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Les USA et l'Europe menacent de couper les fonds à l'AP après la victoire du Hamas

Par Chris Marsden
Le 30 janvier 2006

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L'élection du Hamas fut accueillie par des menaces de la part des Etats-Unis, de l'Europe et d'Israël de geler les fonds destinés à l'Autorité palestinienne (AP).

Les Etats-Unis, les Nations unies, l'Union européenne (UE) et la Russie, les membres du Quartette soutenant la soi-disant « feuille de route pour la paix au Moyen-Orient » du président Bush, publièrent une déclaration appelant le Hamas à renoncer à la violence et à accepter le droit d'Israël à exister. La Ligue arabe a également insisté pour que le Hamas reconnaisse Israël.

Le premier ministre israélien par intérim, Ehud Olmert, qui dirige le gouvernement jusqu'aux élections de mars suite à l'attaque cérébrale d'Ariel Sharon, dit qu'il n'y aurait pas de négociations avec « une organisation terroriste armée qui prône la destruction d'Israël, » alors que la ministre des Affaires étrangères, Tsipi Livni lance un appel à l'Union européenne pour qu'elle oppose la création d'un « gouvernement terroriste ». Elle demanda expressément à ce que l'UE cesse de subventionner l'AP.

Les Etats-Unis ont déjà précisé que les subventions accordées à l'AP seraient à présent reconsidérées. La plus grande partie de l'aide américaine, 300 millions de dollars l'année passée, passe par des ONG. L'aide européenne aux institutions palestiniennes totalisa l'année dernière quelque 330 millions de dollars, tout en excluant des montants correspondant au moins au double de cette somme et qui proviennent de gouvernements individuels.

James Wolfensohn, l'ancien président de la Banque mondiale et l'envoyé spécial du quartette, a prévenu que le fait de supprimer toute aide jetterait les Palestiniens dans le chaos. « Le moment crucial est la semaine prochaine », dit-il, quand les salaires de 135.000 agents de la sécurité et fonctionnaires arrivent à échéance. Mazen Sinokrot, l'actuel ministre palestinien de l'Economie, déclara que les 135.000 employés de l'AP étaient les principaux soutiens de familles pour 30 pour cent des familles palestiniennes : « Si ces salaires ne sont pas versés, c'est un message pour la violence. »

Bien que toute action immédiate ait été rejetée, Israël à elle seule pourrait menacer l'existence durable de l'AP. Joseph Bachar, le directeur général du ministère des Finances d'Israël, dit que l'AP dépendait de paiements de droits de douane et de la taxe sur la valeur ajoutée d'Israël et d'argent provenant de l'Arabie saoudite. Il prévint qu'il ne voyait que très difficilement comment son ministère pourrait continuer à travailler avec un gouvernement engagé dans la destruction d'Israël. Si Israël fermait toutes ses frontières, ceci couperait les Palestiniens de leurs principaux marchés et de leur possibilité d'exporter tout en privant de revenus de nombreux Palestiniens travaillant en Israël. L'AP dépend d'Israël pour ses approvisionnements en électricité et en eau.

Il existe également une réelle possibilité d'intensification de la guerre d'usure qui est présentement menée par la Force de défense israélienne (IDF). Le 28 janvier, le ministre de la Défense israélien, Shaul Mofaz menaça de liquider des dirigeants du Hamas si le groupe ne se soumettait pas aux termes qui lui étaient imposés par Tel Aviv et Washington. Après les élections, l'IDF arrêta, lors de rafles nocturnes, au moins quinze militants palestiniens suspects, y compris huit faisant partie du Hamas.

La prétention des puissances américaine et européennes de prendre fait et cause pour la démocratie en Palestine ­ ou partout ailleurs au Moyen Orient ­ ne peut être plus clairement démasquée que par leur refus d'accepter les résultats des élections comme légitimes.

Le peuple palestinien vota massivement en faveur du Hamas lors des élections du 25 janvier qui furent financées par les puissances occidentales, en lui faisant gagner 76 sièges sur les 132 que compte l'AP. Mais, puisqu'il avait l'effronterie de voter dans le mauvais sens, le gouvernement qu'il s'est choisi est déclaré illégitime et il est menacé de siège et de famine de masse.

Le Hamas fut élu par un vote massif de protestation motivé par le désespoir créé par l'occupation israélienne et par la colère résultant du soi-disant processus de paix qui n'a fait qu'aggraver les choses pour la plupart des Palestiniens. Débutant en 1993, sous le président Clinton avec la signature des accords d'Oslo et se poursuivant avec la « feuille de route » sous le président Bush, le « processus de paix » a fourni une couverture permettant à Israël d'occuper et de mettre en quarantaine des cités et des villes entières, monté des attaques contre la population civile qui ont coûté la vie à des milliers de personnes, organisé des assassinats politiques et considérablement agrandi son programme d'expansion des colonies. Par la « feuille de route » Sharon reçut le feu vert pour l'érection de son soi-disant mur de sécurité conduisant à l'annexion permanente de près de la moitié de la Cisjordanie à Israël, y compris l'ensemble de Jérusalem-Est.

Plus d'une décennie d'expérience a révélé à des masses de gens la fausse prétention des dirigeants américains et israéliens à rechercher un juste règlement avec les Palestiniens. La colère que ceci a engendré ­ attisée par des illusions écrasées que la création de l'Autorité palestinienne pourrait être un moyen de concrétiser les aspirations démocratiques et sociales des travailleurs et des paysans ­ visait directement le président de l'AP, Mahmoud Abbas et une partie de la direction du Fatah. Ce sont là les forces les plus étroitement associées à la solution de deux Etats, et qui sont à présent considérées comme des collaborateurs dans ce qui est une énorme fraude politique.

La victoire écrasante du Hamas a mis à nu l'une des fictions créées par les Etats-Unis pour justifier leur politique à savoir de tout simplement reléguer l'organisation à un statut terroriste. Le Hamas est en fait un mouvement politique disposant d'un soutien populaire considérable et qui a recouru à des méthodes terroristes. Cependant, il réussit à faire appel au mécontentement de la population vivant dans les pires conditions et dans une extrême pauvreté et en s'occupant d'un réseau de services sociaux ainsi que d'un grand nombre d'oeuvres charitables.

Mais avant tout, il a bénéficié du fait que depuis les accords d'Oslo il s'est formellement opposé au processus de paix ainsi qu'à ses initiateurs.

Ceci ne se traduit pourtant pas en un soutien populaire de l'ensemble du programme du Hamas. Ce fait est reconnu par l'organisation qui souligne son opposition à la corruption de couches bourgeoises gravitant autour de l'élite du Fatah en promettant de soulager le lot des pauvres. Le co-fondateur du Hamas, Mahmoud Zahhar, promit, « Nous allons changer tous les aspects concernant l'économie, l'industrie, l'agriculture, l'assistance sociale, la santé, l'administration et l'éducation. »

Le Financial Times écrivit : « Le vote fut plutôt un règlement de compte populaire avec le Fatah qu'une acceptation franche de l'idéologie islamiste et le refus de changer quoi que ce soit vis-à-vis d'Israël. Le vote a également reflété la frustration face à un « processus de paix » largement discuté et à présent moribond, qui après dix ans de règne du Fatah n'a toujours pas réussi à satisfaire les aspirations des Palestiniens. »

Jibril Rajoub, l'ancien chef de la sécurité préventive en Cisjordanie, tout en défendant le Fatah, a également fait cette remarque judicieuse dans les colonnes du Financial Times : « Israël a tout fait pour nuire à l'Autorité palestinienne, elle a saboté les chances de négociations et de conclusion d'un accord. Le Hamas a maintenant récolté les fruits de cette politique. »

Bien que le Hamas ait été le principal bénéficiaire du mécontentement à l'encontre d'Abbas et de sa clique, la colère populaire a également trouvé son expression au sein du Fatah. Le parti était déjà profondément déchiré avant les élections et présentait dans certains districts des candidats concurrentiels. On a assisté, au cours de ces derniers jours, à des manifestations de dizaine de milliers de militants du Fatah réclamant la démission d'Abbas. Des milliers de manifestants dans le camp de réfugiés de Nusayrat ont appelé à la démission de l'ensemble de la direction du Fatah. Un millier de personnes manifestèrent devant la résidence d'Abbas à Gaza, le dénonçant comme « un agent israélien ». Se joignant à d'autres manifestants, elles se dirigèrent vers le siège du conseil législatif brûlant des symboles du régime, réclamant la fin de la corruption ainsi que le refus de toute participation au gouvernement de Hamas. Quelque 15.000 activistes du Fatah manifestèrent dans la bande de Gaza.

Le Hamas a montré clairement qu'il souhaite un compromis avec Israël. Parlant depuis son exile à Damas en Syrie, Khaled Mashal, le dirigeant du Hamas, a suggéré que le Hamas était prêt, une fois au gouvernement, à reconnaître tous les accords préalablement signés par l'Autorité palestinienne. « Nous ne reconnaîtrons pas l'occupation israélienne, mais nous sommes des réalistes et nous savons que les choses se font progressivement, » dit-il. Mahmoud-al-Zahar, le principal dirigeant du Hamas à Gaza, déclara à l'antenne de CNN qu'une « 'hudna' ou trêve à long terme » est possible, alors que d'autres dirigeants suggérèrent de remettre la politique étrangère entre les mains d'Abbas, conformément aux souhaits de Washington.

Il y a toutefois la possibilité que la situation se détériore au point où cela ne constituerait plus une option. Des combats sporadiques se sont déjà déroulés entre les partisans du Fatah et du Hamas qui contrôle les services de sécurité et qui votèrent en bloc pour le parti. Le Hamas a proposé de créer une armée palestinienne et souhaite réorganiser l'Organisation de Libération de la Palestine, les deux projets étant considérés comme une menace par toutes les factions du Fatah.

Quelles que soient les intentions du Hamas et du Fatah, c'est Tel Aviv et Washington qui en fin de compte portent l'entière responsabilité politique pour la victoire du Hamas. Tous deux avaient décidé d'abord de marginaliser et ensuite de liquider Arafat, qui jouissait encore d'un certain degré de popularité et d'autorité parmi les masses Palestiniennes, pour pouvoir installer une nouvelle direction du Fatah composée d'hommes d'affaires conservateurs et soumis à la direction d'Abbas. Le résultat en fut que des millions furent poussés dans les bras du Hamas, un fait que même Sharon accueillit favorablement pour lui avoir fourni une excuse de déclarer la fin des négociations. Si tôt le Likoud au pouvoir, en 2001, Sharon déclara que le président de l'AP, Yasser Arafat, n'était pas un « partenaire pour la paix », en lui faisant subir, avec le consentement total de Washington, un siège militaire dans son quartier général à Ramallah. Après la mort d'Arafat en novembre 2004, on refusa également de reconnaître Arafat comme « partenaire de la paix » parce qu'il avait refusé de désarmer le Hamas craignant de provoquer une guerre civile. Sharon initia alors son soi-disant désengagement en imposant des frontières nouvelles favorables à Israël.

Quoiqu'il arrive, Israël intensifiera ses attaques contre les Palestiniens en se servant de la situation qu'elle a créée comme prétexte. Les débats ayant lieu au sein des cercles dirigeants israéliens après les élections concernent soit l'achèvement de la colonisation des terres entreprise par Sharon, soit le lancement d'une offensive militaire massive contres les Palestiniens pour reprendre le contrôle de Gaza et la confiscation de portions de terres encore plus vastes de la Cisjordanie.

Kadima, l'appareil politique créé par Sharon avant son attaque cérébrale, préconise un achèvement du « retrait unilatéral ». Ceci inclurait l'achèvement de la barrière de sécurité et le tracé définitif des frontières d'Israël avec la Cisjordanie. En cela, le parti bénéficie du total soutien du Parti travailliste et du Meretz (parti « d'extrême gauche »).

Le président du Parti travailliste, Amir Peretz déclara à la Knesset (parlement), « Si nécessaire, nous entreprendrons des démarches unilatérales. Nous n'accepterons pas de stagnation diplomatique. Nous ne nous laisserons pas prendre en otages par les changements au sein de l'Autorité palestinienne. »

Ami Ayalon, l'ancien directeur de Shin Bet qui s'est présentement porté candidat pour le Parti travailliste, ajouta : « Il existe à présent un vaste consensus selon lequel Israël va poursuivre la construction de nos frontières pour préserver Israël en tant qu'Etat juif démocratique. » L'Autorité palestinienne mise sur pied par le Fatah « n'existe plus, » dit-il.

Benjamin Netanyahu, qui dirige le gros ultra-droite des troupes du Likoud, bénéficie du soutien des partis des colons et des religieux, a rebaptisé l'AP de « Hamastan un Etat satellite iranien à l'image des Talibans. »

Dénonçant le désengagement de la bande de Gaza mis en oeuvre par Sharon, il ajouta, « Il fut réalisé à proximité immédiate de Jérusalem, de Tel Aviv et de l'aéroport Ben Gourion Une politique de retrait unilatéral qui récompense la terreur du Hamas. »

Netanyahu et l'ancien ministre des Affaires étrangères, Silvan Shalom, ont visité le mur de sécurité sur toute sa longueur. Shalom, de façon sinistre, lança l'avertissement, « Cette barrière ne sera pas la frontière de l'Etat d'Israël La frontière actuelle se trouve dans le champ de tirs de l'organisation terroriste qui a pris le contrôle de l'Autorité palestinienne il y a quelques jours. »

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