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WSWS : Nouvelles et analyses : Europe

La crise du gouvernement allemand s'intensifie

Par Stefan Steinberg
9 juillet 2010

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Certaines couches de l'élite dirigeante allemande se sont servies de l'élection présidentielle de la semaine passée pour émettre un avertissement au gouvernement Merkel : faites votre travail et appliquez les mesures d'austérité tout en protégeant les privilèges de l'élite du pays sinon on mettra fin à votre mandat et à votre gouvernement.

Au cours de ces derniers mois, le gouvernement, une coalition entre l'Union démocrate chrétienne (CDU), l'Union chrétienne sociale (CSU) et le Parti libéral démocrate (FDP), a subi toute une série de revers. Merkel (CDU) a dû encaisser des critiques de la part des milieux d'affaires et des milieux financiers ainsi que des médias pour sa lenteur à réagir à la crise de la dette grecque qui a entraîné une crise de l'euro et a considérablement augmenté la contribution que l'Allemagne doit verser au plan de soutien du système bancaire européen.

Dans le pays, Merkel a été sous le feu des critiques émanant des cercles d'affaires et des cercles politiques pour avoir proposé un plan d'austérité de 80 milliards d'euros, débordant de simulacres de calculs et qui ne contribuera pas à faire vraiment des économies. La proposition d'une série de mesures d'économie a été critiquée par le CSU de Bavière qui est déterminé à apaiser sa propre clientèle bavaroise. Le FDP a dû faire face à une vague de critiques pour sa manière très ouverte et choquante avec laquelle il a décidé de récompenser financièrement ses plus importants promoteurs.

Largement considéré par l'élite patronale du pays comme une « coalition de rêve » après les élections fédérales d'il y a neuf mois, la coalition est profondément divisée en raison de sa manière de faire et de sa perte de faveur à la fois auprès des électeurs et de sections influentes de la classe politique. Les problèmes de Merkel ont été aggravés par la perte de deux personnages influents du CDU, les puissants chefs de gouvernements des Länder, Roland Koch et Jürgen Rüttgers, qui ont tous deux quitté leur poste récemment. Les deux hommes appartiennent à l'aile droite du CDU et étaient considérés comme des adversaires potentiels de Merkel pour la direction du parti. Tous deux bénéficiaient du soutien d'une vaste section du parti et qui n'éprouve aucune affiliation ou attachement particulier à Merkel.

Il y a un mois, Merkel a été confrontée à la démission controversée du président allemand, Horst Köhler, candidat ayant été choisi par elle-même et le CDU. En dépit du fait que Köhler s'était montré réticent quant aux véritables raisons de sa démission, son départ était vu par les commentateurs politiques comme une nouvelle expression de désunion au sein du gouvernement.

La rapide nomination du ministre-président du Land de Basse-Saxe, Christian Wulff, comme candidat proposé par la coalition pour le poste de président a été une tentative du gouvernement de retourner la situation. Finalement, l'élection présidentielle de mercredi dernier n'a fait que souligner la crise existant au sein de la coalition.

En dépit du fait que les partis de la coalition disposaient d'une importante majorité à l'Assemblée fédérale qui choisit le président allemand, et en dépit des meilleurs efforts entrepris par les directions des partis de coalition pour assurer la discipline, 44 délégués du camp gouvernemental ont refusé de voter pour Wulff lors du premier tour de scrutin. A la fin, Wulff a été élu à la présidence allemande mais seulement au bout de neuf heures et trois tours de vote à bulletins secrets.

Wulff fa finalement été élu par une majorité absolue bien qu'une majorité simple eut été suffisante. Le message envoyé par les 44 dissidents des rangs du gouvernement était clair : « nous n'avons rien contre la candidature de Wulff et nous aurions pu l'élire dès le premier tour. Mais notre priorité était d'exprimer notre hostilité à l'encontre de la direction de Merkel. » Selon un député CDU de base cité par le Financial Times, « C'était une journée tout à fait épouvantable. Le fait que les rebelles aient continué à voter contre M. Wulff, ou se soient abstenus, montre l'intensité de leur sentiment. Peut-être que l'élection en soi sera oubliée dans quatre semaines. Mais le misérable état de la coalition ne le sera pas. »

Le « nouveau départ » du gouvernement s'est transformé en débâcle et il est d'ores et déjà question dans la presse allemande de la probabilité d'une fin anticipée de la coalition. Le journal Süddeutsche Zeitung a écrit de façon cinglante, « Il n'y a jamais eu de coalition qui se soit infligée autant de souffrances en si peu de temps que celle-ci. Le fait que Christian Wulff a été élu au dernier tour de scrutin est symptomatique de la faiblesse de la coalition. Quasiment rien ne fonctionne d'emblée pour cette désastreuse coalition. Ceux qui considèrent une telle situation comme normale peuvent gentiment sourire après neuf heures et demie passés à l'Assemblée fédérale, comme l'a fait la chancelière, et trouver le résultat 'satisfaisant.' Dans de tels moments, Angela Merkel paraît tenir fermement la poignée de porte dans sa main au moment où les coulées de boue emportent le reste de la maison. »

Le journal conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) a décrit l'élection présidentielle comme une « manifestation contre Merkel » qui manque à présent d'un soutien politique suffisant pour appliquer le programme gouvernemental. Selon le FAZ, chaque « question politique est à présent une question de pouvoir. »

La spéculation autour de l'avenir du gouvernement Merkel a été renforcée par la publication d'une étude commanditée par la chaîne de télévision publique ARD qui a révélé que 68 pour cent des Allemands sondés pensent que l'élection présidentielle a été une « honte » pour Merkel avec 77 pour cent d'entre eux déclarant qu'elle ne contrôle plus sa propre coalition gouvernementale. Soixante-deux pour cent des sondés croient que le gouvernement Merkel ne survivra plus très longtemps.

Durant le week-end, Merkel a cherché à faire bonne figure en déclarant ne pas vouloir dévier de son programme politique. Elle a dit qu'il n'y aurait pas de changement aux mesures d'austérité proposées par le gouvernement. Le budget devrait être voté la semaine prochaine, mais son contenu est très controversé. Des personnalités influentes du CSU ont réclamé des modifications pour éviter de donner l'impression que les riches, les banques et les grosses entreprises ne seront absolument pas affectées.

La liste des questions devant être traitées immédiatement par le gouvernement s'allonge. A commencer par la réforme du service de santé, après que les caisses d'assurance ont annoncé la semaine passée des déficits massifs pour l'année en cours et un risque de faillite pour certaines entreprises défaillantes. Lors d'une réunion ministérielle jeudi dernier, les experts de la santé des deux partis de l'Union (CDU et CSU) et du FDP ont été incapables de s'accorder sur une stratégie commune pour récupérer le déficit de 11 milliards d'euros. Le ministre FDP de la Santé, Philipp Rösler, veut introduire une cotisation forfaitaire par tête tandis que le CSU y est strictement opposé.

D'autres questions sur lesquelles il y a divergence entre les partenaires comprennent l'allongement de la durée de vie des centrales nucléaires au-delà de 2021, l'échéance actuelle de leur fermeture. Tous deux, le CSU et le FDP sont opposés à la date limite préconisée par le CDU. La suppression du service militaire obligatoire de la Bundeswehr au profit d'une armée de métier proposée par le ministre CSU de la Défense, Karl-Theodor zu Guttenberg, est également contestée. Le FDP soutient la proposition mais nombreux sont ceux au sein du CDU à être contre.

L'une des conséquences de l'élection présidentielle a été de rappeler à l'ordre le Parti La Gauche (Die Linke) dans le but de son éventuelle intégration dans une future coalition gouvernementale. Suite à l'échec de Wulff de remporter suffisamment de voix aux premier et second tours de scrutin, les directions du Parti social-démocrate (SPD) et des Verts ont invité des personnalités influentes de La Gauche, y compris l'ancien dirigeant Oskar Lafontaine, à participer à une réunion à huis clos dans le bureau du président du groupe parlementaire du SPD au Bundestag (parlement), Frank-Walter Steinmeier. Sous la pression exercée par les Verts et le SPD pour soutenir leur candidat droitier anti-communiste commun, les dirigeants du Parti La Gauche ont accepté un compromis en consentant à laisser tomber leur candidate au troisième tour tout en s'abstenant lors du vote.

Après le vote, La Gauche a été dénigrée par les membres dirigeants du SPD et des Verts pour n'avoir pas soutenu leur candidat. La réaction de La Gauche a été de déclarer que pour commencer c'était un signe positif que d'avoir été invité à des pourparlers avec le SPD et les Verts. Dans la dernière édition du magazine Der Spiegel, le président du SPD, Sigmar Gabriel, a appelé La Gauche, qui est formée par une alliance entre une ancienne section du SPD et de l'appareil syndical avec l'ancien parti stalinien du socialisme démocratique (PDS) de l'ex Allemagne de l'Est, « à affronter l'avenir et à cesser d'embellir le passé, » après quoi le parti « aura suffisamment de choses en commun avec le SPD pour pouvoir former des alliances au niveau des Länder et au niveau fédéral. »

Une section de l'élite dirigeante allemande veut impliquer au gouvernement le SPD, avec ses liens étroits avec les syndicats, afin de mieux pousser de l'avant la politique de rigueur. Et, quand bien même, en dépit de tous les efforts entrepris par La Gauche pour générer des illusions dans le SPD, un récent sondage réalisé par Infratest a révélé que seuls 19 pour cent des personnes interrogées croient qu'une coalition dirigée par les sociaux-démocrates serait meilleure que la coalition actuelle. Soixante-treize pour cent croient que la situation serait tout aussi désastreuse ou même pire si le SPD se trouvait à la tête du gouvernement.


(Article original paru le 5 juillet 2010)

Lire aussi :

L'élection présidentielle allemande : un tir de sommation pour Merkel (7 juillet 2010)

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