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L'internationalisme marxiste et le point de vue de la protestation radicale.

Une réplique à la critique de la globalisation du professeur Chossudovsky

Par Nick Beams
21 février 2000

Ce texte est la deuxième partie de trois de l'article que Nick Beams, secrétaire national du Parti de l'égalité socialiste en Australie et membre du comité éditorial du WSWS, a écrit en réplique à l'article de Michel Chossudovsky, publié sur le WSWS le 15 janvier 2000, «Seattle and Beyond: disarming the New World Order» (Seattle et après: désarmer le Nouvel ordre mondial). Beams a écrit plusieurs articles sur l'économie capitaliste moderne, y compris Le marxisme et la globalisation de la production ainsi que La signification et les implications de la globalisation: un point de vue marxiste.

Première partie
Troisième et dernière partie

Par Nick Beams
23 février 2000

Deuxième partie

Un programme politique bien défini se retrouve au cur de toutes les dénonciations souvent passionnées du professeur Chossudovsky dirigées contre l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et les autres institutions du capitalisme global. De son point de vue, la mondialisation doit être combattue en restaurant le pouvoir et la souveraineté de l'état national, qui ont été minés par la création d'organisations multilatérales « totalitaires » telles que l'OMC.

Selon Chossudovsky, l'accord de 1994 qui a établi l'OMC « passe outre le processus démocratique dans chacun des pays membres » et « déroge délibérément aux lois et aux constitutions nationales tout en accordant des pouvoirs étendus aux banques globales et compagnies multinationales ».

« En d'autres mots », ajoute-t-il, « le processus de création de l'OMC après l'acte final de l'étape Uruguay est carrément 'illégal'. Un corps inter-gouvernemental 'totalitaire' a été tranquillement installé à Genève, muni sous le couvert de la loi internationale d'un mandat pour 'superviser' les politiques économiques et sociales au niveau des pays, en dérogation aux droits souverains des gouvernements nationaux ».

Ainsi, il appelle des « mouvements de citoyens à travers le monde » à faire pression sur « leurs gouvernements pour qu'ils se retirent sans attendre et annulent leur appartenance à l'OMC ». Il demande aussi la mise en branle de mesures légales « par les systèmes judiciaires nationaux contre les gouvernements de pays membres, de façon à souligner la violation flagrante des lois internes et des constitutions nationales ».

Chossudovsky accuse les mass média de chercher à empêcher un débat critique et de masquer la vérité, et souligne que la « seule promesse du 'libre marché' » est la dévastation économique qui détruit la vie des gens avec les « remèdes économiques amers » prescrits par l'OMC et le FMI. Il déclare ensuite : « Nous devons restaurer la vérité, nous devons rétablir la souveraineté de nos pays et des peuples de nos pays ».

Il ne saurait y avoir d'expression plus claire de la différence fondamentale qui existe entre, d'une part, l'opposition socialiste au capitalisme global et à ses institutions, qui base sa lutte sur l'unification de la classe ouvrière internationale par delà les frontières nationales, et d'autre part, l'opposition petite-bourgeoise à la mondialisation, qui appelle à la formation d'un « mouvement de citoyens » visant à restaurer le pouvoir de l'état national.
Ce n'est certainement pas la première fois que ces questions ont fait surface. Écrivant en pleine première guerre mondiale, Trotsky a expliqué que tout en luttant contre toute forme d'oppression nationale et de centralisation impérialiste, « le prolétariat ne peut laisser le 'principe national' faire obstacle à la tendance irrésistible et profondément progressive de la vie économique moderne vers une organisation planifiée sur tout notre continent, et même, sur la planète entière ».

« L'impérialisme », a-t-il ajouté, « est l'expression capitaliste-pillarde de cette tendance de l'économie moderne à se détacher complètement de l'idiotie de l'étroitesse nationale, comme elle l'a fait à l'égard du confinement local et provincial. Tout en luttant contre la forme impérialiste de la centralisation économique, le socialisme ne prend pas du tout position contre la tendance particulière en tant que telle, mais fait de la tendance son propre principe directeur. »

Nous allons revenir sur les implications de ce principe directeur dans la dernière partie de notre série. A ce point-ci, nous voulons examiner les conséquences du programme nationaliste mis de l'avant par Chossudovsky.

A la lecture des accusations portées par le professeur Chossudovsky contre l'OMC et ce qu'il appelle le Nouvel ordre mondial (jamais l'ordre capitaliste global), ce qui nous vient instinctivement à l'esprit, ce sont les proclamations des organisations d'extrême-droite, populistes et même néo-fascistes des Etats-Unis et d'Europe.

Aux Etats-Unis, les partisans de Patrick Buchanan et d'autres politiciens de droite dénoncent le Nouvel ordre mondial et les institutions telles que l'OMC et l'ONU pour être les organes d'un « gouvernement mondial » qui viole les droits et pouvoirs souverains du gouvernement américain. Des positions similaires se retrouvent en Europe parmi les opposants de droite et néo-fascistes à l'Union européenne. Les socialistes, bien sûr, s'opposent à l'OMC et à l'UE. Mais la question cruciale est le programme sous lequel se développe cette opposition.

Il vaut la peine dans ce contexte de rappeler l'attitude de Trotsky envers le traité de Versailles. Il a insisté que l'Internationale communiste devait certes s'opposer entièrement au traité, mais que le parti communiste allemand ne pouvait pas simplement mettre de l'avant le slogan « À bas Versailles », car ce serait inévitablement s'aligner sur la politique des nazis et autres groupements nationalistes de droite. L'opposition politique à Versailles et au « nouvel ordre mondial » introduit par ce traité, a plutôt maintenu Trotsky, devait se baser sur la lutte pour les États unis socialistes d'Europe.

Le professeur Chossudovsky est sans aucun doute hostile aux opposants nationalistes de droite de l'OMC. Mais en politique, ce ne sont pas les intentions personnelles qui comptent, mais la logique inhérente et objective du programme pour lequel on lutte, et les forces sociales dont les intérêts sont exprimés par un tel programme. Par conséquent, si l'opposition à l'OMC est basée sur un programme qui préconise le renforcement de l'état national et la restauration de ses droits souverains, accusant l'OMC d'actes « illégaux » parce qu'il mine ces droits-là, alors il ne peut en résulter qu'une convergence politique vers les mouvements politiques nationalistes de droite.

Tout au long de son article, le professeur Chossudovsky cherche à démasquer le rôle des médias et des organisations non-gouvernementales qui donnent un « visage humain » à l'OMC et sèment des illusions sur son caractère démocratique. Mais lorsqu'on en vient à l'état national, il encourage lui-même des illusions et s'engage dans la fabrication de mythes.

Il préconise la transformation des institutions de l'état afin de les enlever des griffes des institutions financières, ainsi que la restauration des droits des producteurs directs. Son but est le développement d'un « mouvement de citoyens » pour faire pression sur les gouvernements nationaux et réaliser, en fin de compte, une réforme de l'état capitaliste. Mais l'expérience historique démontre l'impossibilité d'un tel projet.

L'état-nation capitaliste n'est pas une sorte d'institution politique neutre trônant au haut de la société et qui aurait été monopolisée par les intérêts économiques les plus puissants. C'est la création et l'instrument de la classe capitaliste elle-même. Cet état ne peut pas être « capturé » d'une façon ou d'une autre par les masses populaires et démocratisé selon leurs intérêts.

Nous ne voulons pas suggérer que la classe ouvrière et les alliés qu'elle peut gagner des autres classes sociales ne devraient pas lutter pour des revendications démocratiques. Au contraire, dans la lutte contre le totalitarisme du marché capitaliste global, les revendications démocratiques peuvent et vont assumer une énorme importance. Mais, comme le révèle toute l'histoire de la lutte politique du mouvement ouvrier, la lutte pour ces revendications ne progresse pas via l'état capitaliste, mais dans une lutte contre celui-ci, aussi « démocratique » soit-il dans sa forme.

La solution au désastre social et économique qu'est en train de causer le « libre marché » global, à savoir la subordination de toutes les facettes de la société aux exigences du capital dans la poursuite de sa lutte globale pour les profits, requiert rien de moins qu'une réorganisation complète de l'économie et l'établissement de nouvelles priorités sociales, basées sur l'utilisation du progrès scientifique et culturel pour satisfaire les besoins de la grande majorité.

Mais peut-on sérieusement maintenir qu'une telle perspective, qui est sans aucun doute partagée par le professeur Chossudovsky, peut être réalisée au moyen de l'état capitaliste ? Ne nécessitera-t-elle pas le développement d'un mouvement politique qui se fixe pour objectif la restructuration complète du système politique et la création de nouvelles formes d'organisation par lesquelles les masses populaires pourront exercer le pouvoir politique ? Maintenir le contraire revient à créer des illusions, tout aussi dangereuses que celles qui sont semées par les partisans de l'OMC.

Un élément central de la perspective du professeur Chossudovsky c'est qu'il croit que la destruction économique et sociale causée par l'opération du « libre marché » peut être surmontée si une pression suffisante est exercée sur les gouvernements nationaux et leurs institutions financières pour les forcer à retourner à la politique de la réglementation économique nationale, politique basée sur l'analyse de l'économiste britannique John Maynard Keynes, et qui a caractérisé le boum de l'après-guerre.

Comme tous les adeptes du keynésianisme, Chossudovsky fait remonter la crise économique du capitalisme à un manque de demande.

C'est ce qui ressort clairement de son livre, La mondialisation de la pauvreté. Il y écrit que le programme de réformes parrainées par le FMI et visant à la création du chômage et à « la minimisation des coûts de la main-d'uvre » a entraîné un appauvrissement de larges secteurs de la population mondiale et « une drastique diminution du pouvoir d'achat ».

« En retour, tant dans les pays développés que dans les pays en voie de développement, le bas niveau des revenus a des répercussions sur la production et contribue à une nouvelle série de faillites et de fermetures d'usines. À chaque étape de cette crise, la tendance est vers la surproduction globale et le déclin de la demande des consommateurs. En réduisant la capacité de la société à consommer, les réformes macro-économiques appliquées à travers le monde font obstacle au bout du compte à l'expansion du capital » (traduit par nous).

Il est clair que des conclusions politiques bien définies découlent d'une telle analyse de la crise de l'économie capitaliste. Si, comme l'affirme le professeur Chossudovsky, le programme imposé par les institutions financières globales est en fin de compte une barrière à l'expansion du capital, il existe alors la possibilité de développer un mouvement politique visant à changer l'orientation d'une telle politique, vu qu'une telle réorientation profitera éventuellement au capital lui-même.

Si par contre, comme nous allons le démontrer, la crise vient de contradictions inhérentes au système de profit et que le manque de demande est l'expression de tendances plus fondamentales, non pas simplement le résultat d'une politique incorrecte, alors il est clair qu'aucun programme de réformes basé sur une expansion de la demande ne peut surmonter une telle crise.

Chossudovsky préconise l'adoption de nouvelles règles sur la conduite du commerce ainsi que « la mise en place de mesures macro-économiques expansionnistes visant à soulager la pauvreté, et à créer des emplois et augmenter le pouvoir d'achat partout dans le monde ».

Un article intitulé Guerre financière et publié en 1998 montre clairement le type de programme qu'il préconise : le retour, sur une échelle globale, à la politique économique adoptée par les grandes puissances capitalistes dans l'immédiat après-guerre.
La crise mondiale, écrit-il, « marque la chute des banques centrales, et du même coup, la fin de la souveraineté économique nationale et l'incapacité de l'état national à contrôler la création d'argent au nom de la société. »

Les traditions intellectuelles et politiques sur lesquelles il se base sont révélées dans le dernier paragraphe.

« La crise financière en cours », écrit Chossudovsky, « ne précipite pas seulement la chute des institutions nationales d'état à travers le monde, elle entraîne également le démantèlement progressif (et l'éventuelle privatisation) des institutions d'après-guerre établies par les pères fondateurs à la conférence de Bretton Woods en 1944. Contrairement au rôle destructeur actuel du FMI, ces institutions avaient étaient vues par leurs architectes comme un moyen de préserver la stabilité des économies nationales. Comme l'a souligné Henry Morgenthau, secrétaire américain au Trésor, dans son discours de clôture à cette conférence (22 juillet 1944): "Nous sommes venus ici pour découvrir les méthodes permettant de combattre les maux économiques qui ont précédé la guerre, tels que la dévaluation de monnaie dans un but compétitif et l'érection de barrières qui détruisent le commerce. Nous avons accompli notre tâche." »

Comme plusieurs autres critiques du système financier global, qui prônent également un retour à la politique de la réglementation économique nationale, Chossudovsky ne soulève jamais la question à savoir pourquoi l'ordre économique d'après-guerre, basé sur la gestion de la demande selon un modèle keynésien, s'est effondré en premier lieu.

Dans la mesure où de tels critiques offrent la moindre explication, c'est généralement pour attribuer cet effondrement au changement d'orientation entrepris sous Reagan et Thatcher et à la montée de la doctrine du « libre marché ». Une telle analyse, cependant, ne peut expliquer comment des individus d'aussi peu d'envergure que Reagan et Thatcher se sont retrouvés transformés en « figures historiques mondiales », ni comment le père de l'école de Chicago du « libre marché », Milton Friedman, considéré dans les années 60 comme rien de plus qu'un économiste excentrique, est devenu dans les années 80 la fontaine de la sagesse économique.

On ne peut comprendre la montée du programme du « libre marché » qu'en examinant les origines, le développement et la crise de l'ordre économique d'après-guerre.

Les mesures mises en place à Bretton Woods et développées dans les années suivantes étaient avant tout une réponse au mouvement potentiellement révolutionnaire des masses qui a surgi vers la fin de la guerre dans les pays capitalistes avancés ainsi que les pays coloniaux.

Les représentants politiques les plus perspicaces de la bourgeoisie ont réalisé que s'ils ne mettaient pas en place une série de mesures qui ralentissent les activités du capital et assurent une expansion générale du niveau de vie, ils feraient face à une série de soulèvements, sur une échelle peut-être plus grande que ceux qui ont suivi la première guerre mondiale. En d'autres mots, ils se sont rendus compte qu'après deux guerres mondiales et le désastre économique de la Grande Dépression, il y avait un danger réel que l'économie capitaliste, à moins d'être reconstruite d'en haut, soit renversée d'en bas.

La crainte des conséquences sociales et politiques des opérations débridées du libre marché était un élément clé du système de Bretton Woods. Ce dernier a servi à mettre en place des mesures pour encadrer l'expansion d'après-guerre, à savoir : des taux de change fixes, un contrôle sur le capital, l'intervention des gouvernements pour stimuler l'économie nationale, et l'érection d'un état-providence garantissant une certaine sécurité sociale.

Mais de telles initiatives, aussi importantes soient-elles, ne pouvaient réussir en elles-mêmes. La cause finale de l'expansion d'après-guerre, la plus longue période de boum dans l'histoire du capitalisme, était l'extension au reste des pays capitalistes avancés des nouvelles méthodes de production capitaliste basées sur les systèmes d'assemblage à la chaîne qui ont été développés aux Etats-Unis dans les années 20 et 30. Ces nouveaux systèmes de production et l'établissement du cadre social et politique nécessaire à leur croissance ont rendu possible la restauration des taux de profit.

En dernière analyse, une période de hausse prolongée dans l'économie capitaliste, bien qu'elle puisse être accélérée ou retardée par la politique gouvernementale, est le produit d'une expansion des profits. Un taux élevé de profits entraîne de nouveaux investissements, qui servent à créer des emplois additionnels, lesquels font augmenter la demande de consommation et créent de nouveaux marchés, ce qui permet en retour une autre période d'expansion.

Aussi longtemps que ce cercle vertueux est maintenu, l'économie capitaliste continue de s'étendre en dépit des fluctuations du cycle des affaires. Mais comme l'a montré Marx, il existe de profondes contradictions au sein même du processus de profit et d'accumulation du capital qui font en sorte que ce cercle doit se rompre à un certain point.

Au sein de l'économie capitaliste, la seule source du profit est, en dernière analyse, la plus-value extraite du travail vivant de la classe ouvrière. Mais les taux de profit se rapportent à la masse totale du capital déployé, à savoir le capital dépensé en matières premières et en machinerie (capital constant) et celui dépensé en main-d'uvre (capital variable).

Dans la mesure où le capital variable est la seule source de plus-value, et que cette plus-value doit nourrir une masse de plus en plus grande de capital (constant et variable), l'expansion même de la production capitaliste (l'accumulation du capital) entraîne une tendance à la baisse du taux de profit, qui est le ratio entre la valeur totale de la plus-value et l'ensemble du capital déployé. L'apparition de ce processus mène à une crise.

Aussi, la crise n'a pas pour cause fondamentale un manque de demande, mais un manque de profits, ou plus précisément, un niveau de profits insuffisant pour continuer l'expansion du capital au taux précédent.

La tendance du taux de profit à la baisse a commencé à se manifester vers la fin des années 60. Puis dans les années 70, une série de crises économiques et financières a entraîné la mise au rebut du système monétaire de taux de change fixes introduit par Bretton Woods et l'éclatement en 1974-75 de la pire récession depuis la Grande Dépression.

Il y a eu deux conséquences majeures. Premièrement, les gouvernements ont commencé une offensive contre les conditions de sécurité sociale qu'ils avaient été forcés d'attribuer à la classe ouvrière dans une période antérieure. Deuxièmement, dans une tentative de surmonter la chute des taux de profit, le capital a entrepris un processus de restructuration basé sur le développement de méthodes globales de production et l'application de la technologie des ordinateurs. Ces mesures n'ont pas cependant permis de restaurer une expansion des taux de profit et la crise dans l'accumulation de la plus-value s'est poursuivie, menant à une féroce lutte globale pour les marchés.

Un examen de la crise révèle pourquoi il est impossible pour une section quelconque de la classe capitaliste, ou même la classe capitaliste en son ensemble, de retourner au genre de politique qui a marqué la période de l'après-guerre, à savoir l'expansion de la demande et des concessions en matière de sécurité sociale. Certes, toute hausse des salaires et des mesures de sécurité sociale stimule la demande. Mais elle le fait aux dépens des profits, et dans un contexte où les profits sont déjà inadéquats par rapport à la masse du capital qu'ils doivent faire croître, de telles mesures ne peuvent qu'empirer la crise.

Il faut aussi considérer un autre aspect de la question, politique celui-là. La lutte contre l'impact du « libre marché », insiste Chossudovsky, « doit être la plus large et démocratique possible, elle doit impliquer tous les secteurs de la société à tous les niveaux et dans tous les pays, elle doit réunir en une grande poussée les travailleurs, les fermiers, les producteurs indépendants, la petite entreprise, les professionnels, les artistes, les fonctionnaires, les membres du clergé, les étudiants et les intellectuels ».

Il ne fait aucun doute que la classe ouvrière doit s'efforcer de gagner l'appui d'autres classes et couches sociales intermédiaires dans la lutte contre le capitalisme global. Mais l'histoire politique des 25 dernières années montre pourquoi un tel mouvement ne peut être forgé sur la base d'un retour à une politique de réglementation nationale du type keynésien.

Lorsque les conditions économiques qui avaient nourri le programme keynésien (expansion du profit accumulé et des investissements) ont commencé à se désintégrer au début des années 70, la tentative de maintenir ce programme par un accroissement des déficits gouvernementaux et des taxes n'a entraîné qu'une hausse de l'inflation, donnant naissance à un profond dissentiment parmi de larges sections de la classe moyenne. Cette hostilité politique aux échecs du réformisme social a créé en retour la base politique de l'offensive lancée par les gouvernements de Reagan et Thatcher.

L'expérience qui en a suivi avec le programme du « libre marché » a écarté beaucoup des illusions qui avaient accompagné son introduction, causant de profondes tensions internes dans toutes les sections de la société, y compris parmi des sections des classes moyennes qui avaient été attirées par ce programme. Mais les classes moyennes de plus en plus aliénées ne peuvent être gagnées à la cause de la classe ouvrière sur la base d'une plate-forme tournée vers le passé, vers le programme du réformisme national qui a échoué.

Pour gagner les classes moyennes et les couches sociales intermédiaires, la classe ouvrière doit mettre de l'avant un programme qui ne vise pas à réformer le système de profit, mais lui pose un défi direct. La classe ouvrière doit adopter un programme exigeant que les immenses forces productives créées par le travail physique et intellectuel commun de tous soient libérées de la domination des intérêts privés et placées sous la propriété et le contrôle de la société elle-même. La classe ouvrière doit insister, en mots et en actes, qu'il faut rien de moins que la réorganisation complète de la société sur la base de nouveaux objectifs sociaux.

Le professeur Chossudovsky insiste avec raison que la « mondialisation » de la lutte contre le système du « libre marché » requiert « un degré de solidarité et d'internationalisme sans précédent dans l'histoire mondiale ». Mais c'est là que réside la faiblesse fondamentale de sa perspective. Un tel degré d'internationalisme ne peut être obtenu sur la base d'un programme qui se donne pour tâche de « restaurer la souveraineté de nos pays ».

C'est précisément la division politique du monde en états-nations rivaux qui est au cur du problème. Tout programme qui cherche à rétablir la souveraineté nationale, c'est-à-dire à faire valoir les droits d'une nation contre ceux de ses rivales, rend nécessairement impossible le développement de la solidarité internationale et de la lutte « mondialisée » qui sont nécessaires. Au contraire, peu importe les intentions personnelles, la mise en valeur de la souveraineté nationale et de la suprématie des lois nationales facilite les préparatifs pour de nouvelles guerres impérialistes.

La guerre et la mondialisation, affirme Chossudovsky, ne sont pas des questions séparées et il faut réaliser les dangers de la guerre. Nous n'avons aucun désaccord à ce niveau. Mais c'est précisément pourquoi il faut s'opposer à toute perspective qui se base sur l'état national et sa souveraineté. Une telle perspective aide à créer les conditions politiques et idéologiques pour le lancement de nouvelles guerres. Malgré les appels de Chossudovsky pour le démantèlement de l'OTAN et la reconversion de l'industrie militaire, il est impossible de s'opposer aux plans de guerres de « son » gouvernement d'un côté, tout en préconisant de l'autre le rétablissement et le renforcement des pouvoirs souverains de celui-ci.

L'internationalisme n'est pas un simple impératif moral qui dérive de la nécessité de laver le péché du nationalisme. Il est enraciné dans la compréhension que le sort des peuples du monde n'est plus lié à l'état national, et plus encore, que le système des états-nations et le cadre de la propriété privée qu'il maintient, sont devenus les principaux obstacles au développement plus en avant de l'humanité et doivent être remplacés par une forme plus élevée d'organisation économique, sociale et politique.

La voie de l'avant ne se trouve pas dans un retour au foyer national tel que préconisé par le professeur Chossudovsky, mais dans le développement de la lutte pour le socialisme mondial. Dans la dernière partie de cette réplique, nous examinerons comment cette lutte est préparée et rendue possible par les tendances qui se manifestent au sein même du capitalisme global.


 

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