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Le gouvernement canadien considère déclarer zone militaire le site de la prochaine réunion du G-8

Par Guy Charron
12 janvier 2002

Le gouvernement fédéral considère utiliser les nouveaux pouvoirs que lui conféreront les nouvelles lois antiterroristes pour contenir et empêcher les manifestations lors de la prochaine rencontre du G-8.

La nouvelle loi, dans sa forme actuelle, donne de vastes pouvoirs au ministre de la Défense. Qu'il y ait état d'urgence nationale ou non, celui-ci peut désigner pour une période pouvant aller jusqu`à un an, un terrain, un plan d'eau ou un espace aérien comme une «zone de sécurité militaire» de dimension «raisonnablement nécessaire» pour protéger «les biens, lieux ou objets que les Forces canadiennes ont reçus ordre de protéger».

En juillet dernier, Chrétien avait annoncé que les dirigeants du G-8 tiendraient leur prochaine rencontre à Kananaskis, un petit village d'un parc provincial des Rocheuses qui porte le même nom. Des porte-parole du gouvernement avaient alors concédé que cet endroit isolé avait été spécialement choisi pour isoler le sommet du G-8 de l'opposition de masse qui a perturbé les récentes réunions internationales des dirigeants des gouvernements, comme la conférence de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à Seattle en 1999, le sommet des Amériques à Québec et le sommet du G-8 à Gênes.

Comme la loi C-36, la loi sur la sécurité publique (la loi C-42) est une loi omnibus qui vient modifier plusieurs lois déjà existantes et qui donne à l'État d'importants nouveaux pouvoirs. Un de ceux-ci est la possibilité pour le ministre de la Défense d'imposer une zone de sécurité militaire, sans discussion au Parlement ou même au Cabinet des ministres, si «les relations internationales ou la défense ou la sécurité nationale» étaient menacées.

Dans un tel cas, les Forces canadiennes pourront «interdire, limiter ou contrôler l'accès à une zone de sécurité militaire» pour une période allant jusqu'à un an et «éloign[er] de force» «[q]uiconque se trouve dans une zone de sécurité militaire sans y être autorisé... de même que tout animal, véhicule, navire, aéronef ou autre objet». La loi prévoit aussi que le ministre pourrait même ne jamais aviser la population de l'existence d'une zone de sécurité militaire s'il le jugeait nécessaire.

Pendant la semaine qui a suivi le dépôt de la loi, Eggleton et le premier ministre Chrétien ont insisté en chambre que le projet de loi ne visait qu'à défendre le matériel militaire. «[L]e projet de loi vise à assurer la protection des installations militaires ainsi que des Forces canadiennes ou des alliés lorsqu'ils sont à l'extérieur d'une base militaire. Quand ils sont sur place, nous comptons déjà sur cette protection ou cette sécurité. Cette mesure les protège lorsqu'ils sont à l'extérieur de la base.»

Une des députées les plus à droite en Chambre, Val Meredith, de la coalition PC-RD (Parti conservateur et Ralliement démocratique), a déclaré : «Il n'y a aucun doute que cette loi a été développée pour que le ministère de la Défense puisse déclarer Kananaskis zone militaire. Pour empêcher les terroristes de s'y rendre ? Non. Pour bloquer des manifestants légitimes.»

Mais une semaine plus tard, Eggleton a craché le morceau. Le projet de la loi sur la sécurité publique, a-t-il déclaré, «servira dans les circonstances où les forces policières qui ont le contrôle, auraient besoin d'aide pour assurer la sécurité en un endroit spécifique. Cela pourrait comprendre des endroits où des rencontres se tiennent. Comme je l'ai indiqué, [ce pourrait être] quelque chose comme Kananaskis. Ce pourrait aussi être une centrale nucléaire.»

À une conférence de presse qui fut tenue peu temps après celle d'Eggleton, le procureur général d'Alberta, Heather Forsyth a dit que cette option était sérieusement considérée. «C'est une des choses qui sont sur la table et qui seront discutées aux environs de la semaine prochaine.»

Que le gouvernement libéral finisse par mettre Kananaskis sous contrôle militaire ou non, le fait demeure que cette éventualité est discutée avant même que l'encre qui a servi à imprimer la batterie de lois antiterroristes soit séchée. C'est une confirmation des avertissements donnés par des groupes de défenses des droits et libertés, de plusieurs organisations représentants les immigrants et même des sections importantes de l'élite judiciaire que ces lois octroyaient des pouvoirs étendus, mais peu définis, à l'État.

Les lois établissent de nouveaux précédents quant aux pouvoirs d'enquêtes et de détention de la police et quant à la preuve. Le gouvernement a défini le terrorisme de telle façon qu'il est possible d'y inclure un acte de désobéissance civile ou une grève illégale, et au moins aussi important, donne aux agences de police et aux agences du renseignement le pouvoir d'espionner un large éventail de groupes opposés au gouvernement actuel, à un gouvernement étranger ou à la grande entreprise. Et pour finir, mais non le moindre, les libéraux ont inclus dans leurs lois antiterroristes une énorme quantité de mesures qui n'ont rien à voir avec la lutte au terrorisme : de nouvelles restrictions sur le droit des citoyens à obtenir des informations sur le fonctionnement ou les agissements du gouvernement jusqu'à de nouveaux pouvoirs étatiques pour empêcher des manifestations lors de conférences importantes.

On trouvera moins la cause des «zones militaires» dans les événements du 11 septembre que dans les événements lors du sommet de Québec en avril 2001, alors que l'accès au centre de la ville avait été bloqué par une clôture de trois mètres, des milliers d'agents de police et soldats et un nuage épais et continuel de gaz lacrymogènes, et dans les événements lors de la rencontre de l'APEC (le Forum de coopération économique de l'Asie et du Pacifique) en 1998 où la GRC (la police fédérale) avait brutalement attaqué les manifestations organisées contre la présence du dictateur indonésien Suharto.

Comme le reste de l'élite politique au Canada, les dirigeants du Parti québécois et ceux du Bloc québécois n'ont rien négligé pour afficher leur appui à la guerre que mènent les États-Unis contre l'Afghanistan. Si l'on fait exception de quelques différences mineures, ils ont endossé la loi C-36 présentée par les libéraux. Toutefois, les défenseurs de la séparation du Québec ont exprimé leur inquiétude que la clause de la loi C-42 sur les «zones militaires» telle qu'elle était présentement écrite pouvait être utilisée par Ottawa pour empêcher la législature québécoise de se réunir dans le cas où une majorité de Québécois voterait pour l'indépendance.

De hauts fonctionnaires du fédéral ont expliqué lors d'une réunion ministérielle où étaient présents le ministre québécois de la Justice, Paul Bégin, et le ministre québécois de la Sécurité publique, Serge Ménard, que si le projet de loi sur la sécurité publique avait été en vigueur lors du sommet de Québec, Ottawa aurait pu créer une zone de sécurité militaire sous contrôle de l'armée, qui aurait pu comprendre l'Assemblée nationale.

Loin de nier ces possibilités, Eggleton s'est défendu en déclarant que seuls des politiciens séparatistes pouvaient être inquiets de cet article de la loi C-42. «Considérant leurs objectifs, ils ne veulent pas que le gouvernement fédéral ait plus de pouvoirs. Je ne vois pas d'autres provinces soulever d'objection pour ce type de problème» a-t-il dit.

Le droit des députés élus de se réunir est un des principes essentiels du gouvernement démocratique bourgeois. Que le ministre de la Défense ait aussi cavalièrement disposé de cette question lors des débats en Chambre est un avertissement : dans des conditions où la polarisation sociale grandit toujours et où une crise sociale se prépare, on voit que l'élite dirigeante devient de plus en plus méprisante et hostile sur la question des droits démocratiques. Elle se prépare à répondre à toute opposition des travailleurs par la répression étatique.

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