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France: Syndicats et partis de gauche bourgeois promettent de soutenir la politique capitaliste

Par Antoine Lerougetel
25 août 2011

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Les principaux syndicats français se sont rencontrés le 18 août suite au mini sommet de crise européen qui s'est tenu à Paris il y a deux jours entre la chancelière allemande Angela Merkel et le président français Nicolas Sarkozy. Ils ont publié une déclaration commune promettant de jouer leur rôle auprès du gouvernement et des patrons pour « soutenir la croissance, soutenir l'emploi et réduire la dette, tout en garantissant la cohésion sociale. »

Le premier ministre François Fillon a invité les syndicats à participer aux discussions pour préparer les mesures d'austérité que le gouvernement va annoncer le 24 août et qui ont pour but de contenir la contagion de la crise de la dette souveraine qui se propage de l'Espagne et de l'Italie à la France et qui menace la note de crédit en triple A de la France..

Lors de la réunion, la discussion sur le développement d'euro-bonds pour remplacer les obligations nationales, idée qui a été temporairement remisée, fait partie de projets visant à mettre en place une dictature à Bruxelles pour réguler les dépenses et les budgets des 17 gouvernements de la zone euro au nom des banques.

Le contenu réactionnaire des mesures proposées par Merkel et Sarkozy apparaît dans une lettre envoyée par ces derniers à Herman Rompuy, président du Conseil de l'Europe après leur réunion. La lettre parle de « solidarité... sous conditions » et propose « d'accentuer la pression sur les pays de la zone euro qui ne feraient pas assez d'efforts pour rééquilibrer leurs finances.» La lettre déclare aussi « Les paiements issus des fonds structurels et de cohésion devraient être suspendus dans les pays de la zone euro qui ne se conformeraient pas aux recommandations de la procédure sur les déficits excessifs,» autrement dit les pays pauvres.

Une déclaration du Parti socialiste (PS) a critiqué le sommet par la droite pour avoir pris tant de temps à mettre en place la dictature des banquiers, pour le manque de «toute véritable solidarité européenne » et l'absence de consolidation du Fonds européen de stabilité financière (FESF). François Hollande, en tête de la primaire socialiste pour la candidature à l'élection présidentielle de 2012 et ancien premier secrétaire du PS s'est plaint de ce que Sarkozy avait fait «un grand pas en arrière en renonçant à l'instauration d'euro-obligations » et n'avait fait qu'un «un petit pas … pour la gouvernance économique de la zone euro. »

L'organisation Attac, groupe de réflexion comprenant en majorité des universitaires membres ou ex-membres du Parti communiste (PCF), du PS et du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) a marqué son approbation à travers les paroles de sa co-présidente Aurélie Trouvé, « Nous sommes évidemment satisfaits. » Ceci parce que Merkel et Sarkozy avaient mentionné une taxe sur les transactions financières, la taxe Tobin, une mesure largement considérée comme inapplicable mais un outil utile pour éviter toute considération sérieuse d'une remise en question du système de profit capitaliste.


Christophe Aguiton, responsable des activités internationales d'Attac-France, a fait l'éloge de l'ancien ministre de Sarkozy, Jean-Louis Borloo et de l'actuel ministre des Finances. Libération rapporte qu'Aguitton a affirmé que Borloo avait «jugé que le moment était 'historique' pour la mettre en place [la taxe Tobin], tandis que Valérie Pécresse, ministre du Budget, a assuré,vendredi, que le consensus européen pour son adoption était 'en train d’avancer'.»


Fondé en France en décembre 1998, et établissant un réseau mondial regroupant staliniens, sociaux-démocrates, nationalistes et ex-radicaux, opérant au moyen de Forums sociaux mondiaux, Attac et ses organisateurs sont démasqués en tant que partisans du capitalisme européen. Attac cherche depuis toujours à promouvoir la taxe Tobin sur les transactions financières comme remède pour réformer le capitalisme mondial sans le renverser. En fait, la taxe Tobin est une mesure technique que même des gouvernements bourgeois, dont celui de sarkozy, peuvent publiquement prôner parce qu'ils savent bien qu'elle ne sera pas appliquée et qu'elle sert à leur fournir une certaine couverture pseudo-gauche. (Lire aussi : La Mondialisation, Jospin et le programme politique d'Attac)

Le rôle du NPA de fournir une couverture de gauche à la gauche bourgeoise s'exprime dans un article de Isaac Joshua, contributeur important du site internet du NPA et membre du Conseil scientifique d'Attac, publié le 8 août et intitulé «Crise: l'heure de vérité. »

Dans la dizaine de pages de description de la crise économique, Joshua réussit à ne pas mentionner la politique pro-capitaliste du Parti socialiste ni les trahisons des syndicats. C'est parce que depuis des années son parti a collaboré avec eux pour détourner les luttes de la classe ouvrière et tout spécialement depuis la présidence de Sarkozy et l'accélération de la crise.

Prenant des citations de son livre sur la crise, Joshua affirme: «Les Etats peuvent intervenir pour sauver le système capitaliste, ce qu’ils ont fait jusqu’ici, sans se gêner. Mais qui sauvera les Etats eux-mêmes, si leur crédibilité économique est menacée ? Ils sont le dernier rempart ; derrière, il n’y a plus rien. »

Son mépris total pour un quelconque rôle incombant à la classe ouvrière internationale et sa glorification de l'Etat-nation capitaliste comme dernier rempart, correspondent tout à fait à son refus de mettre en avant une perspective socialiste.. Dans la section «Que faire» il adopte la ligne de tous les partis bourgeois, de « gauche » comme de droite, notamment celle de Merkel et Sarkozy.

Joshua écrit: «Il faut – priorité des priorités – éteindre l’incendie de la dette. Il faut – geste de survie–maîtriser la finance, l’empêcher de nuire, une bonne fois pour toutes... L’urgence absolue est de faire face au problème de la dette publique. » Il poursuit en insistant sur la nécessité de « réformer dans les plus brefs délais les statuts de la BCE [Banque centrale européenne], pour permettre le financement monétaire du déficit public...»

Cette « solution », le recours massif à la planche à billets par la BCE pour rembourser les dettes des gouvernements, avait été adoptée de façon significative par la BCE en 2009 lorsque cette dernière avait donné des centaines de milliards en liquide à des banques privées pour qu'elles les prêtent aux gouvernements européens. Mais ce n'était devenu qu'un mécanisme de plus pour enrichir les banques et les riches aux dépens de la classe ouvrière, tandis que les marchés continuaient à exiger des gouvernements qu'ils remboursent leurs dettes. De plus, l'effet inflationniste d'une telle politique ronge inévitablement le salaire des travailleurs.

Il poursuit en promouvant: « Une réforme fiscale d’ampleur s’impose, pour revenir sur les avantages consentis aux patrons et taxer fortement les hauts revenus, les profits des sociétés et les patrimoines des riches... Il faut ligoter la finance. » Le fait que Joshua propose une « solution » tellement en faillite témoigne du fait qu'il ne souhaite pas considérer l'unique mesure qui puisse réellement répondre à la crise, à savoir la confiscation massive des avoirs des ultra-riches.

Il ne dit nulle part qui prendrait ces mesures qui nécessiteraient le renversement révolutionnaire par la classe ouvrière des gouvernement capitalistes d'Europe sur un programme socialiste. Il exclut spécifiquement toute considération du socialisme: « Il faut rompre avec le modèle de la mondialisation libérale. Ce qui suppose bien des choses qu’on ne peut développer ici... Mais l’indispensable, le socle à partir duquel bâtir, c’est un nouveau rapport salarial... un nouveau partage de la valeur ajoutée, radicalement différent de l’actuel, pour assurer les bases d’un autre développement... stabiliser le marché du travail … en encadrant strictement les licenciements... garantir les acquis sociaux, en finir avec les politiques d’austérité, reconstituer des services publics dignes de ce nom. »

En fait, tout l'exercice auquel se livre Joshua consiste à créer les conditions pour que les syndicats étouffent l'opposition de la classe ouvrière aux exigences des banquiers et à ouvrir la voie à un gouvernement PS en 2012 qui ferait ce que les banquiers réclament. C'est précisément ce que font les gouvernements sociaux-démocrates de José Luis Zapatero en Espagne et de George Papandreou en Grèce, avec des conséquences désastreuses pour la classe ouvrière.

N'ayant jamais appelé au renversement du gouvernement Sarkozy par l'action des travailleurs et des jeunes, la pseudo-gauche en alliance avec la bourgeoisie, comme en Tunisie et en Egypte aujourd'hui, cherche une transition pacifique vers un gouvernement qui va assurer la continuation du capitalisme.

L'orientation politique du NPA vers le PS et les syndicats exclut toute lutte sérieuse pour réaliser la liste de mesures supplémentaires (redistribution des revenus, etc) qui sont indiquées dans leurs propositions. La redistribution des revenus est une mesure révolutionnaire et de ce fait ne peut être réalisée par le NPA et consorts.

L'auteur recommande aussi la lecture de :

Les syndicats appellent à des protestations symboliques alors que la crise de la dette se propage à la France [22 août 2011]

Merkel et Sarkozy proposent une dictature financière [22 août 2011]

(Article original paru le 24 août 2011)

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