Le gouvernement grec se prépare dans les semaines à venir à s’adresser au
Fonds monétaire international (FMI) pour une aide financière dans le but
d’éviter une défaillance de l’Etat. La démarche d’appel au FMI fait suite à
l’échec de la réunion des ministres des Finances de l’UE à Bruxelles cette
semaine où l’on n’a pu s’accorder sur aucun projet concret de soutien
financier à la Grèce. L’obstacle principal rencontré à la réunion à
Bruxelles a été la ligne dure adoptée par l’Allemagne.
Jeudi, le premier ministre grec Georges Papandreou a dit au Parlement
européen que le taux d’intérêt que la Grèce était obligée de consentir à ses
investisseurs pour servir ses dettes était intenable et que son gouvernement
s’était plaint auprès du FMI. Papandreou a dit que les coûts d’emprunt
excessifs allaient plus qu’anéantir les économies résultant des mesures
d’austérité introduites par le gouvernement.
Il a estimé que la Grèce devra refinancer quelque 54 milliards d’euros de
ses dettes d’ici 2010 et dont 22 milliards d’euros viendront à échéance en
avril et mai. Le gouvernement a été en mesure de lever 5 milliards d’euros
au début du mois sous forme de nouveaux prêts mais seulement à la condition
de verser 6,3 pour cent d’intérêt pour ses obligations d’Etat.
Ceci représente 3 pour cent de plus que le taux d’intérêt moyen sur les
obligations d’Etat allemandes. Selon un responsable financier grec, le taux
élevé exigé par les investisseurs internationaux dissuadait la Grèce de
vouloir vendre des obligations supplémentaires. « Une chose est sûre, »
a-t-il dit, « Nous ne nous adresserons plus au marché avec ces taux
d’intérêts barbares parce ce que c’est la recette parfaite pour la
faillite. »
Les 5 milliards d’euros levés en mars par le gouvernement grec
représentent en fait une somme plus importante que les 4,8 milliards d’euros
d’économies à réaliser par le trésor grec suite au plan additionnel
d’austérité que le parlement grec a voté le 3 mars.
Exprimant sa frustration devant l’échec de l’Union européenne à
concrétiser un plan de sauvetage financier pour la Grèce, Papandreou a
déclaré que les mesures d’austérité prises par la Grèce sur ordre de l’UE
étaient tout aussi rigoureuses que celles qu’aurait exigées le FMI. « Ils
[le FMI] n’exigeraient rien de plus, » a-t-il dit. « Nous avons le pire des
exigences du FMI » sans profiter des avantages d’un prêt du FMI, s’était
plaint Papandreou.
Les responsables grecs ont averti de ce qu’ils accordaient une dernière
chance à l’Union européenne lors de son prochain sommet, cette semaine, mais
selon une source gouvernementale, les chances de régler le problème ne sont
pas bonnes. Ce responsable a ajouté, « S’il n’y a pas de soutien clair lors
du sommet de l’UE le 25 mars, nous devrons décider à qui d’autre s’adresser.
Il y a plusieurs scénarios possibles, mais le plus plausible est celui du
FMI. »
Pour sa part, le gouvernement allemand a renforcé son opposition à un
plan de sauvetage communautaire. Le ministère allemand des Finances a
explicitement mis la Grèce en garde et dit qu’elle ne devait pas s’attendre
à l’attribution d’un plan d’aide financier précis lors de la réunion du 25
mars des chefs d’Etat de l’UE. Mercredi, la chancelière allemande Angela
Merkel a mis en garde les partenaires européens de l’Allemagne contre toute
« décision hâtive » sur un renflouement de la Grèce.
Dans une autre démarche, reflétant également le durcissement de la
position allemande, Merkel a dit mercredi au parlement allemand (Bundestag)
qu’elle soutenait la suggestion avancée mercredi dernier par son ministre
des Finances à savoir que les pays ne respectant pas les critères
budgétaires officiels de l’UE soient au besoin exclus de la Zone euro –
c’est-à-dire qu’ils ne leur soient plus permis d’utiliser l’euro comme
monnaie.
Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a dernièrement
soulevé la question de la création d’un Fonds monétaire européen qui
disposerait de vastes pouvoirs pour imposer des mesures draconiennes aux
pays fortement endettés de la zone euro.
Lors de son discours au Bundestag, Merkel a réclamé « un accord par
lequel il est possible d’exclure, en dernier recours, un pays de la Zone
euro si de façon répétée il ne remplit pas les critères. » Sans citer
nommément la Grèce, les implications de sa menace étaient claires.
D’Athènes, le premier ministre grec Papandreou a riposté en disant que
l’éventualité de sortir de la zone euro était nulle.
La proposition de Schäuble et de Merkel a également été rejetée par le
président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, qui a dit
au magazine français Le Point que la notion d’exclure un membre de la
zone euro était « absurde ».
Mercredi soir, des personnalités en vue de l’Union chrétienne-démocrate
(CDU) de Merkel laissaient entrevoir que l’Allemagne soutiendrait à regret
un accord avec le FMI. Michael Meister, vice-président du groupe
parlementaire de la CDU, a dit à l’agence de presse Bloomberg, « Personne en
dehors du FMI ne dispose de ces instruments. »
Meister a avoué que son groupe parlementaire était fortement opposé à un
plan d’aide du FMI pour l’un ou l’autre pays de la zone euro et que ses
membres étaient tout aussi catégoriquement opposés à un renflouement
d’Athènes.
Compte tenu qu’il faudrait des années pour mettre sur pied un Fonds
monétaire européen comme alternative au FMI, et l’idée a déjà rencontré une
opposition sensible de la part de cercles politiques et économiques en
Europe, il semble maintenant que Berlin se soit fait à l’idée d’une
intervention du FMI dans la crise grecque.
Le gouvernement Merkel a également été obligé de faire face au fait que
l’opposition à l’intervention d’un FMI dominé par les Etats-Unis au sein de
la zone euro est en train de s’effriter. Mercredi, trois des 16 nations de
la zone euro – la Finlande, les Pays-Bas et l’Italie – se sont déclarées
favorables à une intervention financière du FMI au cas où Athènes n’arrivait
pas à refinancer ses dettes.
Ce n’est certainement pas par hasard si c’est après la réunion de
Washington entre Papandreou, Barack Obama, la secrétaire d’Etat Hillary
Clinton, le secrétaire au Trésor Timothy Geithner, des membres influents du
Congrès et des dirigeants des grands groupes que la Grèce menace ouvertement
de s’adresser au FMI. Alors que publiquement les Etats-Unis prennent leurs
distances par rapport à la crise grecque et à ses répercussions pour
l’ensemble de l’Europe, il n’y a guère de doute qu’en privé les
représentants américains ont assuré Papandreou qu’ils soutiendraient une
intervention du FMI.
Ceci marquerait une ingérence sans pareil des Etats-Unis dans les
affaires intérieures de l’Union européenne, une chose que l’Allemagne en
particulier a cherché à éviter. Le conflit au sujet de l’intervention du FMI
dans la crise grecque est une expression de plus des tensions grandissantes
entre Washington et Berlin.
Les commentaires de Meister et d’autres ne feront rien pour résoudre les
conflits au sein de l’Union européenne et les différences entre les
principaux pays européens et les Etats-Unis sur la manière de venir à bout
de la crise grecque. Le Wall Street Journal a lui, cité « un haut
responsable grec » disant que « le conflit avec l’Allemagne s’intensifie au
lieu de se détendre. Notre gouvernement est de plus en plus d’avis que le
FMI est la seule solution. »
Les tensions entre les élites politiques européennes ne sont pas limitées
à la Grèce. De par l’Europe, les nations sont en train de préparer des plans
de rigueur pour couvrir les énormes déficits publics qui se sont accumulés
suite au renflouement de leurs systèmes bancaires respectifs. La semaine
dernière, dans une rubrique du Financial Times, Martin Wolf
remarquait que la Grèce n’est pas vraiment le problème de la zone Euro. Wolf
écrit que « ce ne sont pas les finances publiques grecques qui menacent la
stabilité de la zone euro. Ce ne sont que des broutilles. La menace se sont
les finances publiques des grands pays. »
Au moment où la crise financière atteint un nouveau stade, les égoïsmes
et les antagonismes nationaux reviennent sur le devant de la scène. La
ministre française des Finances, Christine Lagarde, avait dernièrement
suggéré que la dépendance de l’Allemagne des exportations était en partie
responsable de la crise et que son refus de stimuler sa demande intérieure
rendait la reprise des autres pays plus difficile.
Les politiciens et les médias allemands ont sèchement repoussé les
critiques françaises. Mercredi, la chancelière avait clos son discours au
parlement allemand en insistant que « l’Allemagne ne renoncera pas à ses
fortes exportations. »
Des différences s’accentuent également avec les Etats-Unis et au sein de
l’Europe concernant les mesures de régulation de certaines formes de
spéculation. Suite aux déclarations faites à la fois par les dirigeants
français et allemand qu’ils préconisaient une sorte de régulation des
transactions sur les produits dérivés et des fonds spéculatifs, le
secrétaire américain au Trésor Geithner y a déclaré publiquement son
objection. Geithner a adressé une lettre au commissaire européen au marché
intérieur en déclarant que les restrictions européennes proposées « serait
de la discrimination envers les firmes américaines et leur interdirait
l’accès au marché de l’UE dont elles disposent actuellement. » La
Grande-Bretagne qui est également un important centre international pour les
fonds spéculatifs et les produits dérivés s’est ralliée aux Etats-Unis.
La question de la régulation financière était également à l’ordre du jour
de la réunion des ministres des Finances de l’UE en début de semaine mais
aucune mesure concrète ne fut prise après l’intervention des Britanniques.
Le premier ministre Gordon Brown a contacté le premier ministre espagnol
José Luis Zapatero pour l’informer de ce que la Grande-Bretagne n’était pas
disposée à accepter les propositions avancées par l’Allemagne et la France.
L’Espagne, qui assure présentement la présidence tournante de l’UE, a retiré
la question de la régulation des fonds spéculatifs de l’ordre du jour à la
dernière minute.