Des milliers de travailleurs, leur famille et des jeunes vont manifester
aujourd'hui pour donner leur soutien aux 475 travailleurs en lock-out de
l'usine Electro-Motive de London en Ontario. Electro-Motive, un fabricant de
locomotives qui est la propriété de Caterpillar, exige des baisses de
salaire de plus de 50 pour cent, la destruction du régime de retraite et
d'autres vastes concessions.
La lutte des travailleurs d'Electro-Motive gagne en appui à travers la
province et même au-delà, car les travailleurs se rendent compte que
Caterpillar est le fer-de-lance d'une offensive de la classe dirigeante qui
a pour objectif la destruction de tous les gains que les travailleurs ont
arrachés à la grande entreprise et à ses représentants politiques (des
salaires et des régimes de retraite décents, un système de santé public et
d'autres services publics) à travers les grandes luttes sociales du siècle
dernier.
Mais les travailleurs doivent prendre garde.
Il y a presque exactement un an, des milliers de travailleurs et de
jeunes se ressemblaient dans le froid de Hamilton en Ontario pour une
journée d'action semblable, organisée par le Congrès du travail du Canada
(CTC) et la Fédération du travail de l'Ontario (FTO), afin de manifester
contre les attaques sauvages de US Steel sur les régimes de retraite des
travailleurs à ses installations dans la région de Hamilton (anciennement la
propriété de Stelco). Au rassemblement du 29 janvier 2011, des dirigeants du
syndicat des Métallos (USW), de la FTO, du CTC et du Nouveau Parti
démocratique (NPD) ont occupé le podium pour dénoncer la société et le
gouvernement conservateur fédéral de Harper et ont juré de faire tout ce qui
était en leur pouvoir pour s'assurer que les travailleurs en lock-out
résistent « un jour de plus » que l'employeur.
Mais ces promesses n'étaient que du vent. Les syndicats ont refusé
d'organiser le moindre débrayage en soutien des travailleurs en lock-out de
US Steel et ont systématiquement isolé leur lutte de celles des travailleurs
de Postes Canada et d'Air Canada ainsi que celles d'autres travailleurs
faisant face au même genre de demandes de concession. De plus, les Métallos
ont dit à leurs membres des usines américaines de US Steel de continuer à
travailler, empêchant ainsi toute lutte conjointe contre le géant de l'acier
et faisant en sorte que l'entreprise puisse remplir ses commandes.
Abandonnés de la sorte, les travailleurs de Hamilton ont voté à
contrecoeur en octobre dernier, soit après presque un an sur les piquets de
grève, pour accepter un contrat négocié et approuvé par le syndicat des
Métallos qui accédait presque à toutes les demandes de US Steel.
Pour les syndicats et les dirigeants du NPD, la pratique de la « journée
d’action » vieille de deux décennies est un alibi pour l’inaction, soit un
mécanisme pour supprimer la lutte des classes et détourner les travailleurs
vers des appels futiles à ces mêmes politiciens qui mettent en œuvre le
programme de la grande entreprise.
À la « journée d’action » d’aujourd’hui en soutien aux travailleurs de
Caterpillar/Electro-Motive, le syndicat et les bureaucrates du NPD vont
exhorter les travailleurs, comme ils l’ont fait à Hamilton il y a un an, à
concentrer leurs énergies à faire pression sur le gouvernement conservateur
Harper afin qu’il change la Loi sur Investissement Canada et rende le
processus par lequel les acquisitions étrangères sont approuvées par le
gouvernement « plus transparent ».
Et ce, même si Harper dirige l’assaut de la grande entreprise sur les
droits et conditions de vie des travailleurs et que le mois dernier son
gouvernement a abandonné une poursuite contre US Steel pour avoir violé les
garanties d’emploi aux anciennes installations de Stelco à Hamilton.
Les appels à Harper ne sont pas qu’une diversion. Ils font partie
intégrante de la promotion par le syndicat et le NPD du nationalisme
canadien réactionnaire. Opposés à unir les travailleurs à travers l’Amérique
du Nord et internationalement contre toutes concessions et en défense de
tous les emplois, les bureaucrates appellent pour la défense des « emplois
canadiens » et promeuvent le mensonge que les entreprises canadiennes sont
moins impitoyables et exploitantes que les sociétés étrangères.
Dans chaque pays, les dirigeants syndicaux et les politiciens
sociaux-démocrates ont promu les mêmes idées réactionnaires, appelant pour
la défense des emplois « américains » ou « britanniques », et servant ainsi
les intérêts de l'employeur en opposant les travailleurs les uns aux autres.
Ces appels ont invariablement servi comme prétexte et couverture au rôle des
syndicats dans la mise en œuvre de la restructuration des entreprises, dans
l’imposition de concessions et de suppressions d’emplois, et ce, dans le but
de maintenir la « compétitivité », c’est-à-dire la profitabilité de « nos »
entreprises.
Un autre thème majeur des discours des dirigeants néo-démocrates et
syndicaux au ralliement d’aujourd’hui sera d’exhorter les travailleurs à
faire appel au gouvernement libéral de l'Ontario afin qu’il adopte un projet
de loi anti briseurs de grève. Et ce, peu importe si le premier ministre
ontarien Dalton McGuinty a répété que son gouvernement ne le ferait jamais,
a rendu illégal les grèves des travailleurs du Toronto Transit Commission,
et s’apprête à imposer des coupes massives dans les dépenses sociales.
L’appel fait par les politiciens du NPD pour des lois anti briseurs de
grève est particulièrement cynique et hypocrite parce que partout où le NPD
a pris le pouvoir dans la dernière décennie (en Nouvelle-Écosse, au Manitoba
et en Saskatchewan), il a refusé de bannir le recours à des briseurs de
grève et a plutôt mis en oeuvre un programme de droite en réduisant les
dépenses sociales et en abaissant les impôts des entreprises.
Pour que l’histoire ne se répète pas, pour que la lutte courageuse et
contre les concessions des travailleurs d'Electro-Motive ne soit pas vaine,
ceux-ci doivent arracher le contrôle de cette lutte aux syndicats et au NPD
et rejeter leur programme nationaliste et procapitaliste qui mène à la
faillite.
Le syndicat des TCA a fait des concessions majeures dans la dernière
convention collective d’Electro-Motive, des concessions qui ont permis à la
compagnie de stimuler la productivité de 20 pour cent et de forcer plusieurs
travailleurs plus anciens à prendre leur retraite. De plus, la direction
nationale des TCA a récemment offert de faire d’autres concessions, si
seulement l'employeur accepte de revenir à la table de négociation. Tous les
discours enflammés du président des TCA, Ken Lewenza, et des autres
bureaucrates du syndicat sont de la poudre aux yeux servant à désarmer
politiquement les travailleurs d’Electro-Motive et leurs rangs de plus en
plus importants de partisans.
Voilà la vérité toute nue, et de plus en plus de travailleurs sont d'avis
que cette évaluation est tout à fait exacte.
Dans une déclaration publiée à la manifestation d’aujourd’hui, le Parti
de l’égalité socialiste déclare :
« Les travailleurs d’Electro-Motive doivent former des comités de la base
menés par les travailleurs militants les plus fiables afin d’organiser leurs
luttes indépendamment du syndicat des TCA et de coordonner des actions
conjointes, comme des manifestations, des grèves et des occupations, avec
les travailleurs à travers l’Amérique du Nord dont les emplois, les
retraites et les conditions de vie sont menacés par les demandes de
concessions des employeurs et par les programmes d’austérité qui sont mis de
l’avant par les gouvernements de toutes les tendances politiques.
Des actions militantes et industrielles de la sorte, même si elles sont
essentielles pour développer une contre-offensive de la classe ouvrière,
vont amener des gains durables seulement si elles sont conçues comme une
lutte politique contre les partis, les gouvernements et tout l’appareil
d’État qui défendent l’exploitation capitaliste et l’inégalité sociale. Pour
défaire la grande entreprise, les travailleurs ont besoin de leur propre
parti politique qui vise l’établissement d’un gouvernement ouvrier et la
nationalisation des entreprises comme Caterpillar afin de les transformer en
services publics contrôlés démocratiquement par la classe ouvrière et
dirigés dans l’intérêt de la société dans son ensemble. »
(Article original paru le 21 janvier 2012)