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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France: la campagne de Royal chancelle tandis que Sarkozy consolide son soutien auprès des grandes entreprises

Par Antoine Lerougetel
20 février 2007

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Nicolas Sarkozy, candidat à l’élection présidentielle de l’UMP (Union pour un mouvement populaire) gaulliste au pouvoir a fait une attaque directe au programme de sa rivale du Parti socialiste Ségolène Royal.

Le Parti socialiste espérait que quelques concessions sociales superficielles dans son programme, présenté par Royal lors d’un meeting à Villepinte le 11 février, raviveraient le soutien de l’électorat à sa candidature. Cela n’a pas été le cas. Après le meeting, les sondages donnaient 33,5 pour cent à Sarkozy au premier tour contre 26 pour cent à Royal. Au deuxième tour, Sarkozy obtiendrait 54 pour cent des voix et Royal 46 pour cent, soit une perte de 2 pour cent pour Royal et un gain similaire pour Sarkozy par rapport aux sondages effectués avant le meeting de Villepinte.

Trois jours plus tard, Sarkozy donnait sa réponse au programme de Royal dans un entretien publié dans les deux principaux journaux financiers, le Financial Times et les Echos. Marquant clairement sa différence d’avec la candidate du Parti socialiste (PS), comme Margaret Thatcher avait l’habitude de le dire, il a déclaré : « Les valeurs que madame Royal met en avant sont celles de l’assistanat, de l’égalitarisme et du nivellement. »

L’affirmation impétueuse de Sarkozy concernant le droit des riches à s’enrichir davantage et son rejet même des palliatifs les plus minimes conçus pour améliorer l’appauvrissement que la politique libérale a imposé aux personnes issues de la classe ouvrière, est une déclaration d’intention à ses amis du MEDEF (Mouvement des entreprises de France.) Sarkozy proclamait par là qu’il n’y aurait pas de compromis sur leur exigence de réforme économique et sociale de la France dans l’intérêt du patronat français et européen

Il cherche aussi à se rallier une base parmi les couches plus fortunées de la population. Il a dit avec insistance, « Mes priorités en matière d’impôts c’est l’exonération d’impôts pour les heures supplémentaires, l’exonération des droits de succession pour presque tous les foyers et l’allègement fiscal pour le paiement des intérêts d’un emprunt-logement. Le but en est simple : nous devons redonner à la classe moyenne la possibilité de devenir propriétaire. »

La prétention d’universalisme de Sarkozy est transparente. L’impôt sur les droits de succession est le cauchemar des riches et l’allègement de l’emprunt-logement profiterait aussi de façon disproportionnée aux plus riches. On retrouve ici des échos de Thatcher promettant de créer « une démocratie d’actionnaires et de propriétaires », comme leitmotiv de son programme de « capitalisme populaire. » Une fois de plus l’objectif est de créer une base sociale de soutien en vue d’une offensive contre la classe ouvrière et la destruction de l’Etat-providence.

Les énormes coupes budgétaires que les mesures de Sarkozy impliquent nécessiteront des pertes d’emplois massives. Se lamentant de ce que le service public avait créé un million de nouveaux emplois, il a promis de ne remplacer que la moitié des fonctionnaires partant à la retraite. « Je ferai de la réforme de l’Etat un projet clé de la présidentielle, » dit-il. Il observe aussi de près la politique allemande consistant à augmenter de trois pour cent la TVA [taxe sur la valeur ajoutée], faisant peser un peu plus sur les pauvres le poids de l’impôt.

Sarkozy a critiqué Royal de manière significative pour n’avoir pas adopté la politique d’austérité sociale et en faveur des grandes entreprises du gouvernement « New Labour » de Tony Blair et de l’ancien premier ministre social-démocrate allemand Gerhard Schröder lorsqu’il a posé la question, « où sont les nouvelles initiatives ? Où est l’évolution du socialisme français vers le socialisme européen ? »

S’attaquant à la promesse de Royal d’augmenter de cinq pour cent les retraites les plus basses et d’élever le salaire minimum à 1 500 euros par mois (promesse pour laquelle elle a refusé de donner une date) il a dit, « d’un côté il y a l’investissement, de l’autre l’assistanat. » Se faisant l’écho de la rhétorique de Blair en Grande-Bretagne, il a critiqué Royal disant qu’elle cherchait « à créer de nouveaux droits sans y attacher de responsabilités. »

Ces « responsabilités » équivalent à une forme d’obligation pour les chômeurs d’accepter n’importe quel emploi proposé, quel que soit le salaire sous peine de perdre leurs allocations : « Quand je parle de droits et de devoirs, je suis précis : aucune allocation sans travail en retour. »

Il n’y aura pas non plus de répit dans la chasse aux immigrés avec « pas de papiers de séjour en France si on ne sait pas écrire, si on ne sait pas lire et si on ne sait pas parler français. »

Toute augmentation des retraites sera financée par des augmentations des contributions des travailleurs et l’allongement de la vie active, avec « aucune augmentation des retraites de base sans consolidation du système de retraite. »

Sarkozy expose clairement son projet visant à imposer ses mesures socialement destructrices s’il est élu président. Dans la ligne du processus de Lisbonne de l’Union européenne, il négocierait avec les syndicats comme il l’avait fait avec succès pour désamorcer la « crise du CPE » (le mouvement de masse des jeunes et des travailleurs contre le Contrat première embauche au printemps 2006) en invitant les principales confédérations syndicales à des discussions sur les relations au travail.

« Ma première priorité serait la modernisation de la démocratie sociale », dit-il. Ce qui signifie avant tout utiliser les syndicats pour étouffer les grèves. Tout d'abord, il y aurait une période systématique de « six à huit mois » de consultation entre « partenaires sociaux » [jargon de la bureaucratie de l’Union européenne pour désigner les patrons et les syndicats] pour trouver « des réponses aux questions concernant les droits des travailleurs ».

Au cas où il y aurait une grève, il veut que les syndicats, pour la plupart affiliés soit au Parti socialiste soit au Parti communiste, prennent « des engagements pour [fournir] un service minimum dans les transports en commun et les autres services publics ».

Il y aurait ensuite une obligation supplémentaire « d’un vote à bulletins secrets dans les entreprises, les universités et la fonction publique après huit jours de grève ». S’il y avait un vote majoritaire parmi les travailleurs pour reprendre le travail, aucun syndicat n’aurait « le droit de monter des piquets de grève ».

La réponse agressive de Sarkozy à Royal est au diapason des sentiments des cercles patronaux français, peu impressionnés par les promesses de campagne de Royal. Ce qui est tout particulièrement considéré comme une abomination, c’est sa promesse de réformes sociales. Elle les jugeait essentielles pour essayer de gagner un certain soutien populaire à son programme globalement de droite, mais les principales grandes entreprises veulent voir mettre un terme décisif à l’impasse crée par la résistance de la classe ouvrière aux réformes structurelles tentées à maintes reprises par les gaullistes sous la présidence de Jacques Chirac.

Le porte-parole économique du Parti socialiste Luc Besson a même dû démissionner de la campagne présidentielle après avoir été réprimandé par Royal pour avoir, face à une critique soutenue de la part des médias, évalué le coût de sa politique sociale. Royal avait l’intention de garder un certain flou sur la question, mais Besson a déclaré que son programme social s’élèverait à 35 milliards d’euros.

Ceci ne diminue en rien le caractère globalement droitier du programme de Royal. En effet sur tous les autres fronts elle a dû calculer qu’elle avait donné à la bourgeoisie française ce que celle-ci exigeait d’elle.

En accord avec Sarkozy, elle a l’intention de réunir employeurs et syndicats pour imposer les diminutions des droits et du niveau de vie nécessaires pour faire de l’économie de l’Europe « la plus compétitive du monde ». Telle est l’essence de son « Pacte républicain » (terme utilisé aussi par Sarkozy.)

Royal exprime aussi son accord implicite avec le projet économique néolibéral de Sarkozy lorsqu’elle déclare, « l’Europe doit se battre aussi pour une politique industrielle à l’instar de ce que font les Etats-Unis et les grands pays émergents ».

Elle n’a ni fait allusion ni promis d’abroger une série de mesures, dont bon nombre ont été parrainées par Sarkozy, attaquant les droits et libertés démocratiques, dont les pouvoirs accrus de la police : deux lois antiterroristes qui accroissent considérablement la surveillance par l’Etat de la population, la Loi pour l’égalité des chances, la Loi de prévention de la délinquance, la suppression de la protection du travail, la loi sur l’Etat d’urgence. Elle a clairement l’intention de les conserver dans le code.

Elle a réitéré son intention d’impliquer les militaires dans les établissements pour jeunes délinquants. Elle est aussi d’accord avec Sarkozy sur la mise en place d’un service civique obligatoire de six mois pour tous les jeunes et a aussi suggéré que celui-ci pourrait se faire dans l’armée. La proposition 54 de son programme en 100 points est de « créer une nouvelle police de quartier ». Comme Sarkozy sur la question du paiement des allocations, elle dit que chaque nouveau droit va de pair avec des devoirs.

Son discours était une déclaration de soutien à une politique étrangère impérialiste et militariste. Elle a proposé un « pacte d’honneur… pour que la France se relève ».

« La France c’est plus que la France...Et la France, en tout cas, ne craindra pas, je vous l’annonce, de tenir le rang qu’elle doit à son histoire », a-t-elle dit au public.

Royal a exprimé sa foi en un « monde multipolaire » où la France trouverait son intérêt dans une Europe impérialiste : « C’est pourquoi tous les efforts visant à faire redémarrer l’Europe et à en faire une puissance également politique seront poursuivis avec une ardeur particulière. »

Elle a terminé ses remarques par la déclaration, « Vive la République...Vive la France. »

Royal n’a fait aucune référence à l’intensification de la guerre en Irak et n’a exprimé aucune inquiétude sur la misère qui s’abat sur le peuple irakien du fait de l’impérialisme américain, qu’elle avait félicité, lors d’un débat pendant la campagne d’investiture du PS, pour avoir apporté la démocratie en Irak. Elle n’a pas non plus reconnu la menace imminente d’une attaque militaire américaine contre l’Iran.

Tout en soutenant l’opposition de Chirac à la décision unilatérale des Etats-Unis de partir en guerre contre l’Irak en 2003, une position motivée en grande partie par le désir de protéger d’importants investissements français dans l’Irak de Saddam Hussein et l’Iran d’aujourd’hui, elle a dit des relations de l’impérialisme français avec les Etats-Unis, « Partout où nous agirons, les Etats-Unis, bien sûr, ne seront pas loin. Ils seront là, puissants, amicaux, généreux et aussi, comme l’histoire récente l’a montré, emportés parfois jusqu’à l’erreur par le poids même de leur puissance. Nous vivrons avec eux, en partenaire solide, fiable… »

« Je me suis prononcée, vous le savez, pour la plus grande fermeté vis-à-vis du régime iranien en place et de ses provocations répétées, s’est-elle vanté. Veiller à la sécurité de tous, c’est aussi donner l’exemple. Et c’est pourquoi nous continuerons à déployer des forces au service du droit, s’il le faut, en Afrique comme au Proche-Orient. »

La proposition 93 de la liste des 100 propositions qu’elle a faites au meeting était la promesse de « Doter notre défense nationale de moyens à la hauteur des risques nouveaux…Notre capacité de dissuasion nucléaire doit être préservée. »

Si Royal, contrairement à ce qu’indiquent aujourd’hui les sondages, venait à gagner les élections présidentielles, elle serait à la tête d’un gouvernement férocement opposé à la classe ouvrière. Le fait que la gauche officielle, comprenant le Parti communiste, les Verts, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et Lutte ouvrière (LO), persiste à dépeindre le Parti socialiste et Ségolène Royal comme une sorte d’alternative aux gaullistes, les rend complices d’une trahison politique.

(article original paru en anglais le 19 février)

(Les propos de Nicolas Sarkozy dans son entretien au Financial Times du 14 février ont été retraduits de l’anglais.)

Lire aussi :

France : Nicolas Sarkozy se rend à Londres [6 février 2007]


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