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Des milliers de personnes manifestent lors de la réunion de l'Organisation Mondiale du Commerce de Seattle

Principes politiques premiers pour un mouvement contre le capitalisme global

Par le comité éditorial
30 novembre 1999
Traduit de l'anglais

Des milliers de personnes se réunissent cette semaine à Seattle, dans l'État de Washington, pour s'opposer aux politiques de l'Organisation Mondiale du Commerce, l'OMC, qui y tient sa conférence ministérielle. Devant l'éventualité des manifestations de masse, le quotidien britannique, Financial Times, dans son édition de samedi, publiait un éditorial en défense du capitalisme international.


Intitulé «Les critiques du capitalisme», l'éditorial faisait remarquer que «les contrecoups du capitalisme global gagnait en force et en puissance» et que «les manifestations avaient pour importance de lancer l'avertissement que la population devenait inconfortable face au capitalisme, et que les forces de la globalisation atteignaient un niveau inquiétant.»


Le Financial Times ajoutait que lors de la crise économique en Asie, «Plusieurs ont été outrés de voir comment les caprices de fonds spéculatifs impersonnels pouvaient apparemment entraîner un appauvrissement massif à l'autre bout du monde.» Il continue, «Ce serait manquer de jugement que de nier que le libre-échange puisse causer d'énormes et douloureux soulèvements», mais concluait sans remords que «malgré toute la douleur qu'elle cause, une économie globale plus ouverte et plus intégrée représente un immense avantage pour l'économie mondiale.»


L'éditorial du Financial Times est remarquable pour son ton décidément défensif, qui suggère que le sentiment général des cercles économiques et politiques, en dépit de la valeur record des actions à Wall Street, est assez éloigné du triomphalisme exubérant qu'avait entraîné l'effondrement de l'URSS il y a moins de dix ans.


La réponse du Financial Times aux critiques du capitalisme global ne convaincra probablement personne qui n'est déjà pas en pâmoison devant les prétendues merveilles du marché. Lorsque l'éditorial mentionne, par exemple, «un immense avantage pour l'économie mondiale», la question se pose de savoir qui précisément est englobé dans cette «économie mondiale»?


Est-ce que le Financial Times fait référence à l'immense majorité de la population mondiale? S'il en était ainsi, les éditorialistes auraient bien de la difficulté à démontrer que le développement du capital transnational et financier en Europe de l'Est et en ex-Union Soviétique, par exemple, ait mené à autre chose qu'à un désastre pour la vaste majorité de la population ouvrière. Il en est de même pour les masses en Afrique, en Asie et en Amérique Latine, dont le niveau de vie a diminué, parfois dans des proportions catastrophiques, tout au long des deux décennies des programmes de restructuration économique imposés par le Fonds Monétaire International et les gouvernements occidentaux.


Ce ne sont pas non plus les travailleurs des centres industriels et financiers capitalistes que sont les États-Unis, l'Europe de l'Ouest, le Japon, qui ont bénéficié de la croissance du capital transnational. Leur niveau de vie a stagné ou diminué, l'insécurité économique est rampante, le temps de loisir a été grugé par de plus longues heures au travail, et les programmes gouvernementaux qui offraient une certaine protection contre les errements du marché ont été réduits jusqu'à l'os.


Par contre, si par «économie mondiale» le Financial Times voulait plutôt faire référence à ceux qui occupent les barreaux les plus élevés de l'échelle sociale, alors le quotidien aurait une excellente cause. Une flopée d'informations et de statistiques sont venus documentés, ces dernières années, le développement stupéfiant de la polarisation sociale à l'échelle mondiale. Citons un fait significatif: la richesse de tous les milliardaires, 475 personnes, est comparable au revenu annuel combiné de 50% de la population, c'est-à-dire plus de 3 milliards de personnes.


Ce sont là les fruits du capitalisme global. Les éditeurs du Financial Times deviennent nerveux devant le fait que de plus en plus de personnes s'en rendent compte et en commencent à en tirer les conclusions qui s'imposent.


Un ensemble hétérogène d'organisations se sont mobilisées pour les manifestations à Seattle. On y retrouve des organisations non-gouvernementales (les ONG) de partout au monde qui font du lobbying pour que des normes du travail et des droits humains soient incorporés dans les accords commerciaux; des groupes environnementaux comme le Réseau d'action pour les forêts tropicales et Greenpeace; des groupes dit de «gauche», alignés derrière la bureaucratie syndicale de l'AFL-CIO; les syndicats eux-mêmes; et des tendances nationalistes de droite de la même eau qu'un Pat Buchanan.


On s'attend à ce que des milliers de jeunes participent au mouvement, y compris plusieurs étudiants qui ne sont affiliés à aucun des organisateurs de la manifestation. Ils vont à Seattle parce qu'ils sont écoeurés de ce que devient la société américaine: par le fait que tous les aspects de la vie sont dominés par des grandes compagnies, par la croissance de l'inégalité sociale, par l'obsession officielle face à la richesse, par l'hystérie de «la loi et l'ordre» et la valorisation du militarisme, par l'augmentation du nombre des attaques racistes et antisémites, par l'indifférence de tous les paliers de gouvernement face aux besoins de la population.


La construction d'un mouvement viable contre le capitalisme mondial touche toutefois de vastes aspects historiques et politiques. Le siècle qui se termine a connu nombre d'expériences complexes et souvent amères. Il suffit de considérer la grande Révolution Russe de 1917 et le sort tragique de l'Union Soviétique dominée par une bureaucratie qui a usurpé le pouvoir à la fin des années 1920 et qui a ensuite commis, aussi bien sous Staline que sous ses successeurs, de monstrueux crimes contre la classe ouvrière et la cause du socialisme international, tout cela au nom du marxisme et du communisme. Il sera impossible de mener une lutte qui soit victorieuse sans assimiler les leçons de ces expériences.


L'historique des précédents mouvements de protestations, y compris la lutte contre la guerre du Vietnam, montre que l'activisme et même le sacrifice personnel n'ont pas été suffisants. La tâche la plus compliquée que confronte l'humanité réside en l'organisation d'un mouvement contre le système actuel.


Sur quelle base sociale et politique un tel mouvement peut-il se développer? Selon nous, il doit être nécessairement fondé sur l'unité internationale de la classe ouvrière.


La masse des travailleurs forme l'épine dorsale et la force sociale directrice de tout mouvement qui s'oppose au capital global. Loin de diminuer en nombre ou en importance, la classe ouvrière a crû à l'échelle mondiale, en terme absolu et en terme de poids social.


L'intégration économique globale a signifié l'expansion de l'industrie dans des régions de pays économiquement arriérés où aucune industrie n'existait auparavant, et le grossissement des rangs de la classe ouvrière de centaines de millions de nouveaux arrivés. Au sein des pays plus avancés, les changements de la vie économique, comme l'informatisation, l'élimination des gestionnaires intermédiaires, la pression pour diminuer les effectifs et les coupures budgétaires, ont mené à la prolétarisation de vastes sections de la population qu'on appelait la classe moyenne.


La globalisation a créé une polarisation sociale sans précédent au niveau international entre l'élite bien nantie et de grandes couches de la population. La lutte entre la classe ouvrière et le capital ne s'est pas évanouie, elle est maintenant plus générale et gagne en intensité. Il n'y a pas, non plus, pénurie de combativité chez les travailleurs pour défendre leurs emplois et leur niveau de vie. Le caractère explosif des contradictions sociales s'est déjà manifesté partout à travers le monde, le dernier exemple étant l'Indonésie, quoiqu'elles y aient pris une forme confuse politiquement.


Historiquement, la population ouvrière a réalisé ses plus grands gains lorsque ses éléments les plus avancés ont été guidés par les idéaux de l'internationalisme. La notion que les travailleurs de partout avaient les mêmes intérêts a inspiré les socialistes de Russie qui ont mené la révolution d'octobre 1917. La principale difficulté aujourd'hui est que les travailleurs à travers le globe ont été abandonnés et trahis par leurs vielles organisations: les partis soi-disant communistes ou socialistes, les partis travaillistes et les syndicats. La conscience politique de la majorité de la population a été lourdement atteinte par des décennies de domination par les bureaucraties ouvrières nationalistes et pro-capitalistes.


Dans le débat politique contemporain, restreint et très carencé en information, «capitalisme global» et «globalisation» sont pratiquement synonymes. Toutefois, il importe de différencier d'une part le caractère de plus en plus global de la production et de l'échange des marchandises, un développement progressif en soi, dont le moteur est les avancés révolutionnaires du domaine des sciences informatiques, des télécommunications et du transport, et d'autre part les conséquences désastreuses sur le plan social qui ne résultent pas de la globalisation comme tel, mais de la subordination continuelle de la vie économique à un système basé sur la recherche anarchique du profit privé, et lié à la forme dépassée de la nation en tant qu'organisation politique.


La grande question à l'ordre du jour n'est pas comment revenir à l'époque largement mythique d'une vie économique nationale et isolée, mais plutôt qui contrôlera l'économie globale et au nom de quels intérêts sera décidé comment utiliser ses immenses possibilités techniques et culturelles? L'unique force sociale capable d'organiser l'économie globale de façon progressive est la classe ouvrière internationale.


La bureaucratie de l'AFL-CIO, qui est venue en masse à Seattle, est le meilleur exemple du caractère réactionnaire du nationalisme. L'AFL-CIO n'articule pas les intérêts de la classe ouvrière, mais plutôt ceux des diverses sections d'entreprises menacées par les changements de l'économie mondiale et naturellement, par ses propres intérêts.


Démonstration particulièrement grotesque du nationalisme de la bureaucratie, les représentants syndicaux des Mineurs Unis ont prévu pour ce mercredi le «Ralliement aux quais pour qu'arrête le dumping de l'acier», au cours duquel ils ont l'intention de jeter à l'eau de l'acier chinois au port de Seattle.


Au sein de l'AFL-CIO, le nationalisme est associé à l'anticommunisme pathologique. Pourquoi choisir l'acier chinois, et pas le coréen ou le brésilien? Parce que pour la bureaucratie syndicale américaine, le régime stalinien de Pékin, est «communiste.» Les bureaucrates aimeraient débuter une nouvelle guerre froide, où la Chine serait l'ennemie. Ce point de vue les placent tout près du très à droite Pat Buchanan.


La direction de l'AFL-CIO incarne tout ce qu'il y a d'arriéré dans l'histoire du mouvement ouvrier américain. Elle forge des alliances idéologiques de facto avec Buchanan alors même qu'elle continue à abandonner chacun des gains réalisés par les générations passées de travailleurs.


La perspective de l'internationalisme amène tout naturellement une autre question qui n'est pas moins fondamentale: l'organisation politique indépendante de la classe ouvrière. Les questions soulevées cette semaine à Seattle ne seront pas résolues par des manifestations. Aucune pression sur l'OMC ou toute autre institution capitaliste ne viendra changer de façon sérieuse la situation que doivent affrontées les masses opprimées et ouvrières à travers le monde.


Ceux qui s'opposent à l'état actuel des choses sont obligés d'aller à la racine du mal, le système de production basé sur le profit. Cela signifie une lutte pour un changement fondamental, pour réorganiser la société sur un nouveau principe social. C'est une lutte politique pour laquelle la classe ouvrière a besoin de son propre instrument, son propre parti politique.


Aux États-Unis, cela signifie qu'il faut sortir de la camisole de force du système des deux partis. Clinton, Bush ou Buchanan, malgré leurs différences sur la tactique, défendent tous le système du profit. Vouloir organiser la lutte contre le capitalisme global sans vouloir changer le système des deux partis est soit une fraude, soit une illusion.


Quels que soient les malentendus ou la confusion qui entourent la notion de socialisme, principalement dus à la fausse idée que le marxisme signifie son opposé, le stalinisme, les principes égalitaires, démocratiques et internationalistes du socialisme représentent la seule alternative à l'irrationalité et à l'injustice du capitalisme. Ceux qui veulent sérieusement résister à la domination des compagnies transnationales et de leurs représentants politiques vont se voir forcer d'étudier, d'assimiler et de lutter pour la perspective du socialisme international.


Les mois et les années qui viennent ne manqueront pas de soulèvements politiques et sociaux et de luttes par la population ouvrière à travers le monde. Le comité éditorial international du wsws.org est confiant que notre publication, qui fournit une source continuelle de commentaires et d'analyses marxistes des développements politiques, sociaux et culturels, pourra devenir le pivot de discussions et de débats sérieux, attirer les intellectuels et les étudiants les plus sensibles aux principes et les plus dévoués et poser les bases politiques pour qu'émerge un mouvement de la classe ouvrière, nouveau, socialiste et véritablement international.

Voir aussi:

L'échec des pourparlers à l'OMC : la signification pour le capitalisme mondial 22 décembre 1999

 

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