wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

Ariel Sharon: une évaluation politique

Première partie

Par Jean Shaoul
Le 18 janvier 2006

Utilisez cette version pour imprimer

Peu importe la manière dont Ariel Sharon réagira dans les prochains jours à son traitement médical, sa vie politique s'est achevée le 4 janvier lorsqu'il fut victime d'une grave hémorragie cérébrale. Il est donc tout à fait justifié de faire une évaluation politique de sa carrière.

Cette évaluation est d'autant plus importante lorsque l'on voit que la brutalité du bilan politique de Sharon est blanchie et que les politiciens impérialistes, les médias tant de gauche que de droite, les ténors de tout le spectre politique d'Israël, y compris ses adversaires, rendent des hommages nauséabonds à « l'artisan de la paix ».

En dépit de ces fausses accolades Ariel Sharon, restera à jamais gravé dans la mémoire de millions de personnes de par le monde pour sa politique anti-palestinienne de meurtres et de nettoyage ethnique. C'est un criminel de guerre dont la vie fut marquée par des atrocités perpétrées contre le peuple palestinien et les pays arabes voisins d'Israël. Il n'échappa aux poursuites judiciaires pour crimes de guerre commis au Liban en 1982 que parce que La Cour internationale de justice des Nations unies à La Haye adopta il y a trois ans un règlement stipulant que les chefs d'Etat passés et présents ne peuvent être poursuivis pour crimes de guerre par un Etat étranger en raison de leur immunité diplomatique et ne peuvent avoir à répondre de leurs crimes que dans leur propre pays.

Sharon représente plus que la criminalité d'un seul homme. Il s'éleva au rang de premier ministre parce que l'ensemble de sa vie militaire et de sa carrière politique fut consacrée à la poursuite de l'objectif sioniste d'un Grand Israël aux dépens de la population palestinienne, de la classe ouvrière israélienne qui en payèrent les frais et des intérêts légitimes de la classe ouvrière juive de par le monde. Il ne pouvait parvenir à ses fins que par des moyens militaires violents.

L'évolution politique de Sharon, de sioniste du parti Travailliste au représentant le plus en vue de la tendance qui remonte à l'ultra chauviniste Vladimir Jabotinksy, montre l'impasse du projet sioniste et finalement dénote aussi l'incapacité de tous les mouvements nationalistes aussi bien juifs que palestiniens ou arabes de mettre fin à la domination impérialiste au Moyen Orient.

Jeunesse et carrière militaire

Sharon est issu d'une famille d'ardents nationalistes juifs. Dans sa ville natale de Brest Litovsk en Biélorussie, faisant alors partie de la Russie tsariste, l'ami le plus proche de son grand-père était le père de Menachem Begin, futur terroriste sioniste, fondateur du Parti du Likoud et premier ministre d'Israël. Avec le début de la première guerre mondiale, la famille s'installa à Tblisi en Géorgie pour échapper aux combats.

Dans sa biographie intitulée Warrior (guerrier), Sharon affirme que son père, Samuil Sharon, était, tout comme son propre père, un « nationaliste juif pur et simple, sans aucune appartenance politique quelle qu'elle soit, ni au socialisme ni au communisme ni à rien d'autre ». Samuil Sharon avait toujours eu l'intention d'émigrer en Palestine.

En 1921, Samuil, après avoir achevé ses études d'agriculture à l'université, fuit Tblisi avec sa jeune femme pour se réfugier en Palestine. Ils s'établirent non loin de Tel Aviv dans une colonie agricole entourée par des fermiers arabes hostiles, où Ariel Sharon naquit en 1928.

Sharon aime à se souvenir du jour où, à treize ans, son père lui donna un poignard pour protéger sa famille. Sharon dit : « Le couteau était symbolique pour nous protéger de nos ennemis. Ce fut une leçon que je n'ai jamais oubliée. »

Jeune homme, il rejoignit la Police des colonies juives avant de se rallier à la Haganah, armée juive clandestine et prédécesseur des Armée de défense d'Israël, pour combattre les voisins arabes d'Israël dans la guerre de 1948-49. C'est là qu'il acquit de l'expérience dans la lutte contre les Palestiniens et développa la politique en matière d'action préemptive, résumée dans le slogan « frapper le premier et le plus fort » et « frapper toujours plus fort. »

Les Palestiniens, quant à eux, se tournèrent vers divers Etats bourgeois arabes pour les soutenir. Mais, ces régimes étaient désespérément divisés et beaucoup trop occupés à protéger leurs propres intérêts pour pouvoir l'emporter sur la supériorité des forces et de l'entraînement des Israéliens. Les gouvernements nationalistes arabes, qui devaient venir au pouvoir dans les années 1950 sous la bannière du panarabisme, n'étaient pas plus en mesure de surmonter leurs différends et leur servilité sous-jacente à l'impérialisme - ni guère plus capables de défendre les Palestiniens - que leurs prédécesseurs.

Après la guerre de 1948-1949, Sharon resta soldat en grimpant lentement les échelons jusqu'au rang de général. Il ne devint jamais chef d'état-major en raison de son arrogance, de son insubordination et de sa témérité qui ne le mirent pas en odeur de sainteté aux yeux de ses supérieurs politiques et militaires. En 1955, il dut même être traduit en justice pour conduite indigne d'un officier.

Sharon mentait et désobéissait aux ordres chaque fois que cela lui convenait. Durant l'invasion de Suez, en 1956, il mena ses troupes de parachutistes dans une embuscade du fait qu'il n'avait pas obéi aux ordres. Durant la guerre de 1973, il dirigea les forces israéliennes qui franchirent finalement le canal de Suez en battant l'armée égyptienne dans une campagne qui lui valut autant d'ennemis que d'amis pour avoir désobéi aux ordres et aux accords de cessez-le-feu.

Toujours est-il que les actions et les méthodes de Sharon devaient influencer l'attitude d'Israël à l'égard des Palestiniens, ainsi que sa politique de défense et ses relations avec ses voisins. En 1953, Sharon prit le commandement de l'Unité 101 dont la spécialité était les raids de représailles derrière les lignes ennemies, qui forcèrent les Palestiniens à fuir leurs maisons. Ce faisant, il délimita la voie stratégique qui mènerait à la campagne du Sinaï en 1956.

Comme Sharon l'expliqua dans son autobiographie, il en vint à considérer l'objectif comme n'étant pas simplement les représailles ou même la dissuasion au sens habituel du terme. Il écrivit : « Il s'agissait de créer chez les Arabes une psychologie de défaite, de les battre chaque fois et de les battre de manière tellement décisive qu'ils développeraient la conviction qu'il ne leur serait jamais possible de gagner. C'était une raison supplémentaire expliquant la raison pour laquelle j'étais opposé à l'idée de frappes chirurgicales extrêmement limitées. Non seulement de telles opérations étaient irréalistes du point de vue technique, mais j'en étais arrivé à croire que chaque fois que nous étions forcés de mener des frappes, nous devrions le faire en infligeant par là même des pertes lourdes aux troupes ennemies. »

Il remporta pour la première fois une certaine notoriété quand, en 1953, il envahit la Jordanie et dynamita au moins 45 maisons dans le village de Kibya en Cisjordanie et qui à l'époque se trouvait sous contrôle jordanien. L'Unité 101 tua 69 personnes, la moitié d'entre elles des femmes et des enfants. L'attaque avait été clairement menée pour venger le meurtre brutal d'une femme et de deux enfants en Israël, mais Kibya n'avait aucun lien avec ce meurtre.

La même année, l'unité de Sharon attaqua et tua 50 réfugiés dans le camp de réfugiés d'El-Bureig au sud de Gaza qui était alors contrôlée par les Egyptiens.

Alors que l'opération en Jordanie souleva l'indignation internationale, elle fit de Sharon un héro à l'intérieur d'Israël et les tâches de son Unité 101 furent étendues. Il dirigea d'autres attaques extrêmement brutales en Jordanie, à Gaza et en Syrie. Au début des années 1970, en qualité de chef des armées du sud, il fut responsable d'actes de répression brutale contre la résistance palestinienne dans la Bande de Gaza.

La guerre de 1967 fut activement encouragée par Sharon. Elle permit à Israël de concrétiser des projets de longue date destinés à étendre ses frontières et à saisir de vastes étendues appartenant à ses voisins arabes. Sharon joua un rôle clé dans cette expansion en tant que commandant divisionnaire dans le Sinaï.

La guerre de 1967

La Guerre des six jours marqua un tournant décisif pour Israël et le Moyen Orient. Quoique Israël ait été fondé sur la base de l'expulsion forcée des Palestiniens, on lui accordait une certaine légitimité morale en raison de l'annihilation de six millions de Juifs européens dans l'holocauste nazi. La guerre de 1967 révéla l'essence de l'Etat d'Israël comme entité expansionniste ayant pour objectif de faire des Palestiniens des réfugiés permanents.

Dès les premières semaines de la guerre, le gouvernement d'unité nationale travailliste établit des colonies juives de peuplement sur ses territoires nouvellement conquis, défiant par là des lois internationales ­ événement qui devait façonner pour les décennies à venir la physionomie politique, idéologique et sociale d'Israël. Une nouvelle vague d'immigrants venus de l'occident, notamment des Etats-Unis, vinrent s'établir dans les territoires occupés. Les colonies devinrent un pôle d'attraction pour les intégristes religieux de droite qui fondèrent leur Mouvement des colons et adoptèrent des tactiques de vigiles pour intimider les Palestiniens et les forcer à quitter leur terre. L'extension des enclaves juives créa une couche sociale ayant un intérêt acquis direct dans une politique expansionniste.

Alors que leurs forces étaient faibles, les colons et les groupes ultra religieux jouèrent un rôle important dès le début dans le virage à droite de la politique israélienne en fournissant une base politique non seulement pour la lutte contre les Palestiniens mais aussi contre des juifs de gauche laïcs. En partie, du moins, cela s'avéra possible parce qu'ils avaient trouvé un allié : le général Ariel Sharon.

Pour Sharon, lui-même juif laïc et militaire, l'expansion de l'Etat sioniste et l'établissement de colonies étaient étroitement liés à une question de sécurité et de ce qu'il qualifiait de « frontières sûres et défendables. » Il forma toutefois une alliance avec les mouvements religieux dans le but de poursuivre ces objectifs, en arguant que les religieux fanatiques fourniraient les forces nécessaires à l'établissement de nouvelles colonies juives.

La défaite des Arabes en 1967, entraîna le développement de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) sous la direction de Yasser Arafat. L'OLP adopta les tactiques de guérilla employées par les Algériens et les Vietnamiens et appela à lutter contre Israël sous la bannière du nationalisme palestinien plutôt que de faire partie du mouvement panarabe de Nasser qui avait trahi et abandonné les Palestiniens.

La guerre avait convaincu Washington qu'Israël, en tant que puissance militaire dominante dans la région, était le véhicule indispensable aux Etats-Unis pour avancer au mieux leurs intérêts au Moyen Orient, y compris pour éradiquer des mouvements politiques radicaux. Durant les années qui suivirent, chacune des victoires militaires remportées par Israël contre ses voisins arabes tout comme chacune de ses principales campagnes menées contre les Palestiniens, même si elles furent fortement critiquées en public par Washington, furent suivies d'un accroissement de l'aide américaine.

Sharon entre en politique

Les relations entre les gradés de l'armée et le Parti travailliste au gouvernement étaient très étroites. En devenant colonel, on attendait des officiers qu'ils adhèrent au Parti travailliste et Sharon le fit en 1958. En quittant l'armée, la plupart des généraux israéliens entraient en politique. Sharon ne fit pas exception, il fut cependant le premier à se séparer du parti travailliste.

Sharon partageait les vues de l'aile nationaliste plus à droite du parti travailliste dirigée par David Ben Gourion et Moshe Dayan, relation qui le protégea souvent des critiques tout au long de sa carrière militaire. Ses raids de représailles furent soutenus par les faucons au sein du parti travailliste qui devinrent de plus en plus influents après 1955.

En 1969, quelques mois avant les élections générales, Sharon devint furieux en apprenant que son contrat militaire ne serait pas renouvelé suite à ses divergences avec le chef d'état major, Chaim Bar Lev, au sujet de la défense du Sinaï. Faute d'une autre alternative professionnelle attrayante, Sharon chercha un débouché en politique. Se trouvant en désaccord avec le parti travailliste au pouvoir quant à une solution politique concernant le plateau du Golan, la Cisjordanie et Gaza, il prit contact avec le parti du Herut de Menachem Begin.

Le Herut était le descendant politique du mouvement révisionniste de Jabotinsky dont l'approche aux Palestiniens fut révélée en 1923 dans un article intitulé : « Le Mur de Fer ». On pouvait y lire : « La colonisation sioniste doit soit s'achever soit être réalisée contre la volonté de la population indigène. De ce fait, cette colonisation ne peut donc être poursuivie et progresser que sous la régie d'un pouvoir indépendant de la population indigène ­ un mur de fer qui sera en mesure de résister à la pression de la population indigène. Ceci est en gros notre politique à l'égard des Arabes Une réconciliation volontaire avec les Arabes est hors de question aussi bien dans le présent que dans un avenir proche. »

Après sa démission de l'armée en 1973, Sharon fut élu au parlement sous la bannière du Parti libéral, l'un des prédécesseurs du Likoud. Mais, en l'espace d'un an, il quitta son poste pour passer dans les rangs du Parti travailliste afin de pouvoir garder son grade de commandant de réserve. Pendant six mois il remplit les fonctions de conseiller spécial pour la sécurité auprès de Yitzhak Rabin, premier ministre du gouvernement travailliste avant de créer son propre parti et de le dissoudre ensuite, en 1977, dans le Likoud.

Dès 1977, le parti travailliste avait perdu sa raison d'être politique. Les forces sociales mises en action par la guerre de 1967 se rassemblèrent pour faire échec aux sionistes du parti travailliste lors de l'élection générale de 1977, mettant ainsi fin au monopole de pouvoir dont ils avaient jouit pendant des décennies et ouvrant la voie à la politique droitière en Israël et à l'instabilité grandissante. L'expansion du régime israélien au moyen de conquêtes militaires nécessitait un type de gouvernement différent.

En plus de Sharon, deux autres anciens généraux, Moshe Dayan et Ezer Weizman, devinrent les premières personnalités militaires influentes à quitter le parti travailliste et ses partenaires de la coalition pour intégrer le camp révisionniste. Dayan et Weizman rejoignirent le Likoud et devinrent respectivement, ministre des Affaires étrangères et ministre de la Défense en 1977. D'autres figures militaires emblématiques devaient bientôt suivre leur exemple.

Sharon revendiqua et obtint le poste de ministre de l'agriculture dans le gouvernement du Likoud de Begin. A la tête de ce ministère il se fit l'avocat des intérêts des colons et encouragea la confiscation de terres arabes. Il insista pour la politique du « saisir plus de collines ». « Tout ce qui est saisi est à vous, tout ce qui ne l'est pas finira par passer dans leurs mains. » Son objectif de « créer des faits accomplis sur le terrain » visait à rendre impossible tout arrangement avec les Palestiniens.

Il fut l'un des trois ministres à avoir joué un rôle clé pour obtenir l'accord du gouvernement pour une attaque non provoquée contre l'Iraq en bombardant, en juin 1981, son usine d'énergie nucléaire d'Osirek.

Bien qu'ayant rejoint le Likoud, Sharon trouvait qu'Israël était en situation de crise perpétuelle nécessitant des gouvernements d'unité nationale, avec lui à la tête. A plusieurs reprises il chercha à faire entrer le parti travailliste au gouvernement. De 1984 à 1992, il y eut des gouvernements d'unité nationale dont les premiers ministres venaient à tour de rôle du Likoud et du parti travailliste.

Sharon, le criminel de guerre

Ce fut en 1981, en tant que ministre de la Défense du gouvernement Likoud que Sharon fut reconnu sur le plan international comme criminel de guerre, bien que n'étant pas poursuivi en justice pour son rôle dans le massacre de 1982 de Palestiniens dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila à Beyrouth.

Profitant des conditions créées par l'accord de paix de 1978 entre Israël et l'Egypte, pays arabe le plus important, Sharon décida de créer un nouvel ordre au Moyen Orient en envahissant le Liban. Son but était de détruire l'OLP, direction palestinienne qui, après avoir été expulsée de la Jordanie avec l'aide d'Israël en 1970, était alors basée au Liban. Sharon estima qu'il pourrait empêcher un accord politique avec l'OLP et garantir à Israël l'intégration économique permanente des territoires occupés.

II chercha également à détruire le pouvoir syrien dans la région et à établir un gouvernement chrétien de droite au Liban qui entretiendrait une relation d'amitié avec Israël.

Prétextant d'une tentative d'assassinat contre l'ambassadeur d'Israël en Grande-Bretagne par un groupe terroriste palestinien hostile à Arafat et à l'OLP, Sharon déclencha toute la puissance de l'armée israélienne contre le Liban en juin 1982. Après qu'Israël ait abattu plus de soixante avions syriens en une seule journée au Liban, la Syrie cessa de défendre le Liban contre Israël, isolant ainsi l'OLP.

La machine militaire israélienne dévasta le sud du Liban et bombarda impitoyablement Beyrouth pendant les deux mois suivants pour forcer le gouvernement libanais à expulser Arafat et l'OLP. Sharon prit contrôle de la capitale d'un autre pays, viola toutes les règles de la charte contre les crimes de guerre et prit en otage la moitié de la population de Beyrouth (celle de Beyrouth-Ouest). Il n'avait pas seulement pour cible l'OLP et ses installations militaires mais aussi sa base sociale et son réseau de services sociaux : ses services de santé et d'éducation, ses organisations politiques et sociales et, avant tout, les bidonvilles habités par les réfugiés palestiniens.

L'étendue du carnage et de la souffrance fut énorme. Les Nations unies estimèrent que 13.500 foyers furent sérieusement endommagés rien qu'à Beyrouth-Ouest et des milliers d'autres ailleurs, sans compter les camps palestiniens. L'approvisionnement en électricité et en eau fut continuellement interrompu et la nourriture et les médicaments n'arrivaient plus. Les organisations internationales d'aide furent interdites d'accès. La police libanaise estima, qu'entre début juin et fin décembre, plus de 19.000 personnes trouvèrent la mort et 30.000 furent blessées.

Pas un régime nationaliste arabe ne souleva le petit doigt pour venir en aide aux peuples libanais et palestinien.

L'envoyé américain dépêché à Beyrouth pressa le gouvernement libanais de faire pression sur Arafat pour qu'il accepte les conditions de Sharon. Conscient que Sharon n'accepterait pas de promesses, il obtint qu'Arafat signe une garantie qu'il évacuerait le Liban avec tous ses combattants. Les Etats-Unis garantirent la protection des civils palestiniens restés à Beyrouth et obtinrent d'Israël la promesse de ne pas retourner à Beyrouth.

Mais, dans les jours qui suivirent, Sharon revint sur sa parole. Il donna l'ordre à l'armée israélienne de retourner à Beyrouth-Ouest le 15 septembre, sous le prétexte de maintenir l'ordre et la stabilité après l'assassinat du président libanais nouvellement élu mais n'ayant pas encore pris ses fonctions, un fantoche d'Israël. Quelques jours plus tard, il annonça au parlement israélien : « Notre entrée à Beyrouth-Ouest avait pour objectif de faire la guerre à l'infrastructure abandonnée par les terroristes, » c'est-à-dire les civils palestiniens et leurs alliés musulmans.

Après que les forces armées israéliennes aient pris le contrôle de la ville, encerclé et bouclé les camps de réfugiés de Sabra et Chatila à Beyrouth-Ouest, après avoir attaqué d'autres camps plus petits, Sharon, selon un plan préparé de longue date, ordonna au chef d'état-major israélien de permettre aux forces fascistes libanaises, les Phalangistes, d'entrer dans Sabra et Chatila. Sharon escomptait que les Phalangistes, ayant encore de vieux comptes à régler et possédant des informations très précises sur les combattants palestiniens, seraient bien plus impitoyables que les Israéliens et probablement plus efficaces.

Il s'agissait là d'une attaque meurtrière et non provoquée contre une population civile non armée. Alors que le chiffre exact des morts et des blessés reste inconnu, le Croissant rouge palestinien évalua le nombre de victimes à plus de 2.000. Au moins un quart d'entre eux étaient des Musulmans shiites libanais. Il y eut de multiples rapports selon lesquels des centaines d'hommes furent raflés durant et après le massacre pour être emmenés dans des camps de détention israéliens au sud du Liban. Bon nombre d'entre eux disparurent à jamais.

Les atrocités furent commises sous les yeux des troupes israéliennes qui occupaient les postes d'observation surveillant les camps. En tant que ministre de la Défense de la puissance d'occupation qui, conformément à la loi internationale, était chargé de la sécurité de la population, Sharon porte l'entière responsabilité pour le massacre. De plus, Israël était partie contractante de l'accord conclu par les Etats-Unis pour la protection des Palestiniens.

Sharon porte la responsabilité d'avoir autorisé les Phalangistes à entrer dans les camps alors que les troupes israéliennes observaient et à effectuer le massacre initial. Il autorisa ensuite l'internement, la torture et le meurtre des habitants du camp qui s'ensuivirent.

Le massacre provoqua une réaction d'intense indignation de par le monde et en Israël même 400.000 personnes, soit une personne sur dix de la population totale, descendit dans les rues de Tel Aviv pour s'opposer au gouvernement Begin et exiger une enquête. La commission Kahan instituée par le gouvernement pour apaiser l'opinion publique, était de portée limitée et avait pour fonction essentielle de blanchir le gouvernement. Pourtant elle ne put faire autrement que d'attribuer à Israël une « responsabilité indirecte » limitée pour le massacre.

La commission condamna Begin, Sharon et les généraux avec plus ou moins de dureté et conclut que Sharon portait une « responsabilité personnelle » pour ce qui s'était passé dans les camps. Elle conseilla de relever Sharon de ses fonctions en disant qu'il « n'était pas apte à occuper un poste officiel. »

Reconnu personnellement responsable d'avoir rendu possible ce massacre, Sharon devint une sorte de paria international, persona non grata aux Etats-Unis et en Europe.

En Israël cependant, il demeurait une figure politique clé. Il devint une icône de la droite. Destitué de son poste de ministre de la Défense, il conserva son siège au ministère et continua à avoir des postes ministériels dans chacun des gouvernements Likoud suivants. Il fut responsable du commerce et de l'industrie (1984-1989), de la construction et du logement (1990-1992) et de l'infrastructure nationale (1996-1998).

Tout au long de cette période, Sharon s'activa à étendre les colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est en leur procurant les ressources nécessaires. Le rapport de 1992 du contrôleur de l'Administration (State comptroller) fait mention de mauvaise gestion, de suspicion d'illégalités et de dépenses excessives. Sharon, lui-même, acheta un appartement dans la vieille ville de Jérusalem, en plein milieu de 20.000 Arabes et tout juste 40 Juifs.

Les accords d'Oslo

Suite à un certain nombre de facteurs en jeu, la domination du Likoud prit fin en 1992 et, de ce fait, Sharon perdit son siège au gouvernement. En Union soviétique la restauration du capitalisme et son intégration dans l'impérialisme mondial signalèrent la fin du soutien de Moscou au nationalisme arabe. Le soulèvement spontané du peuple palestinien en Cisjordanie et à Gaza en décembre 1987, convainquit les élites palestinienne, israélienne et arabe, tout comme l'impérialisme américain qu'un Etat palestinien de quelque sorte était le seul moyen d'empêcher que le soulèvement ne radicalise la région tout entière.

Yasser Arafat et l'OLP se trouvèrent complètement isolés suite à leur soutien à Saddam Hussein lors de la première guerre du Golfe en 1991.

Pour ce qui est de la bourgeoisie israélienne, la paix avec les voisins arabes d'Israël était la promesse de davantage de nouveaux marchés que l'Etat-garnison d'Israël ne pourrait jamais fournir. Le prix à payer pour une assise régionale plus étendue et l'accès à des marchés qui feraient d'Israël une puissance économique régionale était une sorte d'arrangement avec les Palestiniens, sinon un retrait complet des territoires occupés et de Jérusalem comme l'exigeaient les conventions internationales et les résolutions des Nations unies.

Cette reconnaissance traça le chemin à un retour au pouvoir du Parti travailliste avec Yitzhak Rabin, sous la promesse d'un arrangement avec les Palestiniens. Le résultat en fut les tristement célèbres accords d'Oslo, signés en 1993 sur la pelouse de la Maison Blanche.

Israël fut en mesure d'obtenir un accord avec l'OLP sur un futur Etat palestinien dont les frontières ne seraient pas basées sur un retour aux frontières israéliennes de 1967 comme l'exigeaient la loi internationale et les résolutions des Nations unies, mais basées sur des négociations entre Israël et l'OLP. Les accords prévoyaient un Etat palestinien s'étendant sur moins de 22 pour cent des territoires du mandat (britannique) ou de la Palestine d'avant 1948.

Conformément à l'accord, une autorité palestinienne intérimaire dirigée par l'OLP serait chargée de la sécurité dans les territoires occupés, libérant Israël du fardeau de l'occupation militaire tandis que le régime sioniste gardait le contrôle des frontières, de la politique étrangère et de la protection des colonies juives existantes ­ illégales au regard du droit international ­ en Cisjordanie et à Gaza. La Cisjordanie fut divisée en zones non contiguës et des routes contrôlées par les militaires israéliens reliaient des colonies juives hautement fortifiées.

En fait, Israël attribua à Arafat la fonction de contrôler l'opposition populaire des Palestiniens contre l'occupation et la répression israéliennes. Rabin et Arafat consentirent à résoudre des questions telles le statut de Jérusalem, le droit au retour des réfugiés et l'établissement d'un Etat palestinien dans les cinq ans. Le soutien de l'OLP pour un tel Etat tronqué créa un vide politique qui fut comblé par les islamistes politiques, le Hamas et le Jihad islamique. Leur opposition aux accords d'Oslo n'était cependant pas basée sur une quelconque perspective viable défendant les droits des masses palestiniennes et unissant la population laborieuse du Moyen Orient, Juive et Arabe, contre le sionisme et l'impérialisme. Elle était basée sur une perspective nationaliste et fondamentalement réactionnaire et communautaire.

A suivre

Voir aussi :


 

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés