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Election européenne 2004

La débâcle électorale du SPD

Par Peter Schwarz
Le 18 juin 2004

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Pour ceux qui ont à commenter les résultats électoraux du SPD (Sozialistische Partei Deutschlands - Parti socialiste allemand) se servir de termes comme « dégringolade », « pertes spectaculaires » et « défaite cuisante » est devenu une habitude. Depuis qu'il est arrivé au gouvernement en alliance avec les Verts, il y a six ans, ce parti a perdu une élection parlementaire régionale après l'autre, ainsi que de nombreuses élections municipales. Sa mince victoire lors de l'élection législative de 2002 est l'exception qui confirme la règle. Elle était due au fait qu'à l'encontre de la CDU (Christlich-Demokratische Union, Union chrétienne-démocrate) le SPD était opposé à la guerre en Irak. Quatre mois plus tard seulement, le SPD reprenait sa chute libre, il perdit les Länder de Hesse et de Basse-Saxe qui allèrent à la CDU.

Mais, même comparé à ce déclin sans précédent, le résultat des européennes du 13 juin représente une nouvelle qualité. Le SPD n'a jamais depuis la création de la RFA obtenu un résultat aussi mauvais dans une élection nationale. Il est avec 21,4% des voix bien en-dessous de son record négatif de 28,8% qui date de l'élection législative de 1953. Si l'on tient compte de tous ceux qui n'ont pas voté (57%, ce qui constitue aussi un record) ce sont tout juste 9% des électeurs qui ont voté pour le SPD.

La débâcle devient plus évidente encore si l'on considère les chiffres en termes absolus. Par rapport à l'élection législative de 2002, le SPD a perdu 13 millions de voix soit deux tiers de ses électeurs. Au lieu des 18,5 millions de voix il n'obtient plus que 5,5 millions de voix. La CDU, qui était au même niveau que le SPD lors de cette élection législative, fut moins touchée par la faible participation : elle put accroître son score de 6% tout en perdant 7 millions de voix.

Par rapport à la dernière élection européenne il y a cinq ans, caracterisée elle aussi par une forte abstention et un mauvais résultat du SPD, les sociaux-démocrates ont perdu 2,8 millions d'électeurs. Les conservateurs ont également subit des pertes : 1,7 millions de voix, soit 4 pour cent. Mais si l'on appliquait ce résultat à l'élection législative, l'addition de leurs 44% et des 6,1% du FDP (Freie Demokratische Partei- Parti libéral démocrate) suffiraient encore à leur donner une nette majorité.

La raison du déclin du SPD qui ne perd pas seulement des masses d'électeurs mais aussi d'adhérents est connue depuis longtemps : la profonde indignation éprouvée vis-à-vis du cap des soit-disant réformes suivi par le gouvernement fédéral. Ce train de réformes (l'« Agenda 2010 ») produit de l'effet. Il a un impact catastrophique sur la vie de millions de gens qui jusqu'à présent votaient pour le SPD.

La fusion de l'assurance-chômage et de l'aide sociale fait à elle seule basculer 4,5 millions de personnes dans l'aide sociale. Beaucoup perdent tout soutien financier. Ils doivent subir l'humiliation du bureau d'aide sociale, sont forcés de dépenser jusqu'au dernier sou l'argent mis de côté pour leurs vieux jours ou sont obligés de demander à leurs proches de leur venir en aide.

Un reportage du magazine Der Spiegel mit en évidence combien les coupes budgétaires affectent les domaines les plus intimes de la vie. Selon ce reportage, les cercueils s'amoncellent dans les chambres froides des crématoriums suite à la suppression des frais de décès (dans le cadre de la réforme de la Santé) ; nombreux sont ceux qui ne peuvent plus payer l'enterrement d'un proche, ce à quoi s'ajoutent les tracasseries bureaucratiques de la part des bureaux d'aide sociale qui font traîner la prise en charge des frais pendant des mois.

L'opposition au SPD s'exprima principalement dans le taux élevé d'abstention. Selon une enquête, 11 millions d'électeurs qui avaient encore soutenu le SPD lors de l'élection legislative de 2002 ont choisi de rester chez eux à l'élection européenne.

Les Verts à l'Ouest et le PDS à l'Est (Partei des Demokratischen Sozialismus - Parti du socialisme démocratique) purent profiter des pertes du SPD du point de vue du pourcentage de voix obtenues. Le FDP, lui, enregistra un fort accroissement de ses voix par rapport à la dernière élection européenne ; comparé à l'élection législative cependant le nombre de voix obtenues baissa en chiffres absolus et en pourcentage (de 7,4% à 6,1%).

Dans tous les « nouveaux Länder » (l'ex-Allemagne de l'Est - ndlr) le PDS devança le SPD, qui fut partout relégué au troisième rang. Dans le Land de Brandebourg, le PDS dépassa même la CDU qui gouverne ce Land dans une coalition avec le SPD. Dans ce Land également, la participation au scrutin atteignit le niveau le plus bas de toute l'Allemagne, avec 27% seulement.

Dans sa campagne électorale, le PDS avait mis en avant le mot d'ordre de la « Justice sociale ». Le fait qu'il soit lui-même impliqué dans la démolition sociale au sein de la municipalité de Berlin et du gouvernement régional de Mecklembourg-Poméranie-occidentale semble être passé à l'arrière-plan face au mécontentement ressenti vis-à-vis du gouvernement fédéral. Dans les « vieux Länder » (l'ex-Allemagne de l'Ouest - ndlr) le PDS ne trouva par contre que peu de résonnance ; il n'y atteint que 1,7% des voix.
Dans ces Länder, les Verts arrivèrent en seconde position ­ devant le SPD et derrière la CDU. Ce fut entre autres le cas à Munich (23,3%) à Francfort (25%), Berlin (22,7%), Cologne, Bonn et Aix-la-Chapelle. Les Verts obtinrent 11,9% sur l'ensemble du territoire. C'est leur meilleur résultat jusque-là dans une élection nationale. En chiffres absolus toutefois, ils sont avec 3,1 millions de voix en-dessous de leur résultat des élections législatives fédérales (4,1 millions de voix).

A première vue, il paraît paradoxal que les Verts profitent de la défaite du SPD malgré le fait qu'ils partagent les responsabilités gouvernementales avec lui depuis six ans et qu'ils soient pour une démolition sociale encore plus importante. La raison en est qu'ils s'appuient sur une couche sociale différente. Leurs bastions se trouvent dans les villes qui comptent beaucoup d'étudiants, d'universitaires, de fonctionnaires et d'employés du secteur public. Ces couches, un peu mieux loties que le reste, sont plus réceptives à la propagande comme quoi les « réformes » servent à la nécessaire « modernisation » du système economique et social.

Parallèlement à l'élection européenne, on élisait aussi le parlement du Land de Thuringe. Le résultat de cette élection montre nettement que les pertes du SPD ne s'expliquent pas par les particularités de l'élection européenne. Avec 14,5%, le SPD y obtint le second plus mauvais résultat de son histoire dans une élection parlementaire régionale, et cela dans le Land où il a vu le jour au dix-neuvième siècle. Les villes d'Erfurt et de Gotha, qui donnèrent leur nom à deux des programmes du SPD, se trouvent toutes deux en Thuringe.

Dans cette élection où la participation fut de 54%, le SPD perdit les trois-quarts de ses électeurs par rapport à la dernière élection législative fédérale dans ce Land (taux de participation 75%). Seules 147.000 personnes votèrent pour le SPD au lieu de 579.000 en 2002. Là aussi le PDS profita du déclin du SPD. Il attint avec 26,1% des voix son meilleur score dans une élection parlementaire d'un Land. La CDU put légèrement améliorer son score par rapport à l'élection législative fédérale (où elle fit un très mauvais score) mais elle subit une perte de 8% par rapport à la dernière élection parlementaire dans ce Land. Elle ne put défendre sa majorité absolue au parlement de Thuringe que parce que le FDP et les Verts obtinrent moins de 5% et n'eurent pas de représentation.

« Continuons comme ça ! »

Le SPD réagit à la débâcle électorale en disant qu'il fallait persister dans la voie empruntée. Le chancelier Gerhard Schröder exclut catégoriquement tout changement de cap. « Nous devons poursuivre cette politique parce qu'elle est objectivement nécessaire » ; « C'est pourquoi je ne peux pas soutenir une autre politique », furent ses commentaires. Franz Müntefering, le secrétaire national du SPD, s'opposa également à tout changement fondamental à la politique de réformes. « Je crois que nous avons simplement besoin de temps » expliqua-t-il. Les citoyens selon lui « ne se sont pas encore rendu compte » du succès de réformes telles celles de la Santé.

A la direction du SPD personne ne réclama non plus une autre politique gouvernementale. La soit-disant gauche du parti ne fit entendre que des appels à plus de discipline. L'ex-président des « Jusos » (Jungsozialisten, l'organisation de jeunesse du SPD - ndlr) Andrea Nahles, dit à la chaîne de télévision ARD que trop de ministres ne s'occupaient que de leurs ministères et pas assez du profil du SPD. Il n'y aurait, selon elle, pas de meilleur chancelier que Schröder, mais si le « jeu collectif » du SPD ne s'améliorait pas il y aurait une « rébellion » dans le parti.

Schröder bénéficia de l'appui des médias et de la principale organisation patronale allemande, le BDI (Bundesverband der deutschen Industrie).

Dans l'éditorial de l'hebdomadaire Die Zeit, Michael Naumann demanda que chancelier et le SPD « naviguent délibérément à l'encontre de la tempête ». Il adjura le gouvernement, auquel il a lui-même appartenu, de ne pas « [abandonner] le cours des réformes », car il « serait perdu ». « La chance de survie de Schröder » résiderait, selon lui, dans sa capacité à « faire accepter le renoncement à la population pour des années.»

Le président du BDI, Michael Rogowski, assura le chancelier qu'il : « comptait sur lui ». Lors de l'assemblée annuelle de l'organisation patronale qui eut lieu à Berlin deux jours après l'élection, il loua le gouvernment pour avoir produit, sous la forme de l' « Agenda 2010 » un train de réformes « comme on n'en avait pas vu depuis longtemps en Allemagne fédérale. ». Il était maintenant crucial que la coalition Rouge-Verte ne quittât pas la voie où elle s'est engagée. « Cela peut faire aussi mal qu'on veut, persistez, allez jusqu'au bout » lança-t il au chancelier qui était présent. « Arrêter, signifierait sombrer, nous ne vous le souhaitons pas ».

Même un dramaturge comme Brecht ne pourrait pas mieux décrire la situation politique de l'Allemagne de façon plus expressive que ne le font ces scènes. Des millions d'électeurs et des centaines de milliers d'adhérents tournent le dos au SPD parce qu'ils refusent sa politique. Mais celui-ci leur répond en disant « continuons comme ça! » en quoi il est soutenu par l'ensemble de la classe dominante jusqu'au chef de la plus importante organisation patronale, qui lui crie : « Nous comptons sur vous ! ». On ne peut pas montrer plus clairement l'abîme qui s'est ouvert entre la masse de la population et la politique officielle.

Die Zeit sait bien qu'il y va là de plus que de la survie du gouvernment dirigé par le SPD, dont on escompte qu'il sera remplacé après l'élection aux parlements des Länder de Rhénanie-Westphalie en mai 2005, ou au plus tard après l'élection legislative fédérale de l'automne 2006. Derrière la forte abstention, dit Naumann, il y a « la crise de légitimité sous-jacente de la République fédérale ». Cette crise de légitimité se fonde « sur l'impression qu'ont les électeurs que c'est 'la politique' qui est responsable de ce que les bienfaits sociaux du passé ne seront plus disponibles ». La peur de la société face aux dangers de l'avenir « implique une impossibilité de gouverner le pays et, avec elle, s'accroît le mécontentement de l'électeur qui affecterait aussi un gouvernement conduit pas les conservateurs ».

Si l'on laisse de côté le ton arrogant de Naumann, qui rédige ses articles du point de vue de sa fonction fort bien payée et matériellement assurée de directeur de publication de Die Zeit, d'ancien ministre et d'ancien manager, ce qu'il explique, c'est que le refus des électeurs d'accepter le demantèlement social, conduirait à « la non-gouvernabilité du pays ». Ce faisant, il ne laisse aucun doute sur le fait qu'il considère la poursuite du cours actuel des réformes comme étant le devoir de tout gouvernement.

Cette déclaration de guerre à la population place la classe ouvrière devant la tâche de se touner vers une perspective socialiste.

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