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Résultats des élections aux États-Unis : approfondissement de la crise constitutionnelle

Par le comité de rédaction
Le 9 novembre 2000

Les événements extraordinaires des dernières 24 heures ont transformé la vie politique aux États-Unis de façon fondamentale et irrévocable. En effet, pour la première fois depuis plus de 125 ans, le résultat d'une élection nationale est contesté. Non seulement y a-t-il division entre le vote populaire et le vote collégial, mais en plus la puanteur de la fraude électorale plane au dessus des comtés de la Floride sur lesquels la victoire du gouverneur George W. Bush dépend.

Il n'est pas clair si le vice-président Al Gore soit si intéressé à s'engager dans une contestation vigoureuse devant les tribunaux de la légitimité du vote en Floride. Le fait qu'il ait attendu jusqu'en fin d'après-midi mercredi avant de se prononcer publiquement sur le résultat des élections démontre en effet l'existence d'importantes divisions au sein de son équipe à propos de savoir si oui ou non il doit continuer à lutter pour la présidence. Mais quand bien même que Gore concéderait rapidement sa défaite, le résultat non décisif et douteux de l'élection présidentielle n'en a pas moins créé une crise constitutionnelle difficilement résoluble, en plus de compromettre profondément l'ensemble du monde politique américain.

Si le gouverneur républicain Bush devient le quarante-troisième président des États-Unis, son administration manquera de légitimité politique aux yeux de dizaines de millions de citoyens américains. La population parle déjà beaucoup d'élection volée, ce qui ne peut avoir que des conséquences politiques explosives lorsque l'administration Bush tentera d'appliquer, comme elle a certainement l'intention de le faire, son programme social réactionnaire.

La plus importante caractéristique de ces résultats électoraux est le dévoilement en profondeur des graves fissures et tensions qui règnent au sein de la société américaine. La carte électorale actuelle ressemble énormément à celle des États-Unis lors du déclenchement de la Guerre de sécession en 1861. Certes la situation n'est pas la même, mais il n'empêche que la division nord-sud persiste toujours.

Une autre division de taille règne entre les grandes agglomérations urbaines pour la plupart remportées par Gore, et les zones rurales qui ont favorisé Bush. Même situation parmi les électeurs où une nette différence est perceptible au niveau de la composition sociale des électorats démocrate et républicain. Les sections les plus pauvres et les plus vulnérables de la classe ouvrière concentrées dans les grandes villes, principalement constituées de travailleurs noirs et hispanophones, ont en effet voté massivement pour les candidats démocrates.

Pour ce qui est des institutions incarnant le pouvoir politique, l'élection a accouché d'une chambre des représentants et d'un sénat qui sont à toutes fins pratiques divisés également en deux entre les deux partis. De la même façon, la Cour suprême est aussi divisée entre une majorité ultradroitiste de cinq membres et une minorité de quatre autres juges un peu plus modérés.

Cette impasse électorale est le point culminant de toute une série d'événements qui se sont succédés au cours des huit années de l'administration Clinton. Elle révèle l'intensification des antagonismes faisant rage au sein de l'establishment politique américain. À la lumière de l'épisode de la destitution notamment, les divers signes de saturation forcent d'aucuns à se demander : quelle est la source de cette impasse politique?

La crise électorale actuelle est le reflet de la croissance de contradictions sociales d'une intensité telle qu'elles ne peuvent plus être réglées dans le cadre politique et constitutionnel actuel. Et puisque le spectre du discours politique est si restreint aux Etats-Unis, au point en fait que l'establishment politique est incapable même de laisser le candidat des Verts Ralph Nader participer aux débats présidentiels, les profondes contradictions sociales ne peuvent s'exprimer ouvertement au sein du système politique. Lorsqu'elles émergent finalement, elles se sont déjà développées à un point tel qu'elles menacent directement de faire éclater les joints de l'ordre constitutionnel en place. Mais plus fondamental encore, c'est l'énorme croissance des inégalités sociales qui atteint des proportions inconnues aux États-Unis depuis les années 1920. En dernière analyse, la division du pays entre une couche privilégiée fabuleusement riche et la vaste majorité de la population est incompatible avec toute forme de pouvoir démocratique.

Peu importe le dénouement à court terme de l'impasse électorale, l'élite dirigeante américaine n'a pas de solution pour cette crise constitutionnelle. Ceux par exemple qui proposent d'abolir tout simplement le collège électoral, système établi par les pères fondateurs au tournant du XVIIe siècle, et d'élire le président par suffrage populaire direct, méconnaissent le fait que cette institution fut introduite en tant que partie d'une structure constitutionnelle complexe conçue pour équilibrer les pouvoirs concurrents des États et du gouvernement fédéral. Le collège électoral ne peut donc être aboli sans remise en question de la structure fédérale des États-Unis et de ses autres institutions tel le Sénat qui compte deux représentants par État. Toutes ces vieilles structures sont incapables de remédier à l'intensification des contradictions sociales aux États-Unis. L'élimination du collège électoral nécessiterait par exemple l'imposition d'une nouvelle structure. Toute tentative d'introduction d'un changement de cette importance attiserait des conflits qui déchirent déjà le système politique. Aussi inadéquates que ces vieilles structures puissent l'être, l'élite dirigeante n'a rien d'autre pour les remplacer. Elle n'a donc d'autre choix que d'aller encore plus à droite en empruntant des moyens plus autoritaires pour défendre ses possessions et son pouvoir politique. À cette fin, il est utile de rappeler que la grande crise constitutionnelle qui suivit l'élection contestée de 1876 déboucha justement sur un nouvel accord politique qui mit fin à la Reconstruction et ouvrit la voie au système ségrégationniste de Jim Crow dans le Sud.

La situation actuelle constitue une indication colossale de la culture politique prévalante aux États-Unis qui s'est développée sous la tutelle de médias foncièrement réactionnaires dont les artisans vouent tous leurs efforts à calomnier l'opinion publique. Même en pleine crise constitutionnelle, ces derniers continuent de manifester une attitude des plus superficielle et cynique.

Nombre de commentateurs soutiennent que l'impasse politique produite par les élections va déboucher sur une période de stagnation où rien de bien important ne va survenir aux États-Unis. Ils prétendent que si Bush entre à la Maison blanche, les républicains seront obligés d'adopter une politique de compromis et de modération. De telles projections n'ont pas plus de substance que toutes les prévisions des experts des médias qui ne cessent de prouver combien ils sont incroyablement coupés des réalités quotidiennes de la vie des Américains.

La droite républicaine a déjà démontré avec ses manuvres conspiratrices de destitution qu'elle était prête à utiliser en dépit de l'opposition du public des moyens anticonstitutionnels pour parvenir à ses fins. Si les républicains s'emparent de la Maison blanche, ils introduiront rapidement des mesures pour éliminer toute restriction à l'accumulation des richesses personnelles et à l'exploitation de la classe ouvrière. Le fait même que les élections ont révélé que l'opinion publique désapprouvait leurs politiques ne pourra que les pousser à agir avec plus de hâte et de détermination. Si par contre c'est Gore qui l'emporte, les éléments fascisants qui dominent le Parti républicain refuseront d'accepter la légitimité de son administration. Dès le premier jour, ils vont s'engager dans une nouvelle campagne de subversion contre le successeur de Clinton.

Mais comme ces élections l'ont révélé, les travailleurs sont de plus en plus déterminés, bien que cela ne soit pas encore clairement exprimé politiquement, à défendre leurs intérêts. En dépit du caractère conservateur et tiède de la campagne menée par Gore et le discours universel repris en cur par les réactionnaires des médias soutenant que le pays est satisfait et silencieux, le vote populaire combiné pour Gore et Nader comptait une majorité importante d'électeurs prônant des valeurs libérales ou de gauche au sens large.

Sans aucune orientation de Gore ou du Parti démocrate, l'électorat a une fois de plus répudié la campagne de destitution des républicains. La colère populaire provoquée par une année de tentatives de transformer un scandale sexuel en coup d 'État politique a représenté un facteur important dans la victoire éclatante de Hillary Clinton dans sa course au sénat dans l'état de New York, ainsi que dans la défaite des deux congressistes républicains James Rogan et Bill McCollum qui ont joué un rôle essentiel dans la tentative de destitution.

Cette crise électorale révèle l'effondrement de tout consensus politique et reflète le féroce niveau de polarisation sociale qui prévaut aux États-Unis. Dans une telle situation, le pouvoir de la nouvelle administration manquera de crédibilité pour de vastes couches de la population. Les conséquences de cet état de fait n'apparaîtront clairement que lorsque le prochain gouvernement tentera d'appliquer des politiques de droite dans les conditions actuelles de crise économique croissante.

Cette élection marque le commencement d'une période de bouleversements sociaux. Aucun des partis actuels ne peut recueillir de consensus populaire. Un tel consensus ne peut être suscité que sur la base d'un mouvement de masse conscient qui prend comme point de départ la réalité objective des contradictions de classe de la société et met de l'avant un programme socialiste pour la classe ouvrière. La période à venir doit être celle du développement d'un tel mouvement qui doit prendre la forme d'un parti indépendant de la classe ouvrière. Le Parti de l'égalité socialiste s'engage, via son organe politique le World Socialist Web Site, à réaliser cette tâche politique.

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