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Le dirigeant de l'OCI reconnaît ses relations avec le premier ministre Lionel Jospin

Par Peter Schwarz
13 novembre 2001

Pierre Lambert, le dirigeant de longue date de l'Organisation communiste internationaliste (OCI), a reconnu pour la première fois publiquement que le premier ministre français Lionel Jospin, avait été un membre de son parti.

Le 4 octobre, le magazine l'Express publiait une interview avec Lambert dans laquelle ce dernier admettait qu'il avait «eu des relations politiques» avec Jospin et que Jospin «avait été trotskiste». Lambert ne précisa cependant pas la durée de ces relations mais le contexte laisse entrevoir que celles-ci avaient dû s'interrompre en 1986, ou seulement en 1988.

En réponse à la question de l'Express, à savoir si l'entrée d'un certain nombre de membres importants de l'OCI dans le Parti socialiste (PS) en 1986 avait conduit à une rupture politique avec Jospin, Lambert ne répondit que de façon évasive: «Jospin est parti, après un débat. Son choix est son choix. J'ai l'intention de m'expliquer ultérieurement sur cette période». La remarque qui s'ensuivit, à savoir que Lambert n'avait combattu politiquement Jospin qu'à partir de 1988, fut indirectement confirmée quand il dénonça le bilan de Jospin en tant que ministre de l'Education nationale.

Le premier ministre français aurait donc passé plus de vingt années au sein de l'OCI et travaillé plus de quinze années en tant que militant de l'OCI au sein du Parti socialiste, dont treize années comme responsable national et cinq comme premier secrétaire. Comme il avait déjà été révélé l'été dernier lors d'une interview avec Boris Fraenkel, le guide politique de Jospin en son temps, Jospin avait adhéré à l'OCI en 1964 et avait rejoint le Parti socialiste en 1971, peu après sa fondation.

Dans une autre interview, le 5 novembre, Lambert avait déclaré au micro de LCI que Jospin avait rejoint l'organisation de François Mitterrand avec son soutien «en 1971-1972, comme d'autres. Il est entré dans le Parti socialiste avec mon accord. Il était un militant comme un autre qui faisait un travail».

Lambert refusa toutefois de qualifier Jospin de «taupe». «Je ne pense pas que Jospin ait été une taupe au PS; il y est entré pour une politique déterminée, résumée par François Mitterrand, celle de la rupture avec le capitalisme. Ils ont fait autre chose. C'est leur problème, pas le mien.»

Lambert confirme ainsi l'analyse que le World Socialist Web Site avait déjà faite dans un article précédent sur le passé de Jospin: qu'en 1971 l'OCI «poursuivait une ligne politique qui n'avait plus rien en commun avec les idées de Trotsky, mais qui s'accordait parfaitement avec les objectifs de François Mitterrand.»

Lambert, âgé à présent de 81 ans, avait longtemps été considéré comme le mentor de personnes qui, par la suite, allaient faire carrière au sein du Parti socialiste. Nombre des collaborateurs les plus proches de Jospin sont issus de l'OCI, entre autres, le numéro deux du parti Jean-Christophe Cambadélis. Lambert entretenait également d'étroits liens personnels avec la direction du syndicat de droite Force ouvrière - issu d'une scission du syndicat CGT à forte dominance stalinienne - dans lequel il occupait un poste de fonctionnaire permanent.

De plus, dans sa qualité de fonctionnaire syndical, il rencontrait régulièrement les représentants du gouvernement comme il l'expliquait dans son interview à l'Express: «Comme responsable syndical mandaté, j'ai rencontré des ministres. Il m'est arrivé aussi, sur mandat de mon organisation syndicale, d'aller négocier à l'Elysée.» Contrairement à certaines rumeurs, il nie avoir jamais rencontré Jacques Chirac, l'actuel président de la République.

Lambert avait toujours occupé l'arrière de la scène à l'exception de l'année 1988, quand il avait eté candidat à l'élection présidentielle sous son vrai nom Pierre Boussel. L'interview de l'Express représente la deuxième du genre qu'il ait jamais accordée à un journal bourgeois. Il a annoncé la parution, au printemps de 2002, d'un livre «Mémoires d'un agitateur clandestin» dans lequel il compte parler de certaines périodes de sa vie. Le livre devrait paraître peu de temps avant les élections présidentielles et comporter - du moins c'est ce que Lambert donne à entendre - d'autres révélations sur Jospin qui, selon toute vraisemblance, sera l'adversaire de Jacques Chirac, le président sortant.

Lambert est né à Paris en 1920 d'une famille d'immigrants russes. A l'âge de 14 ans il adhère à l'organisation des Jeunesses communistes dont il sera très vite exclu. Quatre ans plus tard il rejoint le mouvement trotskyste. En 1952, il prend la direction du Parti communiste internationaliste (PCI) qui, de 1968 à 1981, s'appellera OCI.

A la fin des années 1960, l'OCI se détourna de la perspective du mouvement trotskyste et rompit formellement en 1971 avec le Comité international de la Quatrième Internationale auquel elle avait jusque-là appartenu. Elle devint l'un des plus importants piliers politiques de François Mitterrand qui prônait "l'union de la gauche", une alliance entre le Parti communiste et le Parti socialiste, et qui devait finalement remporter les élections présidentielles en 1981.

L'OCI n'abandonna son soutien pour Mitterrand que vers la fin des années 1980 après que celui-ci, de par sa politique de droite, se fut en grande partie discrédité. C'est alors qu'elle fonda le Parti des travailleurs (PT), un ramassis de bureaucrates insatisfaits qui, pour une raison ou une autre, n'avaient pas réussi à faire carrière dans le Parti socialiste ou dans les syndicats.

Bien que l'OCI ait rompu de longue date avec une perspective révolutionnaire, il reste néanmoins remarquable qu'un homme se trouve à la tête du gouvernement français ­ et, à partir de 2002, peut-être même de l'Etat - qui, durant une grande partie de sa vie, a travaillé pour une organisation qui continue à se qualifier de trotskyste. L'expérience de Jospin en matière de politique de gauche est indispensable au contrôle des tensions sociales et politiques grandissantes et pour parer à toute menace d'en bas pour la classe dirigeante.

Entre-temps d'autres représentants influents de l'establishment français se font connaître comme d'anciens «trotskystes». C'est ainsi que le directeur de rédaction du Monde, Edwy Plenel, vient de publier une biographie sous le titre «Secrets de jeunesse» dans laquelle il confesse en termes passionnés son passé «trotskyste». L'on peut y lire que «Le trotskysme comme expérience et comme héritage fait à jamais partie de mon identité, non pas comme un programme ou un projet, mais comme un état d'esprit, une veille critique faite de décalages et d'acuité, de défaites et de fidélités.»

Plenel n'avait pas été un membre de l'OCI, mais de la Ligue communiste révolutionnaire pabliste qui avait déjà abandonné la perspective de la Quatrième Internationale dès 1953. Sa loyauté envers l'Etat français, tout à l'image de Jospin, ne fait pas de doute. Le Monde est le fleuron de la presse bourgeoise française et a fait partie, dans les années 1980, des plus importants défenseurs de Mitterrand. Que son directeur de rédaction se présente aujourd'hui comme «trotskyste» est l'expression d'un effort intense en vue de rallier dans les milieux de la gauche le soutien nécessaire pour venir à la rescousse de l'establishment français qui traverse une crise sérieuse.

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