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L'étrange affaire de Zacarias Moussaoui: le FBI a refusé d'enquêter sur l'homme accusé dans les attentats du 11 septembre.

Par Patrick Martin
Le 5 janvier 2002

Le cas de Zacarias Moussaoui soulève beaucoup d'interrogations sur l'attitude du FBI et des autres services américains de renseignement au cours de la période qui a précédé le 11 septembre. C'est l'exemple le plus évident du refus quasiment inexplicable de la part de ces services de prendre toute mesure qui aurait pu empêcher les attentats terroristes les plus sanglants de toute l'histoire américaine.

Moussaoui a été inculpé le 3 janvier de six chefs d'accusation de complot pour commettre des meurtres et de terrorisme dans les attentats du 11 septembre. Moussaoui, qui est né en France et qui est d'origine marocaine, a refusé « au nom d'Allah » de plaider coupable ou non-coupable, et son avocat a plaidé non-coupable pour lui.

La séance de 30 minutes qui s'est tenue dans un tribunal fédéral d'Alexandria en Virginie s'est conclue par la décision de la juge fédérale Leonie M. Brinkema de fixer la date du procès en octobre prochain, malgré les objections de la défense que cette date impliquerait que la sélection du jury se fasse aux alentours du premier anniversaire des attentats du World Trade Center et du Pentagone.

Les avocats de la défense ont proposé de délocaliser la tenue du procès d'Alexandria, qui ne se trouve qu'à quelques kilomètres du Pentagone, où 189 personnes ont été tuées quand un avion d'American Airlines détourné s'est écrasé sur le bâtiment le 11 septembre. Brinkema a précisé qu'elle n'était pas en faveur d'une délocalisation en disant qu'on pouvait trouver un jury impartial en Virginie du Nord.

Quatre des six accusations contre Moussaoui sont passibles de la peine capitale, même s'il a été arrêté un mois avant les attentats du 11 septembre et pour cette raison n'a donc pu jouer aucun rôle actif dans le massacre. Le ministère public a jusqu'au 29 mars pour annoncer s'il va requérir la peine de mort. Moussaoui serait le premier citoyen français à risquer la peine de mort aux Etats-Unis depuis que la Cour Suprême des Etats Unis a rétabli la peine de mort en 1976.

Le refus d'agir du FBI

Moussaoui a été arrêté dans le Minnesota le 16 août après que des responsables d'une école de pilotage, la Pan Am International Flight Academy à Eagan, dans la banlieue de Minneapolis, ont averti le FBI qu'il cherchait à s'entraîner pour piloter un jumbo jet Boeing 747.

Son comportement a éveillé les soupçons: son attitude était agressive, il était très évasif quant à son environnement personnel, il a refusé de parler français avec en instructeur qui connaissait cette langue et il a payé les droits d'inscription de 6.300 dollars en liquide. Il a insisté pour s'entraîner à piloter un jumbo jet malgré son manque évident de capacité à piloter des avions même petits. Il paraît que l'étudiant éventuel ne voulait pas apprendre à décoller ou à atterrir, mais seulement à piloter l'avion quand celui ci était en vol.

L'instructeur et le vice-président de l'école de pilotage ont alerté deux représentants démocrates de Minneapolis au Congrès à propos de leurs efforts répétés pour intéresser le FBI au comportement de Moussaoui. Leurs comptes-rendus ont d'abord été publiés dans le Minneapolis Star-Tribune, puis dans le New York Times du 22 décembre.

Le vice-président de l'école de pilotage qui a alerté les deux membres du Congrès, James Oberstar et Martin Sabo, a affirmé qu'il avait fallu de quatre à six appels téléphoniques au FBI pour trouver un agent responsable. L'instructeur a été si frustré par le manque de réaction qu'il a averti de façon prémonitoire qu'un « 747 aux réservoirs pleins de carburant peut être utilisé comme bombe ».

L'enquête bloquée à Washington

Moussaoui a été détenu par les Services d'Immigration et de Naturalisation parce qu'il n'avait pas respecté les termes de son visa. Les enquêteurs locaux du FBI à Minneapolis ont immédiatement considéré Moussaoui comme un terroriste suspect et ont demandé l'autorisation d'obtenir un mandat spécial de contre-espionnage pour examiner le disque dur de l'ordinateur personnel de celui ci. Cette autorisation a été refusée par des officiels de haut niveau à Washington, qui ont prétendu que les preuves étaient insuffisantes pour offrir les garanties légales exigées pour un tel mandat.

Les agents du FBI ont suivi les allers et venues de Moussaoui à l'école de pilotage Airman à Norman, dans l'Oklahoma où il avait effectué 57 heures de vol plus tôt dans l'année 2001, mais où il n'avait jamais reçu la permission de piloter tout seul à cause de ses capacités insuffisantes. Ce seul élément aurait dû déclencher l'alarme, vu qu'un agent avoué d'Al-Qaida, Abdoul Hakim Mourad, s'était entraîné dans la même école, pour préparer un détournement suicide sur le quartier général de la CIA. Mourad a apporté son témoignage sur ces préparations lors du procès de Ramzi Ahmed Yusef, le principal organisateur des attentats à la voiture piégée de 1993 contre le World Trade Center.

Plusieurs des pirates du 11 septembre s'étaient inscrits ou avaient visité l'école de pilotage d'Oklahoma, comme l'a révélé une enquête plus poussée qui avait été menée aux lendemains des détournements suicides.

Les 26 août, le quartier général du FBI a été informé par les services de renseignement français que Moussaoui avait des liens avec l'organisation Al-Qaida et avec Oussama Ben Laden. Même ce rapport n'a déclenché aucune volonté d'agir de la part de l'agence. Une commission spéciale antiterroriste du FBI et de la CIA a pris connaissance des informations contre lui, mais elle en a tiré la conclusion que les preuves qu'il représentait un quelconque danger n'étaient pas suffisantes, malgré son refus de répondre aux questions et malgré les informations transmises par les français. Moussaoui ne fut transferré de la détention INS (Service d'Immigration et de Naturalisation) vers une prison du FBI qu'après le 11 septembre.

L'avertissement français est parvenu le lendemain du jour où les deux premiers kamikazes ont acheté leur billet aller simple de première classe pour des vols du 11 septembre. D'autres billets ont été achetés les 26, 27, 28 et 29 août alors que le FBI refusait toujours de mener une enquête plus approfondie sur Moussaoui ou d'analyser son ordinateur.

Le New York Times commentait le 22 décembre que le cas de Moussaoui « soulevait de nouvelles interrogations sur les raisons pour lesquelles le FBI et les autres agences n'avaient pas empêché les détournements ».

Des officiels du FBI ont indirectement répondu à ces critiques, en démentant catégoriquement la prise en compte de la mise en garde que le personnel de l'école de pilotage avait émis. Un officiel important à déclaré au Washington Post le 2 janvier: « L'idée de faire s'écraser un avion sur un bâtiment ou de l'utiliser comme une bombe ne nous était jamais venue à l'esprit. Ce qui nous inquiétait c'était un scénario de simple détournement ».

Ce point est d'une importance capitale et, à la différence du FBI, l'instructeur de l'école de pilotage n'a absolument aucune raison de mentir. Aux lendemains du 11 septembre, le directeur du FBI, Robert Mueller, a clairement déclaré que ses services n'avaient aucune indication que des terroristes cherchaient à utiliser des avions détournés comme bombes volantes. Ses dénégations ont été acceptées sans aucun esprit critique par la presse américaine. Le compte-rendu qu'a donné l'école de pilotage montre que ces dénégations n'étaient que des mensonges purs et simples.

La démission de la sécurité

L'affaire Moussaoui n'est qu'un exemple parmi de nombreuses indications que le gouvernement américain avait été amplement prévenu qu'une opération terroriste d'envergure était en préparation aux Etats-Unis et n'a cependant rien fait pour la prévenir ou pour empêcher.

* Les gouvernements d'au moins quatre pays - l'Allemagne, l'Egypte, Israël et la Russie - ont clairement averti Washington que des attentats terroristes allaient se produire aux Etats-Unis en utilisant des avions détournés comme armes, dans les mois qui ont précédé le 11 septembre.

* Le gouvernement américain lui-même avait des indications multiples du danger de détournements suicides, qui étaient basées sur ses propres renseignements concernant d'autres attentats terroristes attribués à Oussama Ben Laden et à son réseau A-Qaida.

* Le gouvernement américain surveillait les communications électroniques de Ben Laden et de ses associés pendant la période étendue de préparation ayant précédé les attentats du 11 septembre.

* Quelques-uns des pirates de l'air du 11 septembre, y compris Mohamed Atta, le supposé chef, étaient étroitement surveillés par les services de renseignement américains en tant que terroristes suspects en 2000 et en 2001. Ils ont été cependant autorisés à entrer et à sortir librement des Etats-Unis et à finalement mener leur projet à bien.

Les attentats du 11 septembre se sont déroulés au milieu d'une quasi-démission des forces de sécurité qui n'admet aucune explication innocente. Les circonstances des attentats terroristes méritent une enquête des plus sérieuses et des plus consciencieuses: aussi bien l'administration Bush que les Républicains et les Démocrates au Congrès ont rejeté toute enquête de cette sorte, en suggérant qu'il était antipatriotique de mettre en doute le rôle du FBI, de la CIA et d'autres agences de renseignement.

Mais les éléments qui sont connus pour l'instant, mènent à la conclusion que des officiels dans les plus hautes sphères du gouvernement américain étaient au courant de l'imminence d'une attaque terroriste d'envergure et ils n'ont fait aucun effort réel pour empêcher celle-ci. On peut en déduire le motif politique: ils ont laissé se produire un attentat - qu'ils aient ou non prévu toutes ses dimensions - pour trouver le prétexte nécessaire afin de mener un programme droitier d'intervention militaire à l'étranger et d'attaques des droits démocratiques sur le sol américain.

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