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Premier mai en France: 1,5 million manifestent contre le néo-fasciste Le Pen

Parti Socialiste et syndicats en campagne pour Chirac

Par David Walsh à Paris
2 mai 2002

Dans l'une des plus grandes manifestations tenues à Paris depuis des décennies, des centaines de milliers de syndiqués, étudiants, immigrés et travailleurs professionnels ont défilé le premier mai en opposition à l'extrême-droite en France, représentée par Jean-Marie Le Pen et son Front National. On estime à 1,5 million le nombre total de participants à des manifestations anti-Le Pen à travers la France.

En plus des manifestations à Paris, près de 400 manifestations régionales ont eu lieu, les plus importantes à Lyon (50.000), Bordeaux, Toulouse et Grenoble (40.000), Marseille, Lille et Nantes (30.000) et Strasbourg (15.000). Même des petites communautés, telles que Saint-Nazaire (14.000) et Rouen (13.000), ont été la scène de grandes manifestations.

Le Pen a reçu 17,2 pour cent du vote populaire au premier tour de l'élection présidentielle le 21 avril, finissant devant le premier ministre et candidat présidentiel du Parti Socialiste, Lionel Jospin. La deuxième position obtenue par Le Pen a qualifié ce dernier pour un affrontement avec le président sortant, Jacques Chirac du parti gaulliste. Ce deuxième tour aura lieu dimanche le 5 mai.

L'effondrement de Jospin et le succès de Le Pen au premier tour ont donné un électrochoc politique à toute la France. La réponse des partis de la gauche gouvernementale, des syndicats et des médias a été de canaliser le sentiment anti-fasciste derrière la campagne de réélection de Chirac, lequel a mené une campagne de droite axée sur le maintien de l'ordre et se tient prêt à intensifier l'assaut sur le niveau de vie des travailleurs français.

Les organisateurs de la grande manifestation du premier mai ont tout fait pour la transformer en rallye électoral en faveur de Chirac.

Il y a eu en fait quatre manifestations anti-Le Pen à Paris. La principale, organisée par les syndicats et soutenue par des dizaines d'organisations protestataires et de gauche, a défilé pendant des heures de la Place de la République à la Place de la Nation. La foule était si dense que la police a dû créer de nouveaux itinéraires pour les manifestants, dont beaucoup ont attendu des heures avant de pouvoir se mettre en marche.

La foule était représentative de la population ouvrière de France, ainsi que de sa jeunesse: syndiqués, travailleurs sans papier, immigrés arabes et africains ainsi que vietnamiens, chinois et turcs, travailleurs techniques et professionnels, étudiants des lycées, collèges et universités, et chômeurs.

Les chefs syndicaux Bernard Thibault de la CGT, alliée politiquement au Parti Communiste stalinien, et Nicole Notat de la CFDT, liée au Parti Socialiste, étaient à la tête de la manifestation principale, ainsi que Mouloud Aounit du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), José Bové de la Confédération paysanne (célèbre pour son assaut sur un restaurant McDonald's en 1999) et Daniel Cohn-Bendit et Noël Mamère des Verts.

Des sympathisants du Comité International de la Quatrième Internationale (CIQI) et du World Socialist Web Site sont intervenus dans la manifestation de Paris, distribuant des milliers de copies d'une lettre ouverte aux trois partis de gauche qui ont obtenu un vote total de plus de 10 pour cent le 21 avril, soit: Lutte Ouvrière (LO), la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) et le Parti des Travailleurs (PT).

La lettre ouverte, émise par le comité de rédaction du WSWS, avait pour grands titres: «Non à Chirac et Le Pen! Pour un boycott des élections présidentielles en France par la classe ouvrière». Les sympathisants du CIQI étaient les seuls à mener une campagne active pour un boycott du scrutin du 5 mai opposant les deux candidats de droite.

LO et la LCR ont défilé, mais n'ont fait aucun effort sérieux pour mettre de l'avant une politique indépendante en opposition à celle défendue par les organisateurs de la manifestation. Les reporters du WSWS n'ont pas vu un seul membre ou sympathisant de LO en train de diffuser de la littérature politique à la manifestation.

Bien que ces partis, qui se réclament du trotskysme, n'ont pas appelé à voter Chirac, ils se sont en pratique adapté à la campagne pro-Chirac menée par le Parti Socialiste, le Parti Communiste, les Verts et les syndicats. Ils se sont refusé à lutter pour une politique active et indépendante de la classe ouvrière pour contrer le programme réactionnaire de Chirac ainsi que le danger du fascisme. Leur attitude de soumission au rallye du premier mai à Paris était calculée pour ne pas entrer en conflit avec la campagne du PS, du PC et des syndicats en faveur du président gaulliste.

La classe politique et les médias français ont déployé tous leurs efforts pour contraindre la population à voter pour Chirac et lui donner ainsi un sérieux mandat pour l'application de son programme de droite. Ils ont délibérément créé une atmosphère de panique autour du résultat électoral de Le Pen. Ce dernier est un personnage réactionnaire et répugnant, mais il ne représente en aucune façon une menace immédiate de dictature fasciste.

Le plus grand danger, révélé par le résultat électoral lui-même, vient de l'absence d'une alternative politique ouvrière qui soit basée sur une perspective authentiquement socialiste. Ce vide politique, dans le contexte d'une insécurité économique grandissante, devient un champ fertile pour la confusion, la désorientation et la démoralisation politiques, que des forces fascistes peuvent ensuite exploiter.

Le Parti Socialiste, le Parti Communiste, les Verts et les syndicats ont tous été complices dans l'application du programme des transnationales basées en France pour une intégration européenne sur le dos de la classe ouvrière. C'est ce qui a permis à Le Pen de s'associer de façon démagogique aux inquiétudes sociales de certaines sections de travailleurs, de chômeurs et des classes moyennes, en se présentant comme un candidat anti-establishment et en canalisant leurs colères et leurs frustrations sur la voie du chauvinisme national et du racisme anti-immigrés.

La manifestation organisée par Le Pen plus tôt dans la journée, un rite annuel du Front National pour honorer le symbole national français, Jeanne d'Arc, a mis en évidence le fait que Le Pen n'a pas un appui populaire de masse pour sa politique fasciste. De vingt à trente mille personnes venues de toute la France se sont rassemblées pour soutenir Le Pen, brandissant le drapeau français et des pancartes où l'on pouvait lire : «Fiers d'être Français».

À part un certain pourcentage de types néo-nazis et costauds, plus ou moins tenus à l'écart pour l'occasion afin de ne pas nuire à l'image électorale du FN, les forces de Le Pen étaient essentiellement composées de petits-bourgeois de province, auxquels s'ajoutaient ça et là des jeunes étudiants et des éléments urbains instables. La disparité entre les manifestations pro- et anti- Le Pen quant à leur taille, révèle la faible base sociale du Front National. Ce parti est parvenu au devant de la scène politique par défaut, comme une conséquence de la traîtrise et de l'impotence des organisations traditionnelles de la classe ouvrière.

L'argument des réformistes du Parti socialiste et des staliniens, et que reprennent d'innombrables organisations protestataires, se résume à désigner Chirac comme étant le moindre mal et à appeler la population française à voter pour le candidat gaulliste même si c'est avec dégoût, en espérant que la gauche gagne les législatives de juin. Dans leur éditorial sur le premier mai, les staliniens du Parti communiste français ont déclaré : « Il faut non seulement radicalement le battre [Le Pen] dans les urnes, mais il faut tout faire pour réduire son score en utilisant le seul bulletin de vote qui le permettra, celui qui porte le nom : Jacques Chirac. »

Gauche socialiste, un regroupement de « gauche » au sein du Parti socialiste, commentait : « Le résultat du premier tour de l'élection présidentielle entraîne une crise politique majeure. Nul ne sait comment elle finira. Nous sommes obligés de voter Jacques Chirac au deuxième tour de l'élection présidentielle. Mais nous ne voulons pas que cela se reproduise lors des législatives. »

L'organisation SOS Racisme a écrit : « Bref, pour casser la dynamique du Front, un seul choix possible : le bulletin Chirac. »

Ce sont des exemples d'un raisonnement grossier, pragmatique et réactionnaire. S'il fallait pousser ces raisonnements jusqu'à leur conclusion logique, il n'y aurait d'autres choix que de dissoudre immédiatement le mouvement socialiste et de se rallier parti bourgeois le moins de droite. Aucune de ces organisations ne peut expliquer comment un vote de la classe ouvrière et de la jeunesse pour le représentant de leur ennemi de classe, Chirac, ce défenseur des intérêts impérialistes français à travers le monde, mettra un frein à la croissance de l'extrême droite et encore moins comment cela défendra les droits fondamentaux et le niveau de vie des travailleurs français. En fait, les sociaux-démocrates, les staliniens et les mouvements de protestation de la classe moyenne, qui consacrent beaucoup de temps à débattre sur les « valeurs de la gauche » sont largement insensibles aux besoins de la vaste majorité de la population.

La demande élémentaire soulevée par la déclaration du CIQI et du World Socialist Web Site pour un boycott de l'élection présidentielle au second tour, demande qui découle de la nécessité pour la classe ouvrière d'adopter son orientation politique propre, fut reçue avec colère chez pas mal des protestataires de gauche. Un membre de Gauche socialiste a accusé la délégation du CIQI d'être « des fascistes déguisés » parce qu'elle refusait d'appeler pour un vote pour Chirac.

Il ne semble pas avoir saisi toute l'ironie de la situation: un « gauchiste » faisant campagne avec zèle pour le président sortant corrompu et discrédité. C'est un fait que le Parti socialiste et sa périphérie sont aujourd'hui les plus ardents partisans de Chirac. À Paris, il a fait apposer une quantité innombrable d'auto-collants qui, à côté du symbole du PS, portaient le slogan « Le 5 mai, je vote Chirac ».

La déclaration du CIQI et du World Socialist Web Site a toutefois été accueillie avec intérêt par plusieurs ouvriers, aussi bien d'origine française qu'immigrés, ainsi que par plusieurs jeunes.

Il n'y a aucun doute que la pression politique et sociale générée par l'élite politique française et médiatique en faveur d'un vote pour Chirac a eu son effet sur les organisations de gauche, Lutte Ouvrière et la Ligue Communiste Révolutionnaire, qui ont présenté leur propre candidat et ont gagné un nombre considérable de voix au premier tour de l'élection présidentielle.

La LCR, dont les membres sont profondément impliqués dans divers mouvements de protestation de la gauche, a complètement capitulé à la ruée vers Chirac de la façon évasive qui lui est si caractéristique. Comme toujours, cette organisation est très consciente de protéger son image « d'extrême gauche ». Mais que peut vouloir dire une phrase comme « [i]l faut barrer la route à Le Pen, le pire ennemi des travailleurs, dans la rue comme dans les élections », si ce n'est une façon de se ranger en catimini derrière l'élite pro-Chirac? Dans son tract du premier mai, la LCR était plus critique de la campagne de Chirac, mais son titre ne mentionnait que Le Pen et le Front national. Et il faut chercher loin dans l'éditorial pour y trouver une critique des sociaux-démocrates et de la bureaucratie syndicale.

Quant à l'attitude de Lutte ouvrière, on peut la résumer par cet extrait d'un éditorial d'Arlette Laguiller paru dans l'édition du 26 avril du journal de son organisation : « C'est pourquoi les travailleurs ne doivent pas voter pour Le Pen. De l'autre côté, moins Chirac gagnera de votes, mieux ce sera pour le mouvement ouvrier. Naturellement, chacun doit faire le choix qui lui semble le meilleur, mais chacun doit penser ce que son vote signifie pour l'avenir » [traduit de la presse anglaise].

C'est ainsi que Laguiller sanctionne tacitement un vote pour Chirac. Cette politique ne s'élève même pas au niveau d'un appel à l'abstention qui, en soi, serait nettement insuffisant. La position de Laguiller et de LO, toute de passivité, est particulièrement choisie pour son peu d'effet pratique.

Ce que la situation actuelle exige, c'est l'organisation d'une campagne politique sérieuse, un boycott en masse de l'élection présidentielle, pour démontrer l'opposition de larges sections de la classe ouvrière et de la jeunesse envers cette mascarade antidémocratique et envers les deux candidats de droite. Une telle campagne créerait les meilleures conditions pour le développement d'un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière dans les grandes luttes de classes à venir.

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