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Un aperçu révélateur de «l'Irak libre et démocratique» de Washington

Par Peter Symonds
18 avril 2003

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On pouvait goûter ce que l'administration Bush entend par «liberté» et «démocratie» en Irak à la réunion de «représentants» irakiens organisée mardi par les Etats-Unis dans le sud de l'Irak. Le caractère largement factice de la réunion à l'aérodrome renforcé de Tallil indique que Washington, ayant envahi et occupé l'Irak, n'a aucune intention de laisser le peuple irakien décider comment diriger le pays.

On a fait venir l'ancien général américain Jay Garner, qui sera bientôt installé comme gouverneur quasi-colonial du pays. De hauts officiers et fonctionnaires américains, avec des représentants pro forma des puissances alliées (Royaume-Uni, Australie, et Pologne) ont dominé la réunion. La plupart sont arrivés directement par avion du quartier général américain (CENTCOM) à Qatar, avec des aides-de-camp, des traducteurs, des techniciens vidéo, et d'autres «experts arabes». D'autres sont venus du Bureau de reconstruction et des Affaires humanitaires (ORHA) de Garner qui travaille sous CENTCOM au Koweït.

On a rassemblé environ 80 expatriés irakiens, sheikhs, kurdes, et cléricaux chi'ites dans une tente climatisée à l'aérodrome. On a laissé entendre que l'on avait choisi le site pour ses associations historiques ­ c'était près du ziggurat (pyramide à escaliers) à Ur, vieux de 4.000 ans ­ auxquelles Garner a banalement fait référence dans son introduction, proclamant le début d'un «Irak libre et d'un Irak démocratique».

Il fut suivi par l'envoyé spécial américain Zalmay Khalilzad, qui a joué le rôle essentiel dans l'installation du régime afghan pro-américain de Hamid Karzai à Kabul. L'Amérique, a-t-il prétendu, n'a «aucun intérêt, absolument aucun intérêt, à gouverner l'Irak». Le représentant du Bureau d'Affaires étrangères britannique, Edward Chaplin, a exprimé ses espoirs sur «une administration équilibrée et efficace», et selon le reportage de l'ensemble des journalistes, les représentants australiens et polonais ont fait des commentaires «moins mémorables».

Personne dans l'assistance n'y a vraiment cru. Même les journalistes soigneusement choisis qui étaient présents ont remarqué que l'humeur était loin d'être enthousiaste ­ on la trouvait «tiède», avec «des applaudissements épars», même «farouche». Hoshyar Zebari, représentant du Parti démocrate kurde pro-américain, a tenté d'expliquer l'atmosphère en déclarant : «Ils ont toujours peur. Ils ne croient pas encore que Saddam est parti».

Il est bien plus probable, par contre, que les «invités» avaient plus peur de ressembler à des fantoches d'un pouvoir américain. La semaine dernière, un des proches des Etats-Unis ­ Abdul Majid al-Khoei, qui était arrivé à Najaf en avion pour y exercer son influence ­ s'est fait massacrer par une foule en colère quand il a essayé de visiter une mosquée avec Haider al-Kadar, un religieux chi'ite largement détesté qui avait été loyal à Saddam Hussein

Le Conseil suprême pour la révolution islamique en Irak (CSRII) basé sur les chi'ites ­ un des six groupes d'exilés irakiens formellement reconnus par Washington ­ a décidé de boycotter la réunion. A Téhéran le porte-parole du CSRII, Abdul Aziz Hakim, a répété sa position que les forces américaines doivent partir. «L'Irak a besoin d'un gouvernement irakien temporaire. Toute autre solution piétine les droits du peuple irakien et serait un retour à l'époque du colonialisme L'indépendence a été notre manifeste. Nous n'acceptons pas une égide américaine ou autre», a-t-il dit.

Ahmad Chalabi, que le Pentagone veut voir comme dirigeant du régime irakien de transition, s'est aussi absenté. La semaine dernière les forces armées américaines l'ont aéroporté dans la région depuis le nord de l'Irak, avec des combattants des Forces irakiennes libres formées par les Etats-Unis, pour donner un avantage à son Congrès national irakien (CNI). Chalabi a jugé que la réunion avait si peu d'importance qu'il est allé à Bagdad, envoyant à sa place un représentant. Son conseiller a dit aux médias : «Cette réunion n'est pas pour choisir les chefs, et [] n'est que la première d'une série de réunions».

Aux portes de l'aérodrome, une foule agitée d'environ 150 personnes a exprimé leur dédain pour les procédures à l'intérieur de la tente climatisée. On les a écartés avec des fils barbelés et un fort contingent de fusiliers marins et de policiers militaires américains ; des hélicoptères militaires les ont survolés à basse altitude. Ali Abdul Rassak, qui a fait un voyage de cinq heures en autobus depuis Bagdad, a dit : «Avant nous souffrions d'une absence de démocratie. A présent on dirait que l'on entend la même mélodie qu'avant.»

Un journaliste du Christian Science Monitor a commenté : «En général, les gens dans la foule pensaient que la conférence ne les représentait pas. Ils étaient fâchés que les Etats-Unis ne leur disaient même pas qui était présent à la conférence. Ils étaient aussi mécontents du manque de services essentiels dans les villes ­ nourriture, eau, police, soins médicaux.»

Certains, comme Mohammed Yasser, membre du Parti communiste irakien, voulaient participer à la réunion. «Je suis venu à huit heures du matin et personne ne m'a fait entrer», s'est-il plaint au Washington Post. «Ceci ne peut représenter les partis et les mouvements politiques et sociaux à l'intérieur du pays». Indiquant l'aérodrome, il a dit : «Imaginez simplement cela. Un drapeau américain, des forces américaines, et ils disent que c'est l'opposition irakienne. Vous pouvez jugez la scène vous-mêmes».

Les soldats américains ont aussi barré le passage à Sheik Mehhi Abdulhussein, de la tribu Al-Najin. «Nous sommes venus ici pour participer, mais on ne nous permet pas de participer», a-t-il déclaré. «Ce sont tous des agents des Américains. Ils représentent tous des intérêts américains. Ils doivent nous écouter. Je refuse un pareil traitement ! Tous les Irakiens doivent résister un tel mouvement formé sous l'égide des Américains».

Dans la ville rapprochée de Nasiriyah, des groupes chi'ites tentaient d'exploiter la colère large et grandissante contre l'occupation américaine en organisant une manifestation. Estimés à entre 2.000 et 20.000, les manifestants ont défilé dans les rues, chantant «Non, non à Saddam, Non, non aux Etats-Unis» et «Oui, oui pour la Liberté, Oui, oui pour l'Islam». On lisait sur des bannières : «Personne ne nous représente à cette conférence».

Sheik Mohammed Bakr Nasri, un chef du parti intégriste Dawa qui revenait tout juste de l'exil, a dit à la foule : «Nous n'avons pas besoins d'années de transition [...] Le plus grand danger et de prolonger la période d'occupation par les forces de la coalition». Un autre religieux chi'ite, Sayed Ali al-Musawi, a directement déclaré : «Les Etats-Unis et Saddam Hussein sont deux faces d'une médaille. Un dictateur a remplacé un autre [...] Nous ne voulons pas d'une démocratie apportée par des chars américains.»

Plusieurs exilés irakiens pro-américains ont exprimé leurs inquiétudes que l'opposition à l'occupation américaine échappera rapidement à tout contrôle si les Etats-Unis imposent trop clairement leur direction. Rahman Aljebouri, membre du Groupe National Irakien basé à Washington, a dit aux médias : «Aéroporter Chalabi et son groupe à Ur a envoyé un mauvais message au peuple irakien. Ils ne voient pas un gouvernement irakien d'esprit indépendant ­ ils voient plutôt des gouvernants irakiens qui travaillent pour les Etats-Unis. Nous avons besoin de plus de figures connues.»

Personne à la base de Tallil n'a indiqué que Washington faisait attention à ces avertissements. A l'intérieur de la tente, certains «représentants» ont mené un débat stérile et approuvé une déclaration en 13 points qui consistait en des déclarations telles : «l'Irak doit être démocratique», «on doit respecter les lois», et «les Irakiens doivent choisir leurs dirigeants, qui ne doivent pas être imposés de l'extérieur». L'affaire a duré en tout moins de quatre heures, après quoi tout le monde a fait ses bagages et a quitté les lieux.

L'aspect de farce présenté par la déclaration en 13 points reflète simplement le fait que la réunion n'avait pas l'autorité de décider quoi que ce soit ­ sauf peut-être la date de la prochaine réunion. Tout le monde savait très bien que l'on faisait les vraies décisions à Washington, au QG au Qatar, et dans la luxueuse villa de Garner au Koweït.

Un article dans le journal canadien, Globe and Mail, a rapporté vendredi dernier qu'un groupe de 60 exilés irakiens, surnommé le Conseil de reconstruction et de développement irakien, sera « la colonne vertébrale de l'administration de transition pour remplacer le régime de Saddam Hussein ». Ce conseil «travaille ces dernières semaines dans un bâtiment non-spécifié du Pentagone, où ses membres ont installé un modèle du gouvernement irakien d'après-guerre». Ce groupe est sur le point de se rendre par avion à Bagdad, où, sous le contrôle de Jay Garner, il «opérera les départements gouvernementaux essentiels de l'Irak».

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