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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La politique brutale du gouvernement français contre les sans-papiers conduit à la tragédie

Par Kumaran Rahul et Antoine Lerougetel
21 août 2007

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Le 9 août à Amiens, un jeune garçon de 12 ans est tombé d’un balcon du 4ème étage de son immeuble en tentant d’échapper avec son père, à un raid de leur appartement par la police. Cinq jours plus tard, Ivan, ce jeune garçon d’une famille de réfugiés tchétchènes, est toujours dans le coma à l’hôpital où il est soigné, entre autres, pour de sérieuses blessures à la tête.

La tragédie a provoqué une onde choc et de la révulsion de par le pays contre les méthodes utilisées par le gouvernement à l’encontre des sans-papiers. Le matin de l’accident, quelque 300 personnes ont manifesté à Amiens et défilé de la cité des Pigeonniers, où habite la famille, jusqu’à l’hôpital. Les manifestants portaient des pancartes disant, «M.le préfet, arrêtez les rafles », « Non à la chasse à l’enfant et aux parents », « Les lois Sarkozy tuent les droits. »

Le groupe pour la défense des droits des immigrés, France terre d’asile, a indiqué que de telles tragédies étaient inévitables étant donné les efforts massifs entrepris pour traquer les immigrés sans papiers par Brice Hortefeux, ami fidèle et collaborateur de longue date du président Nicolas Sarkozy et ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Codéveloppement du gouvernement UMP (Union pour un mouvement populaire) nouvellement nommé. Le groupe a déclaré, « Nous savions tous qu’une telle politique de traque systématique ne pouvait qu’entraîner des drames. Celui d’Amiens, où le jeune Ivan est entre la vie et la mort… n’est, hélas, pas le premier. Il ne sera pas le dernier si cette politique continue. »

La mère d’Ivan, Natalia Dembsky, est tchéchène et son père, Andreï Dembsky, ukrainien. Ils ont quitté Grozny, la capitale de la Tchéchénie, que l’armée russe a dévastée en 1995. Depuis février 2005, soit six mois après que les Dembsky soient arrivés en France, ils ont fait plusieurs demandes d’asile politique et de permis de séjour, mais toutes ont été rejetées. Ivan est scolarisé en France depuis deux ans et, selon ses instituteurs, ses résultats sont excellents.

Sylvette Chevalier qui soutient plusieurs familles de sans-papiers dans la cité des Pigeonniers, a déclaré à la presse que la famille avait engagé un recours gracieux : « Nous avons fait un courrier il y a un mois, mais il est resté sans réponse… Lundi, Natalia était allée au commissariat avec Ivan. On lui avait dit de revenir avec son mari. Les policiers ne lui ont donné aucune explication, mais elle avait deviné qu’il y avait un risque à revenir. » Ils redoutaient à juste titre d’être interpellés au commissariat de police et déportés vers leur pays d’origine.

La panique ressentie par la famille, en voyant les nombreuses voitures de police devant l’immeuble et en entendant les coups à la porte, ainsi que la tentative désespérée de fuir l’interpellation de la police, reflètent le climat de peur qui est sciemment entretenu par le gouvernement Sarkozy.

Thérèse Couraud, ancienne infirmière de 74 ans qui soutient le collectif des sans-papiers à Amiens, a expliqué, « A force de traquer les gens, ils ont peur… Certains préfèrent mourir en sautant par une fenêtre plutôt que d’être torturés en revenant dans leur pays d’origine… Cette semaine encore, trois autres ont reçu un courrier qui leur demandait de se présenter en préfecture, avec aucun motif précis. Mais après, nous savons qu’ils sont coffrés. Nous leur disons de ne pas aller à ces convocations, nous les mettons sous notre protection. »

Thérèse a poursuivi, «C’est vraiment une triste image de la France. J’avais 7 ans en 1940 et l’histoire de ces familles renvoie pour moi aux rafles pendant la guerre. ». Elle a employé le terme de «  rafle », terme utilisé pour qualifier les arrestations de masse des Juifs par la police du régime de Vichy du Maréchal Philippe Pétain, et qui collabora avec les Nazis durant l’occupation allemande.

La Cimade, organisation qui défend les réfugiés a rapporté, « Vous avez désormais des contrôles massifs et systématiques de certains lieux qui évoquent des rafles.» Brigitte Weiser du Réseau d’éducation sans frontières (RESF) a dit à la presse qu’à Paris, «La préfecture a visiblement choisi de passer à la vitesse supérieure. Ils profitent bien évidemment de l’été : c’est sûr que les écoles seraient en grève en ce moment. »

Le RESF qui mène une campagne pour la défense des victimes des opérations de la police contre les sans-papiers a publié un communiqué rejetant la responsabilité de l’accident sur le gouvernement : « Ce n’est pas un accident. C’est l’effet direct et inéluctable de la politique imposée aux préfectures et aux policiers par le gouvernement. Les services sont soumis à des quotas en matière d’interpellation (125 000 exigés par le ministre en 2007) et d’expulsions (25 000). »

Le communiqué souligne, « Oui, les sans-papiers sont pourchassés par la police. Jusque chez eux. » Il poursuit en disant, « D’autres drames, moins spectaculaires, se déroulent partout en France : à l’heure où nous écrivons, 10 parents (pères ou mères) d’enfants scolarisés sont placés en centre de rétention par la préfecture de police de Paris, en attente de leur expulsion, » et précise que ce n’est que la face émergée de l’iceberg. « Il faut mettre fin aux expulsions, et aux pratiques auxquelles les forces de police se livrent, et donner à ceux qui vivent à nos côtés le droit au séjour », précise-t-on instamment le communiqué.

L’intensification des actes de répression à l’encontre des sans-papiers a été facilitée par une manœuvre répugnante pratiquée l’été dernier par Sarkozy face à un mouvement de masse  contre les déportations et le harcèlement de ces familles. En tant que ministre de l’Intérieur, il avait déclaré un moratoire pour les  familles dont les enfants étaient scolarisés et promis qu’entre six à sept mille familles remplissant certains critères seraient régularisées durant les vacances d’été. Quelque 30 000 candidats à la régularisation qui pensaient remplir les conditions requises avaient communiqué de ce fait leurs coordonnées aux autorités. Il s’ensuivit que 23 000 demandes de régularisation furent refusées et ce en dépit du fait qu’un grand nombre d’entre eux remplissait entièrement les critères établis.

Hortefeux a nié qu’il y avait une intensification de l’action contre les sans-papiers durant les mois d’été. Toutefois, son porte-parole a admis qu’une réunion de travail des services de l’administration avait eu lieu début juillet sur des « questions de procédure » tout en niant l’existence de toute directive écrite. Mais un document provenant du gouvernement et obtenu par le quotidien Libération recommande à la police de procéder à des vérifications du domicile  des sans-papiers et de « solliciter le procureur de la République afin d’obtenir la coercition » en cas de « non déferrement » de personnes convoquées.

La procédure prévoit également de faire inscrire les sans-papiers au FPR, le fichier des personnes recherchées. Les organisations de défense des droits des sans-papiers remarquent qu’alors que les interpellations de la police au domicile des sans papiers étaient exceptionnelles, la recommandation d’Hortefeux en fait une chose courante. Le vice-président du Syndicat des Magistrats, Jean-François Zmirou a fait le commentaire suivant, « Je trouve particulièrement inquiétant que les magistrats du parquet soient ainsi utilisés par le ministère de l’Intérieur pour servir sa politique. »

Alors que la sincérité et l’inquiétude de la population contre la chasse aux sorcières ayant pour cible les sans-papiers est indubitable, le rôle joué par les partis de « gauche » est à relever. A l’époque du gouvernement de la gauche plurielle de Lionel Jospin, une coalition rassemblant le Parti socialiste (PS), le Parti communiste (PC) et les Verts, 12 000 sans papiers étaient déportés chaque année (selon Libération du 11 août).

Le programme électoral du PS pour les élections présidentielles de 2007 contenait des mesures anti-immigration strictes : « Nous mènerons une politique de fermeté à l’égard de l’immigration illégale... Il nous faut par conséquent dissuader l’immigration illégale. » Lorsque la candidate du PS, Ségolène Royal, fit un geste démagogique durant sa campagne électorale en faveur des enfants des sans-papiers, elle fut très vite obligée de se rétracter quelques heures plus tard. http://www.wsws.org/francais/News/2007/avril07/070407_sanspapiers.shtml

La seule personnalité politique à avoir participé à la manifestation de vendredi à Amiens était Francis Lec, avocat du Parti socialiste et conseiller régional de Picardie qui travaille pour le RESF de la Somme. Lec réclame la régularisation définitive d’Ivan et de ses parents et le soutien total à leur égard des services sociaux tout en signalant que le geste « humanitaire » d’Hortefeux permettant aux Dembsky de séjourner six mois en France, le temps que leur fils se rétablisse est un refus cynique de reconnaître que les blessures d’Ivan nécessiteront des années de soins médicaux. Néanmoins, dans sa déclaration que la presse a rapportée, Lec ne propose aucune campagne politique à mener contre la politique anti immigration poursuivie par l’ensemble de l’élite dirigeante française.

(Article original paru le 18 août 2007)


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