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Müntefering démissionne de la présidence du SPD

Par Peter Schwarz
(Article original paru Le 2 novembre 2005)

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Moins de six mois après que le chancelier Gerhard Schröder ait pris la décision de dissoudre le Bundestag malgré que la coalition SPD-Verts qu'il dirigeait ait été majoritaire, le chef du SPD, Franz Müntefering, a démissionné de la présidence du parti et par là provoqué une forte crise au SPD.

La raison d'agir est dans les deux cas la même. Schröder et Müntefering veulent démontrer qu'ils ne tolèrent aucune opposition, si faible fût-elle, à leur politique en faveur du patronat et qu'ils préfèrent passer le pouvoir à la droite plutôt que d'accepter des critiques dans leur propre camp.

Müntefering annonça sa démission après que la direction du SPD ait élu Andrea Nahles, l'ancienne dirigeante des «Jusos » (l'organisation de jeunesse du SPD) au poste de secrétaire général par 23 voix contre 14 à son poulain, Kajo Wasserhövel. Müntefering interrompit alors la séance, convoqua une réunion avec le présidium du Parti et annonça aux membres ébahis de sa direction qu'il ne serait plus candidat à la présidence du SPD au prochain congrès, qui doit se tenir dans une semaine et demie.

On aurait pu croire que l'élection d'un candidat à un poste dirigeant et qui ne serait pas directement soutenu par le président est un processus démocratique des plus normaux. Mais pas au SPD. Müntefering réagit en donnant sa démission et la presse tomba à bras raccourcis sur les dissidents. On parla de « harakiri », du « plaisir de descendre » de la «victoire de l'irrationnel sur le raisonnable », de «putsch » et de « sédition contre le chef du SPD », juste parce que la majorité des membres de la direction avaient décidé autre chose que le président lors d'une élection à bulletin secret.

Il faut dire que Nahles est tout sauf une opposante politique de Müntefering. Cette diplomée en littérature de 35 ans a été promue « toutes ces dernières années» par Müntefering et elle lui en est « très reconnaissante », comme elle l'a bien volontiers admis dans une interview donnée récemment au journal Süddeutsche Zeitung.

On situe bien Nahles à l'aile gauche du parti. Mais cette dernière soutien depuis des années tout ce qui est mis en avant par la direction du parti : les interventions de l'armée allemande en Yougoslavie et en Afghanistan, l'Agenda 2010, la grande coalition. « Nous voulons tous le succès de la grande coalition. Un parti ne peut pas agir contre le gouvernement qu'il constitue » a dit Nahles à la Süddeutsche Zeitung peu avant son élection. Son caractère de gauche se limite à des critiques occasionnelles, peu audibles et purement verbales.

Cette aile soi-disant de gauche a de plus conclu une alliance avec les soi-disants «connecteurs », un groupe de jeunes fonctionnaires et carriéristes invétérés regroupés autour de l'ancien ministre-président de Basse-Saxe, Sigmar Gabriel. Selon des rapports de presse, l'aile gauche se serait entendue avec ces gens afin de soutenir l'ambition de Gabriel à devenir ministre de l'environnement dans le prochain gouvernement si ceux-ci votaient pour Nahles au comité directeur.

Le politologue Franz Walter caractérise dans Spiegel online ces «connecteurs » comme «ce groupe dans la fraction parlementaire du SPD, qui s'est retrouvé en 1998 afin de donner à de jeunes parlementaires un havre et une structure de patronage. Il n'y a jamais eu dans ce groupe de plate-forme politique commune, de programme pour lequel ils seraient responsables, ou même de conception stratégique précise pour un changement dans le SPD après Schröder... Leur base commune consiste uniquement dans le fait qu'ils sont jeunes et qu'ils veulent à l'avenir accéder à l'establishment politique ou plus précisement y être acceptés avec bienveillance. Les connecteurs on toujours été considérés pendant toutes ces années comme des opportunistes plutôt dénués de principes ».

La plupart des membres de la direction on voté pour Nahles parce qu'ils craignaient que la décheance du SPD comme organisation ne se poursuive si le parti n'était plus vu que comme le commis d'une grande coalition avec à sa tête Angela Merkel. Le poulain de Müntefering, Kajo Wasserhövel, est considéré comme le bras droit de celui-ci et comme un organisateur relativement peu politique. Elu, il aurait fait en sorte que le parti soit tenu fermement en laisse par son président, qui aurait de surcroit été vice-chancelier et ministre du travail.

Müntefering lui même écrit à ce sujet dans une lettre adressée aux membres de son parti. «Je voulais être le président de ce parti et le vice-chancelier de ce gouvernment ». «Etre en même temps parti et gouverner n'est pas facile. Et ce l'est moins encore dans une grande coalition....C'est pourquoi j'ai proposé un mode de travail particulier de la direction rapprochée du parti et en outre Kajo Wasserhövel comme secrétaire général».

Nahles insistait au contraire pour avoir un «secrétaire général politique» qui ne s'assure pas seulement de ce que le parti serre les rangs derrière le gouvernement, mais "« développe » aussi « une réserve d'idées dans les prochaines années» et « prépare organisationellement une majorité pour 2009 » (les prochaines élections législatives), comme elle l'expliqua dans une interview. Il ne devait pas y avoir « seulement une perspective centrée sur Berlin », le parti devait aussi «s'ouvrir au niveau de la société civile».

En d'autres mots Nahles insistait pour qu'il y ait une certaine distance entre le parti et le travail quotidien du gouvernement ne serait-ce que pour enrayer la perte de membres et d'électeurs et empêcher une croissance du Parti de la gauche de Gysi et Lafontaine. Elle obtint de ce point de vue un soutien dans la direction du parti, où la façon autoritaire de diriger de Schröder et Müntefering est depuis longtemps une cause de frustration. C'est avant tout la décision d'une élection anticipée prise sans aucune concertation par Schröder, décision qu'il avait ensuite fondée en disant qu'il n'était plus sûr du soutien de sa propre fraction parlementaire, qui avait créé une mauvaise humeur persistante.

Selon un reportage de Spiegel online, c'est une contribution faite par Schröder lors de la réunion de la direction qui détermina qu'une majorité vota finalement pour Nahles. Schröder parla en faveur de Wasserhövel. «,Ça n'a guère fait avancer les choses' dit un témoin plus tard. Cela avait rappelé à la direction comment le parti avait été ,vidé de son sang' par la manière de diriger de Schröder, dit-il. Le vote avait donc selon lui aussi été une ,marque d'auto-affirmation contre sept années de Schröder'».

La révolte contre le candidat soutenu par Müntefering n'était donc pas dirigée seulement contre sa politique de droite ou contre la grande coalition, mais contre son style de direction autoritaire. C'est aussi la conclusion que tire FAZ.net. "« L'approbation obtenue par madame Nahles n'était pas seulement due à sa personne ou à son orientation politique » peut-on lire sur ce site. « Elle avait beaucoup à voir avec la manière de diriger de Müntefering qu'on considérait de plus en plus à la direction du parti comme autoritaire et à qui on reprochait de plus en plus de ne pas se concerter et de faire cavalier seul lors de la prise de décisions. »

Mais même cette contestation limitée fut de trop pour Müntefering. Il ne veut et ne peut tolérer aucune critique au sein de son propre parti, même lorsqu'il s'agit de questions d'organisation. La raison en sont les mesures drastiques d'austérité préparées par la grande coalition. Ce n'est pas un hasard si le jour même où Müntefering annonçait sa démission du poste de président avait lieu une discussion au sommet des partenaires de la coalition, au cours de laquelle on discuta d'éliminer 35 milliards d'euros dans le prochain budget. Les participants à cette discussion décidèrent d'observer le plus strict silence quant à ses résultats.

Les coupes budgétaires provoqueront immanquablement l'indignation et la résistance chez les électeurs et les membres du SPD. Tout différend à l'intérieur du parti pourrait dans ces conditions devenir la cause de vifs conflits. Le style autoritaire grâce auquel Müntefering discipline le parti est de ce point de vue une anticipation des méthodes autoritaires avec lesquelles une grande coalition traitera la résistance de la population.

En annonçant sa démission, Müntefering réussit à réduire au silence ses critiques à l'intérieur du SPD. A peine la nouvelle fut-elle connue que la droite du parti s'est jetée sur les membres de la direction qui avaient voté pour Nahles. « Idiotie monumentale », « incompréhensible » et « manque de maturité » furent encore les reproches les plus charitables.

Les supporters de Nahles se présentèrent les uns après les autres devant les caméras de télévision et assurèrent qu'ils n'avaient « pas voulu cela ». S'ils avaient su que Müntefering allait démissionner ils auraient voté autrement dirent-ils. Andrea Nahles annonça elle-même qu'elle allait peut-être retirer sa candidature avant le congrès du parti. Et l'actuelle ministre du Développement, Heidemarie Wieczorek-Zeul, qu'on tient pour une des organisatrices de la campagne en faveur de Nahles, annonça qu'elle renonçait à sa fonction de vice-présidente du SPD, laissant le poste vacant pour Nahles en guise d'alternative.

Au congrès qui doit se tenir les 12 et 13 novembre, cela ne fait déjà plus de doute, on rendra hommage à Müntefering, que personne n'osera plus critiquer. Sur Internet a déjà commencé une campagne dans le but d'inciter Müntefering à rester dans ses fonctions.

Celui-ci a entre temps annoncé qu'il allait continuer de conduire les négociations sur la coalition « avec la plus grande énergie » et qu'il allait aussi prendre les fonctions de vice-chancelier et de ministre du Travail. Il est peu probable en revanche que Müntefering reste président du SPD. Le ministre-président du Land de Brandebourg, Matthias Platzeck, a depuis été nommé pour lui succéder.

«Le rajeunissement de la direction du SPD se produit à présent plus tôt que nous ne l'avions pensé. Je veux contribuer à ce qu'il réussisse » écrit Müntefering dans sa lettre aux membres du parti. Parmi les «connecteurs » déterminés à arriver au sommet, on trouvera sans peine des gens qui seront au service de Müntefering et de la grande coalition. Le «rajeunissement de la direction du SPD» pourrait alors bien vite s'avérer être une modernisation style Tony Blair.

Même si le SPD devait réussir de cette manière à surmonter la présente crise, la démission de Müntefering montre néanmoins dans quelle mesure la grande coalition est instable. Elle se désagrège avant même d'exister. Tandis qu'on se posait encore des questions sur le sort de Müntefering et du SPD, une autre figure clé de cette coalition, Edmund Stoiber, battait en retraite et retournait en Bavière.

Stoiber, qui des semaines durant avait hésité avant d'accepter des fonctions ministérielles à Berlin, annonça mardi qu'il avait, c'était «définitif », résolu de rester ministre-président de Bavière. Michael Glos doit devenir ministre de l'Economie à sa place.

Stoiber justifia sa retraite en invoquant la démission de Müntefering. La situation au SPD s'est selon lui modifiée. Müntefering avait été «une autorité, un pilier d'angle de la grande coalition», c'est pourquoi la base sur laquelle «se fond[ait] son entrée au gouvernement fédéral n'exist[ait] plus ».

La véritable raison de la retraite de Stoiber est probablement le fait que la CSU fait face en Bavière à une crise semblable à celle du SPD. Avec des résultats électoraux entre 50 et 60 pour cent, elle a aussi le soutien d'ouvriers qui réagissent nerveusement aux coupures sociales. A peine Stoiber s'était-il décidé à aller à Berlin qu'une lutte pour sa succession éclatait entre son directeur de la chancellerie, Erwin Huber, considéré comme le tenant d'une politique économique néolibérale et le ministre de l'Intérieur bavarois Günther Beckstein, qui prend fait et cause pour un Etat autoritaire gardant un aspect social. Un conflit qui ne peut être empêché que par le retour de Stoiber.

Stoiber serait aussi en colère du fait que la chancelière désignée, Angela Merkel, ne lui a pas accordé le super-ministère de L'Economie et de la Technologie qu'elle lui avait promis.

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