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Alors que le bilan de Katrina se révèle

L'élite de la classe dirigeante américaine rejette tout changement de politique pour surmonter le désastre

Par Bill Van Auken
Le 7 septembre 2005

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Alors même que l'effroyable bilan de la catastrophe qui a frappé la Nouvelle-Orléans et la côte du golfe du Mississippi s'alourdit, l'élite de la classe dirigeante américaine exprime sa détermination à ne pas laisser ces immenses calamités nuire à son enrichissement.

Avec le retrait partiel des eaux qui ont recouvert la ville d'un demi-million d'habitants, la lugubre vérité de l'effet meurtrier de Katrina fait surface sous la forme macabre de corps boursouflés et en décomposition. Le maire de la Nouvelle-Orléans, Ray Nagin, a déclaré en fin de semaine qu'il était « bien possible que le nombre de victimes s'élève à 10 000 » dans la ville.

Parmi les découvertes tragiques se trouvaient les corps de 22 personnes qui se sont noyées après s'être attachées à un poteau dans le village paroissial de St-Bernard de Violet, juste à l'est de la Nouvelle-Orléans, dans ce qui semble avoir été une tentative pour éviter d'être emportés par les eaux montantes du Mississippi.

Dans son édition de mardi, le Times Picayune de la Nouvelle-Orléans citait des membres de la Garde nationale qui ont rapporté avoir vu une quarantaine de corps entreposés dans les congélateurs hors service du centre de convention de la ville. Beaucoup de ces personnes ont trouvé la mort en attendant en vain les opérations de secours qui sont arrivés très en retard.

« Les corps en décomposition à l'intérieur du centre de convention ne sont qu'un reflet des milliers d'autres corps qui se trouvent dans les entreprises, les écoles, les maisons et les abris de la région métropolitaine », rapporte le quotidien.

Le secrétaire à la sécurité intérieure des États-Unis, Michael Chertoff, dirige l'agence qui a échoué aussi lamentablement dans les préparatifs et la réaction au désastre. Il a exprimé sa préoccupation au sein de l'administration quant à l'impact politique continu qu'auront les horreurs de la Nouvelle-Orléans.

« Nous devons préparer le pays à ce qui s'en vient, a-t-il déclaré sur les ondes de l'émission "Fox News Sunday". Nous allons trouver des gens morts dans leur maison, peut être emportés par les eaux. Ce ne sera pas beau comme vous pouvez l'imaginer ».

Entre-temps, le désastre a fait plus d'un million de sans-abris, avec aucun plan national pour leur fournir de l'aide d'urgence ou un logement. Ces victimes dépossédées comprennent non seulement des centaines de milliers de personnes évacuées vers les abris, mais également des centaines de milliers d'autres qui ont réussi à se sauver, mais qui ont vu depuis leurs comptes bancaires vidés par le paiement de factures de motel et de nourriture.

Combler les besoins créés par ce désastre naturel - immensément aggravés par la confusion malheureuse du gouvernement pour s'y préparer ou y remédier - nécessitera des dépenses de centaines de milliards de dollars pour la construction d'habitations à loyer modique, la création d'emplois décents, l'organisation des services sociaux et la reconstruction, ainsi que le renforcement du système de contrôle des inondations de la région.

L'oligarchie financière qui domine les États-Unis n'a pas l'intention de faire un tel effort. Son porte-parole suggère de plus en plus que la majeure partie de la ville devrait tout simplement être rasée au bulldozer et ses résidents - particulièrement la population pauvre à prédominance noire de la ville - être éparpillés aux quatre vents.

Pendant ce temps, les grandes pétrolières ainsi que les géants de la construction tels qu'Halliburton cherchent à profiter des retombées économiques de toute cette destruction.

Les préoccupations de la couche dirigeante ont été exprimées mardi dans un éditorial du Wall Street Journal, quotidien dont le comité de rédaction profite de relations politiques des plus étroites avec les éléments de droite du Parti républicain dominant l'administration Bush.

Intitulé « Bush et Katrina », l'éditorial met en garde l'administration Bush de ne pas céder devant l'outrage croissant faisant suite à sa gestion du désastre et de se retrouver ainsi détournée de son ordre du jour politique. Forcé, comme bien des Républicains, de reconnaître « l'échec initial évident du département à la sécurité intérieure des États-Unis lors de son premier grand test après le 11 septembre », le quotidien invite néanmoins Bush à « réaffirmer son leadership présidentiel » en rejetant toute grande opération de secours véritable.

« Assurément, on peut se poser la question de savoir combien de fonds fédéraux doivent être versés dans une ville située sous le niveau de la mer qui reste vulnérable à un autre ouragan de catégorie 4 ou 5, écrit le Journal. Voilà de quoi enlever le goût d'injecter de l'argent pour n'importe quoi ».

Le Wall Street Journal propose plutôt que la Maison Blanche saisisse les problèmes accablants auxquels sont confrontés les gens qui ont tout perdu à la Nouvelle-Orléans et dans les autres régions touchées du Golfe comme prétexte pour donner encore plus aux riches!

« Une solution de rechange serait de faire de la zone touchée une zone entrepreneuriale pendant une certaine période de temps au cours de laquelle des incitatifs fiscaux et des exemptions de droit permettraient de stimuler l'investissement, publie l'éditorial. Cela poserait certes le danger que cet allègement fiscal profite aux casinos flottants, mais un plus grand risque encore serait de dépenser 20 milliards de dollars, si ce n'est pas plus encore, uniquement pour répondre aux priorités des politiciens locaux ».

Ainsi, le véritable danger pour le Wall Street Journal, porte-parole de Wall Street et des super-riches, c'est de voir une saignée des profits des grades entreprises pour améliorer les conditions désespérées des survivants de l'ouragan.

Ce désastre, comme la guerre en Irak avant lui, est vu comme une occasion pour récolter des retombées encore plus grosses pour certaines entreprises choisies. Ainsi, le journal demande que la fermeture des installations pétrolières du Golfe soit utilisée pour « éliminer les obstacles à l'exécution de plus de forages encore pour la prospection pétrolière et de gaz naturel ».

Finalement, l'éditorialiste conseille à l'administration de rejeter toute critique contre les baisses d'impôts et les réductions de budget qui permettent de transférer des fonds destinés aux services sociaux et au contrôle des inondations directement dans les porte-feuilles personnels de la ploutocratie américaine.

« Le leadership économique passe par la nécessité de faire comprendre aux Américains le lien entre les baisses impôts et la vitalité économique requise pour financer les secours suite à Katrina et la guerre contre le terrorisme, publie le Wall Street Journal. Le quotidien poursuit : les Républicains ont été beaucoup trop sur la défensive en matière de baisses d'impôts, et Katrina est l'occasion d'expliquer cette nécessité et de pousser pour les rendre permanentes ».

Le catalyseur immédiat de cet argument a sans doute été la décision du Sénat de retirer de ses priorités un débat sur l'annulation permanente proposée de l'impôt sur les successions, une mesure qui ne toucherait que le 3 % le plus élevé de tous les héritages - soit ceux de 7 millions $ ou plus.

Dans des conditions où les quotidiens et les écrans de télévision américains sont remplis d'images de centaines de milliers de travailleurs et de pauvres qui ont tout perdu, la concentration des efforts de l'État sur une législation qui ne bénéficierait qu'à une petite fraction de la population au plus haut sommet de la pyramide sociale a été perçue par le leadership et le Sénat républicain comme trop provocante.

L'abrogation de cet impôt - qui priverait le gouvernement encore plus des fonds nécessaires aux efforts de secours - a été simplement repoussée en attendant un moment plus opportun.

Cette décision a été prise suite aux conseils des Démocrates. Le chef de la minorité démocrate au Sénat, le sénateur Harry Reid du Nevada, a conseillé la direction républicaine de mettre cette mesure sur les tablettes. « Ça ne semble pas approprié », a t-il déclaré lundi.

Comme c'est arrivé à maintes reprise déjà, le Parti démocrate a apporté un soutien essentiel à l'administration, l'aidant ainsi à cacher les véritables implications de ses politiques. Des leaders en vue du Parti démocrate sont venus à l'aide de Bush en détournant et en supprimant toutes tentatives de soulever des critiques politiques ou des problèmes sociaux plus vastes.

Le plus important parmi ceux-ci est l'ancien président Bill Clinton, qui a établi des liens personnels étroits avec la famille Bush. L'apparition de Clinton aux côtés du président Bush et de l'ancien président George H.W. Bush représente une déclaration de solidarité politique entre les deux partis de la grande entreprise. Dans une tentative de détourner l'attention devant l'inaction du gouvernement fédéral, Clinton et Bush père ont lancé une campagne pour amasser des dons auprès des particuliers.

Apparaissant aux côtés de l'ancien président Bush qui a dénoncé à plusieurs reprises les « tentatives de jouer la carte du blâme », Clinton a déclaré lundi : « je pense qu'il faut analyser ce qui s'est passé. On pourra le faire dans quelques temps ».

Plus tôt en entrevue sur CNN, Clinton a défendu la réaction de l'administration Bush. « Les gens font de leur mieux et je ne pense pas que ce soit le temps de s'en faire à ce propos [la réaction désastreusement lente du gouvernement]. Je puis vous l'assurer, personne n'a jamais pensé que cela pourrait se passer ainsi ».

C'est un mensonge. Les modèles informatisés ont permis de prédire depuis longtemps qu'un ouragan de catégorie 4 tel que Katrina pourrait détruire le système de digues protégeant la Nouvelle-Orléans, inondant du coup la ville et pouvant tuer des dizaines de milliers de personnes. Bien qu'on savait que des fonds nécessaires étaient requis pour renforcer le système de digues, l'administration Bush a coupé les fonds pour cette infrastructure vitale année après année.

L'attitude de Clinton s'est reflétée dans toutes les déclarations des Démocrates en vue. Hillary Clinton a déclaré le 2 septembre qu'« on aura bien assez de temps pour se demander ce qu'on aurait du ou ce qu on aurait pu faire pour essayer d'éviter ce qui s'est passé ». Lundi, elle a appelé à la formation d'une commission d'enquête copiée sur celle des événements du 11 septembre 2001. Tout comme cette dernière, un telle commission ne sera que pour la galerie.
Les Démocrates ne sont pas parvenus à offrir le moindre programme de substitution sérieux pour s'occuper des secours, car pour cela il faudrait qu'ils s'opposent aux intérêts de la même grande bourgeoisie représentée par les deux grands partis.

Plutôt, dans un envoi de courriels en vrac aux activistes du Parti démocrate, le président du parti, Howard Dean a écrit : Les États-Unis sont à leur meilleur lorsqu'ils réalisent qu'ils sont une collectivité - nous sommes tous ensemble dans cette épreuve. Cela veut dire que chacun d'entre nous a la responsabilité de faire ce qu'il peut pour contribuer aux efforts de secours ». Dean a invité les membres de la base du parti à envoyer des dons personnels à la Croix rouge.

La solidarité des deux partis sur la question du blâme a des racines beaucoup plus profondes que les rapports personnels entre les politiciens. Les événements de la semaine dernière ont dévoilé au grand jour les profondes divisions de classe aux États-Unis. Ils ont exposé la faillite économique, politique et morale de la société américaine.

L'indifférence à la Marie-Antoinette (« Qu'ils mangent de la brioche! ») de l'élite dirigeante à l'égard de cette tragédie qui s'est abattue sur des millions de personnes a trouvé sa pleine expression dans les propos de la mère du président, Barbara Bush, après qu'elle ait participé à une brève séance de photo avec son mari et Clinton dans l'abri improvisé qu'est devenu le stade de l'Astrodome de Houston.

« Ce que j'entend, et qui est un peu effrayant, c'est qu'ils veulent tous rester au Texas. Tous sont charmés par l'hospitalité, a t'elle déclaré à un journaliste de la radio. Beaucoup de gens dans le stade ici étaient vraiment des défavorisés de toutes manières, alors vous savez, tout cela n'est pas si mal pour eux! ».

Le fait de penser que le fait de dormir sur un lit de camp dans un stade bondé de réfugiés est une sorte de bienfait démontre l'incommensurable mépris indescriptible envers la vaste majorité des travailleurs qui guide la politique de toute l'élite dirigeante. Beaucoup parmi les personnes que l'ancienne première femme du pays a vu dans l'Astrodome ont perdu non seulement leur emploi et leur maison dans ce désastre, mais également leurs enfants et leurs proches qui ont été emportés par l'ouragan et l'inondation.

L'indifférence personnelle des Bush face à toute cette souffrance reflète la perspective générale partagée par l'ensemble de la classe dominante américaine. Au cours de plusieurs décennies, tant les administrations démocrates que républicaines ont reniés tous les programmes établis depuis le New Deal des années 1930 afin d'améliorer les conditions sociales et de protéger les sections les plus vulnérables de la population contre la destitution.

Les fonds coupés dans les programmes sociaux de même que dans les salaires réels de la vaste majorité de la population travailleuse ont été transférés à l'oligarchie financière, qui a profité d'une accumulation des richesses personnelles sans précédents dans l'histoire. Il s'ensuit une société dans laquelle le gouffre entre les riches et les pauvres n'a jamais été aussi grand, ce qui fait que les événements de la Nouvelle-Orléans pourraient tout aussi bien survenir sur une autre planète que la couche dominante ne se sentirait pas plus concernée.

Alors que des millions d'Américains ordinaires et de travailleurs d'ailleurs dans le monde ont réagi aux terribles souffrances qui frappent la côte du Golfe du Mexique aux États-Unis, avec sympathie et un appui réel, les dirigeants des États-Unis ont vu cette catastrophe du point de vue de leurs simples intérêts de classe.
On ne peut laisser les politiques de cette couche dominante et les intérêts qu'elle défend déterminer la réaction au désastre de Katrina, tout comme à l'échec abject et à l'incompétence de l'administration Bush et du capitalisme américain.

Un effort de secours immense doit être exigé non seulement pour reconstruire la ville de la Nouvelle-Orléans et les vies détruites des victimes de l'ouragan, mais également pour éradiquer les conditions de pauvreté qui ont laissé tant de gens vulnérables aux effets de l'ouragan. La réalisation d'un tel programme socialement nécessaire est inconcevable tant que les masses ouvrières ne rompront pas politiquement avec les deux partis dominés par la bourgeoisie et qu'un nouveau mouvement politique indépendant luttant pour la réorganisation socialiste de la société ne sera pas construit.

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