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Un témoin des émeutes parisiennes accuse la police de provocation délibérée

Par Antoine Lerougetel
Le 5 novembre 2005

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Les émeutes en banlieue parisienne et dans d'autres régions de France sont entrées vendredi dans leur deuxième semaine consécutive avec des jeunes appauvris et en colère qui continuent de combattre la police. Les batailles se sont étendues pour atteindre Dijon (Côte d'Or) et Marseille (Bouche du Rhône).

Alors que l'élite politique vacillait entre promesses creuses « d'action » contre le chômage et menaces de répression encore plus sévères, un document publié sur un site internet anti-raciste Les mots sont importants (http://lmsi.net/nouveautes.php3) donne la version d'un témoin oculaire des provocations de la police dans la cité du Chêne Pointu. Cette cité de Clichy-sous-Bois (au nord-est de la banlieue parisienne de la Seine-Saint-Denis) était la ville d'origine des deux adolescents dont la mort par électrocution, essayant d'échapper à la police, le 27 octobre, fut à l'origine de la vague de violence.

Ce document allègue qu'une opération massive de police était délibérément conçue pour exacerber le conflit avec les jeunes de la cité après que des émeutes initiales, suite aux décès des deux adolescents, se soient quelque peu apaisées.

L'auteur du compte-rendu, Antoine Germa, professeur d'histoire-géographie, débute son témoignage en disant, « Je suis à Clichy par intermittence depuis samedi matin pour préparer avec une journaliste de France-Inter une série d'émissions sur la situation à Clichy-sous-Bois. La ville s'est 'embrasée' du jeudi 27 octobre au soir au lundi 30 au soir. Je livre ici ce que j'ai vu, entendu, compris, et ce qui m'a été rapporté. »

Il juge improbable, au premier abord, le démenti de Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur de droite, que la police ait poursuivi les jeunes. « Pourquoi aller [les jeunes] dans cette ruelle et escalader une palissade pour se cacher dans un transformateur EDF alors même que leur cité se trouvait non loin du lieu du drame ? » demande-t-il.

L'on assista cette nuit là et les nuits suivantes à des émeutes violentes et des batailles avec des CRS armés et équipés comme s'ils partaient en guerre.

Cependant, le 30 octobre, jour de la marche silencieuse pour la commémoration de la mort tragique de Zyad Benna et de Bouna Traore, organisée par des groupes musulmans et la mosquée locale, « tout paraissait calme toute la journée et les forces de l'ordre demeuraient invisibles. »

Germa poursuit : « Samedi soir, au moment de la rupture du jeûne [Ramadan] (vers 18h30), 400 CRS et gendarmes sont sortis un peu partout dans la cité en cohorte, à la façon des légions romaines, au pas de course, visière baissée, bouclier au bras, et flashball à la main, ils parcourent les rues une à une contre des ennemis invisibles. A cette heure, tout le monde mange et personne ne reste dehors. Pourquoi cette démonstration de force alors même que les rues étaient particulièrement calmes ? 'Provocations policières' répondent à l'unisson les habitants interrogés. »

Le récit du professeur continue : « Au bout d'une heure, quelques jeunes sortent et se tiennent face aux policiers : tous attendent le début des affrontements. Quel sens donner à cette stratégie policière à part celui qui consiste à vouloir 'marquer son territoire', c'est-à-dire appliquer une version animale et musclée du retour à 'l'ordre républicain'. » Néanmoins Antoine Germa est d'avis que la nuit de samedi fut bien moins violente que les deux nuits précédentes et qu'il aura fallu l'attaque d'une mosquée au moyen de grenades lacrymogènes à 9 heures du soir, délit dont le principal suspect est la police, pour que tout s'embrase.

La question à poser est la suivante : Qui donna l'ordre à la police d'intervenir pour attiser la colère et inciter les jeunes à l'action ? Qui profite d'une telle provocation apparemment gratuite de l'Etat contre les couches les plus vulnérables et les plus exclues de la société ? Bien évidemment, les forces politiques qui pensent tirer profit sont celles qui ont un programme sécuritaire répressif.

Il y a tout lieu de penser que le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, est déterminé à fomenter la révolte des jeunes dans les cités HLM entourant Paris.

Après d'amples critiques ­ certaines formulées même au sein de son propre parti, l'Union pour un Mouvement Populaire (UMP) ­ pour ses propos provocateurs traitant les jeunes en majorité immigrés et musulmans vivant dans ces cités ouvrières pauvres de « racaille » et de « gangrène » qu'il faut « nettoyer au Kärcher », Sarkozy maintint sa position du 3 novembre.

« Ce qui est extraordinaire », dit-il, « c'est se préoccuper des mots et pas des réalités Il n'y a pas d'avenir pour nos quartiers si l'on ne sort pas de ces quartiers les bandes, l'économie souterraine, les trafics et les trafiquants les deux mots qui comptent ce sont les mots fermeté et justice. »

Sarkozy ne mentionna ni la pauvreté et la détresse sociale de ces cités ni les restrictions budgétaires imposées par son gouvernement, causes fondamentales du ressentiment éprouvé contre tous les représentants de l'autorité de l'Etat et que ses actions policières répressives et son langage dégradant ont porté au point d'ébullition.

Depuis l'incursion massive des forces spéciales de police anti-émeute, l'ensemble des banlieues nord de Paris ont connu des troubles et des batailles rangées entre les jeunes et la police.

La nuit où Sarkozy fit ses dernières remarques on assista à une escalade brutale de la rage destructrice des jeunes. Au total 519 voitures furent incendiées en île de France (région parisienne) contre 222 la nuit précédente. Des attaques ciblèrent des symboles de l'autorité de l'Etat : un commissariat de police, le tribunal d'instance de Bobigny où nombre de jeunes arrêtés passent en comparution immédiate ; un dépôt d'autobus à Trappes ; une école primaire à Stains, des magasins, un salon d'exposition de voitures, un supermarché et des entrepôts furent incendiés et pillés.

Selon des reportages, des groupes de jeunes très mobiles se déplacèrent dans différentes cités, forçant ainsi les 1 300 policiers à couvrir l'ensemble de la région.

Dans le reste de la France, 77 voitures brûlèrent et des escarmouches entre jeunes et forces de l'ordre se produisirent dans des cités à Dijon et à Marseille.

Durant la première semaine de la révolte urbaine, on compta 135 arrestations ; 27 adultes furent accusés et 16 incarcérées. Mercredi soir à Bobigny, un jeune adulte fut condamné à un mois d'emprisonnement et un autre à trois mois, trois autres à des peines de six mois et de neuf mois d'emprisonnement avec sursis.

Amar Henni, responsable de formation des travailleurs sociaux au Centre de formation d'Essonne, en banlieue parisienne, déclara à la presse : «Un jour il y aura un embrasement général. Quand le ras-le-bol aura intégré d'autres générations que les jeunes.»

Redoutant une telle éventualité, l'éditorial du quotidien Libération, proche du Parti socialiste, qui auparavant avait exhorté à la prudence, jeta tout son poids du côté des forces de répression, en déclarant que la violence des jeunes «ne sont pour partie que la manifestation d'un mal-être nourri d'exclusion, d'injustices et de misèreforce doit rester à la loi. On ne doit pas abandonner des zones entières à une violence minoritaire qui pourrit d'abord des habitants des cités. »

Entre-temps, le journal de droite, le Figaro qui, dans des derniers éditoriaux, avait plus ou moins reproché à Sarkozy ses dérapages verbaux, publia un article que le néo-fasciste Jean-Marie Le Pen pourrait parfaitement endosser. Les racines du problème, affirme-t-il « sont les conséquences d'une politique d'immigration sans contrôle. »

Ce brusque virage à droite de l'élite politique française, sous couvert d'une hystérie anti- immigration, est un avertissement à la classe ouvrière toute entière : les attaques incessantes contre les acquis et les droits fondamentaux ne vont pas s'arrêter là.

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