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Allemagne : Première visite officielle de Merkel en Pologne : une main lave l'autre

Par Marius Heuser
(Article original publié le 10 décembre 2005)

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Après Paris, Londres et Bruxelles, la chancelière allemande, Angela Merkel, a fait sa première visite officielle en Pologne en se rendant le vendredi 2 décembre à Varsovie, la capitale polonaise.

La visite était attendue avec beaucoup d'intérêt vu les tensions continuelles qui ont existé entre Berlin et Varsovie ces dernières années.

Depuis la prise de position nette du gouvernement polonais en faveur de la guerre contre l'Iraq dont il soutient l'occupation avec ses propres troupes, la Pologne fait figure d'étendard pro-américain de la « nouvelle Europe » et donc d'adversaire de la « vieille Europe » dominée par la France et l'Allemagne. Le « partenariat stratégique » avec Moscou qui fut énergiquement encouragé par le prédécesseur de Merkel, Gerhard Schröder, suscita de la méfiance à Varsovie et réveilla les anciennes angoisses entre les deux nations. C'est ainsi que la Pologne protesta vigoureusement contre la décision, prise finalement au début de l'année, de construire un gazoduc sous la mer Baltique. Le tracé du gazoduc est censé contourner la Pologne en reliant l'Allemagne directement aux gisements de gaz de la Russie. Le gazoduc est vu comme la tentative de couper la Pologne de toute approvisionnement énergétique de Russie. Avec ceci la Russie disposerait au moins d'un moyen de pression sur la Pologne.

Merkel a cependant annoncé à maintes reprises qu'elle souhaitait améliorer les relations avec les Etats-Unis. Parallèlement, toutefois, elle revendiqua clairement, dans sa première déclaration de politique générale, le partenariat stratégique avec la Russie en soulignant qu'elle ne céderait pas aux objections polonaises contre la construction du gazoduc sous la mer Baltique.

Le parti sécuritaire nationaliste extrême, Droit et Justice (PiS), qui sortit vainqueur des élections législatives et présidentielles de l'automne dernier, avait alors adopté une attitude anti-allemande et anti-russe. Le président nouvellement élu, Lech Kaczynski, avait en 2003 déjà, soutenu le slogan « Nice [Traité signé à Nice et modifiant le traité sur l'Union européenne] ou la mort » avec lequel la Pologne fit capoter les négociations sur la constitution européenne. En tant que maire de Varsovie, il avait exigé que l'Allemagne verse des réparations pour la destruction de la capitale durant la Seconde guerre mondiale. Il avait même fait effectuer des calculs dans ce sens. Il s'opposa également à ce que la Pologne participe aux festivités organisées à Moscou à l'occasion du soixantième anniversaire de la fin de la Seconde guerre mondiale en affirmant que l'Armée rouge n'avait pas libéré la Pologne mais qu'elle l'avait occupé. Lors de la campagne électorale, il affirma que la Russie et l'Allemagne étaient les deux principales menaces auxquelles faisait face la Pologne.

Durant la visite de Merkel à Varsovie, il n'y avait plus trace de ces tensions. L'atmosphère régnant durant la rencontre entre Merkel et son homologue polonais, Kazimierz Marcinkiewicz, un membre du PiS et un confident de Maczynski, fut particulièrement détendue. La chancelière déclara que la Pologne et l'Allemagne devraient revenir à une coopération basée sur la confiance mutuelle. « Il était nécessaire que nous rendions visite à la Pologne sitôt la formation du nouveau gouvernement achevée car nous tenons à poursuivre nos relations amicales que nous voulons bien évidemment intensifier. »

Marcinkiewicz de son côté fit remarquer que cette réunion d'une heure avait ouvert un nouveau chapitre dans les relations bilatérales entre les deux pays. « C'est une excellente visite de Madame la chancelière ici à Varsovie. » Plus tard il ajouta : « Nous étions d'accord sur le fait qu'il est nécessaire d'intensifier les contacts sur le plan économique en vue d'accélérer la croissance dans les deux pays. » L'entretien de Merkel avec le président Lech Kaczynski eut également une caractère conciliant.

Merkel assura Marcinkiewicz qu'elle soutiendrait la Pologne dans son différend avec la Grande-Bretagne au sujet du budget communautaire. De plus, elle promit d'établir un groupe de travail qui superviserait la construction, sous la mer Baltique, du gazoduc controversé et qui veillerait à ce que des pays comme la Pologne puisse également bénéficier du projet.

L'atmosphère amicale dans laquelle se déroula la rencontre des deux chefs de gouvernement n'a pas pour autant écarté les tensions existantes. Elle éclaire aussi d'un jour nouveau les nouveaux gouvernements polonais et allemand.

En dépit de toute sa démagogie nationaliste, le gouvernement polonais ne souhaite pas gâcher ses relations avec Berlin et Bruxelles. La raison en est que la Pologne qui en devenant, avec plus de 26 milliards d'euros, le plus gros bénéficiaire net en subventions de l'Union européenne, aura besoin du soutien de l'Allemagne. L'Allemagne est le principal contributeur net au budget de l'UE et s'oppose aux efforts entrepris par la Grande-Bretagne pour réduire les subventions accordées aux nouveaux Etats membres d'Europe de l'Est.

Le gouvernement du PiS, tout comme son prédécesseur dirigé à l'époque par les post-staliniens de l'Alliance de la gauche démocratique (SLD), a activé le processus d'intégration de la Pologne dans l'Union européenne et dans le marché mondial. Le PiS attise le nationalisme polonais exclusivement dans un but national. Il n'a nullement pour cible les grandes entreprises ou les banques allemandes, européennes et internationales qui dominent l'économie et la société polonaise. Au lieu de cela, il est seulement censé canaliser vers une impasse réactionnaire le mécontentement dû aux conséquences catastrophiques de cette domination, en séparant les travailleurs polonais de leurs collègues d'Allemagne et de Russie. Ce nationalisme jouit de la bénédiction officielle de l'église catholique et est rattaché à tout ce qui est réactionnaire en Pologne : l'antisémitisme, l'homophobie et l'intolérance.

Lorsque, lors d'une conférence de presse commune avec Merkel, Marcinkiewicz, le chef du gouvernement qui a fait ses études grâce à une bourse allemande, dû répondre à une question sur ses tirades anti-allemandes lancées durant la campagne électorale, il contesta tout simplement les avoir jamais dites.

Merkel, quant à elle, est parfaitement consciente de la signification symbolique de ces tirades nationalistes. Elle évita de formuler des critiques à l'encontre du caractère réactionnaire du gouvernement polonais qui s'appuie sur des forces d'extrême droite et ouvertement antisémites.

Compte tenu d'un taux d'abstention record de 60 pour cent, le PiS, en obtenant tout juste 27 pour cent des voix lors des élections législatives, est donc arrivé au pouvoir avec le soutien d'à peine un sixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Il forma un gouvernement minoritaire soutenu au Sejm (la Diète polonaise) par le parti populiste de droite Samoobrona (autodéfense) et les catholiques ultras de la LPR (Ligue des familles polonaises). La LPR est issue de Radio Maryja, une station de radio de droite ultra religieuse et qui est devenue un point de ralliement de l'extrême droite en Pologne. Elle revendique l'intégration de l'Eglise catholique à l'Etat polonais et classe les Russes et les Allemands sur un pied d'égalité avec les Juifs, les homosexuels et les noirs comme ennemis d'un tel Etat. Des organisations fascistes telle la Jeunesse de la grande Pologne (Mlodziez Wszechpolska ) militent directement dans la mouvance de la LPR.

Le PiS partage lui aussi des opinions qui sont très à droite, même par rapport à celles d'autres partis conservateurs en Europe. Il est issu de l'aile droite de l'Action électorale Solidarité (AWS) qui forma le gouvernement de 1997 à 2001. Son objectif est l'établissement d'un Etat autoritaire et la réintroduction de la peine de mort. Le président désigné, Lech Kaczyinski et son jumeau identique et président du PiS, Jaruslav Kaczyinski, annonça durant la campagne électorale la venue de la Quatrième république qui surmontera à tout jamais le « communisme ». Ce qu'ils entendent par là, Lech l'a montré quand il était maire de Varsovie en interdisant une manifestation d'homosexuels et en critiquant la police pour avoir protégé les manifestants contre des attaques de néonazis.

Le fait que le PiS adopte à présent une politique similaire à celle de la LPR est un signe de la progression dans la destruction des droits démocratiques. Moins l'élite polonaise dispose du soutien de la population et plus son style de gouvernement devient agressif et autoritaire. Quinze ans après la soi-disant « révolution démocratique » la démocratie est tombée au niveau de la LPR. Le nouveau gouvernement a récemment annoncé avoir l'intention de créer une autorité antiterroriste qui centraliserait et coordonnerait « la lutte contre le terrorisme », ce qui entraînera, comme aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne ou en Allemagne, d'autres atteintes aux droits démocratiques.

Lorsque début 2000, les chrétiens-démocrates autrichiens invitèrent le parti d'extrême droite FPÖ de Jörg Haider à rejoindre le gouvernement, on avait encore pu assister à des protestations au niveau international. Les quatorze membres de l'UE rompirent leurs relations bilatérales avec l'Autriche et la présidente du Parlement européen, Nicole Fontaine, déclara que la communauté devait clairement prendre ses distances par rapport aux « propos insultants, xénophobes et racistes de Jörg Haider. » Bien qu'au vu de la politique xénophobe de l'UE au quotidien, de tels propos ne dussent naturellement pas être pris au pied de la lettre et que les sanctions ne fussent que symboliques, ils exprimaient néanmoins une certaine inquiétude au sein de l'élite politique européenne ; on craignait que la participation du FPÖ au gouvernement ne puisse entraîner une déstabilisation politique.

Six ans plus tard à peine, la Pologne est dirigée par un parti dont la démagogie droitière et l'idéologie autoritaire excèdent de loin celles du FPÖ de Haider. Il s'agit d'un parti se basant sur des forces encore plus à droite et que le faible score électoral privent de toute légitimité démocratique. Et pourtant, pas un seul gouvernement européen n'a protesté.

Le fait que Merkel, tout comme ses collègues européens, ait complètement ignoré cet état des choses, en dit long sur l'état de la politique européenne. Parce que les tensions sociales s'accentuent très rapidement dans chaque pays européen, les méthodes de Haider sont partout devenues acceptables. Le ministre de l'Intérieur français, Nicolas Sarkozy, traite la jeunesse des banlieues qui se rebelle de « gangrène » et de « racaille », l'ancien ministre allemand de l'Economie et du Travail, Wolfgang Clement, traite les chômeurs de « parasites ». En Grande-Bretagne, des droits démocratiques fondamentaux sont abolis par les nouvelles lois antiterroristes et en France l'état d'urgence est instauré pour trois mois. Merkel elle-même n'est devenue chancelière que grâce à un complot politique au moyen duquel les plus hautes autorités de l'Etat ont passé outre aux règles de leur propre constitution.

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