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Tandis que l'élection se décide devant les tribunaux

La question est posée aux États-Unis : droit de vote ou gouvernement par usurpation ?

Par Barry Grey
Le 28 novembre 2000

Maintenant que le résultat des élections américaines est entre les mains des tribunaux de l'État de la Floride et à la Cour suprême, les questions fondamentales soutendant le conflit au sein de l'élite dirigeante américaine se définissent plus clairement. Le fait même que la lutte politique sur les résultat du vote du 7 novembre se soit retrouvé devant les juges montre la profondeur et la férocité des divisions à l'intérieur de la classe politique.

La certification de George W. Bush comme gagnant des 25 votes électoraux de la Floride, et ainsi de l'élection nationale par la suppression de milliers de votes remet en question les fondements mêmes de l'exercice du pouvoir démocratique aux États-Unis. La question qui se pose aux tribunaux est de savoir jusqu'à quel point, tant eux que la classe dirigeante américaine, sont disposés à permettre une rupture des normes constitutionnelles et démocratiques pour décider du résultat des élections présidentielles.

La certification télévisée du 26 novembre présidée par la secrétaire d'État de la Floride Katherine Harris, alliée du gouverneur de la Floride Jeb Bush (le frère de George W. Bush) et codirectrice de la campagne présidentielle républicaine dans l'État, a été le point culminant logique de la tentative du Parti républicain de voler des voix électorales dans cet État par le biais de la fraude et de l'intimidation. Harris a en effet tenté d'arrêter les décomptes manuels des votes qui avaient été légalement prescrits dans les comtés de Broward, Palm Beach et Miami Dade, pour ensuite ne les laisser continuer qu'après l'intervention de la Cour suprême de la Floride.

Les résultats des décomptes à la main dans le comté de Broward ont réduit de moitié la marge de victoire de Bush ­ qui n'est plus que de 537 votes sur plus de 6 000 000 ­ un chiffre qui aurait été réduit de 200 votes de plus si Harris n'avait pas écarté le résultat du décompte effectué dans le comté de Palm Beach. Ce geste qui exprime son mépris pour le droit de vote des électeurs, faisait suite à son refus d'accorder au responsable du comité de vote de Palm Beach une extension de quelques heures nécessaire pour comptabiliser tous les votes. Les officiels locaux n'ont pu finir le décompte avant l'heure limite qui avait été fixée au dimanche 17 h à cause des tentatives constantes des républicains pour interrompre et retarder le décompte des voix.

Les décomptes manuels des comtés de Broward et de Palm Beach ont prouvé sans l'ombre d'un doute que le même processus effectué dans le comté de Miami Dade accorderait plus de voix qu'il n'en faut pour dépasser la marge officielle de Bush. Quelques 10 000 votes présidentiels n'apparaissent pas sur la fiche de pointage d'origine de la machine, ce qui signifie par conséquent qu'ils n'ont jamais été comptés. Le recomptage dans Miami Dade a été abruptement arrêté la semaine dernière lorsqu'une foule d'organisateurs républicains s'est déchaînée dans les bureaux de recensement a attaqué un organisateur démocrate et en a menacé plusieurs autres.

Peu après la certification de Bush comme gagnant par Harris, Joseph Lieberman, candidat démocrate à la vice-présidence, annonçait devant les caméras des chaînes nationales qu'il contesterait avec Gore le décompte officiel devant les tribunaux de la Floride. Déclarant que Harris avait décidé de « certifier ce qui est par tout critère raisonnable un décompte inexact et incomplet des votes de l'État de la Floride », Lieberman a basé les arguments des démocrates sur des questions constitutionnelles de droits démocratiques fondamentaux. « Ce qui est en jeu maintenant, ce n'est rien de moins que le droit simple et sacré de tout Américain de voter », a-t-il dit. L'intégrité de notre gouvernement, a-t-il continué, est beaucoup trop importante pour que l'on la mette en doute parce que sans aucune justification on n'a pas tenu compte de votes comptés et que d'autres qui auraient clairement dû être comptés ne l'ont pas encore été ». Promettant de se soumettre avec Gore au résultat d'un décompte juste et complet des votes, Lieberman a ajouté, « l'idée d' "une personne, un vote" est au centre de notre système de gouvernement et ne peut être remise en question ».

Dans sa réaction télédiffusée plus tard en soirée, Bush a ignoré les questions constitutionnelles mentionnées par Lieberman et s'est contenté de se déclarer vainqueur de l'élection présidentielle. Il a attaqué le camp Gore pour avoir contesté le décompte officiel des votes. Seulement une semaine auparavant, ses avocats plaidaient devant la Cour suprême de la Floride que l'opposition de Harris contre la tenue de dépouillements manuels devait être maintenue de façon à ce que chaque parti dispose de suffisamment de temps pour suivre la procédure alors considérée par tous comme celle à suivre, c'est-à-dire de contester les résultats certifiés devant les tribunaux de la Floride. Bush a ensuite exigé que l'administration Clinton le reconnaisse officiellement comme le prochain président et lui accorde tous les privilèges revenant à l'équipe présidentielle de transition en vertu des lois fédérales.

En répétant sa promesse faite pendant la campagne d'éliminer les impôts sur l'héritage et de réduire les impôts sur le revenu à tous les niveaux, des mesures qui donneraient des bénéfices immenses aux riches, Bush ne lançait pas seulement un appel à ses alliés parmi les riches et les super-riches. Il démontrait également que l'administration Bush, contrairement aux estimations de la presse libérale et des prédictions de différents gourous politiques, mettait de côté toute idée d'entente avec les démocrates et allait appliquer agressivement le programme social réactionnaire de la droite républicaine.

Le discours du candidat démocrate à la vice-présidence Lieberman était essentiellement un aveu que le nouveau président était sur le point d'être intronisé par des moyens antidémocratiques et anticonstitutionnels. La réponse provocatrice de Bush, conforme à la position républicaine depuis le jour des élections, ne fait que confirmer l'accusation.

Le droit démocratique fondamental du peuple d'élire le gouvernement est ici violé à deux reprises ­ d'abord par les provisions constitutionnelles archaïques qui déterminent la présidence non pas par le vote populaire (que Gore a gagné), mais plutôt par les votes du collège électoral, et ensuite par la fraude électorale dans l'État clé de la Floride qui est dirigé par une administration républicaine corrompue.

Cette atteinte au principe « une personne, un vote » remet à l'avant-plan les questions de la période de la lutte pour les droits civiques des années 1950 et 1960, quand des dizaines de milliers d'ouvriers noirs, voulant mettre fin au régime d'apartheid de Jim Crow dans le Sud ont risqué leurs vies pour obtenir le droit de voter. Ils ont dû lutter pour mettre fin à la taxe de vote, aux examens d'analphabétisme, et d'autres méthodes sanglantes utilisées pour les empêcher de voter. Ce n'est pas un hasard si les mêmes forces sociales qui il y a quarante ans soutenaient le système de la suprématie blanche dans le Sud se mobilisent aujourd'hui derrière la campagne de Bush.

Les événements des trois dernières semaines ont démontré qu'une section importante de l'élite financière et politique aux États-Unis a abandonné toute allégeance aux normes démocratiques. Cette rupture avec les méthodes démocratiques était déjà visible lors de la campagne de destitution contre Clinton lorsque toute une clique d'avocats d'extrême-droite, de juges, et de congressistes républicains ont tenté un coup d'État constitutionnel en le déguisant en scandale sexuel.

Cette réorientation de sections importantes de l'élite dirigeante vers des méthodes illégales et autoritaires se reflète le plus clairement dans le rôle des médias, possédés et contrôlés par certaines des plus puissantes corporations qui soient. Tout comme lors de la crise de destitution, les médias servent encore l'extrême-droite en couvrant les traces pourtant évidentes d'intimidation des électeurs et de fraude électorale en Floride et en faisant tout pour confondre et désorienter le public.

Toutefois, l'intronisation d'un président par des moyens ouvertement antidémocratiques est une décision qui revêt de vastes implications explosives. En gros, le camp républicain de Bush représente les sections de la classe dirigeante qui sont arrivés à la conclusion que les intérêts du Capital américain ne peuvent plus être défendus que par des méthodes autoritaires, tandis que le camp démocrate de Gore craint les implications sociales de telles positions radicales. Ce dernier tente plutôt de défendre les intérêts du capitalisme américain par des méthodes plus traditionnelles qui ont si bien servi l'oligarchie du pays dans le passé. Pour l'instant, le camp Gore a pris la décision de résister à la tentative des républicains de s'installer illégalement à la Maison Blanche pour ne pas donner l'impression que le Parti démocrate ne défend pas les droits démocratiques.

Il semble de plus en plus que l'issue du conflit électoral sera tranché par la Cour suprême, qui a prévu une audience le 1er décembre pour prendre connaissance de la revendication des républicains selon laquelle la Cour suprême de la Floride a outrepasser ses pouvoirs en ordonnant à la secrétaire d'État de la Floride de laisser le dépouillement manuel des votes en Floride se faire et que le résultat soit compté dans le compte final des votes. La Cour suprême des États-Unis a longtemps servi d'arbitre légal dans les disputes internes de l'élite dirigeante. Si elle tranches en faveur d'une section de la classe politique qui se base de plus en plus sur des méthodes de conspiration et des forces sociales fascistes en lui accordant la présidence, cela marquera un point historique décisif.

C'est précisément parce que les enjeux sont si fondamentaux qu'ils ne pourront être longtemps relégués à une simple dispute au sein de l'élite sociale et politique. Inévitablement, de vastes masses populaires seront entraînées dans cette lutte. La classe ouvrière ne pourra longtemps se tenir à l'écart. L'enjeu dépasse de loin le sort de Bush, Gore, et de leurs partis respectifs. La principale cible des forces d'extrême-droite qui soutiennent Bush est la classe ouvrière et ses droits démocratiques. C'est la raison pour laquelle qu'en s'opposant à l'assaut de l'extrême-droite, les ouvriers ne peuvent faire confiance à Gore ou au Parti démocrate. Ces derniers ne représentent une tiède pensée libérale qui se révèle incapable de défendre les droits démocratiques. Parce que le Parti démocrate défend un système de profit à l'origine d'un niveau croissant d'inégalités sociales, ses différends avec le Parti républicain passent bien après sa peur d'une mobilisation politique et sociale indépendante de la classe ouvrière. Déjà des démocrates de gauche en vue tels l'ancien ministre du travail Robert Reich ont pressé Gore d'accepter une défaite.

De la même façon, les travailleurs ne peuvent faire confiance aux tribunaux, même à la Cour suprême. Cette dernière est une force puissante vouée à la protection du pouvoir et de la richesse des corporations. Elle est dominée par une cabale de juges de droite qui n'ont jamais hésité à écarter les précédents légaux et les principes démocratiques pour attaquer les conditions sociales et les droits des travailleurs. Le juge principal William Rehnquist était l'un des conspirateurs importants lors de la crise de destitution. C'est lui qui a nommé le juge ultradroitiste qui a limogé le premier investigateur indépendant de l'affaire Whitewater et ensuite nommé Kenneth Starr pour continuer la croisade contre Clinton. Rehnquist a commencé sa carrière politique comme organisateur du Parti républicain en Arizona, État dans lequel il s'est opposé à la déségrégation dans les écoles et participé aux efforts pour bloquer les ouvriers des minorités d'exercer leur droit de voter.

La classe ouvrière est la seule force sociale capable de défendre les droits démocratiques. Pour cela, elle doit construire son propre parti de masse, basé sur un programme démocratique et socialiste.

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