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Défaite référendaire au Venezuela de l'opposition soutenue par la CIA

Par Bill Van Auken
Le 17 août 2004

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Dimanche le 15 août, le peuple vénézuélien a fait subir une cuisante défaite à la coalition de droite appuyée par Washington en rejetant sa demande pour chasser du pouvoir Hugo Chavéz, le président élu du pays.

L'ancien officier militaire a utilisé une rhétorique nationaliste gauchisante contre les États-Unis et l'oligarchie financière de son pays, associée à des réformes sociales minimales, pour faire appel aux masses ouvrières et paysannes pauvres de son pays riche en pétrole.

Après que 95 % des votes du referendum national ont été comptabilisés, le conseil électoral du Venezuela a annoncé que près de 60 % des électeurs avaient voté « non » à la destitution de Chavéz et à la tenue de nouvelles élections. S'adressant à une foule de plusieurs dizaines de milliers de partisans depuis le balcon du palais présidentiel de Miraflores à Caracas, Chavéz a qualifié le referendum de « cadeau pour Bush ».

Les leaders de la coalition politique de l'oligarchie vénézuélienne, la Coordinadora Democrática, ont immédiatement dénoncé le résultat du vote comme une « fraude gigantesque » et ont juré de rejeter ce résultat, même si les observateurs internationaux ont démenti les déclarations de fraude électorale et confirmé la victoire de Chavéz.

L'un des observateurs, l'ancien président américain Jimmy Carter, a déclaré que la participation était la plus importante qu'il ait jamais vue et que tout comme les autres observateurs, il n'avait décelé aucun « élément de fraude ». Plus tôt, Carter a fait part de sa confiance en affirmant que le « résultat des élections est plus satisfaisant que ce qui s'est passé en Floride en 2000 ».

Ce referendum constitue la troisième défaite en autant d'années pour l'opposition de droite dans sa tentative de renverser Chavéz. En avril 2002, l'opposition a organisé un coup en collaboration avec l'administration Bush, emprisonnant brièvement le président vénézuélien pour le remplacer par une junte d'officiers militaires et d'hommes d'affaires. Mais cette tentative a échoué devant la résistance de masse qui a éclaté dans les bidonvilles et les quartiers ouvriers de Caracas et des autres régions du pays.

Par la suite, une grève générale organisée par le patronat n'est pas parvenue à déloger le gouvernement, engendrant du même coup des dommages économiques sévères au pays. C'est après les échecs de ces tentatives extra-judiciaires de renverser le gouvernement que l'opposition a décider d'invoquer une clause dans la constitution introduite sous Chavéz permettant la tenue de referendums de destitution.

Le vote de dimanche a exprimé l'intense polarisation sociale qui existe au Venezuela, ou près de 60 % de la population vit dans la pauvreté, alors qu'une élite financière siphonne les richesses pétrolières du pays. Chavéz a récolté un soutien populaire substantiel parmi la majorité appauvrie de la population du Venezuela, en partie en utilisant une petite portion des revenus du pétrole du Venezuela pour financer des programmes d'éducation, de santé et de logement.

Il est devenu l'objet de haines intenses au sein de l'oligarchie et des sections privilégiées de la classe moyenne du Venezuela. Ces couches voient dans son arrêt des privatisations prévues - y compris la privatisation de la puissante industrie pétrolière nationalisée du pays - comme une restriction intolérable de leur pillage de l'économie du pays. Pour ces couches, ses réformes sociales limitées sont perçues comme du communisme.

En réalité, les programmes lancés par Chavéz ne sont pas différents des initiatives prises par les gouvernements bourgeois modérés d'Amérique latine dans les années 1960 et 1970. Mais elles se démarquent par le fait qu'elles surviennent après que des décennies de politiques « néolibérales » dans tout le continent aient exclues toutes mesures de reformes sociales.

Attirant l'attention nationale en 1992 en dirigeant un coup militaire qui échoua contre le président d'alors Carlos Andres Pérez, Chavéz a été emprisonné puis libéré deux ans plus tard, avant d'être ensuite élu président pour la première fois en 1998. Il a été propulsé au pouvoir grâce à la désintégration des deux partis corrompus qui ont dirigé le Venezuela au cours des 40 années précédentes sous le système connu sous le nom de Puntofijo, dans lequel les deux partis contrôlaient simultanément le gouvernement et se partageaient les dividendes entre eux.

Le résultat du referendum de dimanche a finalement été déterminé par la participation des millions d'électeurs pauvres venant des quartiers urbains et de la campagne. Beaucoup ont commencé à faire la queue avant l'aube aux écoles où se tenait le scrutin. À certains bureaux de vote, la file d'électeurs avait plus d'un kilomètre de long, et la période de vote a du être prolongée à deux reprises, des bulletins étant encore déposés bien après minuit.

Il y eut également une forte participation dans les quartiers aisés de Caracas, où la vaste majorité a voté pour chasser Chavéz. Dans les semaines qui ont précédé le vote, les chaînes de télévision privées et les principales stations de radio ont inondé leurs ondes d'appels des politiciens de l'opposition et rapporté des résultats de sondage légèrement favorables à la destitution présidentielle. Les supporteurs de la Coordinadora Democrática ont été assurés que la majorité des électeurs « indécis » allaient voter pour le oui.

Lors du vote, des responsables du Conseil électoral national ont annoncé la découverte d'un disque compact contenant les voix des responsables du conseil et un rapport d'un lecteur de nouvelles annonçant la victoire du oui. Apparemment, le disque devait être diffusé avant la fermeture des bureaux de scrutin.

C'était là le dernier stratagème de la campagne de coups montés de l'opposition jouissant du soutien de Washington. Depuis l'intronisation de l'administration Bush, 4 million $ US ont été versés aux groupes anti-Chavéz par l'entremise du National Endowment for Democracy (NED), un organisme paragouvernemental créé par le Congrès américain en 1983 pour effectuer les actions de déstabilisation politiques qui relevaient auparavant de la Central Intelligence Agency (CIA).

Les révélations selon lesquelles le NED a directement financé la course référendaire - en violation de la loi vénézuélienne - et dressé les plans d'un gouvernement d'« après-Chavéz » ont affaibli le soutien populaire à la destitution. Chavéz a déclaré que le vote déciderait si le Venezuela resterait un « pays libre ou s'il serait réduit à l'état de colonie des États-Unis ».

De façon significative, la victoire de Chavéz a eu un effet apaisant sur le marché du pétrole, avec le prix du brut descendant d'un sommet historique de près de 47 $ US le baril. Les craintes d'un soulèvement pouvant interrompre les approvisionnements pétroliers en provenance du cinquième pays exportateur mondial ont diminué avec l'annonce de la victoire du non.

Dirigeant sa campagne, Chavéz s'en est pris à l'élite financière du Venezuela et aux manigances des États-Unis dans ses discours à ses partisans issus des milieux défavorisés et de la classe ouvrière. Mais il lançait un tout autre message aux intérêts commerciaux du pays et de l'étranger. Il s'est présenté comme le seul politicien du Venezuela en mesure de maintenir la stabilité et de garantir un approvisionnement continu en pétrole.

Dans une entrevue accordée au journal argentin Pagina 12, le vice-président vénézuélien José Vicente Rangel a clairement énoncé ce thème en soulignant que l'opposition de droite n'avait personne pour remplacer Chavéz et aucun soutien populaire pour former le gouvernement.

« Maintenant je puis vous dire qu'ils ne peuvent diriger ce pays, déclara-t-il. « Chavéz est une dique de contención (une digue contre les bouleversements sociaux), et les marchés comprennent cela. Ils savent. Les marchés sont beaucoup plus intelligents que les analystes politiques car ils ne peuvent jamais se permettre de perdre ».

La réaction remarquablement muette de Washington à la victoire de Chavéz - de même que la précipitation avec laquelle Carter à confirmé les résultats - sont une confirmation de cette évaluation. En dernière analyse, l'administration Bush, avec ses liens étroits qu'elle entretient avec l'industrie pétrolière, suit la logique des marchés. La dernière chose qu'elle veut voir en ce moment, c'est une augmentation constante des prix du brut, avec un prix de l'essence se rapprochant du 3 $ US le gallon à la pompe à l'approche des élections de novembre.

Avec la débâcle qui se poursuit en Irak et la menace potentielle pesant sur toutes les réserves pétrolières du Moyen-Orient, sans mentionner la menace de l'effondrement du géant pétrolier russe Yukos, la sécurisation des exportations du Venezuela est une préoccupation stratégique vitale. Ce pays de l'Amérique latine exporte actuellement 1,5 million de barils par jour aux États-Unis sur les 2,6 millions qu'il produit, ce qui représente 13 % des importations pétrolières des États-Unis.

Il ne fait aucun doute que la défaite de Chavéz aurait entraîné un désordre encore plus grand au Venezuela. Comme le fait remarquer Rangel, l'opposition n'a pas de candidat crédible. De plus, la constitution commande une élection dans les 30 jours, ce qui était impossible compte tenu des circonstances. Le simple fait de savoir si Chavéz aurait été éligible ou non pour se présenter à cette élection aurait suscité une vive polémique.

L'accommodement de Washington face à la victoire de Chavéz n'est cependant que temporaire et d'ordre tactique. La planification de son renversement se poursuit tout autant.

Malgré les fulminations de ses opposants de droite, les politiques de Chavéz sont loin d'être socialistes. La terre au Venezuela reste fermement sous le contrôle des latifundistes, les 3 % les plus riches possédant 77 % des terres agricoles du pays, alors que les 50 % des paysans les plus pauvres ne contrôlent que 1 % des terres et que des millions d'autres ne possèdent pas la moindre parcelle de terre. Les compagnies pétrolières étrangères opèrent librement au Venezuela et contrôlent plus du tiers de sa production. Enfin, le gouvernement Chavéz s'est rigoureusement conformé aux conditions de remboursement de la dette dictées par les banques internationales et les organismes prêteurs.

Dans la mesure où ses politiques entrent en conflit avec le modèle économique que Washington dicte au reste du continent, Chavéz est vu comme une menace à éliminer. Son plan pour doubler les redevances payées par les compagnies pétrolières étrangères en les faisant passer de 16 % à 30 % est particulièrement source de préoccupations pour Washington. De plus, sa rhétorique anti-américaine recueille une audience grandissante dans l'hémisphère compte tenu de la haine populaire croissante vouée aux politiques de « libre-marché » et à l'influence des États-Unis.

Selon le journal El Mundo d'Espagne, la CIA a déjà commencé à élaborer un plan pour contrer l'influence du Venezuela en Amérique latine dès le lendemain du referendum. Le quotidien madrilène rapportait en première page dans son édition du 9 août que William Spencer, le directeur adjoint de la CIA pour les affaires de hémisphère sud rencontrait les directeurs de la CIA au Chili affectés à la Colombie, à l'Équateur, au Brésil et au Pérou afin de discuter d'un plan pour « neutraliser » Chavéz.

Le journal rapporte que la CIA discuterait d'une escalade de pressions financières et militaires contre le Venezuela. L'article soutient également que le Département d'État des États-Unis s'était préparé à la possibilité que le gouvernement Chavéz annule le referendum sur la base qu'il aurait découvert un complot pour assassiner le président.

Ce scénario est révélateur. Il est de plus en plus question au sein de l'opposition pro-États-Unis de recourir à une solution violente pour mettre fin à la crise politique prolongée du Venezuela, et notamment de tuer Chavéz. Parmi les plus ouverts à cette option, il y a l'ancien président vénézuélien Carlos Andrés Perez, que Chavéz avait tenté de renverser lors de son coup d'État avorté en 1992, et qui a été destitué par la suite pour corruption.

Lors d'une entrevue accordée au quotidien vénézuélien El Nacional à Miami, Perez a dit : « Je travaille pour le départ de Chavéz. La violence nous permettra de nous en débarrasser. C'est le seul moyen qui nous reste. Il poursuit : Chavéz doit mourir comme un chien, car c'est tout ce qu'il mérite ».

L'ancien président a indiqué que le renversement de Chavéz et/ou son assassinat seraient suivis d'une période de dictature. « Nous ne pouvons pas simplement nous débarrasser de Chavéz et ensuite avoir immédiatement une démocratie. Il faut compter une période de transition de deux ou trois ans pour jeter les fondements d'un État où la primauté du droit prévaudra » Une « junte », ajoute-t-il, suspendra l'Assemblée nationale, la Cour suprême et toutes les autres institutions où les partisans de Chavéz jouissent de la majorité.

Perez a déjà de l'expérience dans l'imposition de la « primauté du droit ». Il est connu au Venezuela pour avoir appelé l'armée en 1989 pour écraser un soulèvement des pauvres en réaction à l'adoption d'un programme d'austérité draconien du Fonds monétaire international. On évalue à plus de 3 000 le nombre de personnes fusillées lors du Caracazo. Perez est le véritable visage de l'opposition « démocratique » appuyée par les États-Unis.

Il ne fait aucun doute que la cabale droitiste et d'exilés cubains anti-castristes à la tête du bureau de l'hémisphère occidental du Département d'État va redoubler d'efforts pour organiser un coup d'État au Venezuela dès que les conditions seront plus favorables. Dans ce domaine comme pour ce qui est de la poursuite de la guerre en Irak, tout indique que la même politique sera poursuivie, même si John Kerry, l'opposant démocrate à Bush, remporte l'élection en novembre. Kerry a déjà fait plusieurs déclarations appelant à exercer de plus grandes « pressions » sur le gouvernement Chavéz, l'accusant de recourir à des mesures « extra-judiciares », de créer un « sanctuaire pour les narco-terroristes » et de semer l'« instabilité dans la région ». Il a également appelé à tripler le financement du National Endowment for Democracy.

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