Plus de deux millions de travailleurs issus de l’ensemble du secteur
public britannique participent à une journée d’action contre les assauts de
la coalition entre les Conservateurs et les Libéraux démocrates contre les
droits à la retraite. Pour la première fois depuis l’entrée en fonction du
gouvernement, il y a 18 mois, les travailleurs ont l’occasion de manifester
leur opposition à sa politique, et ils le font par centaines de milliers.
Les écoles, les hôpitaux, les services gouvernementaux, les aéroports et
tous les secteurs des services essentiels sont touchés par le débrayage
national alors que les fonctionnaires indiquent clairement qu’ils
n’accepteront pas les projets de les faire travailler plus longtemps et
cotiser davantage pour toucher une retraite encore plus faible.
Leur colère est tout à fait justifiée. L’assaut contre les retraites est
le dernier d’une série d’attaques remontant à l’époque du gel des salaires
du secteur public, imposé pour la première fois sous les travaillistes
(Labour). En mars de cette année, les autorités locales avaient dit que plus
de 100.000 employés seraient licenciés à moins d’accepter de déchirer leurs
contrats et de se voir imposer de nouvelles conditions qui seront encore
pires.
, plus de 100.000 emplois du secteur
public ont été supprimés au cours des trois mois qui ont suivi tandis que
dans des municipalités telles celle de Southampton des réductions de salaire
de 5 pour cent et plus ont été imposées.
C’est pourquoi, la grève de 24 heures d’aujourd’hui a une si forte
résonance. Toux ceux qui sont concernés savent qu’à moins de faire preuve
d’une résistance déterminée, aucun emploi, aucun salaire ni aucune condition
de travail n'est garanti. Ils comprennent que les attaques contre le secteur
public n’a rien à voir avec les affirmations mensongères du gouvernement
selon lesquelles ses employés bénéficient de « privilèges particuliers. » Au
contraire, ces attaques font partie intégrante du programme d’austérité de
plusieurs milliards de livres sterling et des coupes sociales draconiennes
dans les services sociaux essentiels, mis en place par la coalition .
L’Institut des Etudes fiscales a dit que la Grande-Bretagne se trouvait
devant « la période la plus longue et la plus intense de coupes sociales
dans les services publics depuis au moins la Deuxième Guerre mondiale. »
Les dépenses publiques d’éducation vont chuter de 14,4 pour cent au cours
des quatre prochaines années alors que le système de santé public (National
Health service) menace de s’effondrer. Le gouvernement profite du manque de
moyens pour justifier la poursuite de la privatisation de l’éducation et des
soins de santé au moyen « d’écoles libres » et de la « mutualisation » de
certains secteurs hospitaliers et de santé.
L’attaque de ces deux dernières années contre le secteur public a donné
le feu vert aux employeurs pour réduire les salaires dans tous les domaines.
Ceci a abouti à une situation où, dans l’industrie du bâtiment par exemple,
les électriciens sont confrontés à une baisse de leur salaire allant jusqu’à
un tiers alors que les entreprises cherchent à invalider les conventions
nationales.
Et ce n’est qu’un début. Le chômage est désormais à son plus haut niveau
depuis 17 ans et, pour les jeunes, il est à son record avec plus d’un jeune
sur cinq entre 16 et 24 ans à être sans emploi. Le projet de loi sur l’aide
sociale (Welfare Reform Bill) est censé priver de nombreuses personnes –
dont les malades et les handicapés – de leurs droits aux prestations en les
forçant à effectuer un travail non rémunéré pour abaisser ainsi encore
davantage le niveau des salaires.
Malgré les suppliques de la confédération syndicale (Trades Union
Congress, TUC), le gouvernement insiste pour dire qu’il ne reculera pas sur
les retraites. Il craint que la moindre concession, aussi minime soit-elle,
n'enhardisse les travailleurs de tous les secteurs à défier sa politique.
Au lieu de cela, il affirme que le niveau actuel des retraites ne peut
plus être versé, et accuse la grève d’aujourd’hui de prendre le pays « en
otage. » Il dit envisager l’instauration de nouvelles lois stipulant que
pour qu'une grève puisse être organisée, plus de la moitié des travailleurs
devra avoir voté pour .
Ces projets émanent de la même élite qui depuis 2008 a débloqué mille
milliards de livres sterling (environ 1,2 milliards d’euros) de fonds
publics pour les dépenser dans des plans de sauvetage (« stimulus »). Pas
plus tard que le mois dernier, la Banque d’Angleterre a débloqué 75
milliards de livres sterling supplémentaires. Pas une seule fois on n'a
soumis au vote la question de savoir si on avait les moyens d'accorder ces
subventions massives aux ultra-riches. Quant à la question des mandats
démocratiques, si les critères proposés pour le vote en faveur de la grève
étaient appliqués aux mandats démocratiques des partis officiels, aucun
d’entre eux ne serait au pouvoir aujourd'hui.
Pour l'essentiel, rien ne différencie ce qui se passe en Grande-Bretagne
de la manière dont les normes démocratiques sont bafouées actuellement
partout en Europe. La coalition est tout autant un gouvernement de banquiers
que le sont les gouvernements « de technocrates » imposés aux populations de
Grèce et d'Italie.
Dans chaque pays, les travailleurs sont confrontés aux mêmes problèmes
universels – un chômage croissant, une inégalité sociale grandissante et un
système politique totalement indifférent aux revendications et aux intérêts
de la vaste majorité de la population. Partout, la même élite
d’ultra-riches, dont les activités criminelles et spéculatives ont provoqué
la crise financière, s’enrichit alors que la population laborieuse doit en
payer les coûts.
L’inégalité économique est la plus grande jamais enregistrée en
Grande-Bretagne et elle devrait encore empirer de façon spectaculaire. Le
salaire net a chuté durant 11 mois d’affilée avec une augmentation de la
rémunération globale d’à peine 0,4 pour cent alors que l’inflation se situe
à 5 pour cent. Avec une baisse de 4 à 11 pour cent des taux de salaires dans
plusieurs secteurs, les travailleurs à bas salaire sont tout
particulièrement touchés. Dans le même temps, les traitements des PDG et des
directeurs de grandes sociétés ont grimpé l’année dernière de 15 pour cent
et de plus de 7 pour cent en ce qui concerne les cadres supérieurs. Les
patrons des grands groupes gagnent aujourd’hui 145 fois le salaire d’un
ouvrier moyen.
La situation ne changerait pas d’un iota sous le Labour. C’est le
gouvernement travailliste qui a pour la première avancé des projets
d’augmenter les taux de cotisation retraite des travailleurs du secteur
public. Et les mesures même du gouvernement se fondent sur les
recommandations de l’ancien ministre du gouvernement travailliste, John
Hutton. Dans les grandes villes, les autorités locales dirigées par Labour
sont en train d’appliquer des licenciements de masse et des réductions de
salaire.
La grève d’aujourd’hui est un premier pas pour lutter contre cette
offensive mais elle est loin d’être suffisante. Les événements ont montré
qu’il n’y a pas de limite aux exigences avides de l’oligarchie financière.
Mais, personne ne devrait à aucun moment douter qu’après avoir été
contraints d'organiser un semblant d’opposition aux dernières attaques
perpétrées contre les retraites, les syndicats réaliseront, aux dépens de
leurs membres et de l'ensemble des travailleurs, leurs tentatives de
conclure un accord avec le gouvernement. La TUC et les syndicats ont depuis
longtemps cessé d’être d’authentiques organisations de la classe ouvrière et
sont directement responsables de la situation terrible à laquelle sont
confrontés les travailleurs.
Ce qu’il faut, c’est une mobilisation de la force collective de la classe
ouvrière dans une grève générale. De nouvelles organisations ouvrières
doivent être crées – indépendantes de la bureaucratie syndicale et du Labour
– pour unir toutes les sections de la classe ouvrière dans une lutte commune
pour le renversement du gouvernement.
La lutte qui a lieu en ce moment en Grande-Bretagne fait partie d’une
contre-offensive entamée par la classe ouvrière en Europe, en Egypte, aux
Etats-Unis et partout dans le monde contre l’élite dirigeante. L’unité
internationale doit devenir le but consciemment poursuivi par les
travailleurs et les jeunes britanniques.
Il s’agit d’une lutte politique qui doit découler de la compréhension que
le capitalisme a échoué. Il n’est pas question d’échanger un groupe de
politiciens capitalistes contre un autre mais de remplacer le système dans
son intégralité en mettant en place un gouvernement ouvrier. Les milliards
octroyés aux banques et aux ultra-riches doivent immédiatement être
restitués et utilisés pour satisfaire les besoins élémentaires de la
population dans le cadre de la réorganisation, selon des lignes socialistes,
de tous les aspects de la vie sociale et économique.
(Article original paru le 30 novembre 2011)