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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : Les médias déroulent le tapis rouge pour Olivier Besancenot

Par Antoine Lerougetel
27 mai 2008

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Le soutien médiatique énorme des médias français pour Olivier Besancenot, deux fois candidat de la LCR (Ligue communiste révolutionnaire) à l’élection présidentielle (en 2002 et en 2007) indique de profonds changements dans la politique française. Et soulève aussi de profondes questions.

L’attitude favorable des médias à l’égard de Besancenot, 35 ans, facteur à mi-temps, n’est pas une nouveauté mais elle a atteint un nouveau sommet lors de sa participation à une émission de télévision populaire, un chat show people, de trois heures Vivement dimanche, sur France 2 animé par Michel Drucker. L’émission a été enregistrée et copieusement commentée avant sa diffusion le 11 mai.

Le Monde du 9 mai commentait: « L’émission a commencé à faire du bruit avant même sa diffusion…Olivier Besancenot a attiré des dizaines de journalistes lors de l'enregistrement. Suscité la couverture du Nouvel Obs comme une demi-page du magazine Gala. Et provoqué un début de "buzz" sur le Net. »

Le quotidien conservateur Le Figaro, appartenant à l’industriel de droite Serge Dassault, un fidèle de Sarkozy, dans un long article intitulé « Tapis rouge pour Besancenot », brossait le portrait d’un homme d’envergure : « Mais qu'on ne s'y trompe pas. Derrière ses airs juvéniles et son éternelle décontraction, Olivier Besancenot n'est pas un tendre, ni un homme de compromis.»

Le Figaro citait aussi, en l’approuvant, la remarque de Drucker: « Olivier Besancenot a un vrai charisme, il occupe l'espace, il n'est pas là par hasard et je pense que beaucoup de gens seront touchés par sa sincérité. »

Ce journal pro-capitaliste a aussi exprimé son admiration pour la manière dont le dirigeant de la LCR a réagi lors de l’interview politique de Claude Sérillon en fin d’émission: « Olivier Besancenot est resté maître du jeu. »

L’hebdomadaire de droite L’Express, récemment vendu par Dassault à la maison d’édition belge Roulata, a aussi consacré un long article à Besancenot, qui se termine par cette prédiction : « Il savoure les plaisirs de l’opposition permanente et en attend un franc succès aux élections européennes de 2009. »

L’hebdomadaire Le Nouvel Observateur, généralement proche de l’aile droite du Parti socialiste, ne s’est pas contenté dans son numéro du 8 mai de mettre en couverture une photo en gros plan de Besancenot, portant le message « Le mystère Besancenot », il a aussi fait cette déclaration pour le moins surprenante : « A 35 ans, il possède un statut à part : l'opposant absolu et absolument populaire, ne passant rien à Sarkozy ni à ses opposants, les «clowns» de la gauche institutionnelle, et pourfendant le «capitalisme» pris en bloc. A la télévision, son talent fait merveille. Dans les entreprises en lutte, il est de plain-pied avec les salariés. Les médias le traitent en majesté. Son invitation chez Michel Drucker, dimanche sur France 2, a la valeur d'un couronnement. Besancenot est protégé : son statut de tribun du peuple interdit les questionnements politiques ou personnels. »

Il n’est pas inutile de rappeler que lorsque les Français avait voté ‘Non’ au référendum sur la Constitution européenne en 2005 malgré la pression conjointe des médias et du gouvernement Chirac-Raffarin-Sarkozy, en alliance avec le Parti socialiste (PS), parti d’« opposition », alors Libération, Le Monde et Le Nouvel Observateur avaient exprimé les récriminations les plus acerbes contre ceux qui conduisaient la campagne pour le ‘Non’, notamment la LCR et le Parti communiste (PC), les accusant de promouvoir dans la classe ouvrière des idées réactionnaires et de faire le jeu des chauvins.

Le capitalisme français a besoin d’un nouveau soutien

Comment se fait-il que des chaînes de télévision et des journaux financés par le grand patronat, qui sont imprégnés d’une haine viscérale pour le socialisme, le communisme et leur expression moderne le trotskysme, et qui sont fermement engagés dans le système capitaliste, soient en train de faire du battage pour Olivier Besancenot et pour la campagne de la LCR visant à constituer un nouveau « parti anticapitaliste » d’ici la fin de l’année ?

La LCR dans son hebdomadaire Rouge, daté du 15 mai, ne pose pas cette question, mais feint, avec insincérité, un étonnement satisfait : « Il était difficile de s’attendre à un tel déferlement. »

En réalité, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi on déroule le tapis rouge pour Olivier Besancenot. L’effondrement de l’autorité de Sarkozy et l’isolement de son régime, couplés à l’écroulement du PS et du PC en tant que partis d’opposition, perturbent l’élite politique. Le capitalisme français, sous la pression de la concurrence internationale exacerbée par la crise financière mondiale, a besoin d’accélérer la destruction du niveau de vie et des droits sociaux et démocratiques de la masse de la population. Néanmoins, il est confronté à une résistance de masse des jeunes et des travailleurs, qui ne cesse de s’intensifier. Il craint qu’il n’y ait plus de parti à gauche capable de jouer le rôle d’une opposition crédible qui empêche le mouvement social de masse d’échapper à tout contrôle. Il a besoin d’un nouveau soutien qui prenne la place des forces usées de la gauche qui sont, à présent, perçues comme étant les serviteurs de la classe capitaliste.

Cela fait 40 ans que la LCR fait partie du paysage. Elle a convaincu la classe dirigeante française que, en dépit de sa rhétorique anticapitaliste, elle ne représente pas un danger à son régime et qu’on peut lui faire confiance pour prendre la place de ces forces usées de la « gauche ». C’est la raison pour laquelle la LCR est maintenant apprêtée pour cette tâche.

Ces dernières années, la LCR a oeuvré avec les syndicats et les bureaucraties du PS et du PC pour isoler et dépolitiser les luttes des lycéens et des étudiants, des jeunes des banlieues, des sans-papiers, des cheminots, des électriciens et gaziers et des travailleurs de la fonction publique. La LCR a tout fait pour empêcher une révolte contre ces bureaucraties et le développement de tout mouvement représentant les intérêts indépendants de la classe ouvrière et des jeunes.

Le Monde du 10 mai est on ne peut plus clair là-dessus. Il affirme que « l’opposition est inaudible ». Stéphane Rosès, de l’Institut de sondage CSA, exprime dans ce même numéro l’inquiétude de voir s’effondrer l’autorité politique en France : « Le déploiement du sarkozysme a écarté toute alternative un tant soit peu crédible. Le pays, dans ses différentes composantes, redoute que l'échec du sarkozysme ne conduise à une situation comme on n'en a jamais connu dans le passé. Contre lui, il n'y a plus rien, et il le sait. Aux conseilleurs, il semble dire : "Mais vous avez quelqu'un d'autre que moi ?" Le danger de cette situation est qu'on a à la fois le monopole du sarkozysme dans l'imaginaire national, mais celui-ci est profondément délité dans le rapport avec celui qui le porte. »

La LCR apprêtée pour prendre la place des bureaucraties

Ce qui rend Besancenot intéressant pour l’élite politique française, c’est sa réputation de porte-parole de la révolte contre la politique réactionnaire du gouvernement, et le fait qu’en même temps il lie la classe ouvrière aux vieux soutiens du système. Le Nouvel Observateur écrit : « Cet encore jeune homme en qui se reconnaissent tant de mécontents. Ce n'est pas si souvent qu'un révolutionnaire est une star, dans ce pays tempéré ! » Le magazine ajoute : « La jeunesse du leader de la LCR et son style, tant vestimentaire que verbal, lui ouvrent donc un espace... et séduit les jeunes. »

Ceci fait de Besancenot et de son « parti anticapitaliste » un atout de valeur pour la bourgeoisie parce que, parmi les jeunes, les immigrés et de larges couches de la classe ouvrière, la résistance à la politique anti-ouvrière de Sarkozy devient chaque jour plus explosive et plus difficile à contenir pour les partis de « gauche » traditionnels et les syndicats.

Les médias sont devant une tâche délicate : ils doivent promouvoir Besancenot sans pour autant détruire sa crédibilité de révolutionnaire, dans une situation où la popularité et la crédibilité du gouvernement de Sarkozy sont historiquement au plus bas.

Conscient de cet état de fait, Le Nouvel Observateur affirme que « Besancenot a repris des trotskistes vétérans le culte de la longue patience : Qu'importent les défaites, les luttes reprendront. » Le Figaro aussi, et en toute malhonnêteté, se porte garant de sa crédibilité de gauche : « N'étant pas homme de compromis, sectaire disent certains, il a toujours refusé tout rapprochement avec la gauche de gestion. »

Les commentateurs ont fait remarquer que Besancenot était l’unique candidat à « la gauche de la gauche » dont les voix à l’élection présidentielle de 2007 s’étaient maintenues par rapport à ses résultats à la présidentielle de 2002. Un récent sondage d’opinion commandité par Le Figaro établit que si le premier tour des élections présidentielles devait se tenir dimanche prochain, le porte-parole de la LCR doublerait son score de 2007 pour atteindre 8 pour cent, ce qui le mettrait loin devant les autres candidats de « l’extrême-gauche ».

Le Figaro explique : « Il parvient à apparaître comme l'opposant le plus déterminé à Nicolas Sarkozy. » De son côté, L’Express écrit : « En réalité, il est perçu comme un opposant de gauche à Sarkozy et au patronat, un peu plus musclé que les autres, un combattant mi-politique mi-syndical, une icône sociale. »

Dans l’émission de Drucker, où Besancenot avait apparemment eu carte blanche pour choisir le public du studio et les invités, l’unique personnalité politique qu’il avait invitée était Christiane Taubira, député de la Guyane, département français d’outremer. Elle avait soutenu la campagne droitière de la candidate socialiste à la présidentielle de 2007 Ségolène Royale. Taubira tourne depuis longtemps autour du PRG (Parti républicain de gauche). Besancenot n’a été nullement décontenancé par les louanges débordantes que lui a lancées cette femme qui l’a félicité pour son « respect des institutions parlementaires ». 

Bien qu’il se revendique internationaliste, Besancenot n’a pas émis la moindre critique à l’égard de la politique étrangère française, soutenue par l’UMP comme par le PS, à savoir le soutien à l’occupation dévastatrice, néocoloniale et conduite par les Etats-Unis et ses alliés, de l’Irak et de l’Afghanistan. Il n’a pas dit un mot non plus sur les menaces d’intervention militaire en Iran, proférées par les Etats-Unis et soutenues par plusieurs Etats européens, dont la France. Aucune critique non plus du soutien à l’offensive israélienne contre les Palestiniens et le Liban. Besancenot a fait une brève référence au renfort du contingent français en Afghanistan, mais seulement pour l’opposer aux coupes budgétaires dans l’Education nationale.

Le Figaro fait remarquer que Besancenot démontre qu’il est inoffensif pour la classe dirigeante bien qu’il ait à la bouche toute cette rhétorique de gauche. Faisant référence à l’interview politique conduite par Claude Sérillon à la fin de l’émission, le journal commente : « Encore interrogé sur le nouveau parti anticapitaliste qu'il souhaite créer et qui irait au-delà de la LCR, Olivier Besancenot est resté flou. Au point que Claude Sérillon finit par voir en lui "plutôt un supersyndicaliste" à la pointe des luttes, qu'un véritable chef de parti "qui aurait une véritable analyse politique, comme par exemple sur les institutions". »

Tout en disant à Sérillon, « Je suis porte-parole d’une organisation qui est trotskyste », Besancenot a exprimé son admiration pour Che Guevara, l’anti-trotskyste et a fait l’apologie classique de l’opportunisme : « Je ne renonce à absolument aucune filiation : il n’y a absolument aucun courant révolutionnaire à lui seul qui peut prétendre avoir fait la synthèse de toutes les expériences révolutionnaires. On va prendre les meilleures. »

Ainsi, quand Sérillon lui a demandé s’il ferait alliance avec Taubira, le Parti communiste, Jean-Luc Mélenchon à la gauche du PS ou d’autres éléments de la campagne du Non à la Constitution européenne de 2005, il a assuré que « Sur des bases claires nous sommes prêts à faire des alliances. »

La classe ouvrière doit se tenir sur ses gardes. En ce qui la concerne, le rôle pour lequel la classe capitaliste est clairement en train d’apprêter Besancenot et la LCR est loin d’être inoffensif. En se présentant comme une alternative à la « gauche » officielle discréditée et aux bureaucraties syndicales, Besancenot et la LCR ont pour tâche de désorienter tout mouvement indépendant, de la classe ouvrière et des jeunes, et de l’empêcher de rompre une bonne fois pour toutes avec ces soutiens du capitalisme. Il en résulterait des conséquences désastreuses.

On peut citer en exemple l’Italie. Là-bas, l’équivalent italien de la LCR, partie intégrante de Rifondazione Comunista, a participé à la coalition soutenant le gouvernement de Romano Prodi, pratiquant la politique du moindre mal au point de soutenir l’envoi de soldats italiens en Afghanistan, l’expansion de la base militaire américaine à Vicenza et des réductions des retraites. Ce refus de lutter pour établir les intérêts indépendants de la classe ouvrière a joué pour beaucoup dans le retour de Berlusconi aux dernières élections et a eu pour effet d’encourager les fascistes, actuellement en train d’organiser des pogroms contre les immigrés, avec l’aval des autorités.

Lire aussi :

France : La LCR soutient la CGT contre les sans-papiers [21 mai 2008]

L’effondrement de Rifondazione en Italie
Le prix de l’opportunisme
[1er mai 2008]

 


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