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Le meneur du coup d'état en Côte d'Ivoire cherche à consolider son pouvoir

Par John Farmer
17 juin 2000

Le général Robert Guéï, qui a saisi le pouvoir lors d'un coup militaire en Côte d'Ivoire le 24 décembre dernier, s'apprête maintenant à occuper la présidence du pays. Initialement, il était généralement admis que le coup d'état, par lequel le régime corrompu du président Henri Konan Bédié était renversé, avait pour but de mettre au pouvoir le parti d'Alassane Ouattara, le Rassemblement des républicains (RDR).

Ouattara était premier ministre sous Houphouët-Boigny de 1990 à 1993 et, jusqu'à l'année dernière, directeur général adjoint du Fonds monétaire international (FMI). Il est reconnu qu'il est, et de loin, le candidat préféré des pays occidentaux. Mais maintenant, Guéï a mis Ouattara en touche et cherche à renforcer le pouvoir entre ses mains.

Une semaine avant le coup d'état, le gouvernement de Bédié votait le budget de l'an 2000 qui consacrait 1,1 milliard de dollars américains pour des dépenses en totalisant trois, soit 37 %, au remboursement de la dette. À cela venait se rajouter une autre crise due à l'arrivée à échéance en avril des paiements des obligations gouvernementales dans le cadre du « plan Brady », le mécanisme financier de remboursement des dettes commerciales. Les détenteurs des obligations affirmèrent farouchement que les paiements n'avaient pas été effectués alors que le gouvernement de Côte d'Ivoire affirmait lui le contraire.

Le coup d'état de Guéï avait eu pour but de débloquer la situation et de stabiliser l'économie conformément au programme d'ajustement structurel imposé par le FMI. À cette fin, Guéï avait mis en place le Comité national de salut public (CNSP), une coalition des quatre principaux partis avec à sa tête quatre militaires notoires. Le 17 janvier dernier, le ministre des Finances avait affirmé que la Côte d'Ivoire respecterait ses engagements financiers vis-à-vis de ses créanciers en remboursant les 11 milliards de dollars de dettes extérieures contractés sous le régime de Bédié.

Mais les efforts entrepris pour garantir les remboursements exorbitants des dettes vinrent se briser sur des troubles sociaux continus. Immédiatement après le coup d'état, Guéï s'était vu confronter à des rébellions dans l'armée au sujet des salaires et des conditions de vie. La junte avait dû suspendre le règlement des engagements extérieurs pour éviter une crise immédiate et le gouvernement avait dû s'adonner, au dire de Guéï, à « mille gymnastiques », pour payer les salaires des soldats.

Le 28 mars, une nouvelle rébellion parmi les soldats de la ville de Dalao, dans l'ouest du pays, s'était soldée par la mort par balle d'un officier de Guéï alors qu'il tentait de persuader les mutins à rendre le dépôt d'armes que ces derniers avaient saisi dans une tentative de faire augmenter leur salaire.

Au même temps, un groupe local pour la défense des droits de l'homme a rejeté les prétentions de Guéï qui disait restaurer la démocratie en indiquant que de nombreuses exécutions sommaires avaient été effectuées par les militaires. La Ligue ivoirienne des Droits de l'Homme (LIDHO) a également fait état d'abus, dont certains perpétrés par les membres d'un service spécial anticrime mis en place après le coup militaire. « Des gens qualifiés de criminels sont fusillés quotidiennement par des membres du PC-Crises et leurs cadavres sont exhibés à la télévision », a dit la LIDHO. « Ces soi-disant opérations contre le banditisme ont souvent lieu sur la base de simples actes de délation, ou même d'appels téléphoniques anonymes », dénonçait l'organisation.

Les autorités militaires ont à présent annoncé que les élections présidentielles, législatives et municipales auront lieu le 31 octobre. Le 24 juillet, un référendum portera sur l'adoption d'une nouvelle constitution.

Le conflit qui précéda le coup d'état de l'année dernière avait été la conséquence de l'effort du gouvernement précédent d'empêcher Alassane Ouattara de prendre part aux élections présidentielles. Bédié avait affirmé qu'Ouattara était inéligible vu qu'il n'était pas citoyen de Côte d'Ivoire, mais Burkinabé, c'est-à-dire citoyen du Burkina Faso voisin.

Guéï mit alors en place une commission constitutionnelle pour réviser les sections « litigieuses » de la présente constitution qui stipule qu'un candidat présidentiel doit être né de parents ou de grands-parents eux-mêmes Ivoiriens d'origine. De plus, elle prévoit que le futur candidat doit avoir vécu dans le pays pour une période d'au moins dix ans avant les élections.

La commission constitutionnelle avait promis des amendements qui réduiraient les tensions politiques dans le pays. En réalité, elle proposa un texte pratiquement identique à la constitution précédente, avec la différence qu'un candidat doit avoir séjourné cinq ans au lieu de dix ans dans le pays. Toutefois, la nouvelle constitution écarterait toujours Ouattara, le principal concurrent, des élections présidentielles.

Guéï renforça encore davantage sa position par rapport au dirigeant du RDR par un remaniement gouvernemental annoncé le 18 mai qui portait le nombre des ministres à 24. La représentation du RDR en fut complètement éliminée. Guéï a accusé le RDR de s'opposer à « la volonté du peuple » lorsqu'ils s'opposent à la nouvelle constitution qui avait été approuvée par l'ensemble des autres partis. De plus, six ministères supplémentaires furent attribués au Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), le parti qui avait été dirigé par Bédié, et six autres au Front populaire ivoirien (FPI). L'armée était responsable de neuf ministères au lieu des quatre qu'elle détenait déjà.

Le ministre français de la Coopération, Charles Josselin, a précisé que la France et ses partenaires de l'Union européenne (UE) suivaient de très près l'évolution de la « fragile » et « préoccupante » question de l'ordre public en Côte d'Ivoire. La France, le principal partenaire commercial du pays et l'ancienne puissance coloniale, ne veut pas donner l'impression d'être trop ouvertement mêlée à la politique intérieure de la Côte d'Ivoire.

Toutefois, Henri Emmanuelli, député du Parti socialiste, a amené la question du référendum constitutionnel à l'Assemblée nationale française. Soulignant l'importance des intérêts de la France en Côte d'Ivoire, Emmanuelli déclarait : « Quelque 20.000 citoyens français vivent dans ce pays et c'est pourquoi j'aimerais connaître la position du gouvernement quant à la clause de l'éligibilité, compte tenu du risque d'instabilité que cette question pourrait entraîner ». En réponse, Josselin précisa que l'UE s'attendait à un processus référendaire « transparent » et affirma que Guéï avait résolu la question concernant la nationalité après avoir consulté les principaux autres partis.

Les adversaires d'Ouattara affirment qu'il est Burkinabé, car son père ne s'était pas déclaré Ivoirien au moment de l'indépendance en 1960 lorsque la France avait partagé l'Afrique occidentale française en plusieurs pays, dont la Côte d'Ivoire et le Burkina Faso.

Plusieurs sont venues du Burkina Faso en Côte d'Ivoire au milieu des années soixante pour travailler dans l'industrie du cacao alors en pleine expansion. Mais la chute des prix du cacao et une crise de la production au cours de ces dernières décennies ont provoqué de fortes tensions dans les régions du nord entre « Burkinabés » et « Ivoiriens », et des massacres furent perpétrés de part et d'autre. Bédié avait attisé ce conflit l'année dernière par sa campagne chauvine pour empêcher Ouattara de devenir candidat présidentiel.

Reste à voir pourtant si Guéï, en continuant à tirer profit de ces divisions, sera en mesure d'écarter Ouattara des élections présidentielles. Vu qu'Ouattara est encore plus engagé à la politique du FMI que ne l'est la clique de Guéï, qui, de l'un ou de l'autre, remportera la victoire, pour les travailleurs et les pauvres de Côte d'Ivoire la démocratie véritable ne pourra être qu'illusoire.

Voir aussi:

Coup d'Etat en Côte d'Ivoire 5 janvier 2000


 

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