Comment le NPD contribue à la répression de la grève des étudiants québécois et à la consolidation de Harper

Le parti social-démocrate canadien, le NPD a déclaré sa « neutralité » dans la lutte entre les étudiants du Québec et le gouvernement libéral de la province et n'a pas dit un mot concernant la loi 78, une législation draconienne qui criminalise la grève de quatre mois des étudiants et qui restreint fortement le droit de manifester partout au Québec et sur n'importe quel sujet.

Le dirigeant fédéral du NPD, Thomas Mulcair a cherché à justifier le refus du NPD de soutenir les étudiants en grève et de les défendre de la répression d'Etat en faisant observer que l'éducation est, selon la constitution canadienne, une affaire qui dépend de la province et en arguant que le NPD doit de toute façon se concentrer sur le combat contre le gouvernement fédéral conservateur.

C'est absurde.

Y a-t-il l'ombre d'un doute que Stephen Harper et son gouvernement conservateur se tiennent fermement aux côtés du gouvernement libéral du Québec dans cette bataille? Et peut-on prétendre que si Jean Charest et son gouvernement libéral réussissent à briser la grève des étudiants, les gouvernements et les patrons de la côte Est à la côte Ouest n'invoqueront pas la défaite des étudiants pour intimider et menacer ceux qui s'opposent à leurs attaques contre les services publics et contre le niveau de vie et les droits des travailleurs?

Même du point de vue juridique le plus étroit, il est clairement établi que la loi 78 a d'énormes implications pour le Canada tout entier, créant un précédent juridique glaçant pour de nouvelles attaques contre la classe ouvrière et les droits démocratiques.

En refusant de soutenir les étudiants ou même de se prononcer contre la loi 78, le NPD, parti des syndicats du Canada anglophone, joue un rôle pivot visant à empêcher la classe ouvrière de l'ensemble du Canada à venir soutenir les étudiants, et donc à les laisser affronter seuls le gouvernement libéral, les tribunaux et la police. Ceci renforce non seulement Charest, mais Harper et son gouvernement, car ces derniers sont en train d'appliquer ce même programme de la classe dirigeante.

L'augmentation de 82 pour cent des frais de scolarité universitaires, mise en place par les libéraux, fait partie de toute une batterie de mesures d'austérité: des coupes dans les dépenses sociales, des impôts régressifs, des frais nouveaux et en augmentation pour les usagers, la promotion des soins médicaux privés et l'imposition du principe de faire payer les usagers des services publics. Les conservateurs, durant les six derniers mois, ont imposé un nouvel arrangement concernant les soins de santé et ayant pour but de rendre Medicare non viable, ont élevé l'âge de départ à la retraite, ont changé les règles de l'assurance-emploi de telle façon que les travailleurs peuvent être contraints d'accepter une baisse de salaire de 30 pour cent. Ils ont également détruit la réglementation concernant l'environnement.

De plus, en criminalisant la grève des étudiants, le gouvernement de la ville de Québec, prenait exemple sur Ottawa. A maintes reprises au cours de l'année dernière, le gouvernement Harper a eu recours à une législation d'urgence pour rendre illégales les grèves et retirer aux travailleurs leurs droits de négociations collectives. Ceux qui ont été ciblés sont les travailleurs de Canada Post, Air Canada et Canadian Pacific Railways.

Soulignant le soutien des patrons pour le gouvernement Charest, les médias capitalistes de par le Canada ont produit une flopée d'éditoriaux et de commentaires diffamatoires qui accusent les étudiants d'être « égoïstes » à vouloir soutenir que l'éducation devrait être un droit social, et qui régurgitent les calomnies du gouvernement du Québec sur la « violence » des étudiants.

 

 

Il n'est absolument pas surprenant, mais tout de même important de signaler, que l'ancien mentor de Harper, l'ancien dirigeant du Parti de la Réforme Preston Manning, ait récemment publié un commentaire dans le Globe and Mail où il désignait la grève des étudiants comme preuve que le Canada « commence à montrer des symptômes de 'la maladie grecque'. » Il définit ceci comme étant le refus de la population d'accepter que les « droits sociaux de la population (notamment l'éducation, la santé et les retraites) ne sont pas viables.

La classe dirigeante de par le Canada est déterminée à éradiquer la grève des étudiants, et dans ce but, a applaudi la loi 78, car elle reconnaît que cette grève menace ses efforts pour placer le fardeau de la crise capitaliste sur le dos de la classe ouvrière. Ceci entraîne, comme l'illustrent les commentaires de Manning et les actions du gouvernement de Charest et Harper, le démantèlement des services publics et la destruction de tous les acquis obtenus par la classe ouvrière au cours des luttes sociales convulsives du siècle dernier.

Le NPD soutenu par les syndicats a refusé de soutenir la grève des étudiants et a maintenu un silence complice sur la loi 78 parce que, comme le reste de l'establishment politique, il considère la grève des étudiants comme une menace dangereuse à la mise en place des mesures d'austérité nécessaires au maintien de la compétitivité, c'est à dire de la profitabilité, des grandes entreprises canadiennes. Sa plus grande inquiétude est que la grève devienne le catalyseur de l'éruption d'une contre-offensive de la classe ouvrière contre les mesures d'austérité poursuivies par les gouvernements, à tous les niveaux, de par le canada et les efforts du patronat pour abaisser les salaires et supprimer les emplois.

Tandis que le NPD travaille à isoler la grève des étudiants, en Ontario, avec le total soutien des syndicats, il s'est entendu avec la minorité du gouvernement libéral de la province pour permettre que soit voté un budget comprenant des mesures d'austérité brutales, proches de celles mises en place par Charest et Harper. Celles-ci comprennent 15 milliards de dollars de coupes dans les dépenses pour les trois années à venir et de la baisse des salaires réels d'un million de travailleurs du secteur public.

Quant à la question de la juridiction de la province, ce n'est pas juste une mauvaise excuse pour se ranger du côté de la classe dirigeante canadienne contre les étudiants. Cela souligne le rôle tout à fait conscient joué par le NPD pour diviser la classe ouvrière. La majorité de la délégation parlementaire du NPD vient du Québec. Lors de l'élection fédérale de 2011 les travailleurs de l'unique province canadienne majoritairement francophone ont massivement rejeté les partis de l'establishment traditionnel, pro-fédéralistes et pro-indépendance du Québec, et se sont tournés vers le NPD peu connu dans une tentative confuse d'aller vers les autres Canadiens pour s'opposer au virage toujours plus droitier de la politique de l'élite canadienne. Un an plus tard, le NPD et ses alliés des syndicats sont en train d'isoler la grève des étudiants et le mouvement de masse contre la loi 78, contribuant de ce fait à consolider la division entre les travailleurs du Québec et ceux du Canada anglophone, division que la bourgeoisie a toujours encouragée et manipulée de façon à diviser la classe ouvrière et à assurer son pouvoir.

Le rôle auxiliaire joué par le NPD dans la campagne de l'élite dirigeante visant à briser la grève des étudiants doit servir d'avertissement à tous les travailleurs. La classe ouvrière ne pourra lutter contre le programme de guerre des classes du patronat et de ses représentants politiques du gouvernement libéral du Québec et du gouvernement fédéral conservateur que si elle rompt politiquement et du point de vue organisationnel avec les syndicats et le NPD et construit de nouvelles organisations de lutte, avant tout un parti socialiste de masse, engagé à résoudre la crise économique aux dépens des capitalistes et non des travailleurs.

(Paru en anglais le 15 juin 2012)

 

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