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La Cour suprême des États-Unis renverse le vote populaire américain : un jugement qui vivra dans l'infamie

par le comité éditorial
14 décembre 2000

Le jugement qu'a émis la Cour suprême ce mardi 12 décembre est un point tournant de l'histoire américaine. Il constitue une brisure fondamentale et irrévocable avec la démocratie et les formes traditionnelles de la légalité bourgeoise.

Il n'y a aucun précédent au geste posé par la Cour. Le résultat d'une élection à laquelle ont participé plus de 100 millions de personnes a été déterminé par 5 juges non élus dans une décision opposée par les 4 autres juges de la Cour suprême. La majorité de la Cour avait ordonné que soit suspendu le dépouillement du vote en Floride avec le but évident d'empêcher que le candidat à la présidence du Parti démocrate, Al Gore, qui a gagné le vote populaire au niveau national, ne puisse faire valoir les votes exprimés en sa faveur et ainsi, les votes déterminants des grands électeurs de l'État de la Floride. Les juges ont volé l'élection pour la donner à leur allié républicain, George W. Bush.

Cela, au vu et su du peuple américain, renversant une décision de la Cour suprême de Floride et malgré les protestations des autres juges de la Cour suprême fédérale, qui ont protesté en vain que le jugement viendrait miner la légitimité du système judiciaire et discréditerait les États-Unis comme représentants des principes démocratiques.

Un extrait de la décision rendue par le juge en chef, William Rehnquist et les juges Antonin Scalia, Clarence Thomas, Sandra Day O'Connor et Anthony Kennedy mérite d'être cité. Niant de façon flagrante le droit de vote, elle exprime l'essence du jugement qu'ils ont rendu :

« Le citoyen n'a aucun droit garanti par la Constitution fédérale de voter pour les grands électeurs qui nommeront le président des États-Unis sauf si , et seulement dans ces condistions, la législature de l'État ne décide qu'une élection sur l'ensemble de son territoire ne soit la façon par laquelle elle décide d'utiliser son pouvoir de nommer les membres du collège électoral. »

La majorité de la Cour va jusqu'à dire dans sa décision que toute législature peut, en tout temps, révoquer le vote populaire pour le président et « que si elle en décidait ainsi, décider de choisir elle-même les électeurs. »

Les méthodes même employées par le camp Bush et ses alliés de la Cour suprême, et la base ouvertement anti-démocratique de leurs jugements, est une indication de la nature des politiques que la nouvelle administration a l'intention de mettre en oeuvre. Bush parle au nom des sections les plus avaricieuses et les plus impitoyables de la classe dirigeante, les mêmes qui demandent que soient levées toutes les contraintes légales, politiques et morales à l'exploitation de la classe ouvrière, au profit et à l'accumulation personnelle de richesse.

Les élections de l'an 2000 ont été le point culminant du conflit amer qui a fait rage au sein de l'élite dirigeante au cours de la dernière décennie sur les questions de stratégie et de politique. Une section importante de l'élite politique et du monde des affaires n'a jamais accepté la légitimité de l'administration démocrate de Clinton et Gore. Malgré les meilleurs efforts de Clinton pour concilier la droite républicaine et de s'adapter à leur vision sociale, des forces puissantes des cercles politiques et du monde des affaires considérèrent que son administration constituait en fait un abandon des politiques agressives antiouvrières et pro-affaires de Reagan et de Bush père. Les réformes sociales bidons de Clinton suscitaient chez eux une grande amertume.

Ces forces ont cherché à chasser Clinton de la présidence, appuyant la longue suite de scandales et de provocations qui ont atteint leur point culminant avec le procès en destitution du président démocrate. La Cour suprême a joué un rôle clé dans la tentative de coup d'état, à commencer avec son jugement unanime en mai 1997 qui rejetait la demande de Clinton de retarder le procès pour harcèlement sexuel de Paula Jones jusqu'à la fin de son mandat. Le juge en chef Rehnquist a joué un rôle clé dans la conspiration. Ce fut lui qui a choisi le juge ultra droitiste qui congédia le conseiller indépendant dans l'affaire Whitewater pour le remplacer par Kenneth Starr.

Ayant faillies dans leur objectif de faire tomber Clinton, ces mêmes forces ont agi de façon à voler les élections de l'an 2000, et une administration républicaine continuera la politique de confrontation de classe à l'aide de méthodes autoritaires.

Aucune prémisse du marxisme n'est plus dénoncée par les défenseurs du système capitaliste, qu'ils se considèrent libéraux ou conservateurs, que la conception théorique que l'État est un instrument de domination d'une classe, et que la démocratie bourgeoise n'est en fin de compte qu'une forme de dictature du capital. Et pourtant le déroulement de la crise électorale en a donné une preuve éclatante. Cinq juges de la plus haute cour aux États-Unis, représentants ultimes de la bourgeoisie américaine, sont intervenus pour décider de l'élection et annuler le vote de 50 millions de personnes pour Gore.

Le fait que le jugement de la Cour soit une attaque contre les droits démocratiques est reconnu par un juge de la Cour suprême elle-même, John Paul Stevens, qui écrit : « Toutefois, dans l'intérêt du but poursuivi, la majorité a effectivement ordonnée qu'un nombre inconnu d'électeurs dont l'intention était clairement indiquée sur le bulletin de vote soit ignoré, des votes qui étaient donc tout à fait légaux au sens de la loi de l'État de Floride, mais qui furent rejetés pour une raison ou une autre par les procédés automatiques du dépouillement du vote. »

Pour conclure son désaccord, Stevens déclare : « Même si nous ne connaitrons jamais avec certitude l'identité du gagnant de l'élection présidentielle de cette année, l'identité du perdant est parfaitement claire. C'est la confiance de la Nation dans le juge en tant que gardien impartial de la règle de la primauté du droit. »

Ici, Stevens fait référence à un aspect significatif des événements tels qu'ils se sont déroulés depuis cinq semaines : l'audace et l'imprudence dont ont fait preuve les sections les plus importantes de l'élite dirigeante américaine qui appuient le Parti républicain. Leur détermination à sacrifier la légitimité de la Cour suprême aux yeux de vastes sections de la population est une manifestation de la trajectoire de plus en plus autoritaire de leurs politiques. La confiance du public dans la Cour suprême devient moins importante pour ceux qui brisent avec les normes démocratiques et prennent le chemin qui mène à la dictature.

Il est indéniable qu'en discréditant la plus haute cour, il ne reste plus une seule institution de l'État bourgeois qui ne soit tombé en disgrâce. Le Congrès était déjà condamné aux yeux du public pour son rôle dans le scandale sexuel impliquant Monica Lewinsky et la conspiration de la destitution. L'odeur de la fraude flotte sur la présidence avant même que George W. Bush n'emménage à la Maison blanche.

La très profonde polarisation sociale de la société américaine s'exprime avec netteté dans l'effondrement des institutions démocratiques bourgeoises traditionnelles. Les conflits acharnés et prolongés au sein de l'élite dirigeante s'installent maintenant dans la société en général, et les masses ne peuvent plus demeurer de simples spectateurs.

Les attaques politiques et sociales qui seront lancées par l'administration Bush susciteront une résistance de plus en plus déterminée au sein des travailleurs et de tous ceux qui sont prêts à lutter pour les droits démocratiques et la justice sociale. L'opposition chancelante de Gore et des démocrates est une chose. L'opposition de la classe ouvrière en est toute une autre.

La crise des élections de l'an 2000 marquera un changement de la vie aux États-Unis, et en fait, à travers le monde. Les rapports sociaux et les conditions politiques ne reviendront jamais plus à ce qu'elles étaient avant le 7 novembre. La première tâche de la classe ouvrière américaine est de considérer avec sérieux cette expérience politique de première importance, et d'en tirer les leçons politiques qui s'imposent. Le Parti de l'égalité socialiste et son organe politique, le World Socialist Web Site, sont prêts à jouer un rôle dirigeant dans ce processus d'éducation politique et dans la préparation pour les grandes luttes de classe qui se préparent.

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