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De sévères conflits marquent le congrès du Parti socialiste français

Par Marianne Arens et Françoise Thull
9 décembre 2000

Le 72e congrès du Parti socialiste (PS) français qui s'est tenu à Grenoble durant la dernière semaine du mois de novembre fut marqué par de luttes acerbes entre les différentes fractions. La fraction majoritaire, rassemblée autour de Lionel Jospin, s'était trouvée confrontée à deux fractions minoritaires qui fustigeaient la politique sociale du gouvernement pour être trop bienveillante à l'égard des dictats de l'économie.

Le congrès voulait faire la démonstration de l'unanimité et de l'union du parti à la veille de la conférence européenne de Nice et se voulait le signal de départ d'une longue campagne électorale comprenant les élections législatives et présidentielle de 2002 ainsi que les élections municipales au printemps prochain. Mais, lorsque le premier secrétaire du parti, François Hollande, soumit au vote la motion principale, les deux fractions minoritaires refusèrent de l'approuver et présentèrent leurs propres motions qui remportèrent au total 27 pour cent des votes des militants.

Se trouvaient à la tête des fractions minoritaires, l'ancien premier secrétaire et trésorier du parti, Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon, le représentant du courant Gauche socialiste et qui, depuis la démission de Claude Allègre en avril dernier, occupe le poste de ministre délégué à l'Enseignement professionnel.

Henri Emmanuelli présenta sa motion minoritaire sous le titre « Démocratie et Égalité ». Lors de son intervention, il attaqua les politiques poursuivies par Jospin, ainsi que Blair et Schröder, ses homologues britannique et allemand. Il déclara que « la ligne de partage entre le libéralisme économique et la social-démocratie ne passe plus seulement entre droite et gauche, mais qu'elle traverse de plus en plus souvent la social-démocratie européenne elle-même. » De plus, il précisa qu'il était évident « que l'opportunisme de gouverner l'emporte sur la défense des valeurs égalitaires qui sont inséparables du socialisme » et que si le libéralisme pouvait avancer en Europe, poursuivit-il « c'est parce que la social-démocratie recule et que c'est donc à l'intérieur de cette social-démocratie qu'il faut mener bataille. »

Emmanuelli aborda la question des salaires et celle du démantèlement du système d'indemnisation du chômage Unedic. Il affirma que l'on opposait chômeurs et salariés. Il a ajouté que le point de vue selon lequel la revendication d'une augmentation de salaires entraverait la création d'emplois, n'était qu'une « vieille rengaine libérale destinée à culpabiliser les salariés pour qu'ils se tiennent tranquilles à propos du prétendu choix qu'il faudrait faire entre création d'emplois, d'un côté, et augmentation de salaires, de l'autre. » « Pourquoi cette vieille ruse du partage entre salariés, pour éviter la question de la répartition entre salaires et capital? Non, mes camarades, le montant de la feuille de paye n'est pas l'ennemi de l'emploi et ce n'est pas au Parti socialiste d'opposer chômeurs et salariés. »

La restructuration du régime de l'assurance-chômage Unedic (cf. l'article complémentaire) que Jospin, le chef du gouvernement, a déjà approuvée, fut rejetée par Emmanuelli. Celui-ci exhorta le PS à dire clairement ce qu'est sa position face à la Refondation sociale. La Refondation sociale est le programme de l'organisation patronale Medef (Mouvement des entreprises de France) et des syndicats de droite CFDT, CFTC, CGC et dont la restructuration de l'Unedic forme la première étape de la liquidation de l'ensemble du système social français d'après-guerre.

Le dirigeant de la deuxième fraction minoritaire, Jean-Luc Mélenchon, a débuté sa carrière politique durant les années 1970 dans l'Organisation communiste internationaliste (OCI) de Pierre Lambert qui se réclamait du trotskysme. Il adhèra au PS en 1977, quand Mitterrand était à la tête du parti. Avec Julien Dray, le fondateur de SOS-Racisme, il créera la fraction Gauche socialiste et son bulletin hebdomadaire A gauche.

Mélenchon invita le parti à rompre avec la logique de la mondialisation en se remémorer les traditions combatives de la France et en ralliant les récents mouvements de protestations de Seattle à Millau (Manifestation contre la chaîne multinationale McDonald). Face au problème corse, il a repris à son compte « la république indivisible » de la France. La motion de la Gauche socialiste fut présentée sous la forme d'une lettre adressée au premier secrétaire du parti par une jeune militante, et qui culminait dans une proposition selon laquelle il faudrait « que les socialistes proposent des réformes de rupture qui s'attaquent à la logique du système. »

Lionel Jospin refusa la critique des deux fractions. Il a continua en appellant à ne pas déséquilibrer « notre marche en négligeant les réalités économiques, mais ne freinons pas notre élan retrouvé par un retour à d'orthodoxie. Nous n'avons pas de raison de changer de politique. »

Il justifia son approbation de la refonte du régime de l'assurance-chômage en disant qu'un nouveau refus de la part du gouvernement d'agréer la convention aurait en fin de compte signifié la fin du paritarisme, c'est-à-dire la gestion à égalité des sièges entre patronat et syndicats dans les organismes de sécurité sociale, d'assurance-chômage, de retraites complémentaires, etc., le Medef ayant menacé de se retirer de l'ensemble des organisations paritaires du système social français.

Jospin défendit l'Union européenne qu'il qualifia de concrétisation de sa « vision » contre « cette singularité de la France » prônée par Mélenchon. Le « modèle français », affirma Jospin, devrait servir de modèle à l'Union européenne. Il défendit l'euro en tant que facteur stabilisateur dans l'ensemble de l'Europe et de « choix stratégique qui a soutenu la croissance au lieu de corseter monétairement l'expansion économique. »

Les discours de « gauche » tenus par les représentants des tendances minoritaires ne peuvent pas être pris au sérieux. Tous deux, Emmanuelli et Mélenchon, ont débuté leur carrière politique sous Mitterrand et, durant les quatorze années de la présidence de ce dernier, il n'y eu pas l'ombre d'un doute que les socialistes français étaient fermement positionnés du côté de l'ordre bourgeois. Le tournant vers le libéralisme dont ils se plaignent à présent avait déjà été pris en 1983-84 par Mitterrand et son premier ministre d'alors, Laurent Fabius. La carrière politique d'Emmanuelli n'a subi une entorse que parce qu'il s'est trouvé au centre d'un scandale de financement de parti politique qui lui valu une condamnation à deux ans de privation de ses droits civiques. Sans quoi, il se serait vraisemblablement trouvé comme chef de gouvernement à la place de Jospin.

Le sévère conflit qui a surgi parmi ces bureaucrates expérimentés lors de ce congrès minutieusement organisé, révèle l'ampleur des tensions sociales qui existent dans la société française. Les soi-disant « gauches » au sein du parti expriment la crainte devant l'effritement de la façade de ce gouvernement qui, jusque-là, avait clamé n'admettre l'économie de marché « que dans l'économie et non dans la politique et la société ».

La pratique n'a d'ailleurs jamais été conforme à cette façade. Ceci fut, entre autres, confirmé dans un rapport de l'OCDE sur les marchés financiers en Europe et dans lequel le programme de privatisation du gouvernement Jospin eut droit à une mention spéciale: depuis 1997, ce programme fit en moyenne dix milliards de dollars de recettes par an.

Le fait que gouvernement vient de donner son accord à une détérioration massive des conditions d'indemnisation des chômeurs est en fait la preuve évidente de l 'effritement de cette façade. En juillet dernier, Martine Aubry, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité et Laurent Fabius, le ministre des Finances du gouvernement Jospin, avaient, pour la deuxième fois, rejeté le projet Unedic le dénonçant pour ses faiblesses quant à l'aspect social. Depuis, Aubry s'est retirée à Lille où elle est candidate au poste de maire, se préparant à remplir des fonctions plus solennelles, et peut-être succéder à Jospin.

Le 15 octobre, Jospin, le chef du gouvernement, prit personnellement l'initiative de téléphoner au baron Ernest-Antoine Seillière pour lui faire part de ce que la nouvelle convention sur l'assurance-chômage avait reçu l'agrément du gouvernement. Le lendemain, Seillière déclarait à la presse, en louant Jospin, que celui-ci s'était enfin engagé « dans la voie du socialisme moderne, celle de Blair et celle de Schröder. » Ce faisant, il revendiqua des concessions supplémentaires, à savoir la remise en question de la semaine de 35 heures.

La confiance initiale dont Jospin avait bénéficié de la part de la classe ouvrière lors de son entrée au gouvernement est à présent complètement anéantie. Le référendum du 24 septembre pour la réduction de la durée du mandat présidentiel qui n'intéressa même pas 30 pour cent des électeurs a déjà démontré dans quelle mesure les politiciens ont perdu la confiance de la population. Le dernier scandale ESB (maladie de la « vache folle ») a même renforcé cette méfiance.

Les soi-disant « gauches » au sein du parti préssentent le danger dans ce développement et voient que Jospin est en train de perdre du terrain. Ils redoutent qu'il puisse faire naufrage avec sa coalition entre le Parti socialiste, le Parti communiste, les radicaux de gauche, le Mouvement des Citoyens et les Verts, et ils s'efforcent donc de sauvegarder l'image de « l'aile gauche » au sein de cette coalition. Ceci devint évident lorsque Emmanuelle précisa: « Le peuple de gauche nous regarde, une majorité syndicale qui résiste courageusement aussi, dont il serait inacceptable qu'elle soit désavouée. Nous n'avons pas droit à l'erreur. » Il est clair qu'il s'adresse ici à la bureaucratie syndicale de la CGT (Confédération générale du Travail) et de FO (Force ouvrière) qui n'ont pas signé le nouvel accord Unedic.

L'« opposition » au sein du parti parle au nom, d'une part, de l'ensemble des bureaucrates des syndicats aussi bien que de ceux du Parti socialiste et, d'autre part, de ces couches radicales petites-bourgeoises qui défendent leurs intérêts au travers d'actions protestataires contre la mondialisation allant de Seattle à Millau et qui voyaient en Jospin leur interlocuteur et le garant de leur position sociale, mais qui se sont sentis trahis par son engagement en faveur de l'Union européenne.

Les contractants de Jospin visent en fin de compte le même but que lui, à savoir rester au pouvoir. Ceci devint évident à la fin du congrès, quand les deux fractions minoritaires confirmèrent de façon unitaire la reconduction de la direction du parti et quand Emmanuelli lança emphatiquement à l'adresse de Jospin: « il sait pouvoir compter sur notre soutien et notre dévouement, aujourd'hui comme hier, demain comme après-demain, dans une perspective qui s'annonce à la fois intéressante et peut-être moins calme que les années passées. Mais nous serons là, Lionel, tu le sais, car ce qui nous importe, c'est la victoire de nos idées, c'est la transformation sociale, c'est la marche en avant et nous savons que, de ce point de vue-là, nous avons une bonne locomotive. »


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