Perspectives

La crise sociale aux Etats-Unis et les élections de 2012

Depuis trois ans et demi que dure la crise économique, les conditions de vie auxquelles des millions de gens sont confrontés aux Etats-Unis sont désastreuses. Quel que soit le discours sur la « reprise » économique, la pauvreté, le chômage perpétuel, des niveaux d'endettement extrêmes imprègnent la société américaine.

Une étude récente a brossé un portrait peu reluisant de conditions rappelant, dans une grande partie du pays, celles existant dans le « tiers monde ». Selon cette étude, pour ce qui est de l’espérance de vie, dans de nombreuses régions les enfants en âge préscolaire peuvent s’attendre à ne pas vivre plus longtemps que les enfants vivant dans les pays les plus appauvris du tiers monde. Dans des centaines de comtés, ces taux n’ont soit présenté aucun signe d’amélioration soit se sont dégradés.

L’Institute for Health Metrics Metrics and Evaluation (IHME), sis à l’université de Washington, a rassemblé des données sur chaque comté aux Etats-Unis, calculant l’espérance de vie chaque année entre 1989 et 2009 et comparant l’espérance de vie à celle existant dans d’autres pays du monde. Il ne fait guère de doute que les conditions de vie dans de nombreuses régions où l’espérance de vie est la plus basse, sont pires aujourd'hui qu'en 2009, dernière date comprise dans l'étude.

Les constatations de l’institut sont alarmantes pour deux raisons. Non seulement les améliorations de l’espérance de vie aux Etats-Unis traînent derrières celles existant en Europe occidentale, en Scandinavie, en Australie, au Japon et ailleurs, mais il y a de grandes disparités d’un comté à l’autre quant à la durée de vie potentielle des Américains – avec des écarts pouvant parfois aller jusque 16 ans.

En 2009, l’espérance de vie des hommes américains était de 76,2 ans, soit une augmentation de 4,6 ans depuis 1989. L’espérance de vie des femmes n’avait augmenté que de 2,7 ans durant la même période, pour atteindre 81,3 ans. Mais, William Heisel de l’IHME a expliqué que ces modestes changements n’étaient « pas une amélioration notable. C’est encore bien loin derrière les pays où l'espérance de vie est la plus élevée. »

L'espérance de vie d'un enfant né en 2009 varie fortement selon son lieu de naissance. Dans le comté de Marin, en Californie, avec un revenu médian des ménages de 91.792 dollars US (69.915 euros) en 2009, les hommes peuvent espérer vivre jusque 81,6 ans. Mais, dans les comtés de Quitman et de Tunica dans l’Etat du Mississipi, l’espérance de vie des hommes est d’à peine 66 ans – la même qu’au Pakistan. En 2009, le revenu médian des ménages était dans ces deux pays respectivement de 24.491 dollars US (18.659 euros) et de 27.218 dollars US (20.737 euros).

Alors que dans le comté de Collier, en Floride, l’espérance de vie des femmes était de 85,8 ans en 2009, les femmes à McDowell, en Virginie-Occidentale, ne pouvaient espérer vivre que 74 ans, à peu près le même nombre d’années qu’en Algérie. Une fois de plus, la différence d’espérance de vie correspond à une différence dans le revenu médian des ménages – 52.988 dollars US (40.302 euros) à Collier et 21.474 dollars US (16.333 euros) à McDowell.

Dans la région métropolitaine de Kansas City, les comparaisons de l’espérance de vie par comté montre une fracture sociale grandissante. Le département de Santé de Kansas City dans le Missouri a recensé l’espérance de vie au moyen du code postal des villes et a trouvé une espérance de vie de 85 ans et une autre de seulement 69 ans – soit une différence stupéfiante de 16 ans.

L’étude de l’IHME montre que les plus importants facteurs de disparités liées à la santé – et donc des causes évitables de décès – comprennent l’abus de tabac, un fort taux de cholestérol, la tension artérielle, l’obésité et l’abus d’alcool. De tels décès, toutefois, ne sont « évitables » que dans la mesure où le système de santé fonctionne pour éviter ces problèmes de santé en premier lieu et où il existe une intervention médicale correcte pour les traiter s'ils surviennent.

En fait, l’extrême pauvreté, le stress lié aux conditions de travail, la perte d'emploi, les saisies immobilières et l’endettement grandissant des ménages sont des facteurs qui contribuent à la détérioration de la santé pour de millions de familles américaines – une situation qui s’est aggravée suite à la récession. Comme le WSWS le documente dans sa série « Hunger stalks America, » un Américain sur six – soit quelque 500 millions de personnes – ne mangent pas à leur faim et sont plus nombreux que jamais à se tourner vers les banques alimentaires.

Face à ce qu'on ne peut que qualifier de crise de la santé, les Américains se sont rendus moins souvent chez le médecin l’année dernière, une baisse de près de 5 pour cent par rapport à 2010, étant donné qu’un grand nombre de personnes ont du mal à payer les soins de santé. Les prescriptions médicales ont aussi diminué (Voir « Americans cut back on doctor visits, prescriptions »). Ceci est dû en grande partie au fait que suite au chômage de longue durée, les travailleurs et leur famille perdent l’assurance-santé financée par l’employeur.

Il est frappant de voir que cette crise sociale massive révélée par ces chiffres n’est même pas mentionnée dans la campagne présidentielle de 2012 des deux partis patronaux. Une pauvreté généralisée, le chômage et des conditions de vie qui se détériorent pour la grande majorité des Américains – sont tout simplement, pour ce qui est de l’establishment politique, des questions non prioritaires.

Jadis, la classe dirigeante se sentait obligée au moins de reconnaître la pauvreté de masse et le chômage, ne serait-ce que de manière très limitée. La « Guerre contre la pauvreté » initiée par le président Lyndon Johnson dans son discours sur l’état de l’Union en 1964 – qui avait finalement débouché sur l’instauration de Medicare, Medicaid et d’autres réformes – apparaît comme un phénomène étrange dans le climat politique actuel. Elle a été remplacée par une guerre contre ces mêmes programmes alors que les candidats à la présidentielle rivalisent pour être le candidat préféré de l’élite financière.

Le soi-disant « débat » entre les deux grands partis patronaux est en fait une escroquerie. Qu'importe celui qui l'emporte, la classe dirigeante est en train de préparer une attaque contre les programmes sociaux, y compris les soins de santé et qui ira au-delà des mesures appliquées jusqu'ici. Les démocrates du congrès ont signalé qu’après les élections, ils commenceront l’élaboration d’une loi visant à réduire le budget et qui pourrait réduire considérablement le déficit fédéral de plus de 5 milliers de milliards de dollars sur dix ans.

S’opposant à cette politique, le Socialist Equality Party (SEP, Parti de l’Egalité socialiste, USA) met en avant un programme pour la défense des intérêts de la classe ouvrière. Nous disons que le seul moyen de défendre les emplois et le niveau de vie – et de lutter contre l’accroissement de la pauvreté et l’explosion de l’inégalité sociale – est de lutter pour un programme socialiste. L’une des premières tâches d’un gouvernement ouvrier fondé sur ce programme sera de mettre un terme à la pauvreté et à l’inégalité des revenus.

La tâche est de mettre en place, à l’échelle mondiale, une société dans laquelle les questions déterminant l’organisation et le fonctionnement de l’économie ne sont pas les intérêts spéculatifs d’une aristocratie financière parasitaire, mais les besoins fondamentaux de la classe ouvrière. Ceci requiert que la classe ouvrière prenne le pouvoir politique et place les forces économiques de la société sous contrôle démocratique et conformément à un plan d’action scientifique.

Le SEP présente Jerry White comme candidat à la présidence et Phyllis Scherrer à la vice-présidence dans le but de construire un mouvement populaire de masse au sein de la classe ouvrière pour s’opposer aux deux partis patronaux et au système de profit qu’ils défendent. Nous invitons tous les travailleurs et les jeunes à étudier notre programme et à prendre la décision d’adhérer au Socialist Equality Party.

(Article original paru le 4 mai 2012)

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