Le candidat démocrate Barack Obama a remporté une écrasante victoire face au
républicain John McCain lors de l'élection présidentielle tenue mardi et les
démocrates ont augmenté de façon significative leur majorité à la Chambre des
représentants et au Sénat américain.
Avec
seulement quelques Etats où les résultats trop serrés n'ont pas encore été
confirmés, Obama a recueilli les votes de 349 Grands Electeurs contre 163 pour
McCain. Un total de 270 votes électoraux est nécessaire pour la victoire. Les
démocrates ont obtenu au moins 5 sièges de plus au Sénat et presque 20 sièges
de plus à la Chambre des représentants.
Obama
a remporté 27 Etats : tous les 19 gagnés par le candidat démocrate de 2004
John Kerry et 8 Etats gagnés par Bush lors de cette élection, soit la Virginie,
la Floride, l'Ohio, l'Indiana, l'Iowa, le Colorado, le Nouveau-Mexique et le
Nevada. Il mène de plus présentement dans un autre Etat remporté par Bush en
2004 : la Caroline du Nord.
A
l'échelle nationale, l'avance d'Obama en termes de vote populaire va
s'approcher des dix millions. Cela constitue la plus importante avance pour un
nouveau candidat à la présidence depuis Eisenhower en 1952.
D'abord
et avant tout, le résultat de l'élection représente un rejet massif du mandat
présidentiel de Bush, du Parti républicain et de près de trois décennies de
domination de la droite sur la politique américaine. Cette élection marque un
point tournant qui reflète, au niveau électoral, les énormes changements
démographiques, socioéconomiques et culturels qui se sont produits au cours du
dernier quart de siècle.
Tout
le discours infaillible de droite régurgité par les médias et l'establishment
politique de deux partis durant les dernières années, (que les Etats-Unis sont
un pays de « droite » ou de « centre-droite » avec une
majorité d'Etats acquis aux républicains, et que les questions politiques
critiques sont la religion et les « valeurs » culturelles), vient de
s'effondrer.
Plus significativement, les résultats de
l'élection ont réfuté l'assertion selon laquelle les Etats-Unis sont une nation
raciste où l'irrationnelle hostilité raciale éclipse toutes les autres
questions. Selon les sondages menés à la sortie des bureaux de scrutin, seul un
tout petit pourcentage d'électeurs a mentionné que la question de la race avait
influencé leur vote. Sous l'impact de la guerre, de la crise financière et d'une
récession qui s'aggrave, des dizaines de millions de personnes ont plutôt, de
manière tout à fait rationnelle, voté pour exprimer essentiellement leurs
désirs de démocratie et d'égalité bien que, en raison du cadre biaisé et limité
de la politique officielle, la seule avenue pour l'expression de ces sentiments
était de voter pour les démocrates.
Selon les sondages, deux tiers des jeunes,
une immense section de la population, ont aussi voté pour Obama.
Tout ceci signifie que le Parti républicain
a subi un naufrage, sa base électorale pour la présidence étant maintenant
limitée à quelques régions, le Sud profond et les Etats largement ruraux de
l'Ouest intérieur. Obama a balayé la côte est, du Maine à la Floride, le Midwest
industriel, toute la côte du Pacifique et la plus grande partie de l'Ouest
montagneux.
Les républicains ont perdu des sièges au
Sénat dans toutes les régions du pays. Les démocrates ont gagné les sièges
vacants en Virginie, au Colorado et au Nouveau-Mexique et défait les
républicains sortants au New Hampshire, en Caroline du Nord. Les résultats pour
l'Alaska, le Minnesota et l'Oregon sont toujours incertains. Pas un seul
sénateur démocrate sortant n'a perdu son siège.
A la Chambre des représentants, les
démocrates ont arraché plusieurs sièges aux républicains : trois dans
l'Etat de New York, trois en Virginie, deux en Ohio, deux en Floride, deux au
Nouveau-Mexique et un au Connecticut, en Pennsylvanie, en Caroline du Nord, en
Alabama, en Illinois, au Colorado, en Arizona, au Nevada et en Idaho. Seulement
trois démocrates sortants ont été défaits (en Floride, en Louisiane et au
Texas).
Des millions de personnes aux Etats-Unis et
des milliards d'autres de par le monde ont salué la défaite cuisante des
républicains, avec soulagement et même euphorie. Toutefois, leur interprétation
de la victoire d'Obama est très différente de celle des dirigeants du Parti
démocrate, y compris Obama lui-même, et de l'élite dirigeante qui a donné son
soutien au sénateur de l'Illinois.
Les médias américains diront, on ne peut en
douter, que la victoire des démocrates ne signifie pas qu'ils ont le mandat
pour un changement de cap radical. Toutefois, même avant que les votes eurent
été comptés et que la victoire d'Obama fut officiellement annoncée, les
principaux dirigeants démocrates adoptaient précisément cette position. Le
gouverneur du Nouveau-Mexique, Bill Richardson, qui a fait connaître son appui
à Obama lors des primaires, a averti mardi soir que les démocrates doivent
« demeurer modestes » et « chercher à former des
alliances ». Le représentant au Congrès de la Géorgie John Lewis a fait
écho à ces remarques, déclarant que les démocrates doivent aller « très
lentement » et prendre une voie « bipartisane ».
En fait, l'élection de mardi a été un
mandat clair de la population pour la fin des politiques de droite, qui ont eu
un caractère largement bipartisan.
Toute satisfaction que le Parti démocrate
tirera de sa victoire sera contrecarrée par la compréhension au sein du cercle
rapproché du président-élu Obama, de la direction du parti et de
l'establishment politique que les attentes et les espoirs des masses, gonflés
par les résultats électoraux, ne pourront pas facilement être contenus. Le
résultat des élections ouvre la voie à une nouvelle et longue période
d'intenses conflits de classe aux Etats-Unis.
(Article original anglais paru le 5
novembre 2008)