il portait l’entière responsabilité de la crise désespérée qui agitait le Parti bolchevique et qu’il n’y avait « ni logique, ni honnêteté, ni vérité » dans ses attaques contre les « vieux bolcheviks ». Peut-être aurait-il aussi intitulé son article Vingt-sept raisons d’enterrer le Parti bolchevique et de décommander la révolution socialiste.

Pour les philistins petits-bourgeois qui s’érigent en correcteurs d’épreuve de l’histoire, ce ne sont pas les « coquilles » qui manquent, même dans les biographies politiques des plus grands marxistes. Ils voient dans les erreurs de ces lutteurs la justification de leur propre mesquinerie, de leur faiblesse de caractère et de leur incapacité à agir en révolutionnaires. Il est relativement aisé de reprocher à Cannon de n’avoir pas reconnu en 1951 l’entière signification des documents du troisième congrès. Nombreux sont ceux qui commirent cette erreur dans la Quatrième Internationale, y compris Banda qui, bien qu’il ait par la suite prétendu avoir eu des doutes très tôt, les a selon toute apparence gardés pour lui. Mais quelles que fussent les limites et les erreurs de Cannon, il fut à la hauteur de la tâche en 1953 et il mobilisa toute son expérience et sa combativité pour s’opposer à la liquidation de la Quatrième Internationale. Tous les trotskystes, y compris ceux qui avaient peut-être reconnu le rôle perfide de Pablo un peu plus tôt, accueillirent avec enthousiasme l’intervention puissante et déterminante contre les liquidateurs de ce vétéran de soixante-trois ans. Il est rare après tout, comme l’a une fois encore confirmé l’expérience récente, de trouver des hommes, même considérablement plus jeunes, qui soient prêts à entrer en lutte ouverte contre le révisionnisme !

Dans cette lutte Cannon représentait les intérêts historiques de la classe ouvrière, sa lutte pour se libérer du carcan stalinien et de toutes les autres agences de l’impérialisme dans le mouvement ouvrier. Il est significatif que Banda ne nous dise pas ce que, selon lui, Cannon aurait dû faire en 1953 pour défendre la Quatrième Internationale dans des conditions où Pablo prenait avantage de son poste dans la direction de la Quatrième Internationale pour expulser des sections des majorités s’opposant à sa politique liquidatrice. Pour justifier l’emploi de mesures aussi draconiennes qu’une attaque publique de Pablo dans les pages de Militant, Cannon fit remarquer que « quand la fusillade commence, la discussion s’arrête », une chose que Banda ne peut probablement pas comprendre étant donné que dans le WRP la fusillade avait en général lieu avant même que la discussion n’ait commencé. Quoi qu’il en soit, le SWP publia la Lettre ouverte quand il réalisa qu’il avait affaire à une clique sans scrupules et sans principes qui avait décidé de se servir de son contrôle du secrétariat international pour réprimer toute discussion et jeter les trotskystes hors des rangs de la Quatrième Internationale.

Si Banda s’oppose aujourd’hui à la publication de la Lettre ouverte, c’est uniquement parce qu’il en est venu à approuver les positions politiques représentées par Pablo. Sa position actuelle lui fait souhaiter que la Lettre ouverte n’eût jamais été écrite, que le Comité International n’eût jamais été fondé et que Pablo eût réussi à liquider la Quatrième Internationale.

Ce désaveu de la lutte contre le pablisme est mis en relief par le fait que Banda ne mentionne aucun des événements majeurs de la situation politique internationale qui constituent l’arrière-plan objectif de la scission et contribuent à clarifier les questions fondamentales de programme et de principe qui étaient l’enjeu de cette lutte : la mort de Staline en mars 1953, le soulèvement est-allemand de juin 1953 et la grève générale d’août 1953 en France. La Lettre ouverte, un document véritablement internationaliste, traitait de toutes ces questions.

Plusieurs semaines après la mort de Staline, George Clarke qui, avec Cochran, était le plus proche allié de Pablo dans le SWP, présenta un rapport intitulé Le rôle de Staline – l’avenir du stalinisme. Ce discours introduisait dans l’appréciation trotskyste du stalinisme deux révisions fondamentales. Tout d’abord, il insinuait qu’il existait en URSS des formes de propriété socialistes, une chose affirmée par les staliniens, mais à laquelle Trotsky s’était toujours opposé. Ensuite, Clarke remettait en question le concept de la révolution politique tel qu’il fut développé par la Quatrième Internationale sur une période de vingt ans. Spéculant sur la forme que prendrait la chute du stalinisme, Clarke écrivait :

« Le processus prendra-t-il la forme d’un soulèvement violent contre le régime bureaucratique en URSS ? Ou bien des concessions faites aux masses et un partage du pouvoir – semblable au rapport politique entre la bourgeoisie montante et la noblesse en déclin durant le déroulement prolongé de la révolution bourgeoise en Angleterre – saperont-elles progressivement les bases de la bureaucratie ? Ou bien cette évolution sera-t-elle une combinaison de ces deux formes ? Nous ne pouvons pas le prévoir. Mais que ce processus ne signifie pas la fin du socialisme, mais sa glorieuse renaissance – cela est certain ». (Italiques de Clarke.) [189]

Trotsky avait explicitement rejeté toute idée que le renversement de la bureaucratie en URSS pourrait s’accomplir autrement que par une révolution politique violente. Clarke, lui, avançait à présent une conception selon laquelle un développement pacifique du stalinisme vers le socialisme était possible, un point de vue qui fut d’abord mis en avant par Isaac Deutscher, un centriste originaire de Pologne qui avait émigré en Grande-Bretagne et devint célèbre comme journaliste et biographe de Staline et de Trotsky. Dans des écrits qui étaient en harmonie avec les idées de Pablo et les ont influencées, Deutscher affirmait que le socialisme serait réalisé par des tendances politiques qui ne seraient ni staliniennes ni trotskystes. Il prétendait en revanche que l’autoréforme progressive de la bureaucratie engendrerait un mouvement socialiste qui contiendrait les aspects historiquement progressistes aussi bien du stalinisme que du trotskysme.

Pablo continua de développer la ligne révisionniste de Clarke dans un article intitulé Le « cours nouveau » de l’après-Staline où il prédit une irréversible « déstalinisation » de la bureaucratie. L’importance du soulèvement en Allemagne de l’Est, n’y fut appréciée ni comme un signe précurseur de la révolution politique contre le stalinisme ni comme la preuve de l’antagonisme irréconciliable opposant la classe ouvrière à la bureaucratie – et cela malgré la violence dont le soulèvement fut accompagné et la façon brutale dont il fut réprimé. Au lieu de cela, Pablo mit l’accent sur les concessions politiques faites par la bureaucratie à la classe ouvrière est-allemande. « Mais une fois que ces concessions seront étendues, la marche en avant vers une véritable liquidation du régime stalinien risque de devenir irréversible ». [190]

Partant de la conception selon laquelle le stalinisme serait liquidé à travers un processus de concessions obtenues à cause de la pression des masses, Pablo voyait la victoire du socialisme en URSS et en Europe de l’Est comme le résultat « de luttes violentes au sein de la bureaucratie entre les éléments qui veulent combattre pour le statu quo ou pour un retour en arrière et les éléments, de plus en plus nombreux, entraînés par la pression des masses ».[191]

La réponse du Socialist Workers Party s’opposait diamétralement à la ligne de Clarke et Pablo. Elle attaquait les soi-disant concessions des staliniens comme étant destinées à permettre « au régime de continuer à tenir les travailleurs par la gorge » [192] et elle insistait sur le fait que :

« Ce soulèvement politique des travailleurs allemands met à jour le conflit irréconciliable existant entre la classe ouvrière et la bureaucratie stalinienne parasitaire. Les rapports et les conditions qui ont produit les événements est-allemands ne se limitent pas à l’Allemagne de l’Est : ils dominent la situation politique de tous les pays de la zone tampon et même de l’Union Soviétique. L’Allemagne de l’Est ne fait dans ce cas qu’annoncer les développements et les luttes révolutionnaires à venir dans les pays dominés par les staliniens. » [193]

Cette répudiation de la révolution politique par Pablo et sa perspective d’autoréforme de la bureaucratie, constituait le point culminant de la ligne liquidatrice développée depuis 1949. En 1953, et dans une situation où la classe ouvrière entrait directement en lutte contre le stalinisme, Pablo jouait le rôle d’avocat des bureaucraties soviétiques et d’Europe de l’Est.

Il n’était par conséquent plus possible à Pablo de cacher le contenu révisionniste et liquidateur de sa ligne politique derrière toutes sortes d’arguments apparemment plausibles selon lesquels le mouvement trotskyste devait « rompre son isolement » et autres arguments de ce genre fort appréciés des opportunistes. Lorsque Pablo publia, pour « rendre plus concrète » la stratégie du troisième congrès, un autre document, intitulé Notre intégration dans le mouvement réel des masses, notre expérience et nos perspectives – il fut clair qu’il travaillait délibérément à faire des sections de la Quatrième Internationale de simples dépendances de la bureaucratie stalinienne ou encore des appareils petits-bourgeois qui se trouvaient dominer le mouvement de masse dans divers pays. Ses propositions « d’entrisme universel » n’étaient au bout du compte qu’une recette organisationnelle pour la dissolution politique de la Quatrième Internationale en tant que parti marxiste révolutionnaire de la classe ouvrière.

« Tandis que notre stratégie en tant que seule tendance marxiste révolutionnaire, est la conquête du pouvoir par le prolétariat et le triomphe de la révolution socialiste à l’échelle mondiale, notre tactique doit tenir compte des conditions objectives et subjectives concrètes de manière à créer, au moment le plus propice, le regroupement le plus efficace possible de forces révolutionnaires conscientes plus importantes que les nôtres et de former, dans une fusion avec celles-ci, de grands partis marxistes révolutionnaires.

« En dernière analyse, notre tactique vise à la création de tels partis révolutionnaires indispensables à une victoire rapide et complète de la révolution socialiste mondiale.

« Mais cette création, nous la voyons concrètement comme une partie du processus de développement de la classe elle-même dans chaque pays, comme une partie d’un processus de maturation politique à laquelle elle parvient par l’expérience concrète. Ce processus se trouve promu d’une part par les conditions objectives favorables de notre période et d’autre part par notre propre participation à l’aide de notre programme, de nos idées et de notre action au mouvement réel de la classe. » [194]

Tout ce discours sur « le mouvement de la classe elle-même » n’était qu’une rationalisation peu crédible pour justifier la trahison des principes et la subordination de la Quatrième Internationale à des éléments de classe ennemis.

« Nous prenons la classe telle qu’elle est dans chaque pays, avec ses particularités, nous étudions ses mouvements naturels, nous y discernons les aspects progressistes et nous adoptons notre tactique en conséquence.

« La forme nous importe peu ; le contenu de classe souvent déformé, latent ou même potentiel est d’une importance décisive. Mais le découvrir exige déjà une maturité politique supérieure dont notre mouvement fait généralement preuve maintenant. » [195]

Quiconque veut comprendre la nature du révisionnisme pabliste devrait étudier attentivement les deux paragraphes ci-dessus, qui représentaient une version moderne de la vielle formule opportuniste « Le mouvement est tout, le but n’est rien ». Pablo fut le premier d’une longue lignée de « techniciens » révisionnistes à l’intérieur de la Quatrième Internationale qui firent de l’opportunisme sans bornes une vertu, justifiant sans cesse leurs improvisations tactiques en mettant l’accent sur la petitesse du mouvement trotskyste, la nécessité de sortir de l’isolement, etc. Déclarer que « la forme nous importe peu » revenait à justifier des rapports sans principes avec pratiquement toutes sortes d’organisations politiques, indépendamment de la nature de classe de leur base sociale et de leur programme. Affirmer que « le contenu de classe, déformé, latent ou même potentiel » d’organisations « est d’une importance décisive » constitue une déclaration de guerre à la conception marxiste, c’est-à-dire matérialiste historique de la politique. Une telle approche menait inexorablement à un modus operandi où l’impressionnisme, les manœuvres et les tours de passe-passe tactiques devinrent l’axe du travail quotidien des sections qui acceptaient cette méthode.

Malgré toutes leurs formules à double sens et leurs échappatoires diplomatiques, les projets d’ « entrisme » de Pablo étaient basés sur la notion selon laquelle l’injection du sérum trotskyste dans les organisations staliniennes, réformistes ou nationalistes bourgeoises pourrait, par un obscur processus d’alchimie politique, faire de ces éléments antisocialistes l’instrument qui finirait par accomplir la révolution prolétarienne.

Ce que Pablo attaquait pour être du « sectarisme » était la conception fondamentale sur laquelle fut fondée la Quatrième Internationale en 1938 – à savoir que la crise de la direction révolutionnaire ne pouvait être résolue que par le mouvement trotskyste qui seul représente l’héritage et la continuité du marxisme. Trotsky avait soutenu qu’en dehors de la Quatrième Internationale « il n’existe pas sur cette planète un seul courant révolutionnaire digne de ce nom ». [196]

Pablo rejetait avec mépris cette compréhension du rôle historique déterminant de la Quatrième Internationale et il écrivait en octobre 1953 « Dans les conditions historiques concrètes actuelles, la variante qui devient chaque jour la moins probable est celle ou les masses, désillusionnées par les réformistes et les staliniens rompent avec leur organisation de masse traditionnelle pour se rassembler autour de notre noyau actuel, ce dernier agissant exclusivement et essentiellement d’une façon indépendante et de l’extérieur ». [197]

Pour Pablo il était irréaliste de croire, comme Trotsky, qu’une section de la Quatrième Internationale pouvait répéter la prouesse accomplie par les bolcheviks en 1917 où, dans une situation révolutionnaire, ils réussirent à passer d’un parti relativement minoritaire faible à un parti de masse et ce, en quelques mois. Selon le raisonnement de Pablo,

« les conditions historiques générales caractérisant le mouvement ouvrier international et le mouvement ouvrier russe, en particulier en 1917, ne sont plus les mêmes ne serait-ce qu’en raison de l’existence par la suite de l’Union Soviétique et du stalinisme. La situation est maintenant complètement différente dans les grands pays capitalistes, spécialement là où existe un mouvement de masse traditionnel organisé sous direction réformiste ou stalinienne ». [198]

Telle était la véritable perspective de Pablo : la Quatrième Internationale ne pourrait jamais aspirer à la direction de la classe ouvrière et elle ne pourrait jamais réussir à défier les staliniens et les sociaux-démocrates. Il n’y avait aucune raison de lutter patiemment pour développer l’autorité du mouvement trotskyste par une lutte implacable contre les puissantes bureaucraties. La Quatrième Internationale devait plutôt se dissoudre dans les partis staliniens d’Europe (ou dans tout autre mouvement de masse dominant le mouvement ouvrier dans les autres pays, par exemple le péronisme en Argentine). Pablo déguisait son pessimisme petit-bourgeois morbide par une rationalisation démagogique qui est encore en usage aujourd’hui chez toutes les espèces de révisionnisme anti-trotskyste : « nous voulons être et nous serons avec la véritable révolution ». [199]

Le message de Pablo fut accueilli avec gratitude par les petit-bourgeois démoralisés et les travailleurs conservateurs qui ne croyaient plus pour le mouvement ouvrier de leur pays à la viabilité d’une perspective marxiste et ne voulaient plus entendre parler de trotskysme. Tout en faisant comme si Pablo avait trouvé la formule magique pour la construction de partis de masse, ils comprenaient que celui-ci justifiait leur « intégration » dans le marais des organisations ouvrières réformistes. En octobre 1953 un des partisans australiens de Pablo, Win Brad Jr., écrivit une lettre furieuse aux directeurs de publication du SWP de Quatrième Internationale, dans laquelle il attaquait la critique faite par Morris Stein de la position de Clarke sur le soulèvement en Allemagne de l’Est.

« Léon Trotsky est mort en 1940 – il y a treize ans. Depuis, une nouvelle génération dont je fais partie est apparue et elle construira le socialisme à l’échelle mondiale. Cette nouvelle génération ne peut probablement même pas se rappeler du temps ou Trotsky était vivant. Nous ne pouvons pas nous en souvenir, car nous étions à peine nés à l’époque des procès de Moscou, à l’époque du front populaire et du front uni. Nous n’avons qu’un très faible souvenir de la Deuxième guerre mondiale et la seule période que nous connaissions est la période depuis la guerre et la seule chose dont nous soyons vraiment conscients est que la lutte finale entre le vieil ordre et le nouveau – entre le capitalisme et le socialisme – se produira avant que nous n’ayons atteint la force de l’âge.

« Prouver un argument et le faire en citant un homme qui est mort il y a douze ans – si brillant cet homme fût-il, si profondément correcte fussent ses idées, sans tenir compte de la situation dans le monde tel qu’il est depuis 1945, ne nous satisfait pas. Léon Trotsky a écrit pour une période particulière et pour une série de circonstances particulières… Douze années c’est long, particulièrement dans notre siècle et la période 1933-1941 n’est pas la même que la période 1945-1953… » [200]

A l’automne de cette année, c’était pratiquement une guerre civile qui avait éclaté dans la Quatrième Internationale. Ceux qui soutenaient Pablo étaient devenus déchaînés dans leur haine fractionnelle du trotskysme et soutenaient ouvertement la politique contre-révolutionnaire de la bureaucratie soviétique. La position adoptée par les partisans de Cochran dans la cellule du SWP à Seattle est un exemple supplémentaire du caractère extrêmement sérieux de la lutte qui se déroulait au sein de l’organisation internationale.

Cette citation est extraite d’un rapport envoyé à Farrell Dobbs par Georges Flint, un partisan de la majorité du SWP :

« À notre réunion de cellule jeudi soir, Sylvia, Bud, Roger et Jim O. étaient au coude à coude dans leur course pour quitter le parti du socialisme révolutionnaire et pour entrer dans le parti de la contre-révolution stalinienne.

« Dans sa déclaration, Sylvia dit qu’elle répudiait tous les concepts du trotskysme et qu’elle considérait le PC comme un parti révolutionnaire.

« Roger dit qu’il n’avait jamais été pleinement intégré au mouvement trotskyste, car il n’a jamais considéré le PC comme une tendance contre-révolutionnaire. Bud dit qu’après six ans dans le SWP, il avait décidé qu’il devait sortir d’un mouvement qui perd contact avec la réalité et ne peut distinguer ses désirs du monde d’aujourd’hui. Notre mouvement, dit-il, se nourrit des sentiments anticommunistes des masses.

« Ils ont annoncé qu’ils parlaient aussi pour Jim O. Celui-ci est arrivé plus tard, après leur départ et l’a lui-même confirmé. En réponse à une question posée à la réunion, Sylvia dit qu’elle considérait l’assassinat des opposants de gauche en Union Soviétique comme progressiste et nécessaire car cela aida la défense de l’Union Soviétique. » [201].

L’été et l’automne de 1953 constituent le tournant de la lutte au sein de la Quatrième Internationale. La grève générale en France révéla quelles étaient les implications pratiques des positions politiques pablistes pour le mouvement ouvrier. Pablo s’opposait à qualifier de trahison le rôle des staliniens qui avait consisté à garder le mouvement de masse sous contrôle et à le détourner d’une confrontation révolutionnaire avec l’État. Il les accusa seulement de « manquer » d’une politique. De plus, les sympathisants français de Pablo avaient spécifiquement endossé le refus des syndicats de la CGT, contrôlés par les staliniens, d’avancer des mots d’ordre politiques.

La grève générale d’août démontra à ceux qui pouvaient encore en douter que l’appel de Pablo pour pénétrer profondément dans les partis communistes faisait partie d’une capitulation générale devant le stalinisme et d’une renonciation générale au trotskysme.

Sa politique de droite ayant à présent à faire face à l’opposition déclarée de Cannon, les manœuvres fractionnelles de Pablo prirent un caractère désespéré et téméraire. L’attaque par Banda de la Lettre ouverte comme d’un « ultimatum arrogant » met la vérité historique sur la tête. En réalité, la décision de Cannon de faire appel publiquement aux trotskystes du monde entier était destinée à protéger l’existence physique des sections de la Quatrième Internationale. Comme le sait très bien Banda, c’est en Grande-Bretagne que la situation était la plus dangereuse. Une fraction dirigée par Lawrence qui travaillait sous la direction de Pablo, menaçait de détruire l’organisation si Healy ne se conformait pas à la politique de Paris et ne mettait pas un terme à sa relation politique avec Cannon.

Dans une lettre extraordinaire à Healy, datée du 23 septembre 1953, Pablo avertissait celui-ci qu’il serait détruit politiquement s’il ne se soumettait pas à une discipline de style Komintern, s’il ne gardait pas ses divergences pour lui et s’il ne soutenait pas le Secrétariat International contre le Socialist Workers Party. C’est Pablo qui posa un véritable « ultimatum arrogant » ordonnant à Healy :

« a) De limiter la lutte strictement au niveau politique des idées en [s]e conduisant avant tout comme un membre du CEI [comité exécutif international] et du SI [secrétariat international] et de défendre en tant que tel jusqu’au quatrième congrès mondial la position de la majorité et la discipline de l’internationale.

« b) De cesser d’agir comme un membre de la fraction majoritaire américaine et d’attendre d’elle la position politique à défendre et de cesser de faire circuler ses documents dans [s]a fraction en Angleterre avant de faire connaître au SI et au CEI [s]es éventuelles divergences politiques.

« c) De [s]’abstenir de prendre toute mesure organisationnelle contre les camarades de [s]a section qui défendent comme ils le doivent et comme [il] devrait être le premier à le faire, la politique et la discipline de l’internationale. » [202]

Cannon fut abasourdi par cette lettre qui menaçait ouvertement Healy d’être « jugé avec une extrême sévérité » par le SI s’il permettait la discussion des positions du SWP dans la section britannique. Cannon était passé par la stalinisation du Komintern. Il se souvenait de la façon dont la bureaucratie stalinienne avait imposé une caricature grotesque de la « discipline internationale » visant à supprimer la discussion sur les positions de Trotsky au sein de la Troisième Internationale. Il fut épouvanté de voir Pablo essayer de redonner vie, dans la Quatrième Internationale, à ces pratiques politiques corrompues. Pablo exigeait que Healy se taise et accepte la mainmise sur l’organisation britannique d’un groupe d’éléments pro-staliniens, conduits par Lawrence qui entretenait déjà des rapports étroits avec le PC britannique.

Cannon quitta Los Angeles et se rendit à New York pour une discussion urgente avec le comité politique au sujet de la crise au sein de la Quatrième Internationale. Le 25 octobre 1953, Farrell Dobbs, qui appuyait désormais Cannon, envoya à Healy un rapport détaillé expliquant clairement comment le SWP en était arrivé à la décision de publier la Lettre ouverte et apportant la preuve que celle-ci se fondait entièrement sur les principes.

« Depuis l’arrivée de Jim à New York nous avons fait l’examen du cours de la lutte internationale et estimé les derniers développements. Nous avons lu attentivement toutes tes lettres qui ont exercé une profonde influence sur notre appréciation de la situation internationale.

« Le plus sinistre de tout est l’ultimatum qui t’a été lancé par Pablo et indiquant son intention d’intervenir pour aider la minorité révisionniste à renverser la majorité dans votre parti. Nous constatons aussi que, tandis qu’il lance cette attaque perfide contre toi, il reste bien plus réservé à notre égard. Il y a une raison à cela. Il veut nous neutraliser sur le plan international et nous garder occupés avec la lutte contre nos propres révisionnistes, qu’il ne soutient que de façon clandestine, pendant qu’il essaie de casser ton groupe et les autres groupes trotskystes orthodoxes un par un.

« Nous croyons que le meilleur service que nous puissions rendre au mouvement international est de trancher le nœud des intrigues pablistes en défiant ouvertement leur politique révisionniste et liquidatrice. Nous pensons que le temps est venu de lancer un appel ouvert aux trotskystes orthodoxes à travers le monde pour qu’ils se rallient et sauvent la Quatrième Internationale et pour chasser cette clique révisionniste usurpatrice. Le mouvement doit être mis en garde contre la tactique des scissions et des expulsions de Pablo, contre ses abus de contrôle administratif visant à répéter à l’échelle internationale le coup qu’il a fait en France de renverser une majorité avec une minorité.

« En accord avec la décision de passer de la défensive à l’offensive, nous changeons tout le caractère de l’appel dont nous t’avions envoyé une ébauche. Celle-ci se limitait à une description du révisionnisme dans notre parti et au soutien que Pablo lui apporte, avec un appel pour le soutien du trotskysme orthodoxe mondial dans notre lutte. Notre intention est maintenant de publier, au nom de notre plénum, un manifeste public au mouvement mondial et lancer ainsi un appel aux armes contre les pablistes sur le plan international.

« Le manifeste prendra comme point de départ la politique criminelle du pablisme vis-à-vis des événements révolutionnaires d’Allemagne de l’Est, de France, d’Iran et des derniers changements en Union Soviétique. Nous démontrerons que le clivage politique est si profond et les méthodes pablistes si étrangères à notre mouvement qu’un modus vivendi n’est plus possible. La conduite des pablistes montre qu’ils sont totalement indifférents au véritable rapport des forces dans notre mouvement. Ils agissent comme si l’internationale appartenait à Pablo et à sa coterie. Les trotskystes orthodoxes doivent expulser Pablo et toute la clique qui l’entoure et qui ne permet d’autre modus vivendi qu’une complète soumission à leur politique criminelle.

« Il est nécessaire de comprendre qu’on ne peut attendre le prochain congrès pour en découdre comme certains l’avaient espéré auparavant. Les pablistes ont déjà montré par leurs agissements en France et par les actes et les menaces envers toi en Angleterre qu’ils ne permettront pas la tenue d’un congrès démocratique. Leur plan est de se débarrasser des trotskystes orthodoxes avant même la tenue du congrès. Nous devons agir maintenant et agir avec détermination. Cela signifie que nous devons lancer une contre-attaque sans délai. Nous ne pouvons nous faire d’illusions sur la possibilité d’un accord pacifique et d’un compromis avec ces gangsters.

« Le changement de tactique dont nous avons décidé à l’unanimité fut surtout déterminé par notre discussion sur la meilleure façon de vous assister dans votre lutte. Actuellement, vous êtes prisonniers d’un réseau de calomnies et de tracasseries qui vous maintient sur la défensive. Vous êtes contraints de lutter sur le terrain de Pablo avec des camarades inexpérimentés qui peuvent se laisser prendre à la confusion politique qu’il sème et les intrigues organisationnelles dont il se sert.

« Un défi politique ouvert et direct à Pablo, lancé par notre assemblée plénière, renverse la situation, casse sa stratégie de la confusion et vous fournit une excellente base pour passer de la défensive à l’offensive en soutenant notre manifeste. Vous pouvez ainsi rapidement mobiliser et armer tous les trotskystes orthodoxes pour la bataille.

« La lutte que nous entreprenons maintenant n’est pas moins vitale et décisive pour l’avenir que les grandes batailles d’il y a 25 ans, où les premiers cadres trotskystes furent rassemblés. Face à ces impératifs politiques, les petits scandales et les manœuvres organisationnelles ne peuvent que perdre leur importance. Par un défi politique intransigeant, tu pourras rapidement souder tes forces en une fraction qui deviendra le mouvement en Angleterre.

« Si nous laissons la lutte se poursuivre au niveau actuel, vous courez le risque inévitable de voir la démoralisation et la confusion désorganiser votre mouvement. Et c’est ce que nous craignons le plus actuellement.

« Nous avons eu un aperçu de l’effet d’un tel changement de tactique lors d’une discussion interne jeudi soir à New York sur la question de la grève générale en France. Au cours de cette discussion, nous avons pour la première fois touché à la vache sacrée, Pablo. La confusion des cochraniens devant notre attaque cinglante contre celui-ci tend à confirmer notre point de vue : il croyait que nous avions peur de l’affronter à découvert. Il pensait qu’en jouant un double jeu astucieux avec nous, il nous garderait immobilisés sur l’arène internationale jusqu’à ce qu’il ait fait en Angleterre la même chose qu’en France.

« Le facteur le plus important dans cette discussion a été l’empressement avec lequel les membres ont répondu au signal du déclenchement des hostilités contre le révisionnisme pabliste et la tendance liquidatrice dans le mouvement mondial. Nous pensons que cette réaction saine se répétera dans tout le mouvement, parmi ceux qui n’ont pas oublié ce que Trotsky leur a enseigné et qui, comme tu l’as dit souvent, attendaient que le SWP prenne la parole. » [203]

Pendant tout l’été 1953, les partisans de Cochran refusèrent de reconnaître l’autorité de la direction du SWP et sabotèrent systématiquement le travail du parti – refusant par exemple de vendre ses publications ou de soulever des fonds. Cette campagne antiparti atteignit son point culminant le 30 octobre 1953, lorsqu’ils refusèrent de prendre part au banquet en l’honneur du vingt-cinquième anniversaire de la fondation du mouvement trotskyste aux États-Unis. Ce boycott public du parti représentait une déclaration de scission et c’est ainsi que la direction du SWP le comprit. Au plénum du comité national, les 2 et 3 octobre 1953, le SWP expulsait Cochran, Clarke et tous ceux qui avaient participé au boycott.

En faisant l’historique de la longue lutte contre Cochran, Cannon résumait ainsi la signification historique de la scission lors de son discours de clôture au plénum du comité national :

« La question de la direction est le problème que la classe ouvrière n’est pas encore parvenue à résoudre à travers le monde. Le seul obstacle entre la classe ouvrière mondiale et le socialisme est le problème non résolu de la direction. C’est ce que signifie « la question du parti ». C’est ce que le Programme de transition dit lorsqu’il déclare que la crise du mouvement ouvrier est la crise de la direction. Cela signifie que tant que la classe ouvrière ne résoudra pas le problème de créer le parti révolutionnaire, l’expression consciente du processus historique qui peut diriger les masses en lutte, l’issue demeure incertaine. C’est la plus importante de toutes les questions – la question du parti.

« Et si notre rupture d’avec le pablisme – comme on peut le voir clairement maintenant – se résume à une chose et se concentre sur une question, c’est bien celle du parti. Cela nous semble clair maintenant après avoir vu le pablisme se développer en pratique. L’essence du révisionnisme pabliste est la destruction de l’aspect du trotskysme qui est aujourd’hui son aspect le plus important – la conception de la crise de l’humanité comme la crise de direction du mouvement ouvrier, concentrée dans la question du parti.

« Le pablisme ne vise pas seulement à la destruction du trotskysme, il vise aussi à détruire cet aspect du trotskysme que Trotsky avait appris de Lénine. La plus importante contribution de Lénine à toute son époque est sa conception et sa lutte déterminée pour la construction d’un parti d’avant-garde, capable de mener les travailleurs dans une révolution. Et il n’a pas limité sa théorie à la seule époque de son activité. Il est remonté jusqu’en 1871 et il a dit que le facteur décisif de la défaite de la première révolution prolétarienne, la Commune de Paris, était l’absence d’un parti de l’avant-garde révolutionnaire marxiste capable de donner au mouvement de masse un programme conscient et une direction résolue. C’est l’acceptation par Trotsky de cet aspect de Lénine en 1917 qui fit de Trotsky un léniniste.

« Cela est consigné dans le Programme de transition, ce concept léniniste du rôle déterminant du parti révolutionnaire. Et c’est ce que les pablistes veulent jeter par-dessus bord, en faveur d’une conception selon laquelle les idées passeront dans la bureaucratie traître, chez les staliniens ou les réformistes et selon laquelle d’une façon ou d’une autre, au cours du grand Soir, la révolution socialiste sera réalisée et menée à son terme sans un parti marxiste révolutionnaire, c’est-à-dire un parti léniniste-trotskyste. Voilà l’essence du pablisme. Le pablisme est la substitution d’un culte et d’une révélation à un parti et à un programme. »[204]


[189]

National Education Department Socialist Workers Party, Towards a History of the Fourth International, 4e partie, t. 3, p. 110.

[190]

Ibid., p.114.

[191]

Ibid.

[192]

Ibid., p.126.

[193]

Ibid., p.125.

[194]

Ibid., p.130.

[195]

Ibid., p.130-131.

[196]

Léon Trotsky, L’agonie du capitalisme et les tâches de la Quatrième Internationale : Programme de transition, Cahiers du marxisme, Paris 1978, p. 48.

[197]

SWP, Towards a History, 4e partie, t.3, p.141.

[198]

Ibid., p. 142.

[199]

Ibid., p.144.

[200]

Ibid., p.128.

[201]

SWP, Towards a History, t.2, 3e partie p.98.

[202]

SWP, Towards a History, t.4, 4e partie, p.150-151.

[203]

SWP, Towards a History, t.2, 3e partie, pp.122-123.

[204]

James P. Cannon, Speeches to the Party, Pathfinder Press, New York 1973, pp.181-182.