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La guerre en Sierra Leone et en Guinée s'étend au Liberia

Par Chris Talbot
4 mai 2001

Selon des récentes informations du Liberia, le conflit s'est nettement aggravé entre le gouvernement et les groupes rebelles au nord du pays. Ces derniers sont soutenus par la Guinée que le gouvernement libérien accuse de mener des bombardements de longue portée ainsi que des bombardements aériens sur son territoire. Alors que des combats sporadiques avec les rebelles se sont poursuivis dans la région nord de la Lofa au Liberia depuis la fin de la guerre civile en 1997, les hostilités actuelles semblent beaucoup plus importantes. Des rapports libériens rendent compte de la prise de la ville de Zorzor par les rebelles et du fait que les combats se sont déplacés au sud vers la région de Salayea, qui n'est qu'à 80 kilomètres de Gbarnka, une ville clé dans le nord du Liberia.

Le mois dernier, revenant de la ligne de feu, le ministre de la défense libérien déclarait que la prise de Voinjama par les rebelles dans la partie la plus septentrionale du Liberia était comme «une claire déclaration de guerre ». Le président du Liberia, Charles Taylor, a mis le pays sur pied de guerre. Tout signe d'opposition à son régime est réprimé encore plus brutalement que d'habitude et 15 000 vétérans de son armée de guérilleros de la guerre civile des années 1990 sont appelés au service actif.

L'ampleur des combats n'a pas été confirmée par la Guinée ou par d'autres sources mais un coordinateur de l'aide de l'Organisation des Nations unies dans la région, Carolyn Mc Askie, a précisé que 15 000 personnes avaient fui leur habitation dans la région durant ces trois dernières semaines. Des responsables de l'ONU rapportent qu'au total plus de 60 000 personnes ont été déplacées des régions du nord du Liberia.

Les combats se propagent au Liberia à partir d'une région du sud de la Guinée appelée «Parrot's Beak» où des forces rebelles, soutenues par le Liberia, se battent contre le régime guinéen depuis plusieurs mois. McAskie, qui avait été en mission trois jours au Liberia, en Guinée et en Sierra Leone pour l'Organisation des Nations unies, a dit qu'il y avait encore quelque 300 000 réfugiés de la Sierra Leone et du Liberia bloqués dans cette partie de la Guinée. Et il en est ainsi malgré le fait qu'on sache que des dizaines de milliers de réfugiés ont fui les combats, faisant le voyage de retour risqué dans les régions de l'est riches en diamants de la Sierra Leone qui sont sous le contrôle du RUF (Front révolutionnaire uni). McAskie a dit que l'ONU était encore en train de négocier avec le gouvernement guinéen pour assurer que les réfugiés passent sans danger à des endroits plus au nord, loin des frontières qu'a la Guinée avec la Sierra Leone et le Liberia.

L'ancien premier ministre hollandais, Ruud Lubbers, nommé récemment comme Haut commissaire aux réfugiés des Nations unies (UNHCR) a qualifié la crise des réfugiés comme la pire qu'il y ait dans le monde. Cependant, le soutien aux réfugiés par les puissances occidentales a été lamentable. McAskie a dit que l'appel de l'ONU le mois dernier pour rassembler la somme de 65 millions de dollars pour remédier à la crise n'avait rapporté qu'entre 2 et 3 millions de dollars.

De plus, les interventions occidentales dans la région ont aggravé le conflit. Charles Taylor, l'homme militaire à poigne, qui avait mené la faction remportant le plus de succès dans la guerre civile du Liberia qui dura huit ans, fut autorisé à prendre le pouvoir après les élections de 1997 avec le soutien des USA et des puissances occidentales. À présent, les USA et la Grande-Bretagne dénoncent Taylor comme étant au centre du commerce illicite de diamants en Afrique, et l'accusant en particulier de soutenir le RUF en Sierra Leone ­ une organisation qui contrôle une grande partie des régions diamantifères. Une résolution de l'ONU présentée par les USA et la Grande-Bretagne demande l'imposition de sanctions économiques contre le Liberia, en particulier un moratoire sur les exportations de diamants. Il n'y aura cependant pas d'interdiction sur l'exportation de caoutchouc vers les USA. La résolution stipule que Taylor doit couper ses liens avec le RUF (un comité des Nations unies enquête pour savoir s'il avait retiré son soutien comme il l'affirme) et dans le cas contraire les sanctions seront imposées le 7 mai.

Il est clair que les puissances occidentales ont déjà commencé à faire des pressions. Le Liberia s'est pratiquement effondré économiquement, la capitale Monrovia n'a pratiquement plus d'eau courante ou d'électricité, les fonctionnaires n'ont pas été payés depuis janvier, le système du tout-à-l'égout ne fonctionne plus et les ordures s'accumulent partout. Ceci ne peut pas simplement être imputé à la corruption personelle de Taylor ­ on dit qu'il gère l'économie comme si elle était son entreprise privée ­ mais doit refléter la diminution du soutien des Occidentaux. Il n'est pas surprenant que Taylor ait entrepris de répondre militairement.

La Grande-Bretagne est l'un des pays à avoir le plus contribué à l'instabilité qui règne dans la région. Les troupes britanniques entraînent présentement l'armée sierra-léonaise et des «conseillers» britanniques sont impliqués dans tous les aspects de la direction du gouvernement du président Kabbah à la Sierra Leone. À cause de la présence militaire britannique, le RUF a accepté un accord de paix en novembre dernier et a maintenant permis l'entrée de troupes des Nations unies dans la partie qu'il contrôle, et ce, bien qu'il soit opposé à tout accord avec le régime de Kabbah. Les combattants du RUF participent plutôt à la guerre en Guinée, se joignant aux troupes libériennes et aux rebelles guinéens contre le gouvernement guinéen.

De récents rapports font état de forces guinéennes poursuivant le RUF jusque dans l'est de la Sierra Leone, la région du pays contrôlée par le RUF. Gibril Massaquoi, porte-parole du RUF, a dit aux journalistes que le RUF avait été attaqué dans la région diamantifère connue sous le nom de Tongo Field et dans la principale région diamantifère de Kono, près de la frontière avec la Guinée et le Liberia. Massaquoi a dit : « Les forces attaquantes sont sierra-léonaises mais les Guinéens les soutiennent par des tirs de protection». Il a indiqué que les troupes étaient des Kamajors, un groupe tribal entraîné militairement par la Grande-Bretagne en tant que partie l'armée sierra léonaise et allié aux rebelles libériens. Bien que Massaquoi n'ait donné aucune preuve, il a laissé entendre que des troupes entraînées par les Britanniques seraient impliquées.

Il ne serait pas surprenant que les puissances occidentales soutiennent maintenant la Guinée, tout en utilisant des troupes entraînées par les Britanniques pour s'occuper du régime libérien et du RUF. L'impatience grandit de plus en plus vis-à-vis de l'initiative de paix de l'Organisation des Nations unies. Selon le journal Independent, lors de sa récente visite en Sierra Leone, Clare Short, secrétaire d'Etat au développement international de la Grande-Bretagne, « a donné un coup de son sac à main » à Oluyemi Adeniji, tête de la mission onusienne en Sierra Leone, exigeant de savoir pourquoi les forces des Nations unies ne désarmaient pas le RUF. Faisant état des meurtres et mutilations sauvages commis par le RUF, Short a accusé l'Organisation des Nations unies d'être dominée par un malaise bureaucratique et de refuser d'apprendre des leçons des conflits au Rwanda et en Somalie quand des atrocités auraient prétendument pu être empêchées par l'action de l'ONU. Il est peu probable que Short ne sache pas que l'inefficacité de l'ONU soit due, non dans une moindre mesure, au manque de soutien des puissances occidentales, sans mentionner leurs intérêts conflictuels dans la région.

L'influent comité d'experts basé à Bruxelles, l'ICG (Groupe international de crise), a appelé à ce qu'on mette fin aux négociations de l'ONU avec le RUF. Appelant Charles Taylor le « Milosevic de l'Afrique occidentale», il exige non seulement qu'une attitude commune soit adoptée par les puissances occidentales et les Nations unies pour se charger du RUF et du Liberia mais aussi un « effort international » pour aider la Sierra Leone à « rétablir une bonne marche gouvernementale et reconstruire sa société dévastée. » L'ICG ne mentionne pas qui fournira ce soutien international , ni le fait que la société en Sierra Leone, au Liberia et en Guinée a été dévastée précisémen par les puissances occidentales qui s'appropriaient les diamants, le bois et les minérais de ces pays et, avant cela, ont utilisé leurs peuples comme esclaves. Le soutien que la population de la Sierra Leone avait initialement accordé au président Kabbah s'est effrité, comme le montre les grèves et les manifestations, au fur et à mesure qu'il devenait clair qu'il n'y aurais pas d'autre aide occidentale pour reconstruire l'économie que le soutien militaire. Si les régions diamantifères étaient reprises au RUF, les revenus provenent de l'exploitation des mines n'iraient pas à la population locale car ils sont déjà promis aux compagnies internationales.

Il est connu que les USA participent à l'entraînement militaire de l'armée guinéenne et le membre du Congrès américain, le républicain Ed Royce, a récemment fait un discours dénonçant Charles Taylor. Royce a demandé qu'on donne immédiatement suite aux sanctions touchant non seulement les diamants mais aussi le bois (la France et la Chine se sont opposées aux sanctions concernant le bois puisque leur commerce avec le Liberia serait affecté et que Royce a omis de mentionner l'exportation de caoutchouc vers les États-Unis). Royce a dit : « La survie de la Guinée est en jeu... Conakry [la capitale de la Guinée] a demandé un soutien militaire des États-Unis pour permettre à ses forces armées de protéger ses frontières. Les USA doivent absolument considérer accorder cette aide maintenant. »

La France est aussi en train de changer sa position et sanctionne les accusations portées contre Taylor. Charles Josselin, le ministre français responsable des relations avec l'Afrique, a accompagné Clare Short lors de sa récente visite en Sierra Leone. Selon des rapports, il s'est dit d'accord avec les sanctions onusiennes contre le Liberia, disant que rien ne laissait croire que Taylor se soumettait aux ordres des Nations unies d'arrêter de soutenir le RUF. Cependant, aucun détail n'a été donné sur l'implication française dans la région.

Selon le magazine Africa Confidential, le premier ministre français, Lionel Jospin, s'est opposé à tout soutien ouvert au régime guinéen du président Conte. Compte tenu que plusieurs scandales de corruption africains ont ébranlé le système politique français, le fait de soutenir ouvertement un régime notoire pour ses violations des droits de l'homme et la suppression de l'opposition serait d'autant plus embarrassant. Dans le passé, Taylor était bien vu par la France étant donné le fait qu'il travaille étroitement avec le président Comaoré du Burkina Faso et le dirigeant libyen, le colonel Kadhafi, pour transiger armes et diamants. Apparemment, la France espère faire des affaires lucratives avec la Libye avec le pétrole et des projets d'infrastructure ainsi qu'avec la vente d'armement lourd et d'avions Airbus. Quoi qu'il en soit, il existe à présent, un risque sérieux de guerre civile en Côte d'Ivoire, une ancienne colonie française clé.


 

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