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Les armées française et américaine permettent de faire passer en force le cessez-le-feu en Côte d'Ivoire

Par Chris Talbot
5 octobre 2002

Un cessez-le-feu mettant fin à des semaines de combat qui ont commencé le 19 septembre a été conclu après une rencontre entre les forces antigouvernementales et les officiels ivoiriens.

Ce cessez-le-feu a été conclu grâce à la médiation des pays d'Afrique occidentale voisins, mais il est intervenu après l'envoi dans la région de militaires français et américains. Sa stabilité à long terme laisse les commentateurs toujours très sceptiques. Un correspondant de la BBC a déclaré que le gouvernement, tout en signant le cessez-le-feu, prépare une offensive.

Approximativement 200 militaires américains, dont on dit qu'ils appartiennent aux forces spéciales, ont été envoyés la semaine dernière, à la suite de la tentative de coup d'état, d'Allemagne en Côte d'Ivoire, un pays d'Afrique occidentale. La France a également envoyé 200 soldats, en plus des 600 parachutistes déjà stationnés dans le pays. La Grande-Bretagne a, de son côté, envoyé une petite équipe d'experts militaires. En déployant des véhicules blindés et des hélicoptères, les militaires français ont évacué 2.000 personnes, pour la plupart des Européens et des Américains qui étaient bloqués par les troupes rebelles dans les villes de Bouaké et de Korhogo, au nord du pays.

Des centaines de soldats rebelles avaient tenté d'investir la capitale commerciale Abidjan mais ils ont été repoussés par des troupes fidèles au président Laurent Gbagbo. Les rebelles, dont la plupart ont été récemment congédiés de l'armée, suite à leur prétendu soutien au général Robert Gueï, ont trouvé refuge dans des villes et dans des régions du nord du pays.

Gueï, qui a été exécuté par des paramilitaires pro-gouvernementaux lors du début des combats à Abidjan, s'était emparé du pouvoir en Côte d'Ivoire après un coup d'état à Noël 1999. Auparavant, le pays était dirigé par le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI) depuis l'indépendance avec la France en 1960, et il était considéré comme un des plus stables de toute l'Afrique occidentale. Le général Gueï, principalement soutenu par les militaires, est devenu de plus en plus impopulaire dans le pays et rencontrait l'hostilité de la France qui garde ses intérêts financiers et politiques dominants en Côte d'Ivoire. En octobre 2000, il a été remplacé par Gbago après des élections ­ largement considérées comme truquées.

Les troupes américaines sont stationnées près de l'aéroport de la capitale de la Côte d'Ivoire, Yamoussoukro. Ils ont aidé à l'évacuation aérienne vers le Ghana voisin des civils qui ont été sauvés par les militaires français. Quoique presque tous les occidentaux vivant dans les régions du nord aient été mis hors de danger, il est très probable que les troupes américaines vont rester sur place. Richard Boucher, du département d'état américain a déclaré que les soldats américains collaboraient avec les soldats français « pour assurer la sécurité du plus grand nombre possible de personnes ». Quand on lui a demandé si après avoir fait sortir du pays des civils de nationalité américaine et d'autres nationalités, ils partiraient également, Boucher a répondu: « Je ne veux pas parler de l'endroit où les troupes iront ou pas ».

La France a officiellement déclaré qu'elle garderait ses troupes dans le pays, afin de fournir un soutien aux forces gouvernementales. Elle s'est en apparence prononcée contre une implication militaire à plus grande échelle, même si le gouvernement ivoirien a essayé de réclamer un pacte militaire qu'elle a signé. Gbagbo a prétendu que les forces rebelles étaient soutenues par le Burkino Faso voisin.

Les Etats-Unis et la France collaborent directement avec l'ECOWAS (la Communauté économique des Etats d'Afrique occidentale). Les dirigeants des quinze pays membres de cette organisation se sont réunis d'urgence le 29 septembre dernier. Le président sud-africain, Thabo Mbeki, a assisté à cette conférence et il représentait l'Union Africaine (auparavant appelée l'Organisation des Etats africains - l'OUA). Dans l'hypothèse où les négociations n'aboutiraient pas, le président sénégalais Abdoulaye Wade a menacé d'envoyer une armée de 4.000 hommes recrutée dans tous les pays d'Afrique occidentale au sein de l'ECOMOG, la branche militaire de l'ECOWAS.

Etant donné le déclin économique sévère de la Côte d'Ivoire ­ c'est toujours le premier producteur mondial de cacao, mais le prix de cette denrée n'a cessé de baisser au cours des années 1990 entraînant un important endettement du pays - des soldats au chômage pourraient facilement former la base d'une armée rebelle comme c'est le cas dans des pays voisins tels la Guinée, le Liberia ou le Sierra Leone. La guerre fait toujours rage au Nigeria. La LURD (Union des Libériens pour la Réconciliation et la Démocratie) soutenue par la Guinée essaie de renverser le gouvernement très répressif de Charles Taylor. Au Sierra Leone, un accord de paix bancal entre les forces rebelles et un régime corrompu n'est toujours en vigueur que grâce à la présence de troupes britanniques ainsi que d'un important contingent de troupes de maintien de la paix des Nations unies.

La seule motivation des Etats-Unis n'est pas l'importance de la Côte d'Ivoire comme producteur de cacao. A présent, au moins 15% de la production de pétrole provient de l'Afrique occidentale et la région deviendra de plus en plus importante sur le plan stratégique si une guerre frappe le Moyen-Orient. Le président George Bush a rencontré la semaine dernière des dirigeants de pays africains producteurs de pétrole ou de pays où la prospection pétrolière est en cours et ceci en marge du meeting des Nations unies. Ces pays comprenaient le Cameroun, la République du Congo (Congo Brazzaville), le Tchad, le Gabon, la Guinée Equatoriale ou Sao Tomé et Principe. Ce dernier pays est une île minuscule où l'on a découvert de vastes gisements sous-marins de pétrole et l'on pense que l'île sera une nouvelle base militaire américaine dans le Golfe de Guinée.

Les possibilités de conflit au sein de la Côte d'Ivoire ont augmenté au cours de la période récente alors que la classe dirigeante a alimenté les divisions religieuses et ethniques dans le pays pour continuer à garder le pouvoir dans ses mains. L'opposition aux populations du nord du pays ­ principalement des musulmans, alors que le sud est principalement chrétien - a été alimentée par le fait que jusqu'à un tiers de la population sont des immigrés ­ venant pour la plupart du Burkina Faso. Les travailleurs immigrés, attirés ­ jusqu'à très récemment - par la relative prospérité économique, sont arrivés dans le pays pour travailler dans les plantations de cacao.

Gbagbo, leader du FPI (Front populaire ivoirien) - allié au Parti socialiste français - est arrivé au pouvoir après des élections au cours desquelles son principal rival, Alassane Ouattara du RDR (Rassemblement des Républicains) n'avait pas été autorisé à s'y présenter; suite de quoi les supporters du RDR boycottèrent les élections. Ouattara avait été déclaré inéligible, étant originaire, dit-on, du Burkina Faso. Il est surtout soutenu dans le nord musulman et, après son arrivée au pouvoir, le FPI de Gbagbo a été lourdement impliqué dans des pogroms contre les supporters du RDR, pour la plupart immigrés musulmans du nord. En 2001, un rapport du département d'état américain a affirmé que les forces de sécurité en Côte d'Ivoire « commettaient des violations en toute impunité » et que « les meurtres, les détentions arbitraires et illégales, la torture et les extorsions étaient de plus en plus nombreuses. »

Les organisations non-gouvernementales (ONG) ont également très largement dénoncé la large utilisation du travail des enfants dans les plantations de cacao. Une enquête menée par l'Institut International d'Agriculture Tropicale a montré que 284.000 enfants travaillaient « dans des conditions périlleuses » en Côte d'Ivoire et dans d'autres pays d'Afrique occidentale.

Sous la pression de la France, à la fin de l'année, Gbagbo a institué un « Forum de Réconciliation » et il a commencé à « briser la glace » avec les trois autres principaux leaders politiques du pays - Ouattara, Gueï et Henri Konan Bédié, le leader du PDCI qui était président avant le coup d'état de 1999. Cette année, Gbagbo avait réussi à obtenir le soutien du Fonds monétaire international, qui avait gelé les prêts il y a trois ans, et qui a entrepris de renégocier la dette du pays auprès des banques occidentales.

La pauvreté et le chômage sont largement répandus et on peut évidemment craindre que les militaires mutins pourraient gagner le support populaire contre le régime de Gbagbo, tout particulièrement dans le nord du pays. Tout en faisant porter au Burkina Faso la responsabilité de la révolte militaire, les partisans du gouvernement ont attaqué la maison d'Ouattara à Abidjan et il a été contraint de se réfugier à l'Ambassade de France.

Même si beaucoup des soldats rebelles ont apparemment rejoint l'armée - la cause de leur renvoi - il n'est pas établi qu'ils aient un quelconque rapport politique avec Gueï ou avec Ouattara. Lors de son interview par la BBC, leur porte-parole présiça qu'ils avaient pris les armes parce que le « régime actuel est une dictature déguisée en démocratie », que « l'armée les a utilisés pendant trois ans et qu'elle veut maintenant les congédier » et, qu'enfin, ils « ont été utilisés comme des esclaves. »

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