Lundi, la direction de l’Université technique de
Berlin a annulé au dernier moment une réunion organisée par l’Internationale
étudiante pour l’Egalité sociale (IEES) et intitulée « Pour la défense de
Günter Grass. »
Bien que l’IEES ait déjà organisé de nombreuses
réunions à l’université, cette fois-ci la direction a retardé la
confirmation de la réservation de la salle. Peu de temps avant la tenue de
la réunion en question, la réservation a été annulée.
A ce jour, l’université n’a fourni aucune
explication officielle. Un membre du personnel du directeur de l’université,
Jörg Steinbach, a dit à un représentant de l’IEES qu’il fallait considérer,
lors de la décision d’acceptation de la tenue de la réunion, la question de
savoir si « les relations avec les représentants de l’Etat d’Israël »
étaient susceptibles d’être affectées – indication claire que la direction
de l’université a été soumise à une pression politique visant à bloquer
cette réunion.
La réunion à Berlin
Après que l’IEES eut transféré la réunion dans un
café situé sur le campus la police est intervenue. Plusieurs policiers sont
entrés dans le café pour avertir la gérante sur d’éventuelles
« perturbations. » La gérante a alors téléphoné au propriétaire du café qui
lui a demandé de mettre un terme à la réunion parce que l’université lui
fournissait ses clients.
A Berlin, il n’y a eu au cours de la réunion aucun
signe donnant à penser quelqu’un pourrait chercher à la perturber. Ce n’est
que plus tard, une fois que les participants à la réunion ont quitté le café
qu’un petit groupe d’activistes pro-Israël est apparu. La police était
manifestement déterminée à empêcher la tenue de la réunion.
Malgré cette censure politique flagrante, l’IEES
n'a pas été dissuadée de tenir la réunion. Le propriétaire d’un café
avoisinant a mis ses locaux à disposition.
Il en a été de même pour la soixantaine de
participants qui ont refusé de se laisser intimider ou décourager par le
long retard. Ils se sont tous rendus sur le nouveau lieu de réunion. Ceci
souligne le fait qu’alors que les médias et les autorités cherchent à
supprimer tout débat sur les préparatifs de guerre contre l’Iran, il existe
au sein de la population en général un besoin énorme d’information et une
vaste opposition à une nouvelle guerre au Moyen-Orient.
Dans son intervention, Wolfgang Weber, membre du
comité exécutif du Parti de l’Egalité sociale en Allemagne (Partei für
Soziale Gleichheit, PSG) a informé l'auditoire sur le stade bien avancé des
préparatifs de guerre contre l’Iran et contre lesquels Günter Grass a mis en
garde dans son poème « Ce qui doit être dit ». La publication du poème au
début du mois a provoqué une chasse aux sorcières acharnée contre l’écrivain
et prix Nobel de littérature lors de laquelle l’establishment
médiatique et l’ensemble des principaux partis politiques ont attaqué Grass
en le qualifiant d’antisémite et même de nazi non déclaré.
Weber a d'abord montré à quel point l’Iran est
encerclé de toutes parts par des forces aériennes, terrestres et navales de
puissances hostiles et qui sont considérablement supérieures à celles de
l’Iran. Plusieurs unités navales américaines sont stationnées dans le Golfe
persique et au large de la péninsule arabique. En termes de pourcentage du
produit intérieur brut, les dépenses militaires de l’Arabie saoudite et
d’Israël les placent au troisième et sixième rang mondial alors que l’Iran
se situe en soixantième position.
Contrairement à Israël, l’Iran ne possède pas
d’armes nucléaires et a signé le Traité de non-prolifération nucléaire
autorisant ainsi les inspecteurs étrangers à entrer dans le pays. En 2007,
des agences de renseignement américaines avaient constaté que l’Iran avait
suspendu son programme d’armement nucléaire. Néanmoins, les Etats-Unis ont
imposé des sanctions qui sont constamment renforcées et ont des conséquences
de plus en plus graves pour la population civile.
Pour éclaircir le contexte du conflit, Weber a
présenté l’histoire récente de l’Iran. En 1953, le gouvernement élu de
Mohammed Mossadegh fut renversé par un coup d’Etat soutenu par la CIA et
remplacé par le régime du Shah Pahlavi. Le Shah servit pendant un quart de
siècle de marionnette aux Etats-Unis, protégeant les intérêts américains
dans le pays qui détient les troisièmes plus vastes ressources pétrolières
du monde.
Après le renversement de Pahlavi, lors de la
révolution de 1979, le régime des mollah qui vint au pouvoir est, depuis,
considéré par Washington comme une épine dans le pied. De 1980 à 1988, les
Etats-Unis ont soutenu l’Irak dans sa guerre contre l’Iran, qui a coûté la
vie à un million de personnes.
Afin de démasquer la propagande de guerre contre
l’Iran, Weber a énuméré les arguments employés en 2003 pour justifier la
guerre contre l’Irak, et qui tous étaient des mensonges. Ils ressemblent
étrangement à la propagande actuelle faite contre l’Iran.
L’accusation selon laquelle l’Irak était en
possession d’armes de destruction massive était tout aussi infondée que
l’actuelle accusation que l’Iran sera très bientôt en possession de la bombe
atomique, a expliqué Weber. Et pourtant, ce mensonge évident concernant des
armes de destruction massive irakienne avait servi à justifier une invasion
et une occupation qui tua 655.000 personnes et força quatre millions
d’autres à fuir.
Weber a illustré les implications mondiales du
conflit iranien au moyen de statistiques montrant que 20 pour cent des
exportations de pétrole iranien allaient à la Chine, 17 pour cent au Japon
et 16 pour cent à l’Inde. Il a remarqué qu’en raison de sa puissance
économique internationale, la Chine était devenue l’ennemi numéro un de
l’Amérique. « Tous les conflits régionaux, y compris le conflit au
Moyen-Orient, » a-t-il dit, « doivent être considérés dans le contexte de ce
conflit mondial entre Beijing et Washington. »
Weber a ensuite expliqué le rôle joué par Israël
dans le conflit au Moyen-Orient. Se référant à l’histoire de la persécution
des Juifs, Weber a dit : « L’Etat d’Israël a reçu les éloges des Sionistes
en réponse à cela. En réalité, il s’est révélé être un piège pour tous ceux
qui sont concernés. Israël est une poudrière, caractérisée par une extrême
inégalité sociale. »
« C’est un pays profondément divisé dans lequel le
niveau de vie ne cesse de baisser depuis 25 ans et où l’inégalité sociale
s’accroît. Quelque 25 pour cent des retraités et 40 pour cent des enfants
vivent dans la pauvreté et 30 pour cent supplémentaires des enfants sont
menacés de pauvreté. Tous les ans, l’on compte 50.000 avortements en raison
de difficultés financières. »
L’été dernier, il y a eu en Israël les plus
importantes manifestations sociales de son histoire, a dit Weber. Comme pour
toutes les guerres, l’agitation en faveur de la guerre contre l’Iran a pour
but de détourner l’attention de la population israélienne des tensions
sociales internes.
Finalement, Weber a précisé le rôle joué par
l’Allemagne dans le conflit au Moyen-Orient. Il a indiqué que depuis que le
ministre des Affaires étrangères, Joschka Fischer, du Parti des Verts avait
fait participer en 1998, pour la première fois depuis la Deuxième Guerre
mondiale, des soldats allemands à des missions militaires, les troupes
allemandes sont régulièrement déployées dans des opérations militaires
internationales. Il est peu probable que l’Allemagne se tienne à l'écart de
la guerre au Moyen-Orient pour des raisons tactiques, comme elle l’avait
fait en Libye.
Cet état de fait, a poursuivi Weber, est souligné
par la réaction hystérique des médias au poème de Grass. Le poète dit
uniquement qu’Israël est en train de préparer une guerre qui menace la paix
dans le monde et que l’Allemagne livre des armes à cette fin. Le fait que
cette constatation provoque un tel flot de calomnies contre Grass montre que
les préparatifs pour une participation allemande sont à un stade bien
avancé.
En conclusion, a souligné Weber, la classe
ouvrière doit se mobiliser contre les fauteurs de guerre de Washington,
Berlin et Tel Aviv. Les masses laborieuses arabes et juives doivent s’unir
dans la lutte pour les Etats socialistes unis du Moyen-Orient et la classe
ouvrière d’Europe dans la lutte pour les Etats socialistes unis d’Europe.