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Le SEP Sri Lankais répond à un partisan de droite du LTTE

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Dans l'échange suivant, le Parti de l'égalité socialiste (SEP) du Sri Lanka répond au courriel d'un partisan des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) défendant la participation de cette organisation aux négociations de paix avec le gouvernement de Colombo. Ce courriel fut envoyé en réaction à un article de K. Ratnayake, membre du comité de rédaction du World Socialist Web Site, portant sur l'appel du LTTE à « balayer » les partisans du SEP de l'île septentrionale de Kayts.

Monsieur Ratnayake,

Votre argument pour justifier votre opposition aux pourparlers de paix est puéril. Il en va de même pour votre prétention selon laquelle « le SEP ne s'oppose pas à la paix, mais à l'accord pourri négocié par le LTTE avec le gouvernement sri lankais lors de "pourparlers de paix" à huis clos commandités par les grandes puissances et la grande entreprise. Les deux côtés exploitent le désir légitime des travailleurs ordinaires d'une fin à la guerre afin d'établir un accord de partage du pouvoir entre les élites dirigeantes cingalaise, tamoule et musulmane ». Tout cela n'est que du bluff. Il n'y a pas d'industries et de propriétaires fonciers parmi les Tamouls. Les travailleurs ordinaires ne sont pas avec vous, ils sont avec le LTTE.

Si les Tamouls doivent attendre que les travailleurs ordinaires fassent la révolution dont vous rêvez, alors aussi bien attendre jusqu'à la fin des temps! Il faut être réaliste. Vous pouvez bien avoir la tête dans les nuages, mais gardez au moins les pieds sur terre!

Qui d'autre va financer la reconstruction du nord-est dévasté par la guerre sinon les « grandes puissances et la grande entreprise »? Le SEP donnera-t-il un seul dollar pour la reconstruction et la réhabilitation alors qu'il sollicite lui-même des dons?

Pour ce qui est de l'« élitisme », qui êtes vous? N'êtes vous pas un élitiste parlant anglais et non un « travailleur ordinaire »?

Le peuple tamoul ne peut oublier facilement les sauts d'été des trotskystes comme les docteurs N.M. Perera et Colvin R de Silva dans les années 1960 et 1970. Votre trotskysme est une théorie discréditée et rongée par les mites. Depuis la chute de l'Union soviétique, il est ridicule de parler de la classe ouvrière, du capitalisme et du socialisme!

Au moins les staliniens et les maoïstes ont réussis à créer des États socialistes pendant un certain temps, mais les trotskystes comme vous essaient depuis plus de 90 ans sans le moindre succès.

Vous n'avez que quelques partisans à Kayts mais vous faites bien du bruit. Je ne pense pas que vous ayez jamais réussi à vous faire élire dans n'importe quel organisme directeur tant au sud qu'au nord.

Vous avez cité hors contexte la déclaration de Balasingham : « nous n'appelons pas au démantèlement des forces armées, des camps et des complexes militaires... Nous ne demandons pas à l'armée de se retirer ». Vous vous pensez malin en marquant un point de rhétorique, mais vous êtes malhonnêtes. Vous devez prendre cette déclaration dans le bon contexte, soit celui du démantèlement des zones de haute sécurité et du retour des personnes déplacées. Si vous voulez chercher la petite bête ainsi, vous pouvez bien le faire, mais c'est un exercice futile.

Vous dites « au cours du conflit qui a duré 19 ans, les trotskystes sri lankais ont réclamé de façon intransigeante le retrait inconditionnel de l'armée sri lankaise du nord et de l'est de l'île et mené une campagne vigoureuse contre la répression des Tamouls ». Oui, vous avez fait ce qu'il y avait de plus facile sur Terre, mais excusez-moi, dans le cyberespace! Le LTTE, lui, s'est attelé à la tâche difficile de combattre les forces armées cingalaises en sacrifiant plus de 17 648 de ses cadres!

En terminant, je ne veux pas nourrir votre ego excessif en m'engageant dans un débat avec vous. Mais soyez certain que je respecte votre droit de faire connaître vos théories stériles préférées, mais évidemment dans le cyberespace!
Thangavelu



Monsieur Thangavelu,

Les points que vous soulevez dans votre courriel ne font que confirmer l'argumentation défendue dans mon article : par le biais du supposé processus de paix, le LTTE subordonne les masses tamoules aux intérêts des principales grandes puissances et de la grande entreprise. Vous faites part de votre mépris pour la classe ouvrière, le socialisme et le Parti de l'égalité socialiste afin de justifier, au nom du réalisme, un accord de partage du pouvoir qui apparaîtra rapidement comme un désastre pour tous les travailleurs, qu'ils soient tamouls, musulmans ou cingalais.

Vous essayez de défendre votre position en vous exclamant : « Qui d'autre va financer la reconstruction du nord-est dévasté par la guerre sinon les grandes puissances et la grande entreprise? Mais le capital international n'est pas intéressé à élever les niveaux de vie des gens ordinaires, il est intéressé à trouver des sources de main d'uvre au plus bas coût possible. Si une quelconque pitance sous forme d'aide internationale est fournie pour soulager et « reconstruire » le nord-est, ce ne sera que dans l'intention d'assurer les conditions nécessaires aux investisseurs pour exploiter la classe ouvrière.

Le LTTE a déjà démontré sa volonté d'appliquer les mesures économiques requises dans l'espoir de se voir attribuer un rôle, aussi modeste soit-il, dans le nouveau régime qui est en train de prendre forme dans les pourparlers actuels. Le négociateur en chef du LTTE, Anton Balasingham, a formellement abandonné la demande pour la création d'un mini-État indépendant de l'Eelam tamoul et en septembre dernier, il appelait le gouvernement à « embrasser les Tigres tamouls comme des partenaires égaux » dans la transformation de « île en une économie-tigre réussie ». Comme tout le monde sait, l'expression « économie-tigre » fait référence à ces ateliers de misère qui ont été créés dans toute l'Asie.

Le LTTE s'engage sur le même sentier battu que l'ANC en Afrique du Sud, les Sandinistes au Nicaragua, l'OLP au Moyen-Orient et le Fretilin au Timor-Oriental, et le résultat au bout de cette voie est des plus prévisibles. Un petit groupe restreint de leaders du LTTE vont délaisser leur tenue de combat pour le costume de ville et occuper des postes lucratifs au gouvernement et dans les entreprises. Une de leurs principales fonctions sera la suppression brutale de la vaste majorité des gens ordinaires lorsque le ressentiment et l'hostilité se développeront face aux mesures économiques et aux programmes sociaux dictés par le FMI.

Vous tentez de justifier les politiques du LTTE en déclarant que la solution alternative du SEP est un « paradis ». Pour défendre votre position, vous faites références aux « sauts d'été des trotskystes comme les docteurs N.M. Perera et Colvin R de Silva dans les années 1960 et 1970 » comme si cette seule invocation prouvait votre conclusion que le « trotskysme est une théorie discréditée et rongée par les mites ». En fait, si vous alliez au-delà des invectives, vous constateriez que l'histoire démontre justement le contraire de ce que vous prétendez.

Il est intéressant de constater que vous ne faites aucune mention du Lanka Sama Samaja Party (LSSP) d'avant les années 1960. Dans les années 1940 et 1950, la direction du LSSP, comprenant Perera et de Silva, démontra de façon conclusive qu'il était possible de construire un puissant mouvement de la classe ouvrière basé sur les principes de l'internationalisme socialiste - c'est à dire le trotskysme. Le LSSP gagna l'allégeance des couches les plus lucides et dévouées des travailleurs, des jeunes et de l'intelligentsia, tant tamouls que cingalais, par une lutte intransigeante pour unir la classe ouvrière contre les politiques communalistes avancées par la classe dirigeante sri lankaise.

Le LSSP s'est vigoureusement opposé aux attaques contre les droits démocratiques de la minorité tamoule. En 1948, lorsque le gouvernement du Parti de l'unité nationale introduisit la loi sur la citoyenneté pour priver les travailleurs des plantations tamouls de leurs droits, Colvin R. de Silva dénonça cette proposition et mit en garde correctement qu'une telle discrimination allait inévitablement être étendue à tous les Tamouls.

Dénonçant la myopie d'une section de l'élite tamoule qui soutenait cette mesure antidémocratique, de Silva déclara : « on peut rétorquer par exemple que les Tamouls de Jaffna ne sont pas touchés par cette allégation mais... dès qu'un gouvernement commence à appliquer un principe racial contre un groupe en particulier, il n'y a qu'un pas, et des plus faciles à franchir, pour adhérer à un principe racial général en rapport avec tout un groupe racial en particulier.

Sur la base de la lutte pour unir la classe ouvrière, le LSSP prit la tête du mouvement de grève Hartal de 1953 qui ébranla le capitalisme sri lankais jusqu'en son centre. Alors que le mouvement Hartal contre la détérioration des niveaux de vie prenait de l'ampleur, le cabinet fut forcé de se réfugier à bord d'un navire de guerre britannique mouillant dans le port de Colombo. Reconnaissant sa faiblesse politique, une section de la bourgeoisie sri lankaise se tourna consciemment vers le Sri Lanka Freedom Party (SLFP) de S.W.R.D. Bandaranaike et ses politiques ouvertement communales.

Le LSSP s'opposa à la politique « cingalais seulement » de Bandaranaike qui privait le Tamoul de son statut de langue officielle et réduisait les Tamouls au rang de citoyens de seconde classe. Lors d'un débat au parlement, N.M. Perera défendit la parité de statut des langues cingalaise et tamoule et lança cet avertissement prophétique : « si vous imposez aux populations des provinces du nord et de l'est le cingalais comme langue d'État et réduisez le Tamoul au rang de simple langue régionale, vous récolterez des émeutes, un bain de sang et une guerre civile ».

Le rôle traître des dirigeants du LSSP dans les années 1960 et 1970 fut un produit non pas de leur adhésion aux principes socialistes, ou de l'échec du trotskysme à gagne un appui de masse, mais bien du contraire. Le parti commença à s'adapter aux puissantes pressions exercées par le milieu national et à abandonner les principes même sur lesquels il était basé. Pour justifier leur accommodation opportuniste au nationalisme sri lankais, la direction du LSSP mit de l'avant exactement les mêmes arguments que vous défendez : la lutte pour la révolution socialiste fut qualifiée d'« irréaliste » et devait être remplacée par une alternative plus « réaliste » : les politiques parlementaires bourgeoises et le chauvinisme cingalais du SLFP.

Il s'ensuivit une trahison monumentale du trotskysme lorsque le LSSP se joignit au gouvernement capitaliste de madame Bandaranaike en 1964. Pour la classe ouvrière du Sri Lanka et internationale, les conséquences politiques furent désastreuses. Au Sri Lanka, l'abandon par le LSSP de la lutte pour unir les travailleurs tamouls et cingalais renforça les tendances petites-bourgeoises basées sur les politiques communales : le Janatha Vimukthi Peramuna (JVP), épousant le chauvinisme cingalais au sud, et les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) prônant le séparatisme tamoul au nord. En dernière analyse, la responsabilité politique finale du déclenchement de la guerre civile en 1983 qui allait entraîner la mort de dizaines de milliers de travailleurs et de jeunes revient au LSSP à cause de son abandon du trotskysme dans les années 1960.

Le Comité International de la Quatrième Internationale (CIQI) fut la seule tendance politique à s'opposer à la trahison du LSSP, se penchant sur ses racines politiques et cherchant à établir la lutte pour les principes de l'internationalisme socialiste au sein de la classe ouvrière sri lankaise. La Revolutionary Communist League (Ligue communiste révolutionnaire, l'ancêtre du SEP) fut fondée en 1968 sur la base de cette lutte politique.

Pendant deux décennies, notre parti s'est vigoureusement opposé avec tous les moyens dont il disposait à la guerre raciale menée par les gouvernements successifs de Colombo, y compris dans le cyberespace avec le World Socialist Web Site que vous dénigrez. Le RCL-SEP est bien connu dans tout le Sri Lanka pour sa lutte de principes intransigeante pour le retrait immédiat et inconditionnel des troupes sri lankaises du nord en dépit de la sévère répression d'État et des attaques meurtrières des assassins du JVP. Vous ne faites qu'étaler votre ignorance en vous moquant de la lutte du SEP et du lourd prix que ses cadres ont payé.

Il n'est pas surprenant de vous voir adhérer à toute cette rhétorique à propos de la « mort du socialisme » radotée par tous les folliculaires de droite et idéologues pro-capitalistes. La chute de l'Union soviétique représente non pas l'échec du socialisme mais de son antithèse : la perspective nationaliste réactionnaire du « socialisme dans un seul pays » sur laquelle la bureaucratie stalinienne était basée.

La prise du pouvoir par la classe ouvrière en Russie lors de la Révolution d'octobre 1917 fut guidée par la perspective élaborée par Lénine et Trotsky selon laquelle la construction du socialisme passait par l'extension de la révolution dans les principaux centres du capitalisme. Après la défaite des mouvements révolutionnaires en Europe et en Chine dans les années 1920, Staline sorti de l'ombre puis consolida sa position en tant que représentant d'un appareil bureaucratique rejetant la perspective de la révolution socialiste mondiale et cherchant à consolider son existence privilégiée en Russie aux dépends de la classe ouvrière.

Loin de marquer l'arrivée d'une nouvelle ère de paix et de prospérité capitaliste, l'effondrement de l'Union soviétique et des régimes staliniens en Europe de l'Est a été l'expression initiale de la désuétude historique de tous les partis et programmes basés sur une régulation économique nationale sous l'impact de la mondialisation de la production. Une décennie seulement après la dissolution de l'URSS, la contradiction fondamentale entre le système de l'État-nation et l'économie mondiale revient une fois de plus à la surface de la vie politique, posant à l'humanité pour une troisième fois en un siècle ce brutal dilemme : socialisme ou barbarie.

Dans la même veine, la Chine n'a jamais été un État socialiste. Mao a conclu que la responsabilité de la défaite de la révolution chinoise de 1925-1927 ne découlait pas des politiques criminelles de la bureaucratie stalinienne à Moscou mais de la classe ouvrière même. Il se tourna alors vers la paysannerie et ce sont les armées paysannes de Mao, et non la classe ouvrière, qui prit le pouvoir en 1949 lors de l'implosion du régime de Chiang Kai Shek. La version spécifique de Mao de la perspective stalinienne du « socialisme dans un seul pays » a vu la Chine évoluer structurellement pour devenir le plus grand atelier de misère de la planète, où plusieurs des formes les plus brutales et les plus primitives d'exploitation qui existaient avant la révolution de 1949 ont revu le jour.

Vos affinités palpables avec le stalinisme et le maoïsme transparaissent dans votre rejet des principes de l'internationalisme socialiste que vous qualifié d'utopique et « d'irréaliste », et votre foi naïve en la permanence du capitalisme mondial.

En guise de conclusion, je reviens aux questions qui sont à l'origine de votre courriel.

Le 12 octobre dernier, le président du comité de rédaction du WSWS, David North, répondait à votre lettre publiée dans l'Asia Tribune, dans laquelle vous questionniez la base factuelle des rapports du WSWS à propos des menaces et des attaques du LTTE contre des membres du SEP sur l'île de Kayts. Dans votre dernier courriel, vos dernières remarques semblent indiquer que vous concédez maintenant que les droits démocratiques du SEP sont attaqués. Mais, si comme vous le soutenez, le SEP est si peu important politiquement, pourquoi le LTTE s'en embarrasse-t-il alors ? Et quel besoin avez vous d'appeler à « balayer » le SEP et à intimider nos membres si votre position est aussi solide? La réponse est évidente. La direction du LTTE sait pertinemment bien que ses promesses de paix, de prospérité et de droits démocratiques ne seront jamais tenues. Alors que ce fait deviendra de plus en plus évident au quotidien pour le peuple tamoul, l'opposition au LTTE ne cessera de grandir et de s'étendre. Même parmi ses supporteurs loyaux actuels, la question se posera : est-ce pour cela que nous avons fait tous ces sacrifices ?

C'est pourquoi le LTTE ne peut tolérer aucun débat, aucune discussion ou critique, surtout venant d'un parti qui présente une véritable alternative. Ce que le LTTE craint, c'est de voir que les principes et le programme pour lesquels le SEP a combattu au cours des 35 dernières années commence à rejoindre les préoccupations et les aspirations des masses tamoules qui cherchent à sortir de l'impasse de la politique communale.

Il est remarquable que vous gardiez le silence sur la violence exercée par le LTTE contre le SEP. Si vous aviez le moindre respect pour les droits démocratiques comme vous le prétendez, alors, en dépit de nos différences politiques évidentes, le seul geste de principe que vous pourriez poser serait de condamner de façon sans équivoque et directe les actions du LTTE sur île de Kayts.

Salutations

K. Ratnayake
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