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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

Allemagne : de dirigeant syndical au poste de directeur des ressources humaines, le cas de Norbert Hansen

Par Stefan Steinberg
24 mai 2008

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Après des années de débats et l’élaboration de diverses propositions alternatives et de documents de travail, le cabinet ministériel du gouvernement allemand de grande coalition unissant démocrates-chrétiens de la CDU-CSU et sociaux-Démocrates du SPD a accepté le 30 avril la privatisation partielle du système national des chemins de fer allemands. Huit jours plus tard, Norbert Hansen démissionnait de son poste de président du syndicat de cheminots Transnet pour occuper le poste de directeur des ressources humaines et affaires sociales à la Deutsche Bahn (DB, chemins de fer allemands).

Il n’y a aucun hasard dans le timing de ces deux événements. En tant que président de la plus grande centrale syndicale de cheminots allemands comptant 270 000 membres, Hansen, qui est âgé de 55 ans, avait été pendant un certain nombre d’années le principal acteur de la privatisation. A présent, il a été récompensé ouvertement et impunément pour la campagne qu’il a menée en faveur de la privatisation par un siège au directoire de la nouvelle entreprise et une augmentation de salaire correspondante.

Les articles parus dans les médias allemands et concernant son changement de camp, passant du siège syndical à celui de l’entreprise, expriment la compassion pour les moments de doute et d’hésitation qu’il a eu avant d’accepter le nouveau poste. Finalement, nous dit l’histoire, après concertation avec ses collègues politiques, y compris ses anciens amis des « Jeunes Socialistes » (Jusos, Hansen est membre du Parti social-démocrate SPD), il a accepté le nouveau poste.

En fait, il faut vraiment se méfier de tels articles de presse et les considérer avec un esprit critique. Ce qui est bien plus probable, c’est que l’on avait promis à Hansen un poste (et des stock-options correspondants) avec la privatisation de la DB à un stade bien antérieur à ce processus.

Hansen et la privatisation

Lors de la conférence annuelle de Transnet en 2000, Hansen s’était en réalité opposé aux projets de privatisation avancés par le président du directoire de la DB, Hartmut Mehdorn, mais en l’espace de quelques années le permanent syndical devait se transformer en un des plus fervents défenseurs de la liquidation du groupe d’Etat à des investisseurs privés.

Lors d’un congrès extraordinaire de son syndicat en juillet 2007, Hansen avait fait pression sur les délégués pour qu’ils appuient la ligne de « coopération constructive » avec le gouvernement et la direction de la DB afin de provoquer une décision parlementaire en faveur de l’ouverture le plus tôt possible du capital par introduction en bourse de la DB.

L’argumentation de Hansen avait été qu’en prévoyant la vente de 49 pour cent des parts de la DB il serait possible de sauvegarder l’unité de la DB et d’éviter l’éclatement de l’entreprise comme ce fut le cas pour British Rail en Grande-Bretagne. Son argumentation fut appuyée par le ministre des Transports, Wolfgang Tiefensee (SPD), qui avait dit aux délégués que tout irait bien après l’introduction en bourse et que la DB avait besoin de « nouveaux apports en capital » pour devenir l’« acteur mondial numéro un » du secteur logistique.

En octobre 2007, Transnet proposa ses services au gouvernement. Le syndicat rédigea à titre de coauteur un document déclarant : « Transnet offre des services-conseils au gouvernement en matière de définition et de contenu de la loi de privatisation. »

Tout en professant son allégeance au principe de rentabilité des entreprises dénationalisées, que le syndicat déclare être tout aussi important que la sécurité des droits des salariés, le papier poursuit : « La stabilité économique de la DB et sa compétitivité en Allemagne, en Europe et de par le monde sont tout aussi déterminantes pour la protection de l’emploi que la sauvegarde du droit de contrats existant. » Ceci fait peu de cas de l’expérience désastreuse qui a été faite ces dernières années en matière de privatisation sur un plan mondial. Alors que les spéculateurs et leurs partisans ont fait fortune, les travailleurs ont été perdants chaque fois.

En ce qui concerne la privatisation, Norbert Hansen se situe à droite par rapport à la Confédération allemande des syndicats (DGB). Lors d’une réunion de la direction du DGB en 2007, Hansen avait été le seul bureaucrate à voter contre une résolution opposant la privatisation des chemins de fer.

Finalement, en avril de cette année, le gouvernement fédéral a accepté les propositions d’introduction en bourse de la DB. Suite à une certaine opposition au sein du SPD, le ministre des Transports, Wolfgang Tiefensee fut forcé d’accepter un compromis par rapport à son projet initial de vente de 49 pour cent des actions de la DB. Au lieu de cela, 24,9 pour cent des actions seront cédés à des investisseurs privés mais il est largement reconnu que cette première introduction en bourse n’est probablement que la première étape d’une privatisation totale des chemins de fer.

Non content de soutenir activement la privatisation, Hansen a aussi joué un rôle crucial en soutenant la « rationalisation » de Mehdorn des chemins de fer en soumettant aux investisseurs privés potentiels le meilleur paquet possible (comprenez : le plus rentable).

En tant que dirigeant syndical Hansen a participé activement à toutes les attaques perpétrées par la direction de la DB à l’encontre des cheminots.

Les Chemins de fer allemands avaient été à l’origine une entreprise d’Etat et furent transformés en 1994 en une société anonyme (en restant provisoirement la propriété de l’Etat). Les conséquences furent terribles pour les cheminots. L’entreprise fut divisée en près de 200 filiales, une mesure qui a entraîné un déclin permanent des salaires et des conditions de travail. La productivité a augmenté de 180 pour cent tandis que les coûts de main-d’œuvre ont baissé de 28 pour cent.

La DB a supprimé près de la moitié de son effectif depuis 1994, environ 150 000 travailleurs. Dans le même temps, les travailleurs restants sont obligés d’accroître le nombre d’heures supplémentaires qui était de 14 millions d’heures pour la seule année 2002. Tout ceci s’est fait avec la collaboration de Transnet et des autres syndicats de cheminots tels le syndicat des cheminots-fonctionnaires GDBA et le GDL, le syndicat des conducteurs de train.

En 2003, Transnet et le GDBA ont signé un accord gelant pendant plus de 24 mois les salaires des cheminots. Le GDBA et la DB ont accepté un soi-disant « Programme futur d’économie et d’emploi ». La DB a fièrement annoncé que le nouveau programme signifierait une réduction du coût de la main-d’œuvre de 5,5 pour cent basé sur une augmentation du temps de travail non rémunérée, une flexibilité accrue des horaires de travail et un nouveau contrat prévoyant des paiements uniques pour une durée de deux ans. Ce n’est qu’à la fin de cette période que les salaires seront augmentés de 1,9 pour cent, soit moins que le taux d’inflation et correspondant donc à une réduction du salaire.

Une fois de plus en juillet 2007, Hansen a annoncé une « percée » dans les négociations tarifaires avec Mehdorn en acceptant une augmentation de salaire de 4,5 pour cent pour ses membres à compter du début de 2008. La rapide signature de l’accord avec Transnet visait à laisser les mains libres à la direction de la DB pour venir à bout du syndicat des conducteurs de train qui, sous la pression de ses membres, avait réclamé une augmentation de salaire de 30 pour cent.

Hansen a ensuite saisi toutes les occasions pour attiser la colère contre la grève des conducteurs de train. Lors d’une réunion extraordinaire du conseil de surveillance de la Deutsche Bahn, dont il est un membre, Hansen a appuyé une résolution aux côtés d’autres « délégués du personnel » appelant le patron de la DB à rester intransigeant « même si le GDL poursuit la grève ». Le principal reproche que Hansen a fait au GDL était que le syndicat violait la « solidarité » avec les autres syndicats de cheminots. Pour Hansen, la « solidarité » a toujours signifié la collaboration directe avec la direction de la DB.

Après que des grèves sporadiques aient eu lieu pendant presque un an, la direction du GDL a accepté un compromis pourri avec la direction de la DB.

Le rôle de briseur de grève joué par Hansen lors de la grève des conducteurs de train et sa servilité face à la direction lui a valu le surnom de « caniche » de Mehdorn, le PDG de la DB. Des allégations ont été diffusées par la presse allemande selon lesquelles la direction de la DB finance secrètement Transnet qui était largement considéré comme un « syndicat-maison ».

A présent Hansen est amplement récompensé pour ses services. Il sera en charge dorénavant d’un bon nombre de responsabilités qui étaient du ressort de la directrice du personnel de la DB, Margret Suckale qui avait conduit la campagne menée contre la dernière grève en date des conducteurs de train. La direction de la DB pourra compter sur l’expertise de Hansen et sur ses nombreux liens avec les syndicats et la social-démocratie allemande pour étouffer dans l’œuf la moindre résistance à la privatisation des chemins de fer, créant de ce fait les meilleures conditions possibles pour propager la Deutsche Bahn au rang d’« acteur mondial numéro un » du secteur logistique.

Le salaire que Hansen percevra dans sa nouvelle fonction n’a pas été rendu public, mais si la rémunération de Suckale peut servir de critère alors Hansen peut s’attendre à un traitement annuel tournant autour de deux millions d’euros par an.

Des cris d’orfraie et de protestation contre le rapide changement de position de Hansen, de dirigeant syndical à celui de directeur des ressources humaines ont été poussés par des permanents de haut rang des autres syndicats, tel Verdi, le syndicat des services et le GDL, le syndicat des conducteurs de train. Toutefois, aucune crédibilité ne peut être accordée à leurs protestations. Le GDL n’a aucune opposition de principe à la privatisation des chemins de fer, il a seulement émis des mises en garde contre les conséquences défavorables qu’aurait leur privatisation, comme cela fut le cas il y a quelques années en Grande-Bretagne.

Quant à Verdi, son président Frank Bsirske, fut également un adversaire acharné de la grève des conducteurs de train en prenant partie pour Transnet et en condamnant le DGL. Dans le même temps, Verdi a joué un rôle majeur en sabordant une série de grèves récentes des salariés du service public. Dans le courant de ces divers conflits, a été révélée l’existence de liens étroits entre la bureaucratie de Verdi, la direction et le gouvernement régional.

Le passage du quartier général d’un syndicat au conseil d’administration d’une entreprise est un événement fréquent et qui découle de la logique due à la forme spécifique de la « codétermination sociale » en Allemagne, c’est-à-dire de la collaboration entre les syndicats et le patronat. Hansen a provoqué un froncement de sourcils dans les milieux syndicaux simplement en raison de la manière hâtive, ouverte et provocatrice avec laquelle il s’est jeté dans les bras de la direction de la DB.

(Article original paru le 13 mai 2008)

Lire aussi :

Allemagne : le SPD ouvre la porte à la privatisation des chemins de fer [24 avril 2008]


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