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Moyen-OrientUne confrontation armée avec une navire
transportant de l'aide vers Gaza évitée de justesse
Par Robert Stevens
19 juillet 2010
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Une nouvelle confrontation armée de la marine israélienne avec un navire
transportant de l'aide vers Gaza fut évitée au matin du mercredi 14 juillet
lorsque le capitaine d'un bateau patronné par le gouvernement Libyen accepta
de faire route vers un port égyptien.
Le bateau en question, l'Amalthea, avait quitté la Grèce quelques jours
auparavant avec 2000 tonnes d'aliments, d'huile de cuisine, de médicaments
et de maisons préfabriquées. Il avait été envoyé à Gaza par la Gaddafi
International Charity and Development Foundation, à la tête de laquelle se
trouve un des fils du président libyen, Mouammar Kadhafi.
Six semaines à peine se sont écoulées depuis que des commandos de l'armée
israélienne ont pris le Mavi Marmara d'assaut, un vaisseau turc faisant
partie d'une flottille transportant de l'aide pour Gaza. Ils y assassinèrent
neuf personnes et en blessèrent de nombreuses autres au cours d'une
opération préparée à l'avance. Le fait que l'Amalthea ne fut pas attaqué
n'était pas dû à l'absence d'intentions à cet égard de la part d'Israël. Le
navire subit des menaces répétées au cours de son voyage depuis la Grèce.
Avant qu'il n'arrive à Gaza, durant la nuit du 13 au 14 juillet, l'Amalthea
fut cerné par des navires de guerre israéliens. On ordonna au vaisseau de se
détourner de Gaza et de se rendre dans le port égyptien de El-Arish.
Mercredi 14 juillet au matin, l'Amalthea resta temporairement immobilisé
dans les eaux internationales à quelque 75 milles de la côte de Gaza,
entouré par au moins quatre vaisseaux israéliens. Il y eut alors des
informations contradictoires quant à la destination finale du bateau. Selon
certaines, le capitaine envisageait d'accepter l'exigence d'Israël que le
bateau entre dans le port d'El-Arish où l'aide serait déchargée, selon
d'autres qu'il allait passer outre à l'interdiction d'aller vers Gaza. Plus
tard dans la journée de mercredi, le bateau commença à se diriger vers
El-Arish, les navires israéliens s'étant positionnés sur sa gauche pour
l'empêcher de se diriger sur Gaza.
A bord de l'Amalthea se trouvent, en plus de l'équipage, quinze
activistes pro-palestiniens. Un autre facteur ayant permis d'éviter la
confrontation est que, nonobstant les intentions humanitaires de ceux qui se
trouvent sur le bateau, l'envoi d'aide par le régime Libyen est une
pirouette politique. Celui-ci n'avait aucune intention de rechercher une
confrontation avec Israël et encore moins de défier le blocus économique de
Gaza qui dure depuis trois ans. L'aide en question, tout juste 2000 tonnes,
est bien pauvre en comparaison de ce qui serait nécessaire et de ce que cet
Etat riche en pétrole avec ses milliards de dollars de revenus pétroliers
pourrait fournir.
La Libye a dénoncé pour la forme certaines des attaques lancées par
Israël contre la population de Gaza et critiqué d'autres gouvernements
arabes pour leur complicité; mais elle le fit seulement du point de vue de
faire progresser ses propres intérêts régionaux et s'attirer les faveur de
sa propre population. Le régime de Kadhafi prend depuis longtemps la pose
d'un ami des Palestiniens et se sert d'un discours antiimpérialiste alors
même qu' il manoeuvre entre les Etats-Unis et les autres puissances afin
d'obtenir soutien et influence. Son inaction fut particulièrement infâme au
moment où les Forces armées israéliennes envahirent le Sud du Liban le 6
juin 1982, attaquant l'armée libanaise et l'OLP (Organisation de libération
de la Palestine).
En juillet 1982, Kadhafi envoya un message public à l'OLP promettant que
la Libye « mettrait l'ensemble de ses ressources à la disposition de la
Syrie et de la résistance palestinienne ». Puis il déclara : « Je vous
conseille de vous suicider plutôt que d'accepter le déshonneur. Votre
suicide immortalisera la cause de la Palestine pour des générations à venir.
Votre sang est le moteur de la révolution. Faites du suicide une priorité.
C'est le chemin de la victoire ».
Le dirigeant de l'OLP, Yasser Arafat, riposta en accusant Kadhafi de
manquer à ses promesses antérieures de soutien armé qui, s'il les avait
honorées, aurait signifié que « l'ennemi n'aurait pas osé faire ce qu'il a
fait ». En septembre de cette année, l'armée israélienne qui occupait
l'Ouest de Beyrouth permit aux Phalanges, les milices chrétiennes
libanaises, d'entrer dans les camps de réfugiés de Sabra et Shatila où ils
massacrèrent au moins 800 civils palestiniens. La guerre du Liban coûta la
vie d'approximativement 10.000 soldats syriens, combattant de l'OLP et
combattants d'autres forces alignées sur l'OLP.
Ni la Libye ni aucun autre régime arabe n'a l'intention de s'opposer
sérieusement à la répression brutale des Palestiniens parce que cela les
ferait entrer en conflit avec les Etats-Unis et les puissances européennes
sans le soutien desquels le blocus de Gaza ne pourrait pas être maintenu.
Suite à la condamnation au niveau international de ce siège illégal après le
massacre du Mavi Marmara, le premier ministre Netanyahu et le cabinet
israélien ont voté une « libéralisation du système par lequel des produits
civils pénètrent à Gaza ». On fit beaucoup l'éloge dans la presse de cette
décision prise à la suite de discussions entre le président américain Barak
Obama et l'ancien premier ministre britannique Tony Blair, le représentant
du "Quartet du Moyen-Orient" (Etats-Unis, Union européenne, Russie et
Nations unies).
En réalité, la permission de laisser pénétrer des biens de consommation à
Gaza s'est accompagnée d'un renforcement de l'"encerclement à des fins de
sécurité".
Israël est plus que disposé à imposer ses intérêts devant les
protestations pour la forme des pays qui le parrainent. Au moment même où
l'Amalthea faisait route vers Gaza, les représentants israéliens se
servaient encore d'une session du Conseil des droits de l'homme des Nations
unies pour défendre les actions d'Israël. Avertissant de ce que la force
armée serait encore utilisée contre des navires transportant de l'aide à
destination de Gaza, l'envoyé israélien Sari Rubinstein dit : « Aucun navire
ne peut pénétrer ce blocus, qu'il soit civil ou militaire. Quiconque viole
le blocus s'expose directement à des représailles ». Elle ajouta : « Le
blocus est légitime, en vertu de la loi internationale… un blocus peut être
imposé en mer.»
L'ambassadeur israélien Aharon Leshno Yaar déclara ensuite de façon
provocante en rapport avec l'attaque du Mavi Marmara que « parmi les neuf
morts, sept avaient déclaré qu'ils souhaitaient mourir à bord de ces
navires… Ce ne sont pas des activistes, mais des messagers de la mort. »
Les mesures contre l'Amalthea ont commencé lundi en même temps qu'était
remis au chef d'Etat major de l'armée, le lieutenant-général Gabi Ashkenazi,
un rapport officiel sur l'attaque du Mavi Marmara. Ce rapport de 150 pages,
rédigé par le général en retraite Giora Eland, était à l'usage exclusif des
militaires ayant conduit et des services de renseignements ayant préparé
l'opération du Mavi Marmara ; seules certaines parties de ce rapport ne
tombent pas sous le secret et ont été rendues accessibles aux médias.
Les conclusions d'Eiland constituent une disculpation de l'armée
israélienne. Faisant l'éloge des commandos de l'armée israélienne impliqués
dans l'opération, le rapport déclare que seul l'usage de la force entraînant
la mort avait pu stopper la flottille. Il conclut qu'« il n'y avait eu
aucune faute ni négligence dans aucun des domaines fondamentaux durant une
opération complexe et compliquée ». Les soldats avaient fait preuve de «
professionnalisme, de bravoure et de débrouillardise » dit-il.
Le quotidien britannique Guardian relata les commentaires d'« une source
proche de l'enquête » et s'est fait l'écho des mensonges du gouvernement
israélien selon lesquels les commandos avaient fait usage de leurs armes en
situation de légitime défense. Cette source dit qu'il y avait une « forte
probabilité » que le premier coup de feu ait été tiré par un activiste se
trouvant sur le Mavi Marmara et qu'« il y avait eu au moins quatre,
peut-être six situations dans lesquelles des gens du bateau ont tiré sur les
soldats avec des balles réelles ».
Eiland est un ancien chef du Conseil national de sécurité israélien. En
juillet 2008, une plainte a été déposée contre lui auprès de la Haute Cour
espagnole parce qu'on le soupçonne d'être impliqué dans des crimes contre
l'humanité. Il aurait ordonné le lancement d'une bombe d'une tonne sur une
maison de Gaza en juillet 2002, causant la mort de 15 personnes y compris
neuf enfants. Le général Ashkenazi dit en recevant le rapport qu'il était
d'accord avec ses conclusions et ajouta de façon inquiétante : « Un examen
d'une telle minutie fait apparaître des fautes qui doivent être corrigées
pour des incidents futurs » (souligné par nous).
Ce rapport sera soumis à la Commission Turkel, l'enquête interne sur
l'attaque du Mavi Marvara ; celle-ci ne publiera pas ses résultats avant des
mois. Celui qui dirige l'enquête, Jacob Turkel, un juge de haut rang, a déjà
annoncé que son objectif n'était pas de rendre qui que ce soit responsable
et qu'il ne demandera pas aux soldats israéliens de témoigner. C'est
l'administration Obama qui a donné sa légitimité à cette disculpation.
Alors que l'attention des médias s'est concentrée sur ce qui s'est passé
autour de l'Amalthea, l'armée israélienne elle, a continué son offensive
contre les Palestiniens. Mardi 13 juillet un Palestinien a été tué et quatre
autres ont été blessés à la frontière entre Gaza et Israël lorsque l'armée
israélienne a tiré sur eux avec des obus de char. Plus tard ce même jour,
des bulldozers israéliens ont détruit six constructions à Jérusalem-Est
parmi lesquels au moins trois maisons palestiniennes.
(article original publié le 15 juillet 2010)
Voir aussi :
France : Des milliers protestent contre l'assaut israélien contre la
flottille en route vers Gaza (11 juin 2010)
Le massacre d'Israël en haute mer (4 juin 2010)
Israël, les Etats-Unis et le droit international (29 octobre 2009)