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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

France : Des sans-papiers occupent un local de la CGT à Paris

Par Kumaran Ira et Antoine Lerougetel
7 mai 2008

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Depuis le 2 mai, entre 200 et 300 sans-papiers, principalement des Africains, occupent des locaux de la CGT (Confédération générale du travail) à Paris. Ces locaux de la confédération syndicale, étroitement liée au Parti communiste français stalinien se trouvent dans le 3e arrondissement de Paris, non loin de la station de métro République.

Les sans-papiers réclament que la préfecture régularise leur situation et ils accusent la CGT d’avoir « pris en otage » la lutte des sans-papiers. Comme l’un des immigrés l’a dit à la presse : « La CGT a pris en otage le mouvement. Nous, on prend en otage la Bourse du travail. » Ils exigent aussi que la CGT s’occupe de leur cas.

Depuis le 15 avril, des milliers de sans-papiers ont entamé un mouvement de grève et d’occupation dans divers secteurs de l’industrie tels le nettoyage, le bâtiment, la grande distribution, la sécurité et la restauration en Ile-de-France, région parisienne. La CGT et l’association de défense des droits civiques Droits Devant jouent un rôle majeur dans cette grève.

La CGT qui a soumis à la préfecture de Paris un dossier comprenant 900 demandes de régularisation de sans-papiers, membres du syndicat, a accepté l’exigence du gouvernement que les demandes soient traitées au cas par cas.

Ceci bat en brèche la demande fondamentale du mouvement des sans-papiers, à savoir que tous les immigrés en situation irrégulière soient régularisés.

Devant la CGT à Paris, occupée depuis vendredi dernier

Le traitement au cas par cas par les autorités revient à accepter que les droits et les besoins de ces travailleurs immigrés soient soumis aux critères draconiens imposés par le gouvernement Sarkozy et son ministre de l’Immigration Brice Hortefeux. L’un de ces critères est qu’il y ait une demande de la part des patrons pour ces travailleurs dans des professions où les bas salaires et les mauvaises conditions de travail font qu’il est difficile de recruter du personnel.

Le fait que la CGT et d’autres groupes de soutien acceptent de soumettre ce mouvement de 400 000 sans-papiers, qui ne cesse de croître en France, au traitement au cas par cas représente une alliance de fait de ces organisations avec les patrons et le gouvernement pour étouffer la lutte des sans-papiers qui fait partie intégrante de la révolte se développant dans les sections les plus mal payées et les plus exploitées de la classe ouvrière française. Un autre exemple de cette révolte est la vague de grèves sans précédent des travailleurs de la grande distribution, principalement des femmes, dans les hypermarchés et chaînes de distribution.

Jusqu’ici parmi les 900 personnes dont les demandes ont été soumises à la préfecture par la CGT, seuls 3 travailleurs d’un restaurant de Neuilly ont obtenu des titres de séjour, et encore ce sont des titres provisoires.

L’occupation du local du syndicat CGT a été lancée par la Coordination sans-papiers 75 (75 étant le numéro de département de la ville de Paris) après que leurs demandes de régularisation ont été rejetées par la préfecture de Paris.

Coordination 75 qui existe depuis une dizaine d’années, est constituée de quatre collectifs parisiens de sans-papiers. Le plus important, dans le 19e arrondissement compte 2000 membres.

Coordination 75 explique que, le 30 avril, de leur propre initiative, ils ont tenté de remettre un dossier de quelque 1000 demandes de régularisation de sans-papiers à la préfecture de Paris. « Nous aussi, nous avons nos travailleurs sans-papiers qui méritent d'être régularisés au même titre que les grévistes de la CGT », a expliqué Mamoudou Diallo, porte-parole de la coordination des collectifs parisiens 75. La coordination s’était rapprochée de la CGT pour lui demander de s’occuper de sa liste de sans-papiers demandant la régularisation. Cette requête avait été catégoriquement rejetée par les représentants de la CGT. 

Coordination 75 explique aussi que « cette occupation du local CGT a pour but de dénoncer les négociations faites en catimini entre la CGT et Droits Devant avec Hortefeux sur le dos des travailleurs sans-papiers grévistes. »

Les sans-papiers occupant le local CGT ont profité de la visite d’un reporter de Libération pour s’exprimer dans un article paru dans le numéro de samedi. « Nous avons eu quatre rendez-vous avec la CGT, car on voulait nous aussi faire des occupations de lieux de travail », raconte Sissoko Anzoumane, responsable de la Coordination 75 sans-papiers. « Mais ils nous ont baladés, en nous disant qu’il fallait attendre que Sarkozy s’exprime. Et quand ils ont eu un rendez-vous avec le cabinet du ministère de l’Immigration, ils ne nous ont même pas prévenus. »

Sissoko poursuit : « On avait tout fait comme la CGT. C’était des dossiers qui concernaient les travailleurs des métiers en tension, conformément à la circulaire du 7 janvier. Mais à la préfecture, on nous a dit qu’il fallait faire des présentations individuelles ou aller voir la CGT. »

Dabo Mankama a déclaré : « Le cabinet d’Hortefeux leur [la CGT] a dit OK pour 1000 régularisations, mais ils ont demandé, en contrepartie, de calmer le mouvement. La CGT ne s’occupe que des sans-papiers qui ont leur carte dans leur syndicat. » 

Solange, militante de SOS soutien sans-papiers a dit: « en avoir gros sur la patate. Lors d’une réunion, dimanche, la CGT nous a clairement dit : "on arrête le mouvement". C’est évident qu’il s’agit d’un "deal". En même temps, ces sans-papiers qui sortent de l’ombre, c’est une grande première, c’est remarquable.»

Le reportage de Libération a reçu de nombreux courriels d’approbation dont celui-ci est un exemple typique : « Tout comme elle a trahi les cheminots, la CGT joue une fois de plus les casseurs de grève... »

Raymond Chaveau de la CGT a dit à la presse: « On n'est pas d'accord avec cette occupation, car ce n'est pas en obérant les capacités du syndicat qu'on va faire avancer la situation. Il y a eu une grosse provocation de la part de la préfecture qui a renvoyé les collectifs sur la CGT, la CGT apparaissant comme l'antichambre de la préfecture… On veut que la situation des sans-papiers en grève soit réglée, nous voulons des réponses [du gouvernement] pour les travailleurs en grève. »

On peut remarquer la limitation prudente des demandes uniquement aux « travailleurs en grève. »

Les porte-parole de Coordination 75 devait rencontrer lundi matin le maire PS (Parti socialiste) de Paris et candidat à la direction du parti, Bertrand Delanoë qui a lui aussi déclaré son opposition à l’occupation. Le PS a récemment affiché sur son site sa position sur la question de la régularisation des sans-papiers déclarant que « le contrat de travail doit trouver une place prépondérante » et se disant pour « une politique claire de critères qui n'ouvre pas la porte à une régularisation générale. »

Le 4 mai, des reporters du WSWS ont visité le local occupé de la CGT.

Un groupe important de sans-papiers était rassemblé devant l’entrée tenant une grande banderole sur laquelle on pouvait lire « Les chiffres tuent. Sans papiers en danger. » Cela fait référence à l’objectif de 25 000 expulsions de sans-papiers pour l’année 2008 transmis aux préfectures par Hortefeux. A l’intérieur du bâtiment, il y avait de nombreux protestataires assis à même le sol, y compris des femmes et des enfants.

Ils scandaient des slogans, « Sarkozy, Fillon, Hortefeux, Alliot-Marie [ministre de l’Intérieur], police, CRS...On en a marre », « Régularisation de tous les sans-papiers », « On ne veut pas la régularisation au cas par cas. »

Il y avait des autocollants sur les murs portant les messages suivants, « Sans-papiers raflés, Sans-papiers assassinés », « Rafles au faciès partout, Sarko semeur de haine », « Sans papiers en rétention. Frappés, brimés, insultés. Assez ». Un autre encore : « Papa expulsé, famille brisée, enfants en danger. » 

Les sans-papiers qui occupent les locaux ont dit au WSWS, « Le syndicat refuse de mener la lutte pour tous les sans-papiers. Uniquement parce que nous ne sommes pas des membres du syndicat. » Karamoko a fait remarquer : « La CGT refuse de nous accepter… Ils veulent nous faire adhérer et payer quelque chose comme 120 euros par an de cotisation. »

Danfakha a dit : « C’est la politique du gouvernement : pas de régularisation massive.… Parmi nous, il y en a qui sont depuis plus de 15 ans sur le territoire. Il y a un problème quelque part que le gouvernement ne respecte pas cette situation et ne régularise pas les sans-papiers habitant ici depuis plus de 10 ans. »

Il a poursuivi : « Nous avons préparé ensemble la grève du 15 avril, la CGT, Droits Devant et Coordination 75. Quand le premier piquet de grève a été établi au restaurant La Grande Armée et l’occupation était faite, nous n’avons pas été informés et nous avons été oubliés. Quand nous avons appris qu’il y avait une occupation de la part de la CGT, nous sommes partis voir… on n’a pas compris pourquoi ils nous ont écartés à la dernière minute. »

Il a ajouté : « La CGT n'a pas voulu nous expliquer la rencontre qu'ils ont eue avec le ministre de l'Immigration. Il semble qu’il y a eu un accord pour les dossiers déposés par la CGT. Il y a des milliers de travailleurs sans papiers en France… moi je vois mal comment la CGT peut accepter de prendre 1000 dossiers seulement et prétendre défendre le droit des travailleurs en France. »

Lire aussi :

France : La grève des sans-papiers gagne du soutien [5 mai 2008]

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