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Espagne : des réfugiés tués, des survivants abandonnés dans le désert marocain

Par Paul Stuart
Le 22 octobre 2005

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Pendant des semaines, des reportages télévisés européens montrèrent des images de migrants ensanglantés et maltraités essayant d'escalader la clôture militarisée séparant le Maroc des postes coloniaux espagnols de Ceuta et Melilla. Cinq furent tués par balles alors qu'ils essayaient d'escalader la clôture frontalière pour entrer à Ceuta et six autres moururent au cours d'"affrontements" avec des forces de sécurité marocaines et espagnoles à Melilla.

Telle est la fin brutale et tragique pour des personnes ayant enduré un voyage terrifiant de 3,800 Km, en partant des pays africains sub-sahariens les plus pauvres tels que le Cameroun, le Niger, le Mali et le Burkina Faso. Beaucoup de migrants ont entrepris un périple de près de deux ans pour échapper aux guerres civiles, aux dictatures, à la sècheresse et à la famine pour finir roués de coups par les gardes frontières marocains et espagnols et rapatriés de force. Des organisations des droits de l'homme ont décrit cette politique comme une violation de la Convention de Genève sur le traitement des réfugiés.

Un reportage sur SignonSandiego.com décrivit l'expérience d'un réfugié en route pour le Maroc, "En chemin, il vit l'inénarrable - des hommes si assoiffés qu'ils buvaient leur propre urine puis suppliaient d'autres personnes de leur donner leur urine, une faim à vous rendre fou, la peau qui craque sous un soleil fulgurant, des saignements de nez terribles où le sang coule à flots.... Par la suite vinrent 18 mois dans les coteaux d'une forêts de pins au Maroc se cachant de la police armée de matraques le jour, sortant furtivement la nuit pour manger les restes des poubelles et évitant les bandits. Sa destination : cette enclave espagnole sur la côte nord-africaine...

L'Union européenne (UE) a financé la militarisation de la frontière espagnole avec l'Afrique car cela fait partie intégrante de sa stratégie "Forteresse Europe". Le 11 octobre, Amnesty international publia un communiqué de presse disant : "La situation présente désastreuse en Afrique du nord où les personnes essayant d'avoir accès au territoire de l'UE seraient tuées ou même jetées dans le désert sans vivres ni eau, est à mettre en relation directe avec la pression exercée par les pays de l'UE pour renforcer la forteresse Europe."

Le commissaire à la Justice et à la Sécurité de l'UE, Franco Frattini, aggrava les tensions quand il dit aux ministres de l'UE, selon une copie de ses notes de discours, "Les informations dont nous disposons indiquent qu'environ 20,000 immigrés attendent en Algérie, prêts à entreprendre leur voyage en direction du Maroc, puis Ceuta et Melilla avec 10,000 personnes de plus qui attendent déjà au Maroc."

Frattini réagit à la requête de l'Espagne qui réclamait davantage d'aide, ajoutant que "nous allons envoyer un message aux Marocains pour leur dire que l'Europe se tient prête à s'engager très prochainement sur les voies terrestres aussi, mais l'Europe exige un engagements fort et clair de la part du Maroc."

L'Espagne et l'UE ont constamment et assidûment bloqué aux plus démunis toutes les voies d'accès en Europe non reconnues officiellement au moyen de patrouilles navales jointes coupant l'accès à l'Espagne via la Méditerranée et l'Océan Atlantique. Depuis 1997, les estimations prudentes dénombrent à plus de 4,000 les migrants morts noyés. Nombreuses sont les embarcations peu sûres et bondées et on soupçonne fortement la sécurité navale espagnole d'ignorer les bateaux en détresse malgré un système radar parmi les plus avancés au monde.

Selon les récits de témoins oculaires de Melilla, la célèbre garde civile espagnole rouait de coups ceux qui arrivaient du côté espagnol de la clôture et « rapatriait » de force ceux qu'elle attrapait. Les blessés et mourants étaient littéralement ramassés, une barrière était ouverte dans la clôture et ils étaient déchargés au Maroc à la merci des troupes. Les autorités espagnoles ont refusé de condamner ou d'enquêter sur la conduite de la Garde civile et, au contraire, ont loué leur professionnalisme devant une situation difficile. Abdela Bendhiba, gouverneur marocain de Nador, décrivit l'action de ses troupes comme ayant été "dans les limites de la légitime défense."

Ceux qui escaladaient la clôture et se rendaient aux autorités plus tard, s'attendant à être traités selon les statuts de la Convention de Genève, vont, maintenant, faire face à une déportation immédiate vers le Maroc par les autorités espagnoles. Wolfgang Grenz d'Amnesty International déclara, "ce serait une décision fatale que l'Espagne choisisse de ne pas respecter les obligations de la Convention de Genève sur la protection des réfugiés."

Réagissant aux scènes diffusées à la télévision espagnole, le premier ministre espagnol du Parti socialiste (PSOE), José Luiz Zapatero, envoya 500 soldats supplémentaires - non pour remédier à la crise humanitaire mais pour renforcer la "sécurité" des frontières de l'Espagne, proclamant ceci comme sa priorité première. Zapatero avait déjà ordonné que la hauteur de la clôture soit doublée pour atteindre six mètres de haut. Selon un reportage, les autorités contactèrent des spécialistes haute technologie en systèmes de sécurité corporative pour utiliser la technologie dernier cri afin de suivre à la piste le mouvement des migrants le long de la clôture frontalière.

Le gouvernement espagnol est en train de ressortir des placards son accord de 1992, signé avec le Maroc, et demande à l'UE un financement supplémentaire. Les accords remis en vigueur autorisent l'expulsion vers le Maroc des "personnes entrées illégalement", même si elles sont d'une autre nationalité. Zapatero dit de la remise en vigueur de cet accord, "Nous commencerons à rapatrier au Maroc.... C'est quelque chose qui ne s'est jamais produit avant mais qui se produira à présent."

Après avoir visité Melilla, le vice-Premier ministre, Maria Teresa Fernandez de la Vega, ne manifesta aucun regret. "Dans les prochaine heures, vraisemblablement demain ou le jour suivant, des immigrés clandestins seront retournés au Maroc," dit-elle.

Le ministre de l'Intérieur, Javier Antonio Alonso, aurait menacé, "Le message pour les migrants sans papier doit être clair : ceux qui entrent repartent immédiatement."

L'organisation Médecins sans frontières (MSF) basée en France déposa une requête urgente auprès du gouvernement espagnol pour qu'il respecte les droits des réfugiés et suspende son programme de rapatriement forcé vers le Maroc. Sa demande fut rejetée et un vol partit de l'Espagne pour Tanger le 7 octobre, le premier des nombreux "rapatriements" prévus.

Réfugiés abandonnés dans le désert

Médecins sans frontière dit avoir la preuve que les troupes marocaines embarquent de force des réfugiés, y compris les enfants, les femmes enceintes et les blessés dans des bus, les abandonnent au fin fond du désert entre le Maroc et l'Algérie pour y mourir. Selon l'organisation caritative, les bus avaient été loués par le ministère de l'Intérieur marocain. Le porte-parole de MSF, Carlos Ugarte, signala, "On entend dire que la police marocaine les a emmenés en direction du sud-ouest... là, c'est le désert.... Le camp (où il y avait aussi d'autres nationalités) n'est plus là et il y a des traces de lutte à cet endroit."

El Pais interviewa Javier Gabaldon, médecin espagnol. "La situation des migrants est effroyable," dit-il. "Mis à part les blessures causées par les fils métalliques de la clôture et des contusions occasionnées par la police marocaine et espagnole - et il y en a beaucoup -, à peu près 80 d'entre eux souffrent de faim et de soif. Nous avons distribué 400 litres d'eau et 180 paquets de biscuits et nous avons dû faire cela soigneusement parce qu'ils s'agrippaient à nous pour avoir de la nourriture. On leur a tout volé sur cette route et ils ne survivent que grâce à la compassion des villageois locaux."

Le porte-parole de SOS-Racismo, Elena Maleno, dit à la radio nationale espagnole qu'ils avaient localisé trois convois emmenant des personnes dans le désert dimanche. "L'un est constitué de neuf bus, dans un autre, il y en a sept et l'autre est parti pour Tanger avec plusieurs bus, dont un bus plein de femmes et de bébés."

Le témoin oculaire, Guy Rostand Tembon, décrivit ce qui se passa : "Les marocains nous firent descendre des bus la nuit, à quelques 20 kilomètres de la frontière algérienne.... Ils nous frappèrent et les femmes et les jeunes enfants furent attaqués. Puis nous avons marché en direction de la frontière - mais les Algériens nous attendaient, fusils pointés sur nous... Nous sommes désespérés. S'il vous plaît, faites quelque chose pour nous... Nous sommes dans un trou - nous ne savons pas où aller. Les femmes sont malades. L'Algérie refuse de nous laisser entrer et la ville d'Oujda, la plus proche, est à 500 kilomètres d'ici.

Le quotidien The Independent rapporta qu'après une critique sévère de la part des organisations humanitaires, les autorités marocaines commencèrent à rassembler ceux qu'elles avaient abandonnés plus tôt. "Samedi, des convois de véhicules de la police et de l'armée marocaines transportaient les Africains de nouveau à Oujda à la frontière nord entre le Maroc et l'Algérie d'où des Sénégalais et des Maliens devaient être renvoyés chez eux par avion.... Le destin des Africains d'autres pays, restait, cependant, incertain avec des informations selon lesquelles ils devraient être emmenés par camion au Sahara occidental et abandonnés de nouveau pour mourir de faim et de soif," rapportait le journal.

"Un crime contre l'humanité"

L'hystérie contre les migrants est galvanisée des deux côtés de la frontière comme en témoigne le reportage d'un journal marocain intitulé "les criquets noirs envahissent le nord du Maroc".

Enrique Santiago, secrétaire général de la commission espagnole pour l'assistance aux réfugiés (CEAR), décrivit les mesures répressives prises par des troupes marocaines et qui entraînèrent une crise humanitaire dans les campements africains.

"Le gouvernement marocain travaille avec le gouvernement espagnol sur le contrôle de l'immigration et a commencé à utiliser des méthodes qui ne respectent pas les accords nationaux liés aux droits de l'Homme," dit-il. "Ceci a conduit à des harcèlements systématique dans les camps où des migrants subsahariens se cachent de l'autre côté de la frontière."

Au cours d'un entretien avec le quotidien espagnol El Pais, Abu Baber du Mali décrivit les circonstances qui menèrent aux scènes désespérées. "Jusque il y a quelques mois, les soldats marocains venaient au camp avec leurs bâtons une fois par mois. Mais ces dernières semaines, cela se produit trois fois par jour."

Beri Amudi de la Guinée-Bissau raconta au journal comment des troupes les avaient encerclés si étroitement qu'ils ne pouvaient pas aller chercher d'eau potable, "Les gens commençaient à boire du ruisseau mais ils sont devenus malades. A la fin, les gars de Médecins sans frontière sont arrivés et ont forcé les agents à nous laisser boire. Je croyais que nous allions mourir de soif."

Esteban Beltran, directeur d'Amnesty International pour l'Espagne, ajouta que les autorités expulsaient les migrants sans vérifier leur identité ni considérer leur statut, en violation de la Convention de Genève qui interdit aussi d'expulser quiconque vers un pays où il pourrait être l'objet de tortures ou devenir victime d'un traitement inhumain ou dégradant. "La torture et la maltraitance sont endémiques au Maroc," dit-il.

Beltran décrivit les implications de la politique suivie par l'Espagne et le Maroc :

"Aucun migrant ne peut être déporté s'il n'y a pas eu vérification d'identité en présence d'un avocat et si son cas n'a pas été entendu. Les expulsions collectives vont à l'encontre des lois internationales et, si elles sont mises à exécution avec violence et en vue de donner la mort, elles pourraient être considérées comme un crime contre l'humanité."

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