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L'Algérie secouée par des émeutes


Par Chris Talbot
Le 10 mai 2001

Le bilan de deux semaines d'émeutes dans la région berbère de Kabylie en Algérie est d'au moins 80 morts et de centaines de blessés.

Les émeutes commencèrent lorsque le lycéen Guermah Massinissa, détenu par la police, fut tué et que trois autres adolescents furent roués de coups. La police locale les avait accusés d'outrage à agents quand ils prirent part à un vigile pour observer le «Printemps kabyle». Il s'agit là de la commémoration annuelle des arrestations et meurtres brutaux de manifestants berbères perpétrés par le gouvernement militaire algérien en 1980. Des milliers défilèrent dans les rues protestant contre le régime soutenu par l'armée. Des adolescents et des jeunes hommes d'une vingtaine d'années se battirent avec les forces de sécurité armées qui répondirent en utilisant du gaz lacrymogène et des munitions pour tir réel.

Essayant de prendre d'assaut un commissariat de police à Tizi Ouzou, la ville principale de la région à 90 km environ à l'est d'Alger, quatre jeunes furent tués ­ l'un d'eux étant tué à bout portant. Dans la ville de Béjaïa, plus à l'est, de violents affrontements éclatèrent lors d'un défilé vers le commissariat de police. Lorsque les protestations furent reprises par des jeunes à travers toute la Kabylie, au moins 29 personnes furent tuées dans la seule journée du 28 avril.

Pendant plusieurs jours, il y eut des émeutes à travers les villes et villages de la région, de jeunes gens renversant des véhicules, les mettant en feu et bloquant les rues. Béjaïa est décrite comme étant dévastée, sa gare ferroviaire et les bâtiments gouvernementaux ayant été détruits.

A peu près un tiers de la population algérienne est berbère. Son origine ethnique est différente de celle de la majorité arabe et les Berbères parlent une langue différente, le tamazight. Des comptes-rendus ont bien fait comprendre que le motif qui se cachait derrière le soulèvement n'était pas simplement l'opposition à la brutalité des forces de l'ordre. Il y a eu une discrimination persistante envers les Berbères concernant l'emploi et les allocations gouvernementales au logement déjà restreintes ainsi que le refus d'octroyer au tamazight le même statut qu'à l'arabe dans la région. Le gouvernement insiste pour que seul l'arabe soit reconnu comme langue officielle dans toute l'Algérie et encourage l'administration locale à pratiquer une discrimination envers les Berbères.

La Kabylie est l'une des régions les plus pauvres et les plus peuplées du pays où 40 pour cent vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Le taux de chômage est énorme dans toute l'Algérie, même le taux officiel atteint 30 pour cent bien que le chiffre réel soit bien plus élevé. Les jeunes sont particulièrement touchées, le chiffre s'élevant à 60 % pour les moins de 30 ans.

Les émeutes sont un revers sérieux pour le gouvernement du président Bouteflika qui avait pris le pouvoir en 1999. Sous la pression de la France et des Etats-Unis, le but de Bouteflika devait être d'une part de stabiliser l'Algérie qui a été le témoin d'une guerre civile sanglante avec les militants fondamentalistes islamiques dont le bilan est d'au moins 100 000 morts depuis 1992, et, d'autre part, de rendre le pays sûr pour les investissements internationaux.

Bouteflika qui est l'homme de paille de l'élite militaire était déjà perçu par les puissances occidentales comme n'ayant fait que peu de progrès pour intégrer une plus grande partie des couches influentes au gouvernement. Le RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie), un parti à prédominance berbère, et dont des membres faisait partie de son cabinet. Mais le RCD fut obligé de se retirer après les émeutes. Son dirigeant, Said Sadi, déclara qu'un gouvernement qui tirait sur le peuple ne méritait pas le soutien des démocrates. Le gouvernement de Bouteflika avait déjà perdu toute sa crédibilité aux yeux du peuple entier: les élections de 1997 avaient été truquées au point que les candidats de l'opposition s'étaient retirés.

Bien que Bouteflika ait été en mesure de négocier un accord de paix avec le FIS (Front islamique du Salut), d'autres groupes armés refusent de rendre les armes et la guerre civile continue, bien que ce soit à un niveau moindre. Des forces de sécurité qui ont infiltré les unités des groupes armés sont soupçonnés d'être responsables des attaques de terreur qui se poursuivent contre les villageois. Au moins 10 personnes seraient mortes lors d'une pareille attaque pendant la période des émeutes.

Le gouvernement de Bouteflika est fondé sur une coalition précaire qui reflète les factions concurrentes de l'armée. Selon le magazine African Confidential, Ali Benflis, nommé premier ministre l'été dernier après que Bouteflika ait dissout son cabinet précédant, essaie d'appliquer le programme des «modernistes» parmi l'élite ­ à savoir la privatisation des télécommunications de l'Algérie et la libéralisation du règlement pour les investissements étrangers sans trop déranger les intérêts des dirigeants militaires. Bouteflika a aussi nommé Larbi Belkheir comme nouveau chef d'état-major, un politicien de renom du temps du régime Chadli Bendjedid pendant les années 1980. Des généraux de la vieille garde avaient destitué le président Chadli lors du coup d'Etat de 1992 pendant qu'ils continuaient la guerre civile contre le FIS. Cependant on dit que cette vieille garde, tel l'ancien chef des armées et dirigeant du coup d'Etat de 1992, le général à la retraite Khaled Nezzar, garde une grande influence sur le gouvernement.

Lorsque les émeutes récentes s'étaient calmées, le FFS (Front des forces socialistes), le parti politique principal pour la région berbère, a appelé à une manifestation le jeudi 3 mai à Alger. Le FFS ne s'est jamais fait remarquer pour avoir attaqué le régime algérien. Il est visiblement peu soutenu par les jeunes, ses bureaux ainsi que ceux du RCD ayant été saccagés pendant les émeutes. Le fait que 20 000 personnes aient pu défiler derrière le FFS à travers Alger, dénonçant le «gouvernement terroriste» sans être attaquées par les services de sécurité, reflète vraisemblablement la consternation du régime quant au fait que des opposants aussi loyaux puissent perdre le soutien dont ils avaient bénéficié jusqu'alors.

Après qu'il n'ait fait de déclaration ni sur les émeutes ni sur les répressions policières qui s'en sont suivies pendant plus d'une semaine, Bouteflika a éventuellement été contraint de réclamer qu'une enquête soit menée sur les violences. Attaquant visiblement la jeunesse berbère, il a prétendu que des forces anonymes avaient «attisé la haine et semé la subversion et la division.»

La situation du régime algérien est devenue encore plus embarrassante lorsqu'il y eut la récente publication à Paris de «La Sale Guerre», le livre d'un ancien officier donnant des détails sur les tortures et les assassinats perpétrés par l'armée contre des civils depuis une décennie.
Etant donné ce contexte, le gouvernement français ­ habituellement prudent dans quelque déclaration que ce soit sur les affaires africaines ­ s'est senti obligé de réprimander avec réserve le régime algérien pour sa répression des Berbères. Le ministre des affaires étrangères, Hubert Védrine, a parlé de la «violence utilisée pour écraser» les manifestations et a insisté pour qu'un «dialogue politique» soit ouvert.

Néanmoins, les autorités françaises ont démontré leur soutien tacite à et leur complicité dans les actes d'oppression menés. Les activistes français des droits humains et les victimes de la torture poursuivent le général retraité Nezzar en justice pour ses crimes. Au lieu de donner l'autorisation aux activistes pour les droits humains de poursuivre ce qui avait été annoncé comme une autre affaire Pinochet ­ et qui aurait certainement révélé l'implication française ­ on a permis à Nezzar de s'enfuir du pays avant qu'un magistrat ait pu le faire assigner.


 

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