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France: état d'urgence ­Sarkozy annonce des expulsions collectives

Par Antoine Lerougetel
Le 12 novembre 2005

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Le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, a clairement teinté de racisme l'état d'urgence instauré en France le 8 novembre à minuit. Le lendemain à l'Assemblée nationale, il exposa ses instructions aux préfets dont la tâche sera d'appliquer la répression policière contre la révolte des jeunes des banlieues qui fait rage depuis plus de deux semaines dans les cités.

« J'ai demandé aux préfets que les étrangers, qui sont en situation régulière ou irrégulière, qui ont fait l'objet d'une condamnation, soient expulsés sans délai de notre territoire, y compris ceux qui ont un titre de séjour » dit Sarkozy « Quand on a l'honneur d'avoir un titre de séjour, le moins que l'on puisse dire c'est que l'on n'a pas à se faire arrêter en train de provoquer des violences urbaines. »

Le Conseil national des barreaux a signalé que des obstacles juridiques entravaient l'application de l'ordre réactionnaire de Sarkozy de procéder à des expulsions collectives. Les représentants de Sarkozy répondirent qu'il ne s'agissait là que d'une question « d'éthique » « Nous savons très bien que les effectifs d'expulsion ne seront pas très importants, mais il est anormal que des personnes munies d'un titre de séjour se permette de mettre le feu à des voitures ou de taper sur la police. » Ils espèrent que la mesure aura un effet d'intimidation : « Leur dossier est ensuite marqué au fer rouge » dit un avocat, « la sanction risque de poursuivre une personne pendant de longues années.Il n'aura aucune chance d'obtenir ne serait-ce qu'un visa de tourisme »

Sarkozy a ainsi rétabli la « double peine » qu'il avait auparavant allégée. Elle consiste à condamner un étranger résidant régulièrement en France à la peine correspondant à son délit mais aussi à l'expulser de France. Il informa l'Assemblée nationale que 120 résidents, dont tous n'étaient pas en situation irrégulière, furent condamnés pour avoir participé aux violences.

Dominique Sopo, président de SOS Racisme, groupe antiraciste, fit savoir qu'il saisissait le Conseil d'Etat qui est la plus haute juridiction administrative en France. Dominique Sopo souligna que « la proposition de Nicolas Sarkozy est illégale. » Il parla d'« expulsion collective.»

Jean-Marie Le Pen, dirigeant du Front national néofasciste, qui obtint 18 pour cent des votes au premier tour des élections présidentielles de 2002, appuya avec enthousiasme les actions de Sarkozy. Il s'est dit «très sensible à l'hommage désormais permanent que lui rendent MM. De Villiers et Sarkozy, reprenant qui les slogans, qui les propositions du Front National, et bravant ainsi la pensée unique.»

Sarkozy a acquis de l'ascendant sur les vieux gaullistes qui entourent Chirac et arraché la présidence du parti aux partisans du président au moyen d'une politique sécuritaire et anti ouvrière extrême et d'accusations délibérément insultantes à l'égard des jeunes des cités. Ses mesures de répression très énergiques contre les immigrés en situation irrégulière sont également un moyen de récupérer les partisans de Le Pen. Alors que les violences des jeunes s'embrasaient, il fit l'objet de critiques du camp Chirac-Villepin pour avoir provoqué les jeunes en les traitant de « racaille » et de « gangrène ».

L'instauration de l'état d'urgence ne fut rejetée par aucun député de l'Assemblée nationale, ni même ceux des partis socialiste et communiste. Cette mesure confère à Sarkozy, en tant que ministre de l'Intérieur et premier policier de France, des pouvoirs de police arbitraires à l'intérieur de ces mêmes cités qu'il avait promis, au cours des semaines qui précédèrent la révolte du 27 octobre, de nettoyer au Karcher. Ceci l'a incité à intensifier sa chasse aux sorcières contre les immigrés.

Sarkozy a repris sa rhétorique populiste de droite après seulement quelques jours de retenue. Lors d'un débat télévisé jeudi soir, il réitéra ses propos insultants. « Ce sont des voyous, des racailles, je persiste et je signe.», dit-il en affirmant vouloir protéger les habitants des cités de ces délinquants. Il fut tout particulièrement hostile à l'égard d'Adil, jeune habitant d'une cité de la banlieue Nord de Paris et de Lilian Thuram, vedette de football et ancien capitaine de l'équipe de France, qui avait critiqué les violences policières.

Il mit même en question le droit de ce dernier à exprimer son opinion sur le sujet. « Qu'est-ce qu'il [Lilian Thuram] vient faire là-dedans ? » railla-t-il « C'est un très grand champion de football qui gagne très bien sa vie ­ ce n'est pas un reproche ­ mais en quoi est-il concerné par cela ? Ca fait bien longtemps qu'il n'habite plus dans ces quartiers.» Il poursuivit en traitant avec mépris les intellectuels et en affirmant que ce qu'il faisait, lui, c'est « décrire la réalité telle qu'elle est avec les mots des gens et pas seulement ceux qui ont bac plus dix-huit. »

Dans l'émission d'Arlette Chabaud sur France 2, Sarkozy rejeta vigoureusement et fit peu cas, grâce au concours de la journaliste, des accusations des habitants des cités selon lesquelles la police était insultante, raciste et violente. Ce qui est en contradiction flagrante avec la vidéo diffusée ce jour là sur la chaîne nationale, montrant la police en train de tabasser un jeune homme interpellé. Sur les huit policiers suspendus dans cette affaire, cinq seront mis en accusation pour violences aggravées par deux circonstances : en réunion et « commises par personnes dépositaires de l'autorité publique dans l'exercice de leurs fonctions. » Sarkozy ordonna l'ouverture d'une enquête judiciaire.

Au cours des deux semaines que dura la révolte des jeunes, la police procéda à 2 234 interpellations et quelque 6 000 voitures furent brûlées. Jeudi soir, on enregistra une baisse de 4 pour cent des incendies de voitures sur l'ensemble du territoire, contre 463 voitures et 221 arrestations la nuit précédente. Jusque-là, les compagnies d'assurances ont estimé les dégâts à 200 millions d'euros qu'elles auront à couvrir.

Des peines d'emprisonnement furent infligées à 217 adultes et à 56 mineurs. La police plaça 1 462 personnes en garde à vue dont 329 furent immédiatement jugées. 281 mineurs comparurent devant le juge des enfants. A Marseille, 13 enfants entre 10 et 13 ans ont été arrêtés depuis le début de la semaine.

L'éruption sociale qui se produit chez les jeunes, même si elle ne s'exprime pas politiquement, est un signe précurseur de l'intensification de la lutte de classe. En imposant l'état d'urgence, l'élite dirigeante française s'est engagée sur la voie d'un Etat policier. Elle reconnaît que le fait d'abaisser le niveau de vie et les droits des travailleurs pour rendre les entreprises françaises plus compétitives sur le marché mondial requièrent une attaque contre les droits démocratiques et les subtilités juridiques. Le conseil des ministres devrait se réunir à la fin de la semaine pour décider de la prorogation de la durée de douze jours de l'état d'urgence stipulée par la loi de 1955.

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