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France : 100 000 personnes dans la rue contre la privatisation

Par Marianne Arens
Le 28 novembre 2002

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Au dire des syndicats, 80 000 personnes ont participé mardi à Paris à une manifestation de masse contre la privatisation et les attaques contre les acquis sociaux. La police a parlé de 30 000 manifestants. Entre 50 et 70 000 participèrent à des manifestations dans une quarantaine d'autres villes de France pour la défense du secteur public. Des délégués britanniques du syndicat des cheminots qui avaient participé à la manifestation ont fait part d'un grand nombre d'accidents qui ont eu lieu en Grande-Bretagne depuis la privatisation des chemins de fer.

Les syndicats CGT, CFDT, FO et SUD avaient tout d'abord appelé les cheminots et les salariés d'EDF-GDF à manifester mais il s'ensuivit progressivement de nombreuses autres grèves et manifestations locales et régionales, telles celles des postiers et des employés de France Télécom, des employés des agences nationales pour l'emploi et des caisses de maladie. Des enseignants et des étudiants rejoignirent également les cortèges. 43 pour cent du personnel de France Télécom qui est actuellement secoué par une crise sérieuse participèrent à une grève à Paris.

Trente pour cent de l'ensemble des trains en partance pour le nord furent partiellement annulés en raison de blocage des voies par des agents en grève. Le trafic des bus fut par endroit également paralysé en raison d'une occupation du dépôt de bus. Dans la même journée une grève quasi générale des contrôleurs aériens entraîna une annulation d'environ 95 pour cent des vols aussi bien à destination qu'au départ de la France.

A Marseille, 10 000 personnes étaient descendus dans la rue, 5 000 à Nantes et 4 000 à Strasbourg. A Toulouse quelque 10 000 manifestants rejoignirent le cortège principal auquel participèrent également, outre des cheminots, des agents de la poste, des transports urbains, des services publics, des musées, du Centre national des études spatiales, des salariés de l'aviation civile, ainsi qu'une dizaine de milliers d'étudiants, de lycéens et d'enseignants.

Des manifestations nationales avaient déjà eu lieu durant la semaine précédant la grève : les agriculteurs avaient bloqué avec leurs tracteurs l'accès aux centrales d'achat de la grande distribution et la veille de la manifestation de mardi, une grève nationale des routiers avait menacé de paralyser une grande partie du pays. Celle-ci put être écartée en dernière minute grâce aux efforts conjugués entrepris par le gouvernement, les entreprises et les dirigeants syndicaux. Eu égard au risque d'un mouvement social imminent, le mouvement des agriculteurs fut lui aussi sapé à temps grâce aux concessions faites par le gouvernement.

Le gouvernement de droite du premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, s'était préparé depuis son entrée en fonction en mai dernier pour une telle situation de conflit social. Le gouvernement met présentement tout en uvre pour éviter toute confrontation violente et pour gagner du temps. Ce faisant, il peut compter sur l'aide en première ligne des syndicats qui, de par de leurs actions, escomptent désamorcer la situation et contenir ainsi le mécontentement croissant. Ils se trouvent en négociations permanentes avec le gouvernement et le patronat. Et ce n'est pas un hasard que Bernard Thibault, le dirigeant de la CGT, se trouve à la tête de la manifestation d'aujourd'hui, lui qui avait largement contribué à briser le mouvement de grève de 1995.

En ce qui concerne le gouvernement, les attaques contre les acquis du service public, à savoir les suppressions d'emplois et la détérioration des retraites, sont parties intégrantes du programme gouvernemental. Ceci correspond parfaitement aux exigences de la bourgeoisie française pour qui la privatisation et la libéralisation des dernières grandes industries d'état sont arrivées à échéance de longue date. C'est dans cette optique que doit être démantelé l'actuel système relativement avantageux des retraites dans les entreprises d'état.

La privatisation des entreprises d'état

Après que l'ouverture des marchés de l'énergie ait été conclue la semaine passée à Bruxelles, c'est la libéralisation du secteur ferroviaire européen qui sera à l'ordre du jour des négociations de l'Union européenne le 17 décembre prochain. Le 16 mars 2003, une directive européenne devrait entrer en vigueur selon laquelle l'ensemble du réseau ferroviaire européen serait ouvert au privé. Alors qu'en Allemagne 56,5 % des emplois furent supprimés entre 1990 et 1998, contre 41,0 % en Italie, 36,5 % en Grande-Bretagne et 29,6 % en Espagne, en France la majeure partie des suppressions d'emplois restent encore à être concrétisées : dans le même laps de temps l'effectif du service des chemins de fer nationaux ne fut réduit que de 12,5 %, à savoir de 200 000 salariés à 175 000 (source : european industrial relations observatory)

En 1991 déjà, il avait été décidé au niveau européen, lors de la préparation du traité de Maastricht, de remplacer les administrations nationales de la SNCF par des directions plus orientées vers le marché, de réduire les déficits et de permettre l'accès du privé au réseau ferroviaire rentable. Une première tentative majeure de réaliser politiquement ces projets échoua en raison de la résistance de la classe ouvrière et de la grève de 1995.

Et pourtant, en février 1997, la SNCF fut séparée entre infrastructure et opérateur de transport, avec un organisme extérieur, le Réseau ferré de France (RFF) pour la gestion de passages des trains. Ceci ne fut pas annulé par le gouvernement de la gauche plurielle de Lionel Jospin, bien que le ministre des transports de l'époque, Jean-Claude Gayssot, ait été lui-même un ancien cheminot et membre du Parti communiste. Sa politique, l'instauration de la semaine de 35 heures, n'a aucunement signifié pour les cheminots une répartition du travail, mais au contraire une réduction des salaires, une flexibilité des horaires et plus de stress.

La colère des cheminots contre le soi-disant gouvernement de « gauche » de Lionel Jospin devint visible pour tous lors de la manifestation de mardi. Au moment où trois anciens ministres socialistes Elisabeth Guigou (Travail), Daniel Vaillant (Intérieur) et Ségolène Royal (Famille) essayèrent de rejoindre les rangs du cortège, ils furent bousculés, conspués et chassés hors des rangs. C'est grâce au service d'ordre de la CGT qu'ils s'en sortirent indemnes.

Raffarin

La manifestation du 26 novembre projette sur la scène le spectre de la grève de 1995 qui avait mis fin au gouvernement gaulliste d'Alain Juppé.

Le gouvernement s'efforce de contenir les conflits individuels en employant les ministres respectifs comme médiateurs. Dans une interview accordée au Figaro, le premier ministre a minimisé la crise sociale : « Il y a des difficultés pour toute une série d'acteurs de la vie économique et sociale mais pas une situation de crise... Je fais confiance au sens des responsabilités de chacun. » Il affirma que sa manière d'agir était guidée par deux principes : « fermeté et humanité ».

Par « humanité », il faut savoir que Raffarin continue à se présenter comme un défenseur compréhensif des intérêts des « gens d'en bas » alors que, l'organisation patronale, le Medef, sous la direction de son président, le baron de Seillière, exige qu'en cas de barrages des routiers des mesures impitoyables soient appliquées à leur encontre. Raffarin avait même exprimé toute son adhésion au droit de grève, à la condition toutefois que l'état de droit soit respecté et que ni l'économie ni la libre circulation ne soit entravées. A Bruxelles, le premier ministre avait promis peu de temps avant la grève de pouvoir convaincre sur place du bien-fondé des intérêts des routiers et des agriculteurs.

D'un autre côté, le numéro deux du gouvernement, le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, représente le mieux le principe de la « fermeté » : il a déclaré publiquement qu'en cas de trouble à l'ordre public il n'hésiterait pas à recourir à l'ensemble de l'arsenal répressif de l'appareil d'état. Le week-end dernier il prévoyait déjà les dispositifs d'alerte avec intervention éventuelle des forces de police, de gendarmerie, de CRS et de l'armée. C'était la première fois depuis 1992 qu'un gouvernement était prêt à recourir à l'armée - depuis deux ans une armée professionnelle - pour lutter contre un possible mouvement social. Lors de la grève des routiers, la police a procédé à plusieurs retraits de permis de conduire aux camionneurs ayant participé à des barrages routiers.

Le secrétaire d'état aux Transports, Dominique Bussereau, avait déclaré le 5 juin à l'antenne de LCI l'intention du gouvernement Raffarin d'instaurer, en cas de grève dans le service public, un service d'urgence garanti, voire un service minimum, ce qui correspondrait à une attaque majeure du droit de grève.

En ce qui concerne les syndicats, des désaccords et des divisions au niveau des dirigeants se font jour : Force ouvrière avait organisé un vote en faveur d'une grève générale, ce pourquoi le syndicat fut fortement critiqué par les autres dirigeants syndicaux, en l'occurrence par Bernard Thibault.

Ce faisant, de par son attitude radicale, FO était obligé de détourner l'attention du rôle que le syndicat avait joué lors de la grève des routiers où il était largement responsable de l'étouffement de la grève en dernière minute. FO avait signé un accord avec trois syndicats minoritaires où ne figurait ni la revendication du 13ème mois, ni la garantie de la retraite à 55 ans. Seule une augmentation de salaire de 14 pour cent sur trois ans était prévue, ce qui correspond à un réajustement suite à une revalorisation du SMIC de 11,4 pour cent sur la même durée.

L'enjeu n'est certainement pas une question de principe mais une question de rivalité, d'influence et de postes à pourvoir. Les élections prud'homales qui déterminent l'influence et le revenu des centrales syndicales devant se tenir dans quelques jours. Le nombre des syndiqués n'a cessé de diminuer au cours de ces dernières années. Il n'est plus que de l'ordre de 5 pour cent dans le privé et de 30 pour cent pour les salariés mieux organisés des services publics de la SNCF.

Depuis des mois, les syndicats participent, en bonne intelligence avec le président de la SNCF, Jean Gallois, aux travaux préparatifs en vue de la décentralisation ou de la régionalisation des chemins de fer. La SNCF a été divisée en unités administratives régionales qui seront tenues responsables pour la ponctualité des horaires des trains et qui auront à verser des amendes en cas de retard ou d'annulation de trains suite à une grève ; ce qui exercera une pression supplémentaire sur les cheminots tout en rendant plus difficile toute grève unitaire.

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