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« Un autre monde est possible » - mais comment ? Le contre-sommet d'Attac au G8 à Genève

Par Marianne et Helmut Arens
Le 7 juin 2003

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Parallèlement au sommet du G8 d'Evian, le réseau Attac organisa un contre-sommet le 30 mai à Genève. Le congrès s'est tenu à la Maison du Faubourg et avait pour leitmotiv « Un autre monde est possible ».

Plus d'un millier de participants était présent dont des jeunes venus de bien des régions d'Europe. Le congrès s'est déroulé simultanément en français, en allemand, en italien et en anglais. Tout au long de la journée sont intervenues des personnalités antimondialisation comme Susan George (vice-présidente d'Attac-France), Eric Toussaint (Président du Comité pour l'Annulation de la dette du Tiers Monde), Jean Ziegler (Rapporteur spécial de l'ONU), Bernard Cassem (cofondateur d'Attac-France) et bien d'autres.

Dans plusieurs séminaires les participants traitèrent de thèmes tels que la faim, la crise de la dette, le conflit nord-sud, la mondialisation militarisée ou la situation de la femme. Plusieurs d'entre eux soulignèrent qu'ils attachaient beaucoup d'importance à la dénomination d' « altermondialisation » au lieu d' « antimondialisation », n'étant pas contre la mondialisation mais plutôt pour une autre mondialisation.

Alors que de nombreux intervenants relataient de façon claire et judicieuse les méfaits du capitalisme moderne en le condamnant, ils ne disposaient d'aucune réponse à la question de savoir comment changer le monde et encore moins qui pourrait le faire. Leurs interventions s'adressaient à l'aile gauche de l'élite politique et des syndicats, et non à la classe ouvrière. Leur objectif n'est pas l'abolition et la victoire sur les relations capitalistes, mais un capitalisme meilleur sans ses excroissances, telles la faim, la guerre et la destruction.

C'est ainsi que Jean Ziegler, rapporteur spécial de l'ONU et ancien membre social-démocrate du Conseil des Etats suisse, rapporta en termes directs les conséquences de la faim dans le monde: « Sur la faim dans le monde ... je prends les chiffres de la FAO [Food and Agriculture Organization, ONU] de 2002 : Tous les jours sur la planète 100.000 personnes meurent de faim ou de ses suites immédiates. Cent mille ! Toutes les sept secondes un enfant en dessous de dix ans meurt de faim. Toutes les quatre minutes quelqu'un sur la planète perd la vue par manque de vitamine A ». Il ajouta que l'agriculture mondiale pouvait cependant subvenir aux besoins des 6,2 milliards de personnes qui vivent sur la terre et ce, sans recourir aux organismes génétiquement modifiés.

Après son intervention, deux reporters de radio France-3 lui demandèrent s'il était en faveur de l'abolition du capitalisme et quelle méthode de production il préconisait. Il répondit : « Nous sommes contre le capitalisme qui rompt avec toutes les formes de normativité, qui s'oriente au seul motif de profit. Le mode de production capitaliste est certainement le mode de production le plus vital et créateur qui n'ait jamais existé. Ce n'est pas le capitalisme, c'est le capitalisme sans norme qui s'éloigne de l'intérêt général. »

De nombreux orateurs laissèrent clairement voir leur inquiétude que les récentes protestations contre la guerre en Iraq ainsi que les grèves et manifestations contre la liquidation des acquis sociaux allaient trop loin et risquaient de faire sauter le cadre de l'ordre existant. Ils mirent expressément en garde contre de vaines spéculations concernant la révolution et l'internationalisme et s'efforcèrent de canaliser le mouvement dans une voie nationale et réformiste. Tout particulièrement révélatrice fut à ce sujet l'assemblée du soir durant laquelle des dirigeants d'Attac, issus de plusieurs pays, présentèrent leur évaluation du mouvement et leur perspective politique.

Bernard Cassem, le fondateur d'Attac-France, précisa qu'en ce qui le concerne, les principales controverses doivent encore avoir lieu dans un cadre national. Bien sûr, il est nécessaire, face à la mondialisation libérale qui, elle, pense globalement, d'élaborer des analyses et des stratégies qui partent de l'international et retournent vers le national, expliqua-t-il, « mais notre cadre de lutte reste national. Le niveau national est pertinent. Contrairement à ce qu'on dit on peut encore faire pas mal de choses au niveau national, mais de moins en moins, parce que les règles qui sont imposées par les différents gouvernements, au lieu de les imposer directement, ils les font remonter au niveau européen, et ensuite on nous dit : c'est l'Europe qui a décidé. De même l'Europe ne décide rien. Ce sont les gouvernements-membres qui décident, mais qui ne le disent pas. »

Cassem rejeta toute discussion pour une stratégie révolutionnaire comme étant une perte de temps. Il dit : « Le débat qui nous a beaucoup occupé pendant des décennies (moi en particulier) entre réforme et révolution, franchement, manque totalement d'intérêt. Je crois que ça devient un exercice purement rhétorique, qui a peu de prise sur l'action. Ce qui est important, c'est que les forces sociales , où iront-elles? Eh bien, franchement, personne n'en sait rien. C'est après qu'on dira : ça c'est la réforme ou c'est la révolution. Mais le débat, théoriquement en avant, à mon avis n'a aucun intérêt, c'est une totale perte de temps. »

Il lança un avertissement contre le sectarisme et lança un appel à la collaboration, quoiqu'avec précaution, avec les grands syndicats et partis politiques, le mouvement ne devant se laisser engloutir par personne.

Si l'on voulait vraiment arriver à quelque chose il fallait faire en sorte que la grande majorité des gens votent de nouveau correctement. Il dit : « Il ne faut pas indexer la radicalisation de la société sur le nombre des manifestants. C'est une grosse erreur. C'est bien si nous avons beaucoup de manifestants. Mais ça ne prouve pas tout. Regardez ce qui c'est passé en Espagne ! Vous avez vu trois à quatre millions de manifestants contre la guerre, contre Aznar, et après Aznar a légèrement reculé dans les élections. Il ne s'est pas effondré. Donc soyez prudents. Les manifestants ne sont pas tout. Ce sont les électeurs qui comptent. »

Mais à quel parti les électeurs devront-ils accorder leur préférence ? La question qui se posa spontanément à tout auditeur, resta sans réponse de la part de Cassem. Attac n'étant pas un parti et ne participant donc pas aux élections, l'on ne peut qu'en déduire qu'il est d'avis qu'il faudra à nouveau voter pour la social-démocratie, les Verts ou les staliniens du Parti communiste.

L'exemple de la France montre précisément que ceci mène à une impasse. Les électeurs n'ont-ils pas, après le grand mouvement de grève de 1995, porté les soi-disant partis de « gauche » au gouvernement ? Et qu'en est-il advenu? Le gouvernement de la « Gauche plurielle » de Lionel Jospin fut au pouvoir pendant cinq ans et a - tout comme le Parti travailliste en Grande-Bretagne ou le gouvernement Rouge-Vert en Allemagne - pratiqué une politique dans l'intérêt des affaires. C'est la raison pour laquelle Jospin a perdu tant de voix durant les dernières élections présidentielles il y a un an et qu'au second tour il ne restait en lice que le représentant de la grande bourgeoisie, Jacques Chirac, et le fasciste, Jean-Marie Le Pen.

Il est clair que la seule conclusion que l'on puisse tirer de cela est la construction d'un nouveau parti ouvrier international. Les politiciens d'Attac essaient de faire régresser le mouvement pour l'enchaîner aux partis réformistes bourgeois dont une grande partie des travailleurs s'est déjà détournée.

Il en est de même pour la relation entre Attac et la bureaucratie syndicale, un autre pilier de l'ancien ordre social. Plusieurs intervenants présentèrent la conquête des syndicats comme l'objectif du mouvement altermondialiste. Leur aurait-il échappé que dans tous les pays les syndicats ont depuis longtemps cessé de défendre les réformes sociales ? Dans leur fonction de partenaire des grands groupes, ils défendent les mesures de rationalisation dans les entreprises et en tant que partenaire des gouvernements il soutiennent les pires coupes sociales.

Angela Klein de la VSP pabliste (Vereinigung für Sozialistische Politik), représentante du mouvement de la "Marche européenne" et du Forum social en Allemagne, se chargea, lors du congrès à la Maison du Faubourg, d'attribuer faussement aux syndicats un tournant progressiste et de justifier une collaboration avec eux.

Elle expliqua que le mouvement social s'était élargi énormément, que même les syndicats l'avait rejoint ces derniers temps. Dans les mouvements de grève en Italie, en Autriche, en France et en Allemagne de plus en plus souvent des thèmes issus du mouvement antimondialiste étaient repris, comme par exemple la privatisation des caisses d'assurance et de retraite de toutes sortes. « Il est vrai que dans l'essentiel, les syndicats fonctionnent comme des organisations nationales » affirma Angela Klein. Et pourtant le Forum social doit comprendre ce que signifie « le fait que les syndicats mobilisent aujourd'hui des masses sur des sujets que nous avons tout le temps traité ».

Selon elle, en Allemagne, l' « Agenda 2010 » néolibéral du gouvernement est en train de détruire tout fondement de l'Etat social. Ceci minerait la base matérielle d'une participation des syndicats à un plan de partenariat social et les forcerait ainsi à se réorienter. Les syndicats, affirma Klein, se rendent compte que le gouvernement n'est plus pour eux un partenaire lors de négociations. « Nous assistons aujourd'hui au fait que les syndicats discutent s'ils doivent retourner à une forme d'opposition extraparlementaire ou s'ils doivent envisager une autonomie totale de leur travail syndical. Je trouve que cela est, en ce qui concerne les syndicats allemands, une évolution très révolutionnaire que je salue. »

Klein, semble-t-il, vit dans un autre monde. Le DGB (la confédération des syndicats allemands) n'a jamais cessé de collaborer avec le gouvernement fédéral et a annoncé dès le 26 mai une « pause de la protestation » jusqu'à l'automne, c'est-à-dire jusqu'à ce que l' « Agenda 2010 » soit voté. Depuis près de trente ans, le DGB réagit à chaque attaque du gouvernement en empruntant un cours de plus en plus droitier. Ce faisant, il suit le même chemin que les syndicats dans d'autres pays.

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