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L'assassinat du président Kabila au Congo

Par Chris Talbot
18 janvier 2001


Lorsque cet article fut écrit, le sort de Laurent Kabila n'était pas encore connu. Aujourd'hui, nous savons qu'il fut assassiné, bien que l'identité de l'assassin demeure incertaine.


Selon des rapports en provenance de Belgique, de Grande-Bretagne et des États-Unis, le président de la République démocratique du Congo (RDC), Laurent Kabila, fut tué par balles mardi après-midi. Toutefois, il règnait encore une certaine confusion en raison des affirmations du gouvernement de la RDC selon lesquelles Kabila, bien que touché lors de la fusillade, serait encore en vie et aurait confié la direction intérimaire du gouvernement à son fils.

Les compte-rendus de presse font état que Kabila aurait été abattu par l'un de ses gardes du corps en présence de généraux de l'armée qu'il venait de limoger. Le ministre des Affaires étrangères belges, Louis Michel, confirma l'implication de chefs de l'armée et affirma que l'assassinat n'était pas une tentative de coup d'état, mais « une dispute qui a fini dans la violence ». Selon certains rapports, de violents combats auraient eu lieu durant une demi heure autour du palais présidentiel après quoi le calme serait revenu dans la capitale Kinshasa. Il semblerait que le chef d'état-major présidentiel, le colonel Eddy Kapend, ait temporairement pris le contrôle du pays. Dans un appel télévisé, il exhorta l'armée à la discipline.

D'autres rapports de la presse occidentale suivirent dans leur version celle avancée par Michel qui minimisait la possibilité de coup d'état. Il semblerait toutefois, que la querelle avec les chefs de l'armée avait eu pour sujet la gestion de la guerre au Congo et que les chefs militaires évincèrent Kabila parce qu'il bloquait la voie à un règlement négocié.

Les forces du gouvernement RDC, soutenues par l'Angola et le Zimbabwe, ont ces derniers temps, subi des revers dans le sud-est du Katanga aux mains des troupes rwandaises et des rebelles soutenus par les Rwandais. Et au nord du pays, près de l'équateur, les forces de la RDC eurent aussi le dessous lors d'affrontements avec le Mouvement congolais de Libération (MCL) de Jean-Pierre Bemba qui est soutenu par l'Ouganda.

Le Washington Post cite un « analyste en poste à Kinshasa » qui a déclaré que des éléments de l'armée auraient sondé le terrain auprès de gouvernements étrangers en vue d'une action contre Kabila: « il règne une certaine désillusion parmi certains éléments de l'armée et qui ont entrepris des démarches indépendantes auprès d'autres personnes en quête de leur soutien. »

Les premiers rapports de presse avaient signalé que Kabila aurait été touché par balles tout en exprimant des doutes quant à sa mort. L'implication de l'Ouganda dans l'assassinat semble probable du fait que seuls les rapports ougandais affirmaient avec certitude la mort de Kabila. Un officier des renseignements de Kampala avait passé un coup de fil à Reuters en disant: « Je suis sûr à 101 pour cent qu'il est mort ».

Le journal belge Le Soir, tout en dénotant le rôle joué par l'Ouganda, un pays qui bénéficie de l'appui militaire des États-Unis, remarquait: « Il est plus que probable que ce coup ait été exécuté avec le consentement des Etats-Unis ». Le Soir précise que des « sources semi-officielles » aux États-Unis n'avaient cessé de répéter depuis plusieurs jours que rien de plus ne pourrait être fait en vue d'un processus de paix tant que Kabila était au pouvoir. Ils avaient décrit un scénario dans lequel, après la « disparition du président », l'équipe entourant l'ancien président Masire de Botswana, qui avait négocié l'accord de paix raté de Lusaka de l'été 1999, « installerait une administration intérimaire » qui poursuivrait sa mission initiale à savoir l'organisation d'un dialogue « inter-congolais ». Cette idée, avancée à Lusaka, signifie que tous les pays se retirent de la RDC alors qu'un nouveau cadre politique est établi entre le régime de Kinshasa et les rebelles soutenus par l'Ouganda et le Rwanda.

Le Soir évoqua de plus que des éléments de l'ancien régime de Mobutu pourraient être remis au pouvoir: « Mais l'administration intérimaire pourrait également ouvrir la voie à un retour du rebelle Jean-Pierre Bemba soutenu par les anciens mobutistes qui comptent de nombreux amis dans les rangs des Républicains et qui ont déjà été contactés par le future vice-président américain Dick Cheney. »

Kabila avait renversé le régime de Mobutu Sese Seku appuyé par les États-Unis en mai 1997. Ce régime avait été réputé pour sa brutalité et sa corruption. Durant trois décennies, l'économie avait été au bord de l'effondrement. Mobutu était un ami personnel de la famille Bush.

Une indication supplémentaire d'une possible implication des États-Unis est le fait que l'assassinat s'est produit la veille d'un sommet France-Afrique à Yaoundé, au Cameroun. Le sommet se déroulant sous le titre «l'Afrique face au défi de la mondialisation» devrait compter sur la participation d'une trentaine de chefs d'état africains. Il a pour mission d'encourager la politique française en Afrique afin de contrebalancer l'influence des États-Unis sur ce continent. Charles Josselin, le ministre de la Coopération français, a essayé de distancer son gouvernement de tout lien avec les scandales de corruption en Afrique, y compris ceux auxquels est mêlé le fils de l'ancien Président de la République française, François Mitterrand, soulignant que la France est le plus gros fournisseur d'aide au développement à l'Afrique subsaharienne.

Kabila avait évidemment escompté pouvoir consolider sa position en ralliant un certain soutien autour de sa personne lors de cette réunion. Après des échecs militaires il avait, selon l'expression du quotidien français Libération, remporté « deux petites victoires ». La première est l'adoption, avec l'appui non négligeable de la France, de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies en décembre et qui exigeait le retrait du Rwanda et de l'Ouganda. La deuxième est un accord négocié personnellement par Kabila la semaine passée à Libreville, au Gabon, entre le président Pierre Buyoya du Burundi et la milice Hutu, les Forces de Défense de la Démocratie (FDD), qui avaient mené une guerre civile contre le régime burundais à partir du Congo. Elle avait pour but de désengager le Burundi, qui soutenait le Rwanda, de la guerre au Congo. La milice Hutu qui compte 40 000 hommes, y compris la milice extrémiste Hutu Interahamwe, qui regroupe ce qui reste du régime rwandais qui avait organisé le génocide en 1994, fournissait la majorité des forces de Kabila.

Durant les années 1960, Kabila menait une guerilla contre le régime de Mobutu. Kabila se vante d'avoir rencontré Che Guevara qui le considérait plutôt comme une nuisance plus préoccupée des bars et des bordels que de politique. Le groupe de Kabila contrôlait une petite région du Congo, dans le sud Kivu, où il pouvait vivre de l'exploitation des mines d'or et du commerce de l'ivoire et où le groupe était connu pour avoir brutalisé la population locale. Dans les années 1980, Kabila s'installa à Dar es-Salaam en Tanzanie, y vendant l'or venant des mines du Congo. C'est là qu'il fut contacté par son homologue panafricaniste Julius Nyerere, l'ancien président de Tanzanie. Kabila fut rejoint par ses anciens associés panafricanistes, le président Yoweri Museveni de l'Ouganda et le vice-président du Rwanda, Paul Kagame. Tout comme eux, Kabila avait abandonné toute prétention au marxisme et était un ardent défenseur du système de profit.

L'Ouganda et le Rwanda menaient une lutte contre l'Interahamwe dans le Congo oriental, alors appelé Zaïre. Mais, du fait de l'effondrement de l'armée de Mobutu, ils s'emparèrent rapidement du pays et installèrent Kabila au pouvoir en 1997. En raison de sa rhétorique anti-impérialiste, Kabila fut au départ plutôt bien vu de la population congolaise. Les États-Unis avaient bien évidemment espéré qu'il rejoindrait les autres « nouveaux dirigeants africains », tels Museveni et Kagame dont le président Clinton chantait les louanges. Ils croyaient que Kabila, le panafricaniste, se transformerait en partisan du libre-échange, qu'il assurerait la stabilité à ce vaste pays et qu'il permettrait l'accès à ses considérables richesses minières.

Après un peu plus d'un an au pouvoir, Kabila rompit avec l'Ouganda et le Rwanda qui l'avaient soutenu. Les deux pays supportèrent les forces rebelles dans le but d'évincer Kabila, mais grâce à l'appui de l'Angola, du Zimbabwe et de la Namibie, il resta au pouvoir et la guerre civile s'ensuivit. À présent que l'Angola et le Zimbabwe sont soumis aux pressions occidentales pour se retirer du pays et que l'économie de la RDC s'est effondrée, il est peu probable que l'élimination de Kabila puisse apporter une certaine stabilité à cette région dominée par de nombreuses factions rivales et où sévissent les conflits tribaux engendrés par le colonialisme. De plus, les pouvoirs impérialistes rivaux - la France, la Belgique et la Grande-Bretagne, au même titre que les États-Unis - ont tous un intérêt permanent dans la région.

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